RESCAPÉ 2009-07-03
Bahia à Paris ! La rescapée de la catastrophe aérienne est donc revenue en France dans l'avion du secrétaire d'État à la Coopération, Alain Joyandet. Et bien sûr, on parle de Bahia Bakari comme d'une « rescapée », et même comme d'une « miraculée » – ce sont les deux mots que j'ai entendus le plus souvent. Pourquoi « miraculée » ? Parce que sa survie tient du miracle. Et dans cet extrême malheur qui l'a frappée, elle a eu une chance, un courage et une force de caractère exceptionnels. Il y avait fort peu de chances pour qu'elle survive, et elle a survécu ! C'est ainsi qu'on appelle ceux qui se sortent d'une situation qu'on aurait pu donner pour perdue d'avance. On ne va pas dire que, si Bahia est encore vivante, c'est un vrai miracle, car cela s'explique. Mais on peut dire que ça tient du miracle, que c'est donc presque un miracle, que c'est comme un miracle. Souvent, d'ailleurs, on franchit le pas et on dit : « c'est un miracle », en supprimant le terme de comparaison « comme » ou « presque ». Un miraculé est donc celui qui n'est pas perdu, là où toutes les probabilités le donnaient pour perdu. C'est, par exemple, quelqu'un qui guérit d'une maladie réputée mortelle, ou qui se sort d'un accident qui n'aurait dû épargner personne. Le miraculé est donc le bénéficiaire du miracle.
Mais on parle également de Bahia en disant que c'est une « rescapée ». L'effet de sens est moins fort, mais on est dans la même logique. Et on parle bien souvent des rescapés d'un accident, d'un incendie. Ce sont ceux qui se sont sortis d'une situation très grave et très dangereuse. Ils ont échappé à la mort. Ils sont réchappés d'un accident. On voit que ces différents mots sont de la même famille, mais ils ont suivi des parcours phonétiques différents. En fait, la forme « rescapé » est au départ régionale. Elle appartient au langage picard, celui qui était parlé dans le nord de la France. Et au tout début du siècle dernier, en 1906, une terrible catastrophe a eu lieu dans la mine de Courrières : un coup de grisou tua 1 200 mineurs. On parla alors des « rescapés », suivant l'usage local. Les journalistes se sont emparés du mot, qui était inconnu du français courant, mais qui faisait couleur locale. Et ce terme s'est répandu en français standard, pour désigner ceux qui avaient échappé à un danger terrible. Les rescapés en étaient donc réchappés.
Quant au verbe « échapper », ou « s'échapper », il a lui-même une histoire étymologique étrange. Littéralement, il s'agit de sortir de sa chape, c'est-à-dire de son vêtement, de son manteau ou de sa capuche. Échapper à un ennemi, c'est donc au départ s'enfuir, en laissant dans les mains du poursuivant son manteau vide, se glisser hors de son habit qu'on laisse en gage. Coproduction du Centre national de Documentation Pédagogique. http://www.cndp.fr/