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Adolphe, Benjamin Constant, CHAPITRE II

CHAPITRE II

Distrait, inattentif, ennuyé, je ne m'apercevais point de l'impression que je produisais, et je partageais mon temps entre des études que j'interrompais souvent, des projets que je n'exécutais pas, des plaisirs qui ne m'intéressaient guère, lorsqu'une circonstance, très-frivole en apparence, produisit dans ma disposition une révolution importante. Un jeune homme avec lequel j'étais assez lié cherchait depuis quelques mois à plaire à l'une des femmes les moins insipides de la société dans laquelle nous vivions : j'étais le confident très-désintéressé de son entreprise. Après de longs efforts, il parvint à se faire aimer ; et comme il ne m'avait point caché ses revers et ses peines, il se crut obligé de me communiquer ses succès : rien n'égalait ses transports et l'excès de sa joie. Le spectacle d'un tel bonheur me fit regretter de n'en avoir pas essayé encore ; je n'avais point eu jusqu'alors de liaison de femme qui pût flatter mon amour-propre ; un nouvel avenir parut se dévoiler à mes yeux ; un nouveau besoin se fit sentir au fond de mon cœur. Il y avait dans ce besoin beaucoup de vanité, sans doute, mais il n'y avait pas uniquement de la vanité ; il y en avait peut-être moins que je ne le croyais moi-même. Les sentiments de l'homme sont confus et mélangés ; ils se composent d'une multitude d'impressions variées qui échappent à l'observation ; et la parole, toujours trop grossière et trop générale, peut bien servir à les désigner, mais ne sert jamais à les définir. J'avais, dans la maison de mon père, adopté sur les femmes un système assez immoral. Mon père, bien qu'il observât strictement les convenances extérieures, se permettait assez fréquemment des propos légers sur les liaisons d'amour : il les regardait comme des amusements, sinon permis, du moins excusables, et considérait le mariage seul sous un rapport sérieux. Il avait pour principe, qu'un jeune homme doit éviter avec soin de faire ce qu'on nomme une folie, c'est-à-dire de contracter un engagement durable avec une personne qui ne fût pas parfaitement son égale pour la fortune, la naissance et les avantages extérieurs ; mais du reste, toutes les femmes, aussi longtemps qu'il ne s'agissait pas de les épouser lui paraissaient pouvoir, sans inconvénient, être prises, puis être quittées ; et je l'avais vu sourire avec une sorte d'approbation à cette parodie d'un mot connu : Cela leur fait si peu de mal, et à nous tant de plaisir ! L'on ne sait pas assez combien, dans la première jeunesse, les mots de cette espèce font une impression profonde, et combien à un âge où toutes les opinions sont encore douteuses et vacillantes, les enfants s'étonnent de voir contredire, par des plaisanteries que tout le monde applaudit, les règles directes qu'on leur a données. Ces règles ne sont plus à leurs yeux que des formules banales que leurs parents sont convenus de leur répéter pour l'acquit de leur conscience, et les plaisanteries leur semblent renfermer le véritable secret de la vie. Tourmenté d'une émotion vague, je veux être aimé, me disais-je, et je regardais autour de moi ; je ne voyais personne qui m'inspirât de l'amour, personne qui me parût susceptible d'en prendre ; j'interrogeais mon cœur et mes goûts : je ne me sentais aucun mouvement de préférence. Je m'agitais ainsi intérieurement, lorsque je fis connaissance avec le comte de P*, homme de quarante ans, dont la famille était alliée à la mienne. Il me proposa de venir le voir. Malheureuse visite ! Il avait chez lui sa maîtresse, une Polonaise, célèbre par sa beauté, quoiqu'elle ne fût plus de la première jeunesse. Cette femme, malgré sa situation désavantageuse, avait montré, dans plusieurs occasions un caractère distingué. Sa famille, assez illustre en Pologne, avait été ruinée dans les troubles de cette contrée. Son père avait été proscrit ; sa mère était allée chercher un asile en France, et y avait mené sa fille, qu'elle avait laissée, à sa mort, dans un isolement complet. Le comte de P* en était devenu amoureux. J'ai toujours ignoré comment s'était formée une liaison qui, lorsque j'ai vu pour