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Le Grand Meaulnes, Le Grand meaulnes - troisième partie - chapitre 10 - Conversation sous la pluie

Le Grand meaulnes - troisième partie - chapitre 10 - Conversation sous la pluie

Le mois d'août, époque des vacances, m'éloigna des Sablonnières et de la jeune femme. Je dus aller passer à Sainte-Agathe mes deux mois de congé. Je revis la grande cour sèche, le préau, la classe vide... Tout parlait du grand Meaulnes. Tout était rempli des souvenirs de notre adolescence déjà finie. Pendant ces longues journées jaunies, je m'enfermais comme jadis, avant la venue de Meaulnes, dans le cabinet des archives, dans les classes désertes. Je lisais, j'écrivais, je me souvenais... Mon père était à la pêche au loin. Millie dans le salon cousait ou jouait du piano comme jadis... Et dans le silence absolu de la classe, où les couronnes de papier vert déchirées, les enveloppes des livres de prix, les tableaux épongés, tout disait que l'année était finie, les récompenses distribuées, tous attendais l'automne, la rentrée d'octobre et le nouvel effort--je pensais de même que notre jeunesse était finie et le bonheur manqué; moi aussi j'attendais la rentrée aux Sablonnières et le retour d'Augustin qui peut-être ne reviendrait jamais... Il y avait cependant une nouvelle heureuse que j'annonçai à Millie, lorsqu'elle se décida à m'interroger sur la nouvelle mariée. Je redoutais ses questions, sa façon à la fois très innocente et très maligne de vous plonger soudain dans l'embarras, en mettant le doigt sur votre pensée la plus secrète. Je coupai court à tout en annonçant que la jeune femme de mon ami Meaulnes serait mère au mois d'octobre. A part moi, je me rappelai le jour où Yvonne de Galais m'avait fait comprendre cette grande nouvelle. Il y avait eut un silence; de ma part, un léger embarras de jeune homme. Et j'avais dit tout de suite, inconsidérément, pour le dissiper songeant trop tard à tout le drame que je remuais ainsi: "Vous devez être bien heureuse?" Mais elle, sans arrière-pensée, sans regret, ni remords, ni rancune, elle avait répondu avec un beau sourire de bonheur: "Oui, bien heureuse". Durant cette dernière semaine des vacances, qui est en général la plus belle et la plus romantique, semaine de grandes pluies, semaine où l'on commence à allumer les feux, et que je passais d'ordinaire à chasser dans les sapins noirs et mouillés du Vieux-Nancay, je fis mes préparatifs pour rentrer directement à Saint-Benoist-des-Champs. Firmin, ma tante Julie et mes cousines du Vieux-Nancay m'eussent posé trop de questions auxquelles je ne voulais pas répondre. Je renonçai pour cette fois à mener durant huit jours la vie enivrante de chasseur campagnard et je regagnai ma maison d'école quatre jours avant la rentrée des classes. J'arrivai avant la nuit dans la cour déjà tapissée de feuilles jaunies. Le voiturier parti, je déballai tristement dans la salle à manger, sonore et "renfermée" le paquet de provisions que m'avait fait maman... Après un léger repas du bout des dents, impatient, anxieux, je mis ma pèlerine et partis pour une fiévreuse promenade qui me mena tout droit aux abords des Sablonnières. Je ne voulus pas m'y introduire en intrus dès le premier soir de mon arrivée. Cependant, plus hardi qu'en février, après avoir tourné tout autour du Domaine où brillait seule la fenêtre de la jeune femme, je franchis, derrière la maison, la clôture du jardin et m'assis sur un banc, contre la haie, dans l'ombre commençante, heureux simplement d'être là, tout près de ce qui me passionnait et m'inquiétait le plus au monde. La nuit venait. Une pluie fine commençait à tomber. La tête basse, je regardais, sans y songer, mes souliers se mouiller peu à peu et luire d'eau. L'ombre m'entourait lentement et la fraîcheur me gagnait sans troubler ma rêverie. Tendrement, tristement, je rêvais aux chemins boueux de Sainte-Agathe, par ce même soir de