Les anglais n'ont jamais attaqué cette ville fortifiée ! - Mennetou-sur-Cher
Mes chers camarades, bien le bonjour !
Nous sommes dans la cité médiévale de Mennetou, dans le Loir-et-Cher, et je vous propose de
visiter son centre historique encore très bien conservé, un bon prétexte pour découvrir
ensemble tout un tas de petits détails qui nous permettront de voir comment on peut modifier
tel ou tel bâtiment au cour du temps et surtout, pourquoi on retrouve certaines curiosités
architecturales au détour d'une rue...et par ici, il y en a pas mal !
La première trace de l'établissement d'une communauté à Mennetou-sur-Cher remonte au
VIe siècle, où un monastère aurait été construit sous Clotaire 1er. Cependant, le
plus vieux monument encore debout aujourd'hui reste la tour du clocher, datant du XIe siècle.
A cette époque la maison de Vierzon, représenté par Geoffroy de Vierzon, détient les clés
de la ville et elle restera longtemps la possession de cette famille. Mennetou était une ville
de commerce. On y trouvait donc un forgeron, un menuisier, mais aussi beaucoup de boutiques
où l'on vendait quasi exclusivement du vin. Il y avait même des tanneries, mais
comme de coutume, elles étaient placés à l'écart, en bordure de ville, dans un autre
quartier. A cause de l'odeur...et oui, les tanneries,
ça pue quand même pas mal…
Déjà à l'époque, on trouve 3 puits dans la cité qui ont été positionnés pour couvrir
des secteurs d'incendies. Les puits à margelle que l'on voit aujourd'hui dans la ville
sont récents, à l'époque il n'y avait qu'un trou avec probablement un trépied
de bois par dessus.
Pour monter dans la ville haute, on emprunte la rue du paradis. Pour redescendre vers les
bas quartier, on emprunte la rue de l'enfer. On appelle un chat un chat et comme dans toute
cité médiévale, la religion y est évidemment très présente.
Un magnifique prieuré est
d'ailleurs construit dés le XIIIe siècle et ne cessera de se développer au cours du temps.
Jusque là, la ville semble assez normale.
Un seigneur, une petite vie tranquille et commerçante, une urbanisation qui se développe
à son rythme...jusqu'au début du XIIIe siècle, où la situation géopolitique oblige
à “quelques” modifications.
Dés le milieu du XIIe siècle, un conflit éclate en effet entre l'Angleterre, représenté
par la famille des Plantagenêt, et le royaume de France, représenté par les Capétiens.
Et nous ne sommes pas sur un petit conflit puisque celui ci va s'étaler sur 100 ans
et verra s'affronter le fameux Richard Coeur de Lion et le non moins célèbre Philippe
II Auguste. Entre autres, puisqu'il y a pas mal d'autres rois qui tremperont dans
l'affaire. A la fin du XIIe siècle, les anglais sont déjà bien implantés dans l'Anjou
et le Poitou. Et mine de rien, ils grignotent petit à petit les terres des français. C'est
ce qui pousse Philippe à limiter les incursions anglaises sur son territoire. Vous savez tout
! Bref, la région actuelle du Loir-et-Cher,
et notamment celle du Berry, à laquelle appartenait jadis Mennetou, peut être à tout moment
la cible d'un raid anglais. Comme la plupart des villes de la région, Mennetou décide,
sous l'impulsion du seigneur local, d'ériger des défenses “au cas où”.
La construction, débutée au XIIe siècle, s'étale sur des dizaines d'années. Mennetou
devient une véritable forteresse : 5 tours, 4 portes, des murailles de 15 mètres de haut
qui courent sur 250m de long et 150m de large...
On construit même un château au sein de la cité médiévale, qui repose directement
sur la muraille. Sur la porte Nord de Mennetou, on peut apercevoir un escalier qui monte directement
vers le chemin de ronde. De là, la vue n'était pas la même à l'époque qu'aujourd'hui.
Le village étant construit sur le flanc d'une colline boisée, il était protégée sur
toute la surface nord, impossible de l'attaquer par là.
Au sud, c'est aujourd'hui un canal construit au XIXe siècle qui borde Mennetou. Mais à
l'époque, le Cher était bien plus près des murailles, formidable rempart contre les
anglais, qui se trouvaient de l'autre côté.
L'est, quant à lui, est défendu par la
porte “Bonne nouvelle”, qui donne sur un faubourg inhabité, marécageux, que l'on
pouvait inonder pour ralentir les hommes et les chevaux. Reste l'ouest, avec des défenses
plus classiques mais somme toute efficaces. Mais pourquoi autant de débauche de moyen
ici ? Mennetou représentait-elle un véritable intérêt stratégique ? Dans la mesure où
la ville n'a jamais été attaqué par les anglais, on peut en douter...d'autant plus
que Mennetou n'avait même pas de garnison prête à défendre ses murailles flambants
neuves.