la première fois Ellénore, était, dès longtemps, établie et pour ainsi dire consacrée. La fatalité de sa situation ou l'inexpérience de son âge l'avaient-elles jetée dans une carrière qui répugnait également à son éducation, à ses habitudes et à la fierté qui faisait une partie très-remarquable de son caractère ? Ce que je sais, ce que tout le monde a su, c'est que la fortune du comte de P* ayant été presque entièrement détruite et sa liberté menacée, Ellénore lui avait donné de telles preuves de dévouement, avait rejeté avec un tel mépris les offres les plus brillantes, avait partagé ses périls et sa pauvreté avec tant de zèle et même de joie, que la sévérité la plus scrupuleuse ne pouvait s'empêcher de rendre justice à la pureté de ses motifs et au désintéressement de sa conduite. C'était à son activité, à son courage, à sa raison, aux sacrifices de tout genre qu'elle avait supportés sans se plaindre, que son amant devait d'avoir recouvré une partie de ses biens. Ils étaient venus s'établir à D* pour y suivre un procès qui pouvait rendre entièrement au comte de P* son ancienne opulence, et comptaient y rester environ deux ans. Ellénore n'avait qu'un esprit ordinaire ; mais ses idées étaient justes, et ses expressions, toujours simples, étaient quelquefois frappantes par la noblesse et l'élévation de ses sentiments. Elle avait beaucoup de préjugés ; mais tous ses préjugés étaient en sens inverse de son intérêt. Elle attachait le plus grand prix à la régularité de la conduite, précisément parce que la sienne n'était pas régulière suivant les notions reçues. Elle était très-religieuse, parce que la religion condamnait rigoureusement son genre de vie. Elle repoussait sévèrement dans la conversation tout ce qui n'aurait paru à d'autres femmes que des plaisanteries innocentes, parce qu'elle craignait toujours qu'on ne se crût autorisé par son état à lui en adresser de déplacées. Elle aurait désiré ne recevoir chez elle que des hommes du rang le plus élevé et de mœurs irréprochables, parce que les femmes à qui elle frémissait d'être comparée se forment d'ordinaire une société mélangée, et, se résignant à la perte de la considération, ne cherchent dans leurs relations que l'amusement. Ellénore, en un mot, était en lutte constante avec sa destinée. Elle protestait, pour ainsi dire, par chacune de ses actions et de ses paroles, contre la classe dans laquelle elle se trouvait rangée ; et comme elle sentait que la réalité était plus forte qu'elle, et que ses efforts ne changeaient rien à sa situation, elle était fort malheureuse. Elle élevait deux enfants qu'elle avait eus du comte de P* avec une austérité excessive. On eût dit quelquefois qu'une révolte secrète se mêlait à l'attachement plutôt passionné que tendre qu'elle leur montrait, et les lui rendait en quelque sorte importuns. Lorsqu'on lui faisait à bonne intention quelque remarque sur ce que ses enfants grandissaient, sur les talents qu'ils promettaient d'avoir, sur la carrière qu'ils auraient à suivre, on la voyait pâlir de l'idée qu'il faudrait qu'un jour elle leur avouât leur naissance. Mais le moindre danger, une heure d'absence, la ramenait à eux avec une anxiété où l'on démêlait une espèce de remords, et le désir de leur donner par ses caresses le bonheur qu'elle n'y trouvait pas elle-même. Cette opposition entre ses sentiments et la place qu'elle occupait dans le monde, avait rendu son humeur fort inégale. Souvent elle était rêveuse et taciturne ; quelquefois elle parlait avec impétuosité. Comme elle était tourmentée d'une idée particulière, au milieu de la conversation la plus générale, elle ne restait jamais parfaitement calme. Mais, par cela même, il y avait dans sa manière quelque chose de fougueux et d'inattendu qui la rendait plus piquante qu'elle n'aurait dû l'être naturellement. La bizarrerie de sa position suppléait en elle à la nouveauté des idées. On l'examinait avec intérêt et curiosité comme un bel orage. Offerte à mes regards dans un moment où mon cœur avait besoin d'amour, ma vanité, de succès, Ellénore me parut une conquête digne de moi. Elle-même trouva du plaisir dans la société d'un homme différent de ceux qu'elle avait vus