septembre; j'imaginais la place pleine de brume, le garçon boucher qui siffle en allant à la pompe, le café illuminé, la joyeuse voiturée avec sa carapace de parapluies ouverts qui arrivait avant la fin des vacances, chez l'oncle Florentin... Et je me disais tristement: "Qu'importe tout ce bonheur, puisque Meaulnes, mon compagnon, ne peut pas y être, ni sa jeune femme..." C'est alors que, levant la tête, je la vis à deux pas de moi. Ses souliers, dans le sable, faisaient un bruit léger que j'avais confondu avec celui des gouttes d'eau de la haie. Elle avait sur la tête et les épaules un grand fichu de laine noire, et la pluie fine poudrait sur son front ses cheveux. Sans doute, de sa chambre, m'avait-elle aperçu par la fenêtre qui donnait sur le jardin. Et elle venait vers moi. Ainsi ma mère, autrefois, s'inquiétait et me cherchait pour me dire: "Il faut rentrer", mais ayant pris goût à cette promenade sous la pluie et dans la nuit, elle disait seulement avec douceur: "Tu vas prendre froid!" et restait en ma compagnie à causer longuement... Yvonne de Galais me tendit une main brûlante, et, renonçant à me faire entrer aux Sablonnières, elle s'assit sur le banc moussu et vert-de-grisé, du côté le moins mouillé, tandis que debout, appuyé du genou à ce même banc, je me penchais vers elle pour l'entendre. Elle me gronda d'abord amicalement pour avoir ainsi écourté mes vacances: "Il fallait bien, répondis-je, que je vinsse au plus tôt pour vous tenir compagnie. Il est vrai, dit-elle presque tout bas avec un soupir, je suis seule encore. Augustin n'est pas revenu..." Prenant ce soupir pour un regret, un reproche étouffé, je commençais à dire lentement: "Tant de folies dans une si noble tête! Peut-être le goût des aventures plus fort que tout..." Mais la jeune femme m'interrompit. Et ce fut en ce lieu, ce soir-là, que pour la première et la dernière fois, elle me parla de Meaulnes. "Ne parlez pas ainsi, dit-elle doucement, François Seurel, mon ami. Il n'y a que nous il n'y a que moi de coupable. Songez à ce que nous avons fait... "Nous lui avons dit: "Voici le bonheur, voici ce que tu as cherché pendant toute ta jeunesse, voici la jeune fille qui était à la fin de tous tes rêves!" "Comment celui que nous poussions ainsi par les épaules n'aurait-il pas été saisi d'hésitation, puis de crainte, puis d'épouvante, et n'aurait- il pas cédé à la tentation de s'enfuir! Yvonne, dis-je tout bas, vous saviez bien que vous étiez ce bonheur-là, cette jeune fille-là. --Ah! Soupira-t-elle. Comment ai-je pu un instant avoir cette pensée orgueilleuse. C'est cette pensée-là qui est cause de tout. "Je vous disais: "Peut-être que je ne puis rien faire pour lui". Et au fond de moi, je pensais: Puisqu'il m'a tant cherchée et puisque je l'aime il faudra bien que je fasse son bonheur". Mais quand je l'ai vu près de moi, avec toute sa fièvre, son inquiétude, son remords mystérieux, j'ai compris que je n'étais qu'une pauvre femme comme les autres... "Je ne suis pas digne de vous", répétait-il, quand ce fut le petit jour et la fin de la nuit de nos noces. "Et j'essayais de le consoler, de le rassurer. Rien ne calmait son angoisse. Alors j'ai dit: "S'il faut que vous partiez, si je suis venue vers vous au moment où rien ne pouvait vous rendre heureux, s'il faut que vous m'abandonniez un temps pour ensuite revenir apaisé près de moi, c'est moi qui vous demande de partir..." Dans l'ombre je vis qu'elle avait levé les yeux sur moi. C'était comme une confession qu'elle m'avait faite, et elle attendait, anxieusement, que je l'approuve ou la condamne. Mais que pouvais-je dire? Certes, au fond de moi, je revoyais le grand Meaulnes de jadis, gauche et sauvage, qui se faisait toujours punir plutôt que de s'excuser ou de demander une permission qu'on lui eût certainement accordée. Sans doute aurait-il fallu qu'Yvonne de Galais lui fit violence, et lui prenant la tête entre ses mains, lui dit: "Qu'importe