Le Graal ne ressemble peut-être pas à ce que vous pensez... (1)
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votre téléphone portable ! Parce que quand vous partez à la recherche du Graal, c'est
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produits dédiés à Assassin's Creed Valhalla et vous savez que j'ai un petit faible pour
cet univers ! On se retrouve dans la description ou à la fin de l'épisode pour en savoir
plus, bon visionnage !
Mes chers camarades bien le bonjour !
Aujourd'hui on va consacrer un épisode entier à la quête la plus célèbre de l'Histoire
du cinéma et de la littérature : non, je ne vais pas parler de faire péter un building
après avoir trouvé l'amour au détour d'une fusillade mais bien de la quête du
Graal. Le terme est devenu tellement commun qu'il est entré dans le langage courant.
Dans un article de 2019, un journaliste de La Croix titre ainsi que « League of Legends »
est « le Graal de l'e-sport » ! Mais d'où ça vient le Graal ? Et surtout,
c'est quoi ? Pour ceux qui ont suivi le livre I de Kaamelott,
d'Alexandre Astier, vous vous souvenez sans doute de cet épisode dans lequel les chevaliers
de la Table ronde débattent pour savoir si le Graal est soit un vase, une coupe, un « ré-ci-pient
», une pierre incandescente ou, selon Perceval, un bocal à anchois. Ce qui est vraiment drôle
là dedans, c'est que ce sketch humoristique ne repose pas sur du vide, il pose une vraie
question qui a bien un fondement historique. Aujourd'hui encore, qu'on se le dise,
il est difficile de définir ce qu'est réellement le Graal. En fait, chaque époque, et peut-être
même chaque auteur, s'invente un Graal à sa mesure, et fonction de ce qu'il veut
dire et des attentes de son public, et ce dès le Moyen âge.
Autant vous dire qu'on est pas sorti de l'Auberge et pour comprendre tout ça, il
faut revenir à la création même du Graal !
Le Graal apparaît pour la première fois dans le dernier roman de l'écrivain Chrétien
de Troyes, Le conte du Graal, rédigé à la fin du XIIe siècle. Le titre, choisi par
Chrétien lui-même, montre bien que l'objet joue un rôle central dans les aventures du
jeune chevalier Perceval. Celui-ci l'aperçoit tout d'abord au cours d'une mystérieuse
assemblée. Reçu par un souverain blessé aux jambes, le roi Pêcheur, il assiste à
un banquet durant lequel sont présentés trois objets : une lance qui saigne, un plat
en argent, et « un graal » fait d'or et de « pierres précieuses » qui émet
une grande lumière. Bouleversé par ce spectacle, il n'interroge pas son hôte sur le sens
de ses objets. Au bout de cinq années d'errance, il comprend qu'il a commis une faute terrible.
5 années...c'est pas une flèche le Perceval…
En ne posant pas la question de la finalité de ses objets, il n'a pas permis au souverain
d'être soigné. C'est d'autant plus grave qu'il a oublié pendant tout ce temps
de prier Dieu. Rongé par le doute, il interroge un ermite, qui s'avère être son oncle.
Et celui-ci lui explique alors ce qui est servi au Roi Pêcheur dans le graal :
« Ne va pas croire qu'il y trouve brochet ni lamproie ni saumon : c'est une simple
hostie qu'on lui apporte dans ce graal et cela lui suffit pour soutenir et conserver
sa vie tant le graal est une sainte chose. Cet homme est à ce point pur esprit, qu'il
ne lui faut pas autre chose que l'hostie qui vient dans le graal pour se maintenir
en vie. »
Voilà...c'est tout ce qu'on sait sur le fameux Graal...parce que Chrétien de Troyes
claque avant de finir son oeuvre. Du coup on aura jamais l'occasion de définir plus
précisément ce qu'est un “Graal”, ce qui rend le terme un peu compliqué à
expliquer je ne vous le cache pas...D'autant que l'auteur médiéval a très certainement
inventé ce mot, au point qu'encore aujourd'hui, personne n'est bien sûr de sa provenance.