Et oui ! Aussi incroyable que ça puisse paraître, on avait les moyens de construire de telles
défenses, mais pas ceux d'entretenir des soldats pour aller avec ! C'était donc
une défense “au cas où” et si le cas se présentait, on comptait sur des mercenaires
ou sur les soldats du roi pour venir prêter main forte à la ville.
Si bien que l'on se retrouve avec une sorte d'appartement témoin en plus gros et plus
coûteux quoi...Mais c'est pas mal hein ! ça nous permet d'avoir de belles choses
à montrer aujourd'hui ! Et ce qui est intéressant en plus de ça, c'est de voir comment a
été construit ce dispositif, pourquoi il a été bâti ainsi et quelles modifications
les générations suivantes ont pu y apporter pour leur permettre de se fondre dans le paysage.
Prenons par exemple la porte d'entrée principale de la cité. Chaque porte d'entrée qui
permet d'accéder à la cité médiévale est une sorte de tour carrée avec un trou
pour laisser passer les hommes et les animaux. Hors, à partir du XIIe siècle, on commence
à construire de belles tours rondes, qu'on dit “tours philipiennes” qui permettent
de faire ricocher plus facilement un projectile contre les parois. D'ailleurs, on trouve
plusieurs tours comme celle ci à Mennetou. Alors pourquoi ne pas construire les portes
dans des tours rondes ?
Ca peut paraître bête comme question hein ?
Et bah c'est peut être parce que la réponse l'est aussi : on ne savait tout simplement
pas le faire ! En tout cas, à cette époque là, impossible pour les architectes de faire
rentrer un arc brisé, que l'on retrouve pour le contour de la porte, dans une tour
ronde.
Heureusement qu'ils ont jamais été attaqué !
Au 1er étage de la porte, on y trouvait une salle des gardes. La fenêtre qu'on voit
sur la face de la tour a été réduite au XVe siècle et à la base, il y avait une
bretèche duquel on pouvait jeter des pierres en cas d'invasion.
La porte était équipé d'une herse pour retenir les ennemis, défense tout ce qu'il y a de plus classique.
Aujourd'hui, si la porte est creuse, c'est que les planchers étaient en bois, avec le temps ils ont pourris
et disparus, comme de nombreux édifices médiévaux. On peut donc apercevoir une cheminée au premier
étage, ajoutée au XVe siècle, au moment où l'on commence à habiter et réhabiliter
les bâtisses.
On l'a dit tout à l'heure, à cette époque, le Cher était au pied de la cité médiévale.
Si bien que les crues étaient relativement fréquentes. Les contreforts que l'on trouve
en bas de la porte ne sont pas d'origine mais ont été ajouté entre le XV et le XVIe
siècle pour renforcer l'édifice afin qu'il ne s'écroule pas sous les assauts répétés
des crues du Cher. Oui, le Cher est plus violent que les anglais.
Méfiez vous !
Incroyable tout ce qu'on peut apprendre en regardant simplement un morceau de pierre
non ? Tient d'ailleurs y'a une autre tour qu'il est assez intéressant d'analyser
elle aussi !
La tour Nord-Est est également construite au XIIIe siècle. La base de la tour, la partie
renforcée, appelée le “fruit”, est là pour renforcer son assise. Collée à un fossée,
elle est équipé d'une double rangée de meurtrière. Un atout de poids dans la défense
donc…
Et pourtant à cet emplacement, cette tour est complètement inutile d'un point de
vue défensif!
En effet le fossé Nord n'était là que pour évacuer les eaux de pluies, comme nous
l'avons déjà dit, la forêt prenait place à la place du chemin de fer et ne pouvait
pas permettre une attaque massive de la part des anglais qui d'autres part occupaient...la
région au sud de Mennetou ! Pour résumer, les recherches locales ne permettent pas de
dire pourquoi cette tour a été construite, en revanche, elle a une utilité tout à fait
pratique d'un point de vue architectural. Elle participe en effet à la solidité de
la muraille ! On ne peut pas construire une muraille de 200m de long sans un point pour
la renforcer. Si la tour nord-est ne trônait pas ici, nul doute que la muraille serait
tombée à un moment donné. Elle joue donc un rôle de renfort.
Pas bête hein ? Après le conflit opposant les plantagenêts
et les capétiens, Mennetou continuera son paisible chemin. Elle ne sera pas beaucoup
perturbé par la guerre de Cent Ans et aucune fortification supplémentaire ne viendra garnir
son dispositif déjà bien fourni. Avec le temps, ces défenses deviendront inutiles
et progressivement la ville évoluera pour se métamorphoser.