ce que vous avez fait; je vous aime; tous les hommes ne sont-ils pas des pécheurs?" Sans doute avait-elle eu grand tort, par générosité, par esprit de sacrifice, de le rejeter ainsi sur la route des aventures... Mais comment aurais-je pu désapprouver tant de bonté, tant d'amour!... Il y eut un long moment de silence, pendant lequel, troublés jusques au fond du coeur, nous entendions la pluie froide dégoutter dans les haies et sous les branches des arbres. "Il est donc parti au matin, poursuivit-elle. Plus rien ne nous séparait désormais. Et il m'a embrassée, simplement, comme un mari qui laisse sa jeune femme, avant un long voyage..." Elle se levait. Je pris dans la mienne sa main fiévreuse, puis son bras, et nous remontâmes l'allée dans l'obscurité profonde. "Pourtant il ne vous a jamais écrit? Demandai-je. Jamais", répondit-elle. Et alors, la pensée nous venant à tous deux de la vie aventureuse qu'il menait à cette heure sur les routes de France ou d'Allemagne, nous commençâmes à parler de lui comme nous ne l'avions jamais fait. Détails oubliés, impressions anciennes nous revenaient en mémoire, tandis que lentement nous regagnions la maison, faisant à chaque pas de longues stations pour mieux échanger nos souvenirs... Longtemps jusqu'aux barrières du jardin dans l'ombre, j'entendis la précieuse voix basse de la jeune femme; et moi, repris par mon vieil enthousiasme, je lui parlais sans me lasser, avec une amitié profonde, de celui qui nous avait abandonnés...

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Le Grand meaulnes - troisième partie - chapitre 10 - Conversation sous la pluie Le Grand meaulnes - part three - chapter 10 - Conversation in the rain Le Grand meaulnes - terceira parte - capítulo 10 - Conversa à chuva

Le mois d'août, époque des vacances, m'éloigna des Sablonnières et de la jeune femme. The month of August, the time of the holidays, took me away from the Sablonnières and the young woman. Je dus aller passer à Sainte-Agathe mes deux mois de congé. I had to go to Sainte-Agathe for my two months of leave. Je revis la grande cour sèche, le préau, la classe vide... Tout parlait du grand Meaulnes. I saw the great dry court, the courtyard, the empty class ... Everything was about the great Meaulnes. Tout était rempli des souvenirs de notre adolescence déjà finie. Everything was filled with memories of our already finished adolescence. Pendant ces longues journées jaunies, je m'enfermais comme jadis, avant la venue de Meaulnes, dans le cabinet des archives, dans les classes désertes. During those long yellow days, I shut myself up as before, before the coming of Meaulnes, in the cabinet of the archives, in the deserted classes. Je lisais, j'écrivais, je me souvenais... Mon père était à la pêche au loin. I read, I wrote, I remembered ... My father was fishing away. Millie dans le salon cousait ou jouait du piano comme jadis... Et dans le silence absolu de la classe, où les couronnes de papier vert déchirées, les enveloppes des livres de prix, les tableaux épongés, tout disait que l'année était finie, les récompenses distribuées, tous attendais l'automne, la rentrée d'octobre et le nouvel effort--je pensais de même que notre jeunesse était finie et le bonheur manqué; moi aussi j'attendais la rentrée aux Sablonnières et le retour d'Augustin qui peut-être ne reviendrait jamais...  