ZIZANIE 2009-11-06
« Zizanie en Sarkozie », c'est le titre qu'on trouve en une de Libération d'hier. Il s'explique d'abord par le goût de la rime et de la symétrie ; zizanie et Sarkozie finissent par la même voyelle, les deux mots ont le même nombre de syllabes et donnent une bonne place à la lettre « z » qui n'est pas la plus fréquente en français. Cela fait donc un titre accrocheur, mais cela ne nous explique pas ce qu'est la zizanie.
Le mot signifie mésentente, discorde, désaccord : on imagine le ton qui monte et les divergences de point de vue qui s'expriment de façon acerbe. Mais l'emploi du mot est plus précis et plus restrictif. Il s'agit d'un climat électrique dans un groupe qui, auparavant, s'entendait bien. Il s'agit d'une tension qui monte entre des gens qui à un moment ont fort bien cohabité, et soudain ça ne va plus, on voit les étincelles, on sent l'orage gronder : la zizanie est là.
Mais le plus souvent ce mot, qui n'est quand même pas si fréquent, s'emploie avec une forme précise : on parle de semer la zizanie. En général il y a quelqu'un pour la semer : quelques petites phrases, quelques allusions suffisent à dresser les gens les uns contre les autres, à attiser les jalousies. On met de l'huile sur le feu, ou du vinaigre sur les plaies, et on va aiguiser les agacements. Mais c'est parfois beaucoup moins volontaire, un sujet ou une question difficile peut semer la zizanie, et déterminer plusieurs camps là où tout le monde devrait être à peu près d'accord.
Mais l'important c'est bien cette image semer, qui indique qu'une petite cause, un petit mot peut faire naître de grandes querelles, de grandes dissensions, de grandes brouilles, comme une petite graine peut être à l'origine d'un grand arbre. L'image indique également le caractère indirect de ce processus : semer c'est faire un geste apparemment anodin, peu important, qui ne portera ses fruits, qui n'aura de conséquences que bien plu tard. Et puis il faut dire que la sonorité de ce mot se prête bien à sa signification. Une sonorité n'est jamais en soi un sens. Mais elle peut appuyer une signification, l'amplifier, lui rester associée. Et le double « z » qui marque ce mot fait certainement penser à cette onomatopée « ksss ksss » qu'on emploie pour qu'on attise le feu qui couve, qu'on souffle sur la braise.
Le plus étrange est que l'origine du mot peut endosser cette image végétale. La zizanie à l'origine zizania en latin, c'est simplement une mauvaise herbe, ce qu'on appelle parfois en langue savante l'ivraie. Et on sait que dans l'évangile, il est question de séparer le bon grain de l'ivraie, c'est-à-dire la mauvaise herbe. Mais allez-vous penser, la mauvaise herbe ne se sème pas justement ; elle pousse toute seule. Soit ! Cependant dans cette parabole de l'évangile, c'est le diable qui a semé cette ivraie au milieu du blé, pour qu'on ait tendance à les confondre. Le diable donc, au sens propre, sème la zizanie.
Coproduction du Centre national de Documentation Pédagogique. http://www.cndp.fr/