La cité interdite - Histoire de la Chine (2)
10 000 ce qui représentait le chiffre uniquement accessible au sein de l'habitat des dieux.
Bon en réalité il y en a que 8704, mais c'est déjà pas mal !
- Le chiffre 5, est lui aussi très symbolique, il représente évidemment les
cinq éléments dans la cosmologie chinoise traditionnelle : l'eau, le feu, le bois,
le métal et la terre). On trouve cinq accès pour la Porte du Midi, cinq ponts pour passer
la rivière aux Eaux d'or, ou encore un dragon à cinq griffes sur le costume impérial.
La Cité interdite, c'est donc espace ultra ritualisé, vous le voyez chaque décors,
couleurs, animaux, formes des palais sont associés à des symboles bien identifiés.
Et comme il y a beaucoup, mais alors beaucoup d'exemples, je vous propose
ici d'en mentionner seulement 3. Pourquoi seulement 3 ? Parce que.
1/ La toiture des pavillons et palais en terre cuite vernissée est presque uniquement jaune,
une couleur utilisée aussi pour les vêtements de l'Empereur, et qui représente le respect.
2/ Un peu partout dans la Cité, on trouvera aussi des animaux en bronze doré ou en marbre,
peints sur des murs ou sur de grandes jarres en céramiques.
Ceux-ci ont une signification précise : les tortues représentent l'immortalité,
les licornes la sagesse et l'intelligence, les grues la longévité, les lions la puissance,
et les phénix, synonyme « d'impérial », souvent lié à l'impératrice.
3/ Et bien sûr, on retrouve également des dragons, beaucoup de dragons ! On a compté, il y en a 12
654 qui sont représentés...ouais…alors oui c'est bien l'animal fétiche de l'Empereur,
symbole de la toute-puissance et du lien avec le Ciel, mais pas que !
Le dragon est aussi une créature faste associée à l'eau. Dans les temps lointains, il aurait
provoqué le déluge en renversant les piliers du monde. Le dragon est par conséquent l'animal en
chef pour se protéger des incendies ! Et oui, si construire des édifices en bois c'est super écolo,
vous imaginez bien que le feu est le pire des fléau qui peut s'abattre sur la Cité interdite !
Et c'est pourquoi on le trouve à peu près partout sur les toitures
des palais. D'ailleurs, avec un système de drainage bien huilé,
ce ne sont pas moins de 1412 têtes de dragons en marbre qui arborent la terrasse à trois
niveaux de la cour extérieure et qui vomissent de l'eau pour l'évacuer.
Pour une Cité bâtie sur une surface totale de 75 hectares de terrain, contre 10 pour Versailles; le
chantier de la Cité interdite est titanesque. Près d'1 millions de personnes, ouvriers et esclaves
pour beaucoup, contribuent d'une manière ou d'une autre à son élévation ; avec parfois
jusqu'à 200 000 artisans présents en même temps sur le site. C'est ouf ! Et pourtant la cité ne
s'est pas construite comme les hôpitaux de Wuhan en l'espace de quelques semaines. En réalité, cela
s'est produit sur le temps relativement long ! A partir de 1406, et pendant plus de 10 ans,
on rassemble en premier lieu les matériaux nécessaires à sa construction :
- pour la structure des palais, le bois provient des arbres parfois longs de 30
mètres venant des forêts du Yunnan et du Sichuan, soit à plus de 2000 km de Pékin ! On réhabilite
d'ailleurs le Grand Canal de la dynastie des Sui pour transporter par bateau ces troncs ;
- le marbre vient lui de Shanghai pour les cours principales et secondaires ;
- les briques sont amenées du Shandong pour les tuiles des toitures notamment ;
- enfin les pierres sont extraites dans les environs de Pékin.
Imaginez quand même les ouvriers qui doivent transporter des blocs taillés pesant jusqu'à
330 tonnes chacun, qui sont trainées l'hiver sur le sol gelé jusqu'au site de construction !
Une fois tous les matériaux acheminés jusqu'au site,
il appartient alors à l'architecte en chef de ce chantier, un certain Cai Xin
et Nguyen An (un Vietnamien) de tout assembler pour rendre réel les plans de
l'Empereur ! La construction réelle ne dure que quatre années, soit entre 1416 et 1420.
