VOIE ROYALE 2009-11-26
« Strauss-Kahn sur la voie royale ? » C'est le titre de Libération d'hier. C'est une façon allusive de dire que Dominique Strauss-Kahn pourrait être candidat à l'élection présidentielle de 2012 en France. Comment en arrive-t-on là ? C'est bien sûr que la candidate de gauche lors de la dernière élection était Ségolène Royale. La voie royale est donc un calembour sur le nom de cette femme politique. Et ça évoque la voie empruntée par Ségolène Royale. Ou même la voie qu'aimerait bien emprunter Ségolène Royale pour la prochaine élection, mais sur laquelle elle pourrait être devancée, ou concurrencée par Dominique Strauss-Kahn.
Mais un calembour se fait d'autant plus comprendre qu'il joue sur des significations différentes. La voie royale n'est pas seulement celle de Ségolène, ni la simple voie du roi. C'est une expression usuelle qui signifie le chemin le plus prestigieux, le plus direct, le plus sûr. Il s'agit d'une expression toute faite, qui n'est pas si utilisée que ça, mais qui a un grand passé : on pense à une allée prestigieuse qui mène à un château de roi, et que l'on parcourt de façon rituelle, pour être vu plus que pour avancer.
Le sens figuré est ancien, et il a des lettres. Notamment en philosophie, cette image est souvent utilisée par désigner le parcours de l'esprit vers la connaissance. Kant, par exemple, souhaitait mettre la métaphysique, c'est-à-dire la connaissance philosophique par excellence, sur la voie royale de la science. En effet, la démarche scientifique semblait être le chemin de la connaissance par excellence, le modèle pour toute connaissance certaine. Et l'image est aujourd'hui employée de façon légèrement précieuse, mais comme un cliché du langage politique ou journalistique : le contrôle de l'appareil, du parti est la voie royale qui mène au pouvoir suprême.
L'image de la voie est de toute façon extrêmement fréquente. Le mot est encore employé de façon concrète, mais relativement technique. On parle de route à quatre voies par exemple, quatre pistes pour les voitures, quatre files possibles. On parle aussi souvent de voie ferrée, et dans ce contexte, le mot voie tout seul est parfois utilisé.
Mais le mot signifie surtout passage : il désigne la direction à prendre pour arriver à un certain but. Quand on dit par exemple « la voie est libre », cela signifie, parfois concrètement, souvent de façon plus abstraite, qu'il n'y a pas d'obstacle pour que j'essaie de faire ce que je désire faire.
La voie, c'est donc souvent le chemin, mais le chemin qui doit nécessairement conduire à un but, le plus souvent positif et valorisé : c'est un chemin qui a une direction. Et cette voie sert souvent à exprimer le moyen dont on s'y prend pour parvenir où on veut aller : la voie des urnes pour accéder au pourvoir, c'est-à-dire les élections). Ou au contraire la voie des armes, la lutte armée.
Coproduction du Centre national de Documentation Pédagogique. http://www.cndp.fr/