Il y avait cependant une nouvelle heureuse que j'annonçai à Millie, lorsqu'elle se décida à m'interroger sur la nouvelle mariée. ||||||||||||||||||||||||||||||||||sponged||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Millie in the living room sewed or played the piano as before ... And in the absolute silence of the class, where the torn green paper crowns, the envelopes of the price books, the sponged paintings, everything said that the year was over the rewards distributed, all were expecting autumn, the return of October, and the new effort - I also thought that our youth was over and happiness failed; I, too, was waiting for the return to the Sablonnières and the return of Augustine, who perhaps would never come back ... There was, however, a happy news that I announced to Millie when she decided to question me about the new bride. Je redoutais ses questions, sa façon à la fois très innocente et très maligne de vous plonger soudain dans l'embarras, en mettant le doigt sur votre pensée la plus secrète. |feared|||||||||||||||||||||||||||| I dreaded his questions, his very innocent and very malicious way of suddenly plunging you into embarrassment, putting your finger on your most secret thought. Je coupai court à tout en annonçant que la jeune femme de mon ami Meaulnes serait mère au mois d'octobre. I cut short while announcing that the young wife of my friend Meaulnes would be mother in the month of October. A part moi, je me rappelai le jour où Yvonne de Galais m'avait fait comprendre cette grande nouvelle. Besides me, I remembered the day when Yvonne de Galais had made me understand this great news. Il y avait eut un silence; de ma part, un léger embarras de jeune homme. There was a silence; on my part, a slight embarrassment of a young man. Et j'avais dit tout de suite, inconsidérément, pour le dissiper songeant trop tard à tout le drame que je remuais ainsi: "Vous devez être bien heureuse?" ||||||inconsiderately|||||||||||||were stirring|||||| And I had said right away, inconsiderately, to dispel it, thinking too late of all the drama that I was stirring like this: "You must be very happy?" Mais elle, sans arrière-pensée, sans regret, ni remords, ni rancune, elle avait répondu avec un beau sourire de bonheur: "Oui, bien heureuse". But she, with no ulterior motive, regret, remorse or resentment, answered with a beautiful smile of happiness: "Yes, very happy". Durant cette dernière semaine des vacances, qui est en général la plus belle et la plus romantique, semaine de grandes pluies, semaine où l'on commence à allumer les feux, et que je passais d'ordinaire à chasser dans les sapins noirs et mouillés du Vieux-Nancay, je fis mes préparatifs pour rentrer directement à Saint-Benoist-des-Champs. During this last week of holidays, which is usually the most beautiful and the most romantic week of heavy rains, week when we start to light the fires, and I usually spent hunting in the black and wet fir trees from Vieux-Nancay, I made my preparations to return directly to Saint-Benoist-des-Champs. Firmin, ma tante Julie et mes cousines du Vieux-Nancay m'eussent posé trop de questions auxquelles je ne voulais pas répondre. Firmin, Aunt Julie, and my cousins from Vieux-Nancay would have asked me too many questions that I did not want to answer. Je renonçai pour cette fois à mener durant huit jours la vie enivrante de chasseur campagnard et je regagnai ma maison d'école quatre jours avant la rentrée des classes. I gave up this time to lead the intoxicating life of a country hunter for eight days, and I returned to my school house four days before the start of the school year. J'arrivai avant la nuit dans la cour déjà tapissée de feuilles jaunies. I arrived before dark in the yard already covered with yellow leaves. Le voiturier parti, je déballai tristement dans la salle à manger, sonore et "renfermée" le paquet de provisions que m'avait fait maman... Après un léger repas du bout des dents, impatient, anxieux, je mis ma pèlerine et partis pour une fiévreuse promenade qui me mena tout droit aux abords des Sablonnières. ||||unpacked|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| The valet left, I unpacked sadly in the dining room, sounded and "locked up" the package of provisions that made me mom ... After a slight meal with the tips of my teeth, impatient, anxious, I put my pilgrim and left for a feverish walk that led me straight to the edge of the Sablonnières. Je ne voulus pas m'y introduire en