Ce qui est plutôt rapide du coup, quand on sait que 53 ans ont été nécessaires pour
Versailles ! Bon après il n'y avait pas la même main d'œuvre on est d'accord ! Allez maintenant,
on va regarder de plus près les palais les plus importants, et à chaque fois tenter
d'expliquer en quelques mots leurs fonctions, et vous allez voir, c'est très... carré !
La Cité Interdite est divisée en quatre secteurs :
l'espace public et privé impérial sur l'axe central sont séparés des
bâtiments annexes par d'épaisses murailles internes. A côté, on trouve les jardins.
On emprunte d'abord la Porte du Plein Midi ou wumen qui donne sur la fameuse place Tien'an
men. Sur un plan en U, avec des tourelles défensives massives, cette Porte protège
l'entrée vers la première cour extérieure de la cité. Un trône surplombe le pavillon supérieur,
car l'Empereur pouvait venir aux portes de la Cité pour voir le peuple, délivrer
les édits. Il assiste aussi aux récompenses des fonctionnaires, et bien sûr aux exécutions.
Parmi les cinq accès : la centrale est pour l'impératrice (le jour de son mariage),
celle de l'ouest pour les lauréats aux examens mandarinaux (la classe quand même),
et celle de l'est pour les fonctionnaires. On retrouve cette division pour les cinq
ponts au-dessus de la Rivière aux eaux d'or .
Et naturellement seul l'Empereur peut emprunter le pont du milieu !
Suivant l'axe central, et passant une seconde porte,
la cour de l'harmonie suprême couvre une surface de 30 000 mètres carrés
(soit 3 terrains de foot) et peut contenir jusqu'à 100 000 soldats.
Et surtout cette cour a une petite particularité : il n'y a pas un seul
arbre pour éviter qu'un quelconque assassin vienne se nicher à l'abri
des regards ! C'est aussi pour que rien ne dépasse la terrasse sur laquelle repose les
trois principaux palais de l'Empereur. Et quand je dis rien, c'est absolument rien,
qu'il s'agisse des Palais dans la Cité, ou des maisons dans toute la ville de Pékin !
On arrive donc au Palais de la suprême harmonie ou Taihedian. C'est LE palais
où l'Empereur reçoit les fonctionnaires, les délégations étrangères et que se déroulent
les cérémonies officielles. Prestige oblige, on y a mis le paquet dans ses dimensions (35
mètres de haut sur 63 de largeur) et son décor, à commencer par le trône lui-même. Dressé sur
une plateforme haute de deux mètres, le trône en bois de santal est au centre de la pièce,
et entouré de six piliers d'or laqué orné de dragons. Le plafond est décoré de deux dragons
jouant avec des perles de mercure, un élément supposé détecter les usurpateurs au pouvoir.
Bon après il ne faut pas oublier que le décor actuel, et surtout le mobilier,
tient de la reconstruction contemporaine pour transporter le regard des touristes.
D'ailleurs Cyrille Javary, un sinologue français, souligne le fait que le trône
a été retrouvé par hasard en 1959 dans une des réserves du mobilier impérial !
Derrière, on accède au Palais de la pureté céleste Zhonghedian,
situé au centre parfait de la Cité Interdite. C'est une sorte d'antichambre de la Salle du
Trône, le lieu du repos du souverain. Pour faire une bonne sieste quoi ! Finalement
c'est comme à Versailles où la chambre à coucher du roi marque le cœur du château.
Dernier palais du pavillon de l'Empereur, la Salle des Banquets Baohedian. Sous les Ming elle
servait plutôt pour que l'Empereur se change et se prépare aux cérémonies, Les Mandchous
ont voulu la transformer en gigantesque salle pour festoyer avec les dignitaires chinois et
ambassades étrangères. C'est aussi le lieu où l'on passait l'épreuve ultime des concours impériaux.
Si on passe la porte de la Pureté Céleste, en remontant toujours plus vers le Nord,
on entre désormais dans la partie privative de la Cité Interdite (un peu comme dans une
maison romaine antique où l'on a les pièces de réceptions avec l'atrium et les pièces privées
avec le tablinum). Seul l'Empereur, l'Impératrice, quelques concubines,
eunuques et serviteurs pouvaient y entrer, ce qui fait déjà du beau monde.
A nouveau, trois bâtiments se succèdent : - Le 1er est le Palais de la Pureté Céleste
qianqing gong, autrement dit la « chambre à coucher de
l'Empereur » qui servit aussi, au temps des Qing,
de cabinet de travail ou cabinet d'audience. - Le 2nd est le Palais de l'union jiatai dian.
