ASSIGNATION À RÉSIDENCE 2009-07-29
Le procès d'Aung San Suu Kyi reprend. On sait qu'on reproche à la dissidente birmane de ne pas avoir respecté les dispositions de l'assignation à résidence à laquelle elle est contrainte. Car c'est bien une peine à subir, à purger, que d'être « assigné à résidence ». De quoi s'agit-il en fait ? Ce n'est pas exactement un emprisonnement, et pourtant c'est une privation de liberté. Il s'agit de l'obligation faite à quelqu'un de résider en un lieu précis et de ne pas le quitter. Le périmètre de la résidence est quelque chose d'assez changeant : une maison, un quartier, une ville, une région… Il y a des degrés dans cette obligation. Et cette disposition n'est pas toujours exprimée comme une condamnation. Elle peut l'être, bien sûr, mais c'est parfois une mesure conservatoire, destinée à ce qu'une personne ne s'enfuie pas, ou que simplement on puisse la convoquer quand on veut. Ou bien cela sert à ce que l'assigné n'ait pas la possibilité de rencontrer ou d'être rencontré par qui bon lui semble. C'est donc une mesure d'isolement et d'immobilisation. Si le mot de « résidence » ne pose pas de problème, on peut se demander à quoi correspond cette « assignation ». Le verbe « assigner » a plusieurs sens, mais le plus courant correspond à peu près à attribuer. Si dans une classe, un professeur assigne des places aux élèves, c'est qu'il leur enjoint, qu'il leur demande de s'asseoir à tel ou tel endroit. Et ces places attribuées sont considérées comme fixes.
Ces distributions peuvent être de tous ordres, mais elles concernent le plus souvent des choses abstraites. Par exemple, on peut assigner une tâche à chacun. Mais attention, la nuance est un peu spéciale. Non seulement on a distribué les tâches, mais on les a imposées, on a donné des règles qu'on entend faire respecter. Il y a un pouvoir évident chez celui qui assigne.
Le verbe a également un sens tout différent lorsqu'il est construit de façon absolue, c'est-à-dire sans complément. Assigner quelqu'un, c'est le traduire en justice, l'attaquer, le faire comparaître. Pas de complément d'objet, donc, mais souvent un complément de lieu : on assigne quelqu'un au tribunal. Enfin, il faut mentionner un sens ancien tout à fait oublié. Assigner quelqu'un, en français classique, c'était lui permettre de toucher une certaine somme, une rente. Et à partir de cette expression, on en avait forgé d'autres assez pittoresques. Assigner quelqu'un sur les brouillards d'une rivière, c'était ne lui promettre que du vent, lui faire espérer des rentrées d'argent qu'il ne toucherait jamais. Pourquoi mentionner tout cela ? Parce que ces emplois permettent de comprendre l'apparition du mot « assignat » au XVIIIe siècle. Un assignat était un billet de valeur, indexé sur les biens nationaux, l'ancêtre de nos billets de banque, donc. Coproduction du Centre national de Documentation Pédagogique. http://www.cndp.fr/