jusqu'alors. Son cercle s'était composé de quelques amis ou parents de son amant et de leurs femmes, que l'ascendant du comte de P* avait forcés à recevoir sa maîtresse. Les maris étaient dépourvus de sentiments aussi bien que d'idées ; les femmes ne différaient de leurs maris que par une médiocrité plus inquiète et plus agitée, parce qu'elles n'avaient pas, comme eux, cette tranquillité d'esprit qui résulte de l'occupation et de la régularité des affaires. Une plaisanterie plus légère, une conversation plus variée, un mélange particulier de mélancolie et de gaieté, de découragement et d'intérêt, d'enthousiasme et d'ironie, étonnèrent et attachèrent Ellénore. Elle parlait plusieurs langues, imparfaitement à la vérité, mais toujours avec vivacité, quelquefois avec grâce. Ses idées semblaient se faire jour à travers les obstacles, et sortir de cette lutte plus agréables, plus naïves et plus neuves ; car les idiomes étrangers rajeunissent les pensées, et les débarrassent de ces tournures qui les font paraître tour à tour communes et affectées. Nous lisions ensemble des poètes anglais ; nous nous promenions ensemble. J'allais souvent la voir le matin ; j'y retournais le soir : je causais avec elle sur mille sujets. Je pensais faire, en observateur froid et impartial, le tour de son caractère et de son esprit ; mais chaque mot qu'elle disait me semblait revêtu d'une grâce inexplicable. Le dessein de lui plaire, mettant dans ma vie un nouvel intérêt, animait mon existence d'une manière inusitée. J'attribuais à son charme cet effet presque magique : j'en aurais joui plus complètement encore sans l'engagement que j'avais pris envers mon amour-propre. Cet amour-propre était en tiers entre Ellénore et moi. Je me croyais comme obligé de marcher au plus vite vers le but que je m'étais proposé : je ne me livrais donc pas sans réserve à mes impressions. Il me tardait d'avoir parlé, car il me semblait que je n'avais qu'à parler pour réussir. Je ne croyais point aimer Ellénore ; mais déjà je n'aurais pu me résigner à ne pas lui plaire. Elle m'occupait sans cesse : je formais mille projets ; j'inventais mille moyens de conquête, avec cette fatuité sans expérience qui se croit sûre du succès parce qu'elle n'a rien essayé. Cependant une invincible timidité m'arrêtait : tous mes discours expiraient sur mes lèvres, ou se terminaient tout autrement que je ne l'avais projeté. Je me débattais intérieurement : j'étais indigné contre moi-même. Je cherchai enfin un raisonnement qui pût me tirer de cette lutte avec honneur à mes propres yeux. Je me dis qu'il ne fallait rien précipiter, qu'Ellénore était trop peu préparée à l'aveu que je méditais, et qu'il valait mieux attendre encore. Presque toujours, pour vivre en repos avec nous-mêmes, nous travestissons en calculs et en systèmes nos impuissances ou nos faiblesses : cela satisfait cette portion de nous qui est, pour ainsi dire, spectatrice de l'autre. Cette situation se prolongea. Chaque jour, je fixais le lendemain comme l'époque invariable d'une déclaration positive, et chaque lendemain s'écoulait comme la veille. Ma timidité me quittait dès que je m'éloignais d'Ellénore ; je reprenais alors mes plans habiles et mes profondes combinaisons : mais à peine me retrouvais-je auprès d'elle, que je me sentais de nouveau tremblant et troublé. Quiconque aurait lu dans mon cœur, en son absence, m'aurait pris pour un séducteur froid et peu sensible ; quiconque m'eût aperçu à ses côtés eût cru reconnaître en moi un amant novice, interdit et passionné. L'on se serait également trompé dans ces deux jugements : il n'y a point d'unité complète dans l'homme, et presque jamais personne n'est tout à fait sincère ni tout à fait de mauvaise foi. Convaincu par ces expériences réitérées que je n'aurais jamais le courage de parler à Ellénore, je me déterminai à lui écrire. Le comte de P* était absent. Les combats que j'avais livrés longtemps à mon propre caractère, l'impatience que j'éprouvais de n'avoir pu le surmonter, mon incertitude sur le succès de ma tentative, jetèrent dans ma lettre une agitation qui ressemblait fort à l'amour. Échauffé d'ailleurs que j'étais par mon propre style, je ressentais, en