intrus dès le premier soir de mon arrivée. I did not want to introduce myself as an intruder on the first evening of my arrival. Cependant, plus hardi qu'en février, après avoir tourné tout autour du Domaine où brillait seule la fenêtre de la jeune femme, je franchis, derrière la maison, la clôture du jardin et m'assis sur un banc, contre la haie, dans l'ombre commençante, heureux simplement d'être là, tout près de ce qui me passionnait et m'inquiétait le plus au monde. However, bolder than in February, after having turned all around the Domain where the window of the young woman shone, I crossed, behind the house, the fence of the garden and sat on a bench, against the hedge, in the beginning shadow, happy just to be there, close to what fascinated me and worried me the most in the world. La nuit venait. Night was coming. Une pluie fine commençait à tomber. A fine rain was beginning to fall. La tête basse, je regardais, sans y songer, mes souliers se mouiller peu à peu et luire d'eau. My head lowered, I watched, without thinking, my shoes get wet little by little and shine with water. L'ombre m'entourait lentement et la fraîcheur me gagnait sans troubler ma rêverie. The shadow surrounded me slowly and the freshness won me without disturbing my reverie. Tendrement, tristement, je rêvais aux chemins boueux de Sainte-Agathe, par ce même soir de septembre; j'imaginais la place pleine de brume, le garçon boucher qui siffle en allant à la pompe, le café illuminé, la joyeuse voiturée avec sa carapace de parapluies ouverts qui arrivait avant la fin des vacances, chez l'oncle Florentin... Et je me disais tristement: "Qu'importe tout ce bonheur, puisque Meaulnes, mon compagnon, ne peut pas y être, ni sa jeune femme..." C'est alors que, levant la tête, je la vis à deux pas de moi. Tenderly, sadly, I dreamed of the muddy paths of St. Agatha, on the same evening of September; I imagined the place full of mist, the butcher's boy whistling on the way to the pump, the illuminated coffee, the joyful car with its shell of open umbrellas that arrived before the end of the holidays at Uncle Florentin's house ... And I said to myself sadly: "What does all this happiness matter, since Meaulnes, my companion, can not be there, nor his young wife ..." That's when, raising my head, I saw it close to me. Ses souliers, dans le sable, faisaient un bruit léger que j'avais confondu avec celui des gouttes d'eau de la haie. His shoes, in the sand, made a slight noise that I had confused with that of the drops of water in the hedge. Elle avait sur la tête et les épaules un grand fichu de laine noire, et la pluie fine poudrait sur son front ses cheveux. She had on her head and shoulders a big black woolen fichu, and the fine rain would powder her hair on her forehead. Sans doute, de sa chambre, m'avait-elle aperçu par la fenêtre qui donnait sur le jardin. No doubt, from her room, she had seen me through the window overlooking the garden. Et elle venait vers moi. Ainsi ma mère, autrefois, s'inquiétait et me cherchait pour me dire: "Il faut rentrer", mais ayant pris goût à cette promenade sous la pluie et dans la nuit, elle disait seulement avec douceur: "Tu vas prendre froid!" So my mother once worried and was looking for me to say: "You have to go home", but having taken a liking to this walk in the rain and in the night, she said gently: "You'll get cold!" et restait en ma compagnie à causer longuement... Yvonne de Galais me tendit une main brûlante, et, renonçant à me faire entrer aux Sablonnières, elle s'assit sur le banc moussu et vert-de-grisé, du côté le moins mouillé, tandis que debout, appuyé du genou à ce même banc, je me penchais vers elle pour l'entendre. and remained in my company to talk at length. Yvonne de Galais handed me a burning hand, and, giving up the entrance to the Sablonnières, she sat down on the mossy and greyish bench, on the less wet side. While standing, leaning