Il est symétrique au Palais du Milieu. C'est le cœur de la partie Yin de la résidence impériale,
servant notamment à la salle de gloire de l'impératrice et où elle recevait l'ensemble des
femmes vivant dans la Cité. Sous les Mandchous, on y conserva les 25 sceaux royaux en jade,
que seule l'Impératrice pouvait remettre à un fonctionnaire pour une tâche bien précise.
- Enfin le troisième bâtiment est la Grande Salle de la Tranquillité Yin,
chambre à coucher de l'Impératrice sous les Ming, et qui devint plus tard une pièce scindée
en deux pour accueillir la chambre nuptiale et un temple dédié au Dieux du Foyer. C'est
la chambre rouge par excellence, avec des « double xi » (ou double bonheur) un peu
partout Un symbole qu'on retrouve beaucoup dans les restaurants chinois en France !
Je vous fais un topo sur les bâtiments principaux pour que vous voyez bien la
complexité de la cité mais bien sûr, ces différents palais et salles ne sont que
le sommet de l'iceberg. Tout autour on retrouve plusieurs milliers de bâtiments administratifs,
des temples, des pièces de vie et des jardins qui remplissent les autres espaces de la Cité
Interdite. Et il serait évidemment impossible d'en parler ici sans que cette émission ne
dure 35 jours. Ils servent surtout de résidence pour les ministres, les hauts fonctionnaires,
les concubines et les eunuques. Et justement les concubines et les eunuques, parlons en !
A certaines époques on dénombre 20 000 concubines qui vivaient au sein de la Cité Interdite. Et oui,
si l'Empereur avait une 1ère épouse et 4 à 5 épouses secondaires, il n'y avait pas de
problèmes moraux qui se posaient pour se faire plaisir avec une concubine choisie,
généralement de rang noble. Et là encore, tout est ritualisé,
jusqu'au processus de cheminement de la concubine jusqu'au lit du Souverain. L'Eunuque en charge du
Harem présentait des plaques avec le nom de celle qu'il voudrait pour la nuit. Selon
certains textes, l'Empereur pouvait alors avoir jusqu'à 40 enfants nés d'épouses et de concubines,
une famille donc bien grande servie par plus d'un milliers de serviteurs.
Ça fait beaucoup et naturellement, la lutte pour être la première épouse ou la maîtresse
favorite était monnaie courante au sein de la Cité : on ne lésinait pas sur les
méthodes (empoisonnements, accidents douteux, étouffements, étranglements des concubines,
des enfants ou des époux…) pour faire le ménage… Une sacré ambiance que ça devait
être ! Et les eunuques étaient toujours dans le coup pour se rapprocher du cercle du pouvoir.
Un peu comme Lord Varys dans Game of Thrones, ceux qui se faisaient castrer pour rentrer à la
Cité pouvaient espérer une meilleure vie, plus confortable et surtout plus proche du pouvoir.
Une fois l'opération chirurgicale réussit (dans 90% des cas, ce qui n'est pas si mal),
ils se forment à l'Ecole des Eunuques pour lire et copier les documents administratifs,
des classiques confucéens et plein d'autres trucs. Les plus doués sont
répartis dans 24 directions comme la cuisine, le spectacle, le harem….
Au fur et à mesure du temps, ils sont de plus en plus nombreux au sein de la Cité,
près de 70 000 à la fin des Ming ! Ils occupent une place prépondérante
dans les affaires gouvernementales, se sont des conseillers impériaux, des architectes,
qui se mettent de côté une petite fortune composée généralement de pots de vins. Par exemple :
Les vêtements de la famille royale, que l'on confectionne quotidiennement pour être portés,
parfois qu'une seule fois dans la journée, sont ensuite revendus en douce par quelques
eunuques afin d'amasser une grande fortune personnelle.
Pas bête, surtout s'ils ne se font pas prendre la main dans le sac, sinon c'est la punition ultime.
Lors de la chute de la dernière dynastie chinoise des Qing en 1912, il ne restait que 470 eunuques
dans le palais.et le dernier, Sun Yaoting, mourut en 1996 ! Il n'y a pas longtemps !
Alors il ne faut pas oublier que l'ensemble de ces pavillons et palais ne datent pas de