finissant d'écrire, un peu de la passion que j'avais cherché à exprimer avec toute la force possible. Ellénore vit dans ma lettre ce qu'il était naturel d'y voir, le transport passager d'un homme qui avait dix ans de moins qu'elle, dont le cœur s'ouvrait à des sentiments qui lui étaient encore inconnus, et qui méritait plus de pitié que de colère. Elle me répondit avec bonté, me donna des conseils affectueux, m'offrit une amitié sincère, mais me déclara que, jusqu'au retour du comte de P*, elle ne pourrait me recevoir. Cette réponse me bouleversa. Mon imagination, s'irritant de l'obstacle, s'empara de toute mon existence. L'amour, qu'une heure auparavant je m'applaudissais de feindre, je crus tout à coup l'éprouver avec fureur. Je courus chez Ellénore ; on me dit qu'elle était sortie. Je lui écrivis ; je la suppliai de m'accorder une dernière entrevue ; je lui peignis en termes déchirants mon désespoir, les projets funestes que m'inspirait sa cruelle détermination. Pendant une grande partie du jour, j'attendis vainement une réponse. Je ne calmai mon inexprimable souffrance qu'en me répétant que le lendemain je braverais toutes les difficultés pour pénétrer jusqu'à Ellénore et pour lui parler. On m'apporta le soir quelques mots d'elle : ils étaient doux. Je crus y remarquer une impression de regret et de tristesse ; mais elle persistait dans sa résolution, qu'elle m'annonçait comme inébranlable. Je me présentai de nouveau chez elle le lendemain. Elle était partie pour une campagne dont ses gens ignoraient le nom. Ils n'avaient même aucun moyen de lui faire parvenir des lettres. Je restai longtemps immobile à sa porte, n'imaginant plus aucune chance de la retrouver. J'étais étonné moi-même de ce que je souffrais. Ma mémoire me retraçait les instants où je m'étais dit que je n'aspirais qu'à un succès ; que ce n'était qu'une tentative à laquelle je renoncerais sans peine. Je ne concevais rien à la douleur violente, indomptable, qui déchirait mon cœur. Plusieurs jours se passèrent de la sorte. J'étais également incapable de distraction et d'étude. J'errais sans cesse devant la porte d'Ellénore. Je me promenais dans la ville, comme si, au détour de chaque rue, j'avais pu espérer de la rencontrer. Un matin, dans une de ces courses sans but, qui servaient à remplacer mon agitation par de la fatigue, j'aperçus la voiture du comte de P*, qui revenait de son voyage. Il me reconnut et mit pied à terre. Après quelques phrases banales, je lui parlai en déguisant mon trouble, du départ subit d'Ellénore. — Oui, me dit-il, une de ses amies, à quelques lieues d'ici, à éprouvé je ne sais quel événement fâcheux qui a fait croire à Ellénore que ses consolations lui seraient utiles. Elle est partie sans me consulter. C'est une personne que tous ses sentiments dominent, et dont l'âme toujours active, trouve presque du repos dans le dévouement. Mais sa présence ici m'est trop nécessaire ; je vais lui écrire : elle reviendra sûrement dans quelques jours. Cette assurance me calma ; je sentis ma douleur s'apaiser. Pour la première fois depuis le départ d'Ellénore, je pus respirer sans peine. Son retour fut moins prompt que ne l'espérait le comte de P*. Mais j'avais repris ma vie habituelle, et l'angoisse que j'avais éprouvée commençait à se dissiper, lorsqu'au bout d'un mois M. de P* me fit avertir qu'Ellénore devait arriver le soir. Comme il mettait un grand prix à lui maintenir dans la société la place que son caractère méritait, et dont sa situation semblait l'exclure, il avait invité à souper plusieurs femmes de ses parentes et de ses amies qui avaient consenti à voir Ellénore. Mes souvenirs reparurent, d'abord confus, bientôt plus vifs. Mon amour-propre s'y mêlait. J'étais embarrassé, humilié, de rencontrer une femme qui m'avait traité comme un enfant. Il me semblait la voir, souriant à mon approche de ce qu'une courte absence avait calmé l'effervescence d'une jeune tête ; et je démêlais dans ce sourire une sorte de mépris pour moi. Par degrés mes sentiments se réveillèrent. Je m'étais levé, ce jour-là même, ne songeant plus à Ellénore ; une heure après avoir reçu la nouvelle de son arrivée, son image errait devant mes yeux, régnait