against the same bench, I leaned over to hear her. Elle me gronda d'abord amicalement pour avoir ainsi écourté mes vacances: "Il fallait bien, répondis-je, que je vinsse au plus tôt pour vous tenir compagnie. She scolded me at first friendly for having thus shortened my holidays: "It was necessary, I answered, that I come as soon as possible to keep you company. Il est vrai, dit-elle presque tout bas avec un soupir, je suis seule encore. It is true, "she said almost whispered with a sigh," I am alone again. Augustin n'est pas revenu..." Prenant ce soupir pour un regret, un reproche étouffé, je commençais à dire lentement: "Tant de folies dans une si noble tête! Augustine did not return ... "Taking this sigh for a regret, a reproach muffled, I began to say slowly:" So much foolishness in such a noble head! Peut-être le goût des aventures plus fort que tout..." Mais la jeune femme m'interrompit. Perhaps the taste of adventures stronger than anything ... "But the young woman interrupted me. Et ce fut en ce lieu, ce soir-là, que pour la première et la dernière fois, elle me parla de Meaulnes. And it was here, that night, that for the first and last time she told me about Meaulnes. "Ne parlez pas ainsi, dit-elle doucement, François Seurel, mon ami. Il n'y a que nous il n'y a que moi de coupable. It is only us, there is only me guilty. Songez à ce que nous avons fait... "Nous lui avons dit: "Voici le bonheur, voici ce que tu as cherché pendant toute ta jeunesse, voici la jeune fille qui était à la fin de tous tes rêves!" Think about what we did ... "We told him," Here is happiness, this is what you have been looking for throughout your youth, here is the girl who was at the end of all your dreams! " "Comment celui que nous poussions ainsi par les épaules n'aurait-il pas été saisi d'hésitation, puis de crainte, puis d'épouvante, et n'aurait- il pas cédé à la tentation de s'enfuir! "How could the one we were pushing by the shoulders not have been seized with hesitation, then with fear, then with horror, and would he not have yielded to the temptation to flee? Yvonne, dis-je tout bas, vous saviez bien que vous étiez ce bonheur-là, cette jeune fille-là. Yvonne, I whispered, you knew that you were that happiness, that girl. --Ah! Soupira-t-elle. She sighed. Comment ai-je pu un instant avoir cette pensée orgueilleuse. |||||||||proud How could I have for a moment had this proud thought? C'est cette pensée-là qui est cause de tout. It is this thought that is the cause of everything. "Je vous disais: "Peut-être que je ne puis rien faire pour lui". "I told you," Maybe I can not do anything for him. " Et au fond de moi, je pensais: Puisqu'il m'a tant cherchée et puisque je l'aime il faudra bien que je fasse son bonheur". And deep inside me, I thought: Since he has sought me so much and since I love him I will have to make his happiness. " Mais quand je l'ai vu près de moi, avec toute sa fièvre, son inquiétude, son remords mystérieux, j'ai compris que je n'étais qu'une pauvre femme comme les autres... "Je ne suis pas digne de vous", répétait-il, quand ce fut le petit jour et la fin de la nuit de nos noces. But when I saw her near me, with all her fever, her anxiety, her mysterious remorse, I realized that I was only a poor woman like the others ... "I'm not worthy of you, "he repeated, when it was the light of day and the end of the night of our wedding. "Et j'essayais de le consoler, de le rassurer. "And I tried to comfort him, to reassure him. Rien ne calmait son angoisse. Nothing calmed his anguish. Alors j'ai dit: "S'il faut que vous partiez, si je suis venue vers vous au moment où rien ne pouvait vous rendre heureux, s'il faut que vous m'abandonniez un temps pour ensuite revenir apaisé près de moi, c'est moi qui vous demande de partir..." So I said, "If you have to go, if I came to you when nothing could make you happy, if you have to give me time to come back to