Certains y voient une version occitane du substantif latin gradalis, qui désigne un
plat large et creux. D'autres pensent (et c'est l'hypothèse
la plus communément admise) qu'il s'agit d'un dérivé du latin cratis (transformé
en cratalis) qui désigne une claie, sorte de plat en osier, et plus largement un récipient.
Il existe aussi des théories supplémentaires tournant autour des mots latins crater, sorte
de vase antique en céramique ou gradus, car il s'agirait d'un objet à pied.
Les imprécisions de Chrétien de Troyes vont être complétés par les auteurs médiévaux
qui, tout au long du XIIIe siècle, tentent soit de rédiger de nouvelles aventures de
Perceval (ce que l'on appelle les Continuations), soit d'inventer une origine plus ancienne
au Graal.
Problème majeur que dis-je “Couille dans le potage” comme on dit : ces écrivains
vont, chacun de leur côté, créer leur version du Graal sans se mettre d'accord avec les
autres.
Par exemple, Wolfram von Eschenbach, auteur allemand du XIIIe, affirme dans son roman
Parzival que le Graal est une pierre merveilleuse, grardé par des Templiers. Dans Peredur, réécriture
galloise du texte de Chrétien de Troyes, le Graal est un plateau d'argent que portent
deux jeunes filles dans lequel la tête d'un homme baigne dans son sang.
Vous remarquerez que ça reste des trucs hyper fins quoi qu'il arrive !
Mais de toutes les versions de l'histoire du Graal, c'est sans doute celle de Robert
de Boron qui est la plus connue. En s'appuyant sur, l'Évangile de Nicodème, un récit
apocryphe de la Passion du Christ (c'est-à-dire qui n'est pas considéré comme un des quatre
évangiles du Nouveau Testament reconnus par l'Église), Robert de Boron écrit au début
du XIIIe siècle une sorte de préquel au roman de Chrétien de Troyes. Il y explique
que le Graal est en fait la coupe qui aurait servi à Jésus lors de la Cène, le dernier
repas avec ses disciples. L'objet aurait par la suite été récupéré par Joseph
d'Arimathie qui s'en serait servit pour recueillir le sang du Christ sur la Croix.
Après maintes pérégrinations, Joseph se retrouve finalement sur l'île de Bretagne,
amenant avec lui l'objet merveilleux.
Et on le comprend bien car qui n'aimerait pas que sa quête le mène en Bretagne ? Qui
? Ce récit est le premier qui tisse un lien
direct entre la légende arthurienne et l'histoire biblique et religieuse. Le roi Arthur et ses
chevaliers ne sont donc plus seulement des guerriers épiques et courtois, mais des héros
s'inscrivant dans la quête du salut chrétien. Et c'est pourquoi nombre de représentations
de la Table ronde présentes dans des manuscrits semblent directement s'inspirer du dernier
repas du Christ (la Cène). Sur celle-ci, datant du XIVe siècle, la Table ronde comprend
ainsi treize places, nombre qui renvoie aux douze apôtres et à Jésus. Mais Robert de
Boron n'est pas le seul à innover avec le Graal. D'autres auteurs anonymes, brodant
toujours sur le récit de Chrétien de Troyes, imaginent même les chevaliers de Camelot
partant dans une vaste quête pour retrouver la coupe sacrée. Ce récit, que l'on aperçoit
pour la première fois dans le cycle de la Vulgate, composé aux environs des années
1220 par un auteur anonyme, met en scène les aventures de membres de Table ronde créés
pour l'occasion : Bohort, et aussi Galaad, fils de Lancelot, qui seuls, en compagnie
de Perceval, trouveront le Graal . Pour mieux comprendre ces nouvelles versions
du mythe arthurien il faut absolument s'intéresser au contexte de l'époque de leur création.
En effet, durant les XIIe et XIIIe, l'Eglise affirme de plus en plus son pouvoir sur la
société, particulièrement sur l'aristocratie chevaleresque. Les ecclésiastiques se voient
à la tête des deux autres ordres du monde féodal, au-dessus des combattants et des
paysans, et les papes affirment leur primauté sur les souverains.