Des maisons médiévales de la cité, on ne retrouve à Mennetou que celle des bourgeois,
en pierre. Car les maisons plus modestes étaient en torchi et en bois, deux matériaux qui
ne résistent pas au passage du temps.
Près de la porte nord, on peut voir une maison du XVIe classé monument historique. La base
de la maison est en tuffeau, typique de la construction en touraine à ce moment là.
Le haut est dans un style tout autre, avec des briques et du bois, typique de la Sologne.
Coincé entre deux styles, entre deux âges.
On trouve non loin de là une autre maison du XVIe siècle aussi haute que profonde,
avec deux étage de caves en dessous qu'on ne soupçonne pas depuis l'extérieur. Construite
par des maçons, il y ont laissé leur trace sur la façade, où l'on peut y apercevoir
une croix dans un triangle sur un des édifices de maçonnerie : c'est le symbole du fil
à plomb. Ce qui est d'ailleurs amusant sur cette
façade, c'est d'y constater qu'à l'évidence, certaines portes et fenêtres ont été réduites
avec le temps.
Et ça s'explique très bien par la grande histoire puisque durant le directoire en 1798,
un nouvel impôt est créé pour taxer les riches propriétaires fonciers : plus on a
de portes et de fenêtres, plus on paye et plus elles sont grandes, plus la note est
salée. Résultat, dans tout le pays on bouche les fenêtres, on les réduit au minimum,
on rabote les portes, partout on cherche à recouvrir un peu les ouvertures pour se contenter
du strict minimum. Et ici aussi à Mennetou, les propriétaires
jouent avec l'administration !
La période post-révolutionnaire est d'ailleurs l'occasion de constater l'état de délabrement
du prieuré de la ville lui qui pourtant représente un atout majeur de la ville jusqu'au XVIIe
siècle. En 1686 en effet, les bénédictines se permettent même d'acheter le château
de Mennetou pour créer un secteur privé qui représente un quart de la ville. Le but
? Vivre recluse sur elles mêmes, sans contact extérieur autre que les intermédiaires religieux
habituels. Mais toute période d'or a une fin et l'activité religieuse de la ville
décline immanquablement avec l'arrivée des événements révolutionnaires. Le prieuré
portera les stigmates du temps jusqu'à aujourd'hui encore, ce qui permet à un
regard attentif de découvrir, dans la partie XVIe siècle, la peinture originelle, d'un
bleu profond, qui tapissait jadis les murs de l'église.
Le château, jamais entretenu, tombera lui en ruine au XIXe siècle. Aujourd'hui, on
peut voir quelques ruines qui ont du mal à rendre justice à l'édifice. Cependant,
on peut y remarquer un détail intriguant, comme si le sol du château était bien en
dessous du niveau actuel de la ville. Et ça aussi, ça s'explique très bien
par la grande Histoire et notamment par l'arrivé du chemin de fer !
Au XIXe on construit la voie de chemin de fer au nord de la ville. A la place de la
voie ferré actuelle, il y avait une colline que l'on a du creuser. Afin d'évacuer
la terre, on a nivelé une partie de la ville avec cette dernière, relevant le niveau global
de Mennetou parfois jusqu'à deux mètres ! Mennetou, possède depuis fort longtemps
déjà un sous-sol creux, car beaucoup de pierres ont été extraites du sol pour la
construction des édifices médiévaux. La conséquence directe, c'est que toutes les
maisons de Mennetou possèdent des caves, qui jadis servaient d'espace de stockage
pour le commerce du vin notamment, abondamment produit dans la région. Mais avec ce nivellement
de la ville au XIXe siècle, certaines habitation de retrouvent à moitié sous terre ! Elles
forment désormais avec les anciens stockage des grandes caves à double niveau. Conséquence
rigolote de tout ça, si un jour vous avez l'occasion de rentrer dans un sous-sol à
Mennetou, vous y trouverez peut-être....des fenêtres, vestiges des anciens rez-de-chaussé
! Incroyables toutes ces petites histoires non
? Quand on est bien accompagné ou qu'on sait ou regarder, chaque pierre, chaque détail
à quelque chose à nous apprendre et c'est ça qui est passionnant avec l'Histoire
! J'espère en tout cas que cette petite visite architecturale de Mennetou vous aura
donné envie de venir faire un tour dans le coin, la cité est vraiment magnifique et
si au passage vous pouvez profiter d'une petite visite guidé, foncez parce que je
n'ai évidemment pas pu tout dire dans cette vidéo ! Merci au département du Loir-et-Cher
pour avoir permis la production de ce nouveau reportage. On se retrouve très bientôt pour
de nouvelles aventures et d'ici là, bonne balade !