me, it's me who asks you to leave ... " Dans l'ombre je vis qu'elle avait levé les yeux sur moi. In the shadows I saw that she had looked up at me. C'était comme une confession qu'elle m'avait faite, et elle attendait, anxieusement, que je l'approuve ou la condamne. It was like a confession she had made me, and she was anxiously waiting for me to approve or condemn it. Mais que pouvais-je dire? But what could I say? Certes, au fond de moi, je revoyais le grand Meaulnes de jadis, gauche et sauvage, qui se faisait toujours punir plutôt que de s'excuser ou de demander une permission qu'on lui eût certainement accordée. Certainly, in the depths of myself, I saw again the great Meaulnes of former days, left and savage, who was always punished rather than excusing himself or asking permission which he would certainly have given him. Sans doute aurait-il fallu qu'Yvonne de Galais lui fit violence, et lui prenant la tête entre ses mains, lui dit: "Qu'importe ce que vous avez fait; je vous aime; tous les hommes ne sont-ils pas des pécheurs?" No doubt it would have been necessary for Yvonne de Galais to do violence to her, and taking her head in his hands, said to him: "What does it matter what you have done, I love you, are not all men sinners? " Sans doute avait-elle eu grand tort, par générosité, par esprit de sacrifice, de le rejeter ainsi sur la route des aventures... Mais comment aurais-je pu désapprouver tant de bonté, tant d'amour!... No doubt she had been wrong, out of generosity, out of a spirit of sacrifice, to reject him thus on the road of adventures ... But how could I have disapproved so much kindness, so much love! Il y eut un long moment de silence, pendant lequel, troublés jusques au fond du coeur, nous entendions la pluie froide dégoutter dans les haies et sous les branches des arbres. There was a long moment of silence, during which, troubled to the bottom of our hearts, we heard the cold rain dripping in the hedges and under the branches of the trees. "Il est donc parti au matin, poursuivit-elle. "So he left in the morning," she continued. Plus rien ne nous séparait désormais. Nothing separated us anymore. Et il m'a embrassée, simplement, comme un mari qui laisse sa jeune femme, avant un long voyage..." Elle se levait. And he kissed me, just like a husband who leaves his young wife, before a long journey ... "She stood up. Je pris dans la mienne sa main fiévreuse, puis son bras, et nous remontâmes l'allée dans l'obscurité profonde. I took in mine his feverish hand, then his arm, and we went up the driveway in deep darkness. "Pourtant il ne vous a jamais écrit? "Yet he never wrote you? Demandai-je. I asked. Jamais", répondit-elle. Never, "she replied. Et alors, la pensée nous venant à tous deux de la vie aventureuse qu'il menait à cette heure sur les routes de France ou d'Allemagne, nous commençâmes à parler de lui comme nous ne l'avions jamais fait. And so, the thought coming to us both from the adventurous life that he led at this time on the roads of France or Germany, we began to speak of him as we had never done. Détails oubliés, impressions anciennes nous revenaient en mémoire, tandis que lentement nous regagnions la maison, faisant à chaque pas de longues stations pour mieux échanger nos souvenirs... Longtemps jusqu'aux barrières du jardin dans l'ombre, j'entendis la précieuse voix basse de la jeune femme; et moi, repris par mon vieil enthousiasme, je lui parlais sans me lasser, avec une amitié profonde, de celui qui nous avait abandonnés... Details forgotten, old impressions came back to our memory, while slowly we returned to the house, making every step of long stations to better exchange our memories ... Long time to the barriers of the garden in the shade, I heard the precious low voice of the young woman; and I, resumed by my old enthusiasm, spoke to him without wearying him, with a deep friendship, of the one who had abandoned us ...