sur mon cœur, et j'avais la fièvre de la crainte de ne pas la voir. Je restai chez moi toute la journée ; je m'y tins, pour ainsi dire, caché : je tremblais que le moindre mouvement ne prévînt notre rencontre. Rien pourtant n'était plus simple, plus certain ; mais je la désirais avec tant d'ardeur, qu'elle me paraissait impossible. L'impatience me dévorait : à tous les instants je consultais ma montre. J'étais obligé d'ouvrir la fenêtre pour respirer ; mon sang me brûlait en circulant dans mes veines. Enfin j'entendis sonner l'heure à laquelle je devais me rendre chez le comte. Mon impatience se changea tout à coup en timidité ; je m'habillai lentement ; je ne me sentais plus pressé d'arriver : j'avais un tel effroi que mon attente ne fût déçue, un sentiment si vif de la douleur que je courais risque d'éprouver, que j'aurais consenti volontiers à tout ajourner. Il était assez tard lorsque j'entrai chez M. de P*. J'aperçus Ellénore assise au fond de la chambre ; je n'osais avancer, il me semblait que tout le monde avait les yeux fixés sur moi. J'allai me cacher dans un coin du salon, derrière un groupe d'hommes qui causaient. De là je contemplais Ellénore : elle me parut légèrement changée, elle était plus pâle que de coutume. Le comte me découvrit dans l'espèce de retraite où je m'étais réfugié ; il vint à moi, me prit par la main et me conduisit vers Ellénore. — Je vous présente, lui dit-il en riant, l'un des hommes que votre départ inattendu a le plus étonnés. — Ellénore parlait à une femme placée à côte d'elle. Lorsqu'elle me vit, ses paroles s'arrêtèrent sur ses lèvres ; elle demeura tout interdite : je l'étais beaucoup moi-même. On pouvait nous entendre, j'adressai à Ellénore des questions indifférentes. Nous reprîmes tous deux une apparence de calme. On annonça qu'on avait servi ; j'offris à Ellénore mon bras, qu'elle ne put refuser. — Si vous ne me promettez pas, lui dis-je en la conduisant, de me recevoir demain chez vous à onze heures, je pars à l'instant, j'abandonne mon pays, ma famille et mon père, je romps tous mes liens, j'abjure tous mes devoirs, et je vais, n'importe où, finir au plus tôt une vie que vous vous plaisez à empoisonner. — Adolphe ! me répondit-elle ; et elle hésitait. Je fis un mouvement pour m'éloigner. Je ne sais ce que mes traits exprimèrent, mais je n'avais jamais éprouvé de contraction si violente. Ellénore me regarda. Une terreur mêlée d'affection se peignit sur sa figure. — Je vous recevrai demain, me dit-elle, mais je vous conjure….. Beaucoup de personnes nous suivaient, elle ne put achever sa phrase. Je pressai sa main de mon bras ; nous nous mîmes à table.

J'aurais voulu m'asseoir à côté d'Ellénore, mais le maître de la maison l'avait autrement décidé : je fus placé à peu près vis-à-vis d'elle. Au commencement du souper, elle était rêveuse. Quand on lui adressait la parole, elle répondait avec douceur ; mais elle retombait bientôt dans la distraction. Une de ses amies, frappée de son silence et de son abattement, lui demanda si elle était malade. — Je n'ai pas été bien dans ces derniers temps, répondit-elle, et même à présent je suis fort ébranlée. — J'aspirais à produire dans l'esprit d'Ellénore une impression agréable ; je voulais, en me montrant aimable et spirituel, la disposer en ma faveur, et la préparer à l'entrevue qu'elle m'avait accordée. J'essayai donc de mille manières de fixer son attention. Je ramenai la conversation sur des sujets que je savais l'intéresser ; nos voisins s'y mêlèrent : j'étais inspiré par sa présence ; je parvins à me faire écouter d'elle, je la vis bientôt sourire : j'en ressentis une telle joie, mes regards exprimèrent tant de reconnaissance, qu'elle ne put s'empêcher d'en être touchée. Sa tristesse et sa distraction se dissipèrent : elle ne résista plus au charme secret que répandait dans son âme la vue du bonheur que je lui devais ; et quand nous sortîmes de table, nos cœurs étaient d'intelligence comme si nous n'avions jamais été séparés. Vous voyez, lui dis-je, en lui donnant la main pour rentrer dans le salon, que vous disposez de toute mon existence ; que vous ai-je fait pour que vous trouviez du plaisir à la tourmenter ?

