PURISTE 2009-04-15
Avec la mort de Maurice Druon, c'est de façon très naturelle qu'on parle de la disparition d'un « puriste ». Le mot lui allait parfaitement et c'était d'ailleurs un qualificatif qu'il ne reniait pas. On sait que l'écrivain Maurice Druon appartenait depuis longtemps à l'Académie française, qu'il en a été Secrétaire perpétuel pendant une quinzaine d'années à partir de 1985 (il était depuis Secrétaire perpétuel honoraire), et qu'il a beaucoup combattu pour que les usages de la langue française restent conformes à un « bon usage » dont l'Académie française est souvent donnée comme garant, même si ce bon usage est en évolution constante : il est évident que le purisme d'aujourd'hui n'est pas celui du XVIIe siècle. Mais, on peut tenter de ralentir ces évolutions et c'était l'un des combats de Maurice Druon. Je viens de parler du purisme du XVII siècle : existait-il vraiment ? Parlait-on de « purisme » à l'époque ? Le mot existait, avec un sens qui n'était pas exactement celui d'aujourd'hui. On le voit apparaître en fait à la fin du XVIe siècle dans le vocabulaire de la religion : « le puriste » est un peu « le rigoriste », celui qui s'attache au moindre détail, qui veut que le rite soit respecté à la lettre, qu'il ne soit ni sous-estimé, ni modifié. « A la lettre », c'est d'ailleurs l'expression qui explique bien l'idée même du purisme : pas de changement dans ce qui se voit ou s'entend. Si on change quoi que ce soit à la forme, on a peur d'avoir trahi l'ensemble, on a peur que la signification se dérobe toute entière. On se rend bien compte que le mot dérive de « pur ». Mais dans cet usage religieux, le mot a été plus ou moins remplacé par « puritain », qui lui aussi porte l'idée d'une observation très stricte des préceptes : la règle est la règle. C'est à partir du XVIIe siècle que le mot va surtout s'appliquer à l'usage de la langue : la langue française, parlée par ceux qui savent la manier et s'érigent ainsi en juges de son emploi. Ce qui est tout à fait paradoxal, puisqu'on sait qu'un purisme doit donc reposer sur une grammaire écrite très précise, et que les grammaires de l'usage du français se remarquent d'abord par le nombre et la variété des exceptions qui sont prises en compte par rapport aux règles. Le purisme, c'est donc ne pas se tromper d'exception. Alors le mot est le plus souvent assez péjoratif : il est rare que ceux qui sont puristes s'en vantent, ou qu'en tout cas, ils utilisent ce mot – même si ça peut se trouver. Le puriste est en effet souvent considéré comme celui qui met un zèle excessif à défendre certaines pratiques, et surtout à en interdire d'autres. En effet il dit rarement « dîtes ceci », et beaucoup plus souvent « ne dîtes pas cela ». C'est aussi celui qui va considérer presque systématiquement que toute évolution du code est nocive, que tout changement est une perte, un éloignement de la tradition, un laisser-aller. Le purisme est donc essentiellement une moralisation de la façon de parler : bien parler c'est non seulement obéir aux règles, mais aussi bien vivre. A la limite, c'est penser que le bon usage de la langue correspond à une vertu, et le mauvais à un vice. Coproduction du Centre national de Documentation Pédagogique. http://www.cndp.fr/