(#1) Nouvelle-Calédonie : la dernière colonie française (Mappemonde Ep.1) - YouTube
Cette carte montre les dernières colonies du monde, selon l'ONU.
C'est une carte très politique et donc très discutée.
Mais pour cette vidéo, une chose nous intéresse particulièrement.
Sur les dix-sept dernières colonies de la planète, selon les Nations unies,
deux sont françaises.
Le cas de la Polynésie française est un peu particulier.
Lors des dernières élections locales en mai 2018,
86 % des Polynésiens ont rejeté la voie de l'indépendance.
Mais en Nouvelle-Calédonie, c'est une tout autre histoire.
« Qui est-ce qui a habité la France avant
vous autres ?
- Les Gaulois.
- Les Gaulois on les appelle nos an… - Nos ancêtres.
- Comment vivaient-ils, les Gaulois ?
- Comme des sauvages.
- Comme des sauvages. Donc comme vous autres !
- Oui ! »
« Aujourd'hui nous disons
que notre droit, il mourra avec nous.
Mais tant que nous serons là,
ce drapeau flottera. »
« Vous ne vous laisserez pas faire ?
- Non, non. Je ne me laisserai pas faire. Je resterai sur ma terre et personne ne viendra
m'insulter dans ma maison ! »
« En novembre prochain, les Calédoniens vont se prononcer
sur l'indépendance de l'archipel…
- La Nouvelle-Calédonie va-t-elle choisir l'indépendance ? »
Pour comprendre pourquoi la Nouvelle-Calédonie n'est toujours pas décolonisée,
il faut se demander…
Ce que cette île a de si particulier.
La Nouvelle-Calédonie n'entre dans l'histoire de France,
qu'en 1853,
c'est-à-dire très tard.
A ce moment-là, la Réunion et les Antilles sont déjà colonisées
depuis plus de 200 ans.
A 17 000 kilomètres de Paris, la Calédonie devient alors la colonie la plus éloignée
de la métropole.
Mais elle va surtout être l'une des plus fracturées.
Lorsque les premiers colons s'installent,
ils découvrent une civilisation
restée jusqu'alors à l'écart de toute influence du monde occidental :
la société kanak.
C'est une société traditionnelle et tribale,
présente sur l'île depuis 3 000 ans.
Lorsque ces deux mondes se rencontrent, le résultat est brutal.
Les Kanak sont décimés par les maladies apportées par les Européens
et massacrés lors de révoltes violemment réprimées.
Entre 1866 et 1921, leur nombre est quasiment divisé par deux.
A l'inverse, les Européens sont de plus en plus nombreux.
Ils s'approprient les terres des Kanak,
et les cantonnent dans des réserves au nord et à l'est de l'île.
Bientôt ces réserves ne représentent plus qu'un dixième du territoire.
Résultat : lorsqu'au sortir de la seconde guerre mondiale,
les vieilles colonies d'outre-mer réclament l'assimilation comme départements français,
en Nouvelle-Calédonie, deux sociétés continuent de cohabiter.
D'un côté, les descendants des colons blancs surnommés les Caldoches.
De l'autre, les Kanaks, écartés dans les confins de l'île.
« Aujourd'hui, nous sommes parqués comme des troupeaux de chèvres dans des flancs
de montagne et le bétail vit mieux que nous dans les plaines. »
Cette division va déclencher, quelques décennies plus tard,
une quasi-guerre civile.
Dans les années qui suivent, le fossé se creuse entre les communautés.
Au milieu des années 1960, le cours mondial du nickel explose.
La Nouvelle-Calédonie, qui possède un quart des réserves mondiales,
devient alors le nouvel eldorado français.
Encouragées par une politique fiscale très incitative de la part de la France,
35 000 personnes, métropolitains mais aussi polynésiens,
débarquent sur l'île.
En quelques mois, des fortunes sont bâties.
« On est quand même très heureux ici.
- Et sur le plan pécuniaire ? Sur le plan pécuniaire également. »
Mais les Kanak, moins éduqués et moins qualifiés,
restent à l'écart de cette prospérité.
Pour la première fois, ils deviennent minoritaires en Nouvelle-Calédonie.
En 1975, le festival Mélanésia 2000 est l'occasion pour les Kanak
d'une réaffirmation identitaire.
« La revendication est culturelle, mais il n'y a pas de culturel qui n'ait pas de
résonance institutionnelle et donc politique. »
Pour la première fois, l'indépendance devient la question centrale
du débat politique calédonien.
D'un côté, les loyalistes caldoches, rassemblés derrière Jacques Lafleur,
créent le RPCR, Rassemblement pour la Calédonie dans la République.
De l'autre, les indépendantistes kanak, dirigés par Jean-Marie Tjibaou,
se regroupent derrière la bannière du FLNKS, le Front national de libération kanak
et socialiste.