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CHAPITRE II KAPITEL II CHAPTER II CAPITOLO II

Distrait, inattentif, ennuyé, je ne m'apercevais point de l'impression que je produisais, et je partageais mon temps entre des études que j'interrompais souvent, des projets que je n'exécutais pas, des plaisirs qui ne m'intéressaient guère, lorsqu'une circonstance, très-frivole en apparence, produisit dans ma disposition une révolution importante. ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||легкомысленный||||||||| |unaufmerksam|||||||||||||teilte|||||||||||||nicht ausführte||||||||als eine|Umstand||||scheinbar||||||| Рассеянный, невнимательный, скучающий, я не понимал, какое впечатление произвожу, и делил свое время между учебой, которую часто прерывал, проектами, которые не выполнял, удовольствиями, которые меня мало интересовали, когда одно обстоятельство, на первый взгляд весьма легкомысленное, произвело важный переворот в моем расположении. Un jeune homme avec lequel j'étais assez lié cherchait depuis quelques mois à plaire à l'une des femmes les moins insipides de la société dans laquelle nous vivions : j'étais le confident très-désintéressé de son entreprise. ||||||||||||||||||||безвкусные||||||||||доверенное лицо||||| Молодой человек, с которым я был довольно хорошо знаком, в течение нескольких месяцев пытался понравиться одной из не самых глупых женщин в обществе, в котором мы жили: я был бескорыстным доверенным лицом его предприятия. Après de longs efforts, il parvint à se faire aimer ; et comme il ne m'avait point caché ses revers et ses peines, il se crut obligé de me communiquer ses succès : rien n'égalait ses transports et l'excès de sa joie. ||||||||||||||||||неудачи||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||glaubte sich||||mitteilen||||übertraf||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||didn't equal||transports||||| After much effort, he succeeded in making himself loved; and as he had not hidden his setbacks and sorrows from me, he felt obliged to share his successes with me: nothing matched his transport and the excess of his joy. После долгих усилий ему удалось добиться того, чтобы его полюбили; и поскольку он не скрывал от меня своих неудач и горестей, он считал своим долгом поделиться со мной своими успехами: ничто не могло сравниться с его волнением и избытком радости. Le spectacle d'un tel bonheur me fit regretter de n'en avoir pas essayé encore ; je n'avais point eu jusqu'alors de liaison de femme qui pût flatter mon amour-propre ; un nouvel avenir parut se dévoiler à mes yeux ; un nouveau besoin se fit sentir au fond de mon cœur. ||||||||||||||||||||||||||||||||||открываться|||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||Ego||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||flatter||||||||||||||||||||||| Зрелище такого счастья заставило меня пожалеть о том, что я не попробовал его раньше; до этого у меня не было ни одной женской связи, которая могла бы польстить моему самолюбию; новое будущее, казалось, открылось моим глазам; новая потребность ощущалась в моем сердце. Il y avait dans ce besoin beaucoup de vanité, sans doute, mais il n'y avait pas uniquement de la vanité ; il y en avait peut-être moins que je ne le croyais moi-même. ||||||||тщеславие||||||||||||||||||||||||| Несомненно, в этой потребности было много тщеславия, но это было не все тщеславие; возможно, его было меньше, чем я думал. Les sentiments de l'homme sont confus et mélangés ; ils se composent d'une multitude d'impressions variées qui échappent à l'observation ; et la parole, toujours trop grossière et trop générale, peut bien servir à les désigner, mais ne sert jamais à les définir. |||||||||||||von Eindrücken|||||||||||grob|||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||too||||||||||||||||| Чувства человека путаются и смешиваются; они состоят из множества разнообразных впечатлений, которые ускользают от наблюдения; а слова, всегда слишком грубые и общие, могут служить для их обозначения, но никогда не служат для их определения. J'avais, dans la maison de mon père, adopté sur les femmes un système assez immoral. ||||||||||||||аморальный В доме моего отца я принял довольно аморальную систему обращения с женщинами. Mon père, bien qu'il observât strictement les convenances extérieures, se permettait assez fréquemment des propos légers sur les liaisons d'amour : il les regardait comme des amusements, sinon permis, du moins excusables, et considérait le mariage seul sous un rapport sérieux. ||||beobachtete||||||||||||||||||||||||||||||||||| Мой отец, хотя и был строгим блюстителем внешних приличий, часто предавался легкомысленным разговорам о любовных похождениях: он считал их если не допустимыми, то, по крайней мере, извинительными развлечениями, и только брак рассматривал в серьезном свете. Il avait pour principe, qu'un jeune homme doit éviter avec soin de faire ce qu'on nomme une folie, c'est-à-dire de contracter un engagement durable avec une personne qui ne fût pas parfaitement son égale pour la fortune, la naissance et les avantages extérieurs ; mais du reste, toutes les femmes, aussi longtemps qu'il ne s'agissait pas de les épouser lui paraissaient pouvoir, sans inconvénient, être prises, puis être quittées ; et je l'avais vu sourire avec une sorte d'approbation à cette parodie d'un mot connu : Cela leur fait si peu de mal, et à nous tant de plaisir ! ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||мочь||неудобство||||||||||||||одобрения||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||Zustimmung||||||||||||||||||| Его принцип заключался в том, что молодой человек должен тщательно избегать того, что называется глупостью, то есть заключения длительной связи с человеком, не равным ему по состоянию, рождению и внешним достоинствам; в остальном же все женщины, если речь не идет о женитьбе на них, казались ему способными без неудобств быть взятыми и затем оставленными; и я видел, как он улыбался с неким одобрением на эту пародию на известную поговорку: "Им так мало вреда, а нам так много удовольствия! L'on ne sait pas assez combien, dans la première jeunesse, les mots de cette espèce font une impression profonde, et combien à un âge où toutes les opinions sont encore douteuses et vacillantes, les enfants s'étonnent de voir contredire, par des plaisanteries que tout le monde applaudit, les règles directes qu'on leur a données. ||||||||||||||||||||||||||||||сомнительные||колеблющиеся|||удивляются|||опровергать|||||||||||прямые|||| ||||||||||||||||||||||||||||||||schwankend||||||||||||||||||||| Мы не знаем, какое глубокое впечатление производят подобные слова в ранней юности, и как удивляются дети в том возрасте, когда все мнения еще сомнительны и колеблются, видя, что прямые правила, которые им даны, противоречат шуткам, которые все аплодируют. Ces règles ne sont plus à leurs yeux que des formules banales que leurs parents sont convenus de leur répéter pour l'acquit de leur conscience, et les plaisanteries leur semblent renfermer le véritable secret de la vie. |||||||||||обычные|||||договорились|||||долг||||||||||||||| |||||||||||banal||||||||||||||||||||||||| В их глазах эти правила - не более чем банальные формулы, которые родители согласились повторять за ними для очистки совести, а шутки кажутся им настоящим секретом жизни. Tourmenté d'une émotion vague, je veux être aimé, me disais-je, et je regardais autour de moi ; je ne voyais personne qui m'inspirât de l'amour, personne qui me parût susceptible d'en prendre ; j'interrogeais mon cœur et mes goûts : je ne me sentais aucun mouvement de préférence. ||||||||||||||||||||||вдохновлял|||||||восприимчивый|||я спрашивал||||||||||||| ||||||||||||||||||||||inspirierte||||||||||||||||||||||| Мучимый смутным чувством: "Я хочу быть любимым", - сказал я себе и огляделся вокруг; я не увидел никого, кто внушал бы мне любовь, никого, кто, казалось, мог бы заставить меня почувствовать ее; я опросил свое сердце и свои вкусы: я не почувствовал никакого движения предпочтения. Je m'agitais ainsi intérieurement, lorsque je fis connaissance avec le comte de P***, homme de quarante ans, dont la famille était alliée à la mienne. |||innerlich||||||||||||||||||||| Я находился в состоянии внутреннего смятения, когда встретил графа П*, мужчину лет сорока, чья семья была связана с моей. Il me proposa de venir le voir. Он попросил меня прийти к нему. Malheureuse visite ! Неудачный визит! Il avait chez lui sa maîtresse, une Polonaise, célèbre par sa beauté, quoiqu'elle ne fût plus de la première jeunesse. У него дома была любовница, полька, славившаяся своей красотой, хотя она была уже не в самом расцвете сил. Cette femme, malgré sa situation désavantageuse, avait montré, dans plusieurs occasions un caractère distingué. |||||невыгодной||||||||выдающийся Эта женщина, несмотря на свое неблагополучное положение, не раз проявляла выдающийся характер. Sa famille, assez illustre en Pologne, avait été ruinée dans les troubles de cette contrée. ||||||||||||||стране ||||||||||||||region Его семья, весьма известная в Польше, была разорена во время смуты. Son père avait été proscrit ; sa mère était allée chercher un asile en France, et y avait mené sa fille, qu'elle avait laissée, à sa mort, dans un isolement complet. ||||verbannt|||||||Asyl|||||||||||||||||Isolation| ||||proscribed||||||||||||||||||||||||| Ее отец был запрещен; мать уехала просить убежища во Францию и забрала туда дочь, оставив ее в полной изоляции после своей смерти. Le comte de P*** en était devenu amoureux. Граф П* влюбился в нее. J'ai toujours ignoré comment s'était formée une liaison qui, lorsque j'ai vu pour la première fois Ellénore, était, dès longtemps, établie et pour ainsi dire consacrée. I've always been at a loss to understand how an affair came about which, when I first saw Ellénore, had long since been established and, as it were, consecrated. Я всегда не понимал, как возник роман, который, когда я впервые увидел Эленору, был уже давно создан и, так сказать, освящен. La fatalité de sa situation ou l'inexpérience de son âge l'avaient-elles jetée dans une carrière qui répugnait également à son éducation, à ses habitudes et à la fierté qui faisait une partie très-remarquable de son caractère ? |||||||||||||||||вызывала отвращение|||||||||||||||||||| Had the inevitability of her situation or the inexperience of her age thrown her into a career that was equally repugnant to her