En gros, l'église domine quoi…
Evidemment, cette domination de l'Eglise influence la légende arthurienne. Le texte
de Geoffroi de Monmouth mettait en avant la figure monarchique d'Arthur au début du
XIIe siècle, pour valoriser l'image du roi. Quatre-vingts ans plus tard, on préfère
pousser sur le devant de la scène des chevaliers incarnant les idéaux chrétiens, qui deviennent
alors les héros centraux du récit. Sur cette enluminure de la fin du XVe siècle montrant
l'apparition du Graal à la Table ronde, les souverains (que l'on distingue grâce
à leur couronne), sauf Arthur, sont représentés de dos, au premier plan, comme s'ils étaient,
à l'instar du lecteur, de simples spectateurs de l'image. Ils sont donc presque extérieurs
à l'action. A contrario, la scène, qui évoque là encore le dernier repas de Jésus
avec ses disciples, n'est pas présidée par un monarque, mais par des chevaliers,
et notamment Galaad qui occupe la place centrale, appelée le siège périlleux, réservée
au meilleur chevalier du monde.
Comme on peut le constater, la quête du Graal est accomplie par des personnages créés
au XIIIe siècle. Les héros de la première génération, comme Gauvain ou Arthur, n'auront
jamais accès à la coupe sacrée, pas plus que Lancelot, coupable, pour des auteurs de
plus en plus préoccupés d'écrire une version de la légende conforme aux dogmes
de l'Église, du péché d'adultère avec la reine Guenièvre.
En fait, la création de Galaad au XIIIe siècle obéit elle aussi à des impératifs religieux
et politiques. Les ordres monastiques, notamment les cisterciens, mettent en avant depuis le
XIIe siècle un modèle chrétien de chevalerie, symbolisé par les templiers. Aux yeux des
moines de Citeaux, comme saint Bernard qui les soutient dès leur création, les membres
du Temple représentent une caste de guerriers parfaits. Débarrassés de ce qu'ils estiment
être des vices comme le goût de l'aventure, l'attrait pour le combat et les rançons
ou une sexualité exprimée à travers la culture courtoise, ils obéissent à une règle
stricte qui les obligent notamment au célibat et sont surtout totalement soumis à la hiérarchie
catholique. Et Galaad, c'est ce qu'il incarne totalement
! C'est cet idéal là, c'est un templier quoi !
D'ailleurs, son écu, que l'on peut voir dans divers manuscrits médiévaux, reprend
en tout point celui des chevaliers du temple : il est d'argent à la croix de gueules
c'est à dire une croix rouge sur fond blanc. Le blason de Perceval porte de son côté
des croix d'or sur un fond de pourpre, dit le texte de cet armorial du XVe siècle conservé
à la Bibliothèque nationale de France.
Au même titre dans le roman Parzival de Wolfram von Eschenbach, la coupe est gardée par des
templiers et ça doit se comprendre comme une volonté de faire des récits de la table
ronde une entreprise de promotion de la chevalerie chrétienne alors que le mouvement des croisades
bat son plein en Europe occidentale. D'ailleurs, le nom même de Galaad renvoie à des plusieurs
personnages bibliques et à un lieu cité dans l'Ancien Testament, les monts Galaad,
non loin des États latins d'Orient où combattent les ordres militaires.
En gros dites vous bien que si aujourd'hui vous avez des pubs dans le métro pour vous
vanter les mérites d'écoles de commerces plus ou moins brillantes, à l'époque,
si y'avait le métro, vous auriez eu des grandes affiches avec marqué dessus “les
récits de la table ronde : devenez un véritable templier ! La première année à moitié
prix”!
le fait que l'on insiste autant sur le Graal comme objet lié à la passion du Christ s'explique
aussi par un dernier changement important qui survient au cœur de l'Église. C'est
en effet durant le concile de Latran IV qui se tient en 1215, c'est-à-dire entre la
composition du texte de Robert de Boron et celui de la Vulgate, que la hiérarchie ecclésiastique
affirme le dogme de la transsubstantiation. Le mot à l'air un peu barbare je suis d'accord,