S'ouvre alors une période de troubles violents,
que les médias de l'époque, par analogie avec la situation algérienne,
baptisent pudiquement « les événements ».
1984.
Le FLNKS appelle au boycott des élections territoriales.
L'île se couvre de barrages et de nombreux affrontements entre Kanak et Caldoches
ont lieu.
Des deux côtés, des meurtres sont commis.
« Qu'avez-vous dans votre cœur ce matin, Monsieur Tjibaou ?
- J'essaye de ne pas avoir de haine. »
1985.
Eloi Machoro, l'un des principaux dirigeants indépendantistes, est abattu par le GIGN.
Un climat de quasi-guerre civile s'installe alors en Nouvelle-Calédonie.
L'état d'urgence est déclaré.
Et pendant de longs mois, la Calédonie alterne entre tentatives de dialogues
et retour de la violence.
Mais c'est seulement trois ans plus tard que survient l'apogée de la crise.
Le 22 avril 1988, en pleine campagne présidentielle entre François Mitterrand et Jacques Chirac,
un groupe d'indépendantistes kanak décide de retenir 27 gendarmes en otages dans une
grotte sur l'île d'Ouvéa.
Pour la première fois depuis la guerre d'Algérie,
l'armée française est déployée sur le territoire national.
Pendant une dizaine de jours, des négociations ont lieu.
Mais le 5 mai, l'assaut est finalement donné par le GIGN.
Il fera 21 morts : 19 indépendantistes kanaks, et 2 gendarmes.
Comme en Algérie,
les affrontements des années 1980 en Nouvelle-Calédonie
auraient pu être le départ d'une nouvelle guerre coloniale.
Il n'en sera rien.
Face au drame d'Ouvéa, Jean-Marie Tjibaou, l'indépendantiste,
et Jacques Lafleur, le loyaliste,
choisissent de s'engager dans la voie du dialogue.
Avec la médiation du tout nouveau premier ministre, Michel Rocard,
ils signent des accords qui prévoient l'organisation d'un référendum d'autodétermination,
ainsi que les fondements d'une politique de rééquilibrage économique entre Kanak
et Caldoches.
Si leurs projets politiques demeurent opposés,
ils acceptent de bâtir un « destin commun » entre les deux communautés.
« A votre avis, en l'an 2000, la Nouvelle-Calédonie est-elle indépendante ?
(Tjibaou) Pour moi, oui ! Mais avec tout le monde.
(Lafleur) Pour moi, non ! Mais avec tout le monde. »
Trente ans plus tard, la Nouvelle-Calédonie n'est pas indépendante,
mais la question n'est pas tranchée pour autant.
Avant d'organiser un référendum d'autodétermination,
la France a, pour la première fois de son histoire, tenté d'accompagner le processus
de décolonisation,
en menant une politique de rééquilibrage en faveur du peuple colonisé.
Depuis le début des années 1990,
des dotations plus importantes par habitant sont versées à la Province Nord et à celles
des îles loyauté,
très majoritairement kanak.
L'ouverture d'une usine de production de nickel dans le Province Nord en 2014,
poursuit le même objectif.
Mais jusqu'à présent, toutes ces mesures ont échoué à inverser le cours des choses.
En trente ans, les inégalités entre Kanak et Européens ont continué de se creuser.
En 2014, seulement 4 % des Kanak avaient suivi des études supérieures,
contre 26 % du reste de la population.
Et les Kanak représentent par ailleurs encore plus de 70 % de la population des Provinces
Nord et des îles Loyauté,
contre seulement 26 % dans la Province Sud, majoritairement européenne.
Or, à cette division géographique se superpose toujours une fracture politique sur la question
de l'indépendance.
Lors des élections locales en 2014,
la répartition des votes indépendantistes et loyalistes
recouvrait quasi parfaitement celle de la population kanak et non kanak sur le territoire.
Problème : s'ils étaient encore majoritaires en 1958,
les Kanak ne représentent plus aujourd'hui que 39 % de la population calédonienne.
En l'état actuel des choses,
la victoire de l'indépendance lors d'un référendum s'annonce donc très peu probable.
Mais l'indépendance est une chose, la décolonisation en est une autre.
Merci beaucoup d'avoir regardé cette vidéo.
Evidemment, il y a beaucoup de choses qu'on n'a pas eu le temps d'aborder.
Mais je vais mettre plein de liens dans la description, si vous voulez en savoir plus,
allez voir.
Par ailleurs, on lance une nouvelle série de vidéos qu'on a appelée « Mappemonde ».
L'idée c'est comme d'habitude d'expliquer le monde, mais à partir de cartes.
Donc si vous avez des idées de sujets qui correspondent à ça, mettez-les en commentaires,
on a hâte de les connaître ! »