Journal en français facile 23 mars 2019
Adrien Delgrange : RFI 20h temps universel, 21h à Paris. Place au Journal en franças facile, je suis ce soir avec Zéphyrin Kouadio pour vous le présenter. Bonsoir Zéphyrin.
Zéphyrin Kouadio : Bonsoir Adrien bonsoir à tous.
AD : Au sommaire de cette édition. En Syrie, la chute de Baghouz dernier fief du groupe État islamique, est-ce pour autant la fin de Daesh ? De nombreux dirigeants internationaux restent prudents. De très nombreux mort au Mali. Des individus armés ont tué plus d'une centaine d'Homme et de femmes appartenant à la communauté Peuls. Des déclarations d'amour à l'Union européenne, beaucoup de Britanniques se sont rassemblés à Londres pour dire non au Brexit. En France les Gilets jaunes ! Moins de casses que samedi dernier des affrontements sont à noter à Montpellier- Bordeaux et Nice. Voilà pour les titres, soyez les bienvenues.
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ZK : « Baghouz a été libérée. La victoire militaire sur Daech a été remportée », écrit sur Twitter Mustafa Bali, porte-parole des FDS.
AD : Le groupe État islamique (EI) a perdu son dernier bastion syrien à Baghouz déclare aujourd'hui les Forces démocratiques syriennes, l'alliance arabo-kurde soutenue par les Occidentaux. La prise de ce dernier bastion de Baghouz était prévisible même s'il a fallu de longues semaines de violents combats, menés par les FDS pour y parvenir. Cette ultime bataille clôt un chapitre : celui de l'ascension, de la progression puis de la chute du groupe État islamique. Nicolas Falez.
Alors que la guerre civile fait rage en Syrie, une organisation jihadiste commence à faire parler d'elle en 2013 : l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL parfois appelé « Daesh », l'acronyme de son nom en arabe) dont les combattants, souvent étrangers, n'hésitent pas à s'en prendre aux groupes rebelles syriens qui luttent contre Bachar El Assad. Hégémonique et ultra-violente, l'EILL prend le contrôle de la ville syrienne de Raqqa, puis réalise une fulgurante percée en Irak en profitant du sentiment d'exclusion de la minorité sunnite irakienne. Juin 2014, les jihadistes hissent leur drapeau noir sur Mossoul, deuxième ville d'Irak, et dans une Mosquée de la ville un homme proclame l'établissement d'un « califat » sur cet immense territoire à cheval sur 2 pays. Le groupe se fait désormais appeler « État islamique » et son prétendu calife se nomme Abu Bakr AL Baghdadi. Dans les régions qu'il contrôle, l'EI fait régner la terreur : exécutions publiques, tortures, prises d'otages et esclavage sexuel (visant notamment la minorité Yezidie d'Irak). Dès 2014, une coalition internationale anti-jihadiste se forme, sous commandement américain, pour appuyer des forces locales au sol. Début 2015 à Kobané, les Kurdes syriens appuyés par la coalition infligent une première défaite au groupe jihadiste, mais il faudra plusieurs années de combat pour faire reculer l'organisation jihadiste dont le territoire sert à planifier et organiser des attentats, comme ceux de Paris en novembre 2015. Mossoul (Irak) et Raqqa (Syrie) les deux « capitales » du califat autoproclamé sont reprises en 2017. Cette année-là, l'Irak annonce la fin de la bataille sur son sol, mais elle se poursuit en Syrie jusqu'à ces dernières heures. Ces années de guerre anti-jihadiste ont coûté des milliers de vies y compris civiles et causé d'immenses destructions en Irak comme en Syrie.
ZK : Plusieurs responsables mondiaux ont salué la chute du groupe État islamique, tout en appelant à maintenir la vigilance face à la menace jihadiste.
AD : Les États-Unis disent « rester vigilants, prudents afin d'éradiquer, d'éliminer l'État islamique partout où il est actif », déclare le président Trump dans un communiqué. Pour Emmanuel Macron, « un danger majeur pour notre pays est éliminé. Mais la menace demeure et la lutte contre les groupes terroristes doit continuer ». Enfin la Première ministre britannique Theresa May déclare « la libération du dernier territoire détenu par Daech est une étape historique ».
ZK : Dans le centre du Mali, c'est un véritable massacre qui s'est produit ce samedi matin dans un village de la communauté peulh.
AD : Des assaillants habillés en chasseurs traditionnels ont tué plus de cent personnes dans la localité de Ogassagou. Et le bilan pourrait être encore plus lourd. À Bamako le récit de Serge Daniel.
Cheick Harouna Sankaré est le maire d'une commune du centre du Mali. Comme d'autres, bouleversé, il décrit la scène. Tôt ce samedi matin, des hommes armés débarquent dans le village d'Ogossagou, non loin de la ville de Bankass, « massacrant plusieurs dizaines de civils peuls ». Un autre élu donne des détails. Le chef de village, Amadou Belko Bari est « tué devant sa mère » qui sera, à son tour, « exécutée ». Un chef religieux local, Bara Sékou, a également « été tué ». Dans la furie, les assaillants n'épargnent personne… ni les femmes, ni les enfants, ni les jeunes, ni les vieillards, tous de la communauté peule. Et comme s'ils s'étaient bien préparés, alors qu'un groupe tuait sans discernement, un autre groupe d'assaillants habillés en chasseurs traditionnels mettait le feu aux cases. Dans le village d'Ogossagou, il y a également un endroit où étaient cantonnés les jeunes peuls armés, ex-jihadistes ou pas, qui souhaitaient intégrer le Processus désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR). Certains, parmi eux, ont perdu étagement la vie. Selon des sources concordantes, le dernier bilan fait état de plus de 100 morts.
AD : Noter par ailleurs que le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans a revendiqué l'attaque meurtrière de dimanche dernier contre un camp militaire du centre du pays. Elle l'attribue à l'une de ses branches, la katiba du Macina.
ZK : La Russie a-t-elle trafiqué la campagne présidentielle américaine de 2016 ?
AD : L'enquêteur spécial Robert Mueller a remis son rapport final au ministre de la Justice américaine sur les éventuelles ingérences russes et les accusations de collusion entre Moscou et l'équipe de campagne de Donal Trump. À l'heure actuelle, seule l'équipe de Robert Mueller et Bill Barr, le ministre de la Justice, en connaît le contenu.
ZK : Qui est ce Robert Mueller, ce personnage très discret qui, malgré les attaques de Donald Trump, est parvenu à mener à terme sa mission.
AD : Son portrait avec Romain Lemaresquier.
Robert Mueller est tout sauf un inconnu pour les Américains. Cet ancien officier des Marines, médaillé de guerre, a consacré toute sa vie au service de ses concitoyens. Tout l'inverse du président américain Donald Trump. Après avoir été avocat pendant quelques années, Robert Mueller devient procureur fédéral au milieu des années 80. Dès lors il acquiert une réputation de ténacité. Après une courte pause dans le domaine privé il revient au service de l'État en devenant numéro deux du ministère de la Justice sous la présidence de George Bush père. S'en suivra la direction du FBI, pendant 12 années. Robert Mueller, qui est inscrit en tant qu'électeur républicain, a servi des présidents de tout bord politique. En 2011 par exemple, alors que son mandat allait expirer, Barack Obama lui avait demandé de poursuivre sa mission encore deux ans, ce qui avait été approuvé par l'ensemble des sénateurs. Louée par la classe politique américaine pour son austérité, sa discrétion, sa droiture et sa ténacité, sa nomination pour diriger l'enquête sur les ingérences russes avait été saluée à l'époque par le camp démocrate. Il représente l'exact opposé de Donald Trump comme aiment à le rappeler ses proches. Mais ce n'est pas pour autant qu'il aura mené une enquête à charge, comme l'a démontré la carrière sans accroc qu'il a su mener jusqu'à présent.
ZK : En France, le nouveau dispositif des forces de l'ordre à l'épreuve des Gilets jaunes.
AD : Difficile encore cette heure-ci de faire un bilan. Il y a eu des affrontements entre manifestants et force de l'ordre à Nice, Lyon, Montpellier et Nice. Dans tout le pays le ministère de l'Intérieur parle de 40 000 manifestants et pour ce 19e samedi consécutif la force sentinelle, autrement dit l'armée a été mobilisée.
ZK : Place au mot de l'actu et c'est le mot « Sentinelle » que vous avez retenu Yvan Amar.
La force Sentinelle a été requise aujourd'hui pour appuyer le dispositif de maintien de l'ordre assuré par les forces de police. Et ce qu'on appelle la force Sentinelle est constitué par les militaires chargés de l'opération du même nom. Cela date donc de janvier 2015, plusieurs attentats terroristes en France. Et cette opération Sentinelle venait renforcer un dispositif déjà existant, Vigipirate. Ce ne sont pas vraiment des noms de code : ils sont aussi destinés à rassurer le public. Et sentinelle et vigie revoient à peu près à la même idée, et à une figure de guetteur : celui qui prévient le danger, qui l'aperçoit avant qu'il soit trop tard, et qui permet qu'on le maîtrise. La vigie, sur un bateau, ou sur une côte, elle veille, elle surveille. Les mots sont de la même famille. Et la sentinelle, elle aussi, elle fait le guet. C'est ainsi qu'on appelle par exemple les soldats qui sont en faction, c'est-à-dire qui sont postés à l'entrée des bâtiments officiels, ou des endroits sensibles. Pour vérifier qui entre, pour préserver la sécurité, pour alerter s'il y a du danger. Des mots donc assez intelligemment choisis, puisqu'il n'évoque pas une répression, ni même une hostilité, mais une possibilité de réagir avant une attaque ou une agression. Et on a là les deux sens du verbe prévenir : avertir, informer de quelque chose qui s'est passé, ou même souvent qui va se passer, qui set sur le point de se passer. Mais aussi empêcher que quelque chose se passe parce que justement on s'aperçoit à temps de ce qui va arriver et qu'on stoppe cette évolution. Et c'est bien ce qui a conduit les pouvoirs publics à nommer ainsi les forces d'intervention qui étaient jusqu'à maintenant spécialisées dans la lutte contre le terrorisme.