education, her habits and the pride that was such a remarkable part of her character? Неужели неизбежность ситуации или неопытность ее возраста привели ее к карьере, которая в равной степени противоречила ее воспитанию, привычкам и гордости, составлявшей столь примечательную часть ее характера? Ce que je sais, ce que tout le monde a su, c'est que la fortune du comte de P*** ayant été presque entièrement détruite et sa liberté menacée, Ellénore lui avait donné de telles preuves de dévouement, avait rejeté avec un tel mépris les offres les plus brillantes, avait partagé ses périls et sa pauvreté avec tant de zèle et même de joie, que la sévérité la plus scrupuleuse ne pouvait s'empêcher de rendre justice à la pureté de ses motifs et au désintéressement de sa conduite. |||||||||||||||||||||||разрушена|||||||||||||||отвергла||||презрение||предложения|||||||опасности|||бедность|||||||||||строгость|||строгая|||||||||||||||бескорыстие||| What I know, what everyone knew, is that the Count de P*'s fortune having been almost entirely destroyed and his freedom threatened, Ellénore had given him such proof of devotion, had rejected the most brilliant offers with such contempt, had shared his perils and his poverty with such zeal and even joy, that the most scrupulous severity could not help but do justice to the purity of her motives and the disinterestedness of her conduct. Я знаю, и все знают, что, когда состояние графа де П* было почти полностью уничтожено, а его свободе угрожала опасность, Эленора дала ему такое доказательство преданности, отвергла самые блестящие предложения с таким презрением, разделила его опасности и бедность с таким рвением и даже радостью, что самая скрупулезная строгость не могла не отдать справедливости чистоте ее побуждений и бескорыстию ее поведения. C'était à son activité, à son courage, à sa raison, aux sacrifices de tout genre qu'elle avait supportés sans se plaindre, que son amant devait d'avoir recouvré une partie de ses biens. |||||||||||||||||поддерживаемых|||||||||||||| It was to her activity, her courage, her reason, the sacrifices of every kind she had endured without complaint, that her lover owed the recovery of some of his possessions. Именно ее активности, мужеству, разуму и всевозможным жертвам, которые она безропотно выносила, ее возлюбленный был обязан возвращением части своего имущества. Ils étaient venus s'établir à D*** pour y suivre un procès qui pouvait rendre entièrement au comte de P*** son ancienne opulence, et comptaient y rester environ deux ans. |||||||||||||||||||||опуленция||||||| They had come to settle in D* to follow a trial that could fully restore the Count of P* to his former opulence, and intended to stay there for about two years. Они приехали в Д*, чтобы следить за процессом, который мог бы полностью вернуть графу П* его былое богатство, и намеревались остаться там примерно на два года. Ellénore n'avait qu'un esprit ordinaire ; mais ses idées étaient justes, et ses expressions, toujours simples, étaient quelquefois frappantes par la noblesse et l'élévation de ses sentiments. |||||||||правильные|||выражения|||||поразительные|||||высота||| Ellénore's mind was ordinary, but her ideas were accurate, and her expressions, always simple, were sometimes striking for the nobility and elevation of her sentiments. Эленор обладала обычным умом, но ее идеи были правильными, а выражения, всегда простые, иногда поражали благородством и возвышенностью чувств. Elle avait beaucoup de préjugés ; mais tous ses préjugés étaient en sens inverse de son intérêt. ||||предвзятости||||||||обратный||| ||||prejudices||||||||||| У нее было много предрассудков, но все они были направлены против ее интересов. Elle attachait le plus grand prix à la régularité de la conduite, précisément parce que la sienne n'était pas régulière suivant les notions reçues. ||||||||постоянство поведения|||||||||||регулярность||||принятых норм Она придавала огромное значение регулярности поведения, именно потому, что ее поведение не было регулярным в соответствии с общепринятыми представлениями. Elle était très-religieuse, parce que la religion condamnait rigoureusement son genre de vie. |||||||||строго|||| Она была очень религиозна, потому что религия строго осуждала ее образ жизни. Elle repoussait sévèrement dans la conversation tout ce qui n'aurait paru à d'autres femmes que des plaisanteries innocentes, parce qu'elle craignait toujours qu'on ne se crût autorisé par son état à lui en adresser de déplacées. |отталкивала|строго|||||||||||||||||||||||считал себя|уполномочен|||||||||неуместные |||||||||||||||||||||||||||||||||||displaced She sternly rejected in conversation anything that would have appeared to other women to be innocent jokes, because she was always afraid that someone would feel authorized by her state to address her with inappropriate ones. Она сурово отвергала в разговоре все, что могло показаться другим женщинам не более чем невинной шуткой, потому что всегда боялась, что кто-то, в силу ее положения, сочтет себя вправе обратиться к ней с неуместной шуткой. Elle aurait désiré ne recevoir chez elle que des hommes du rang le plus élevé et de mœurs irréprochables, parce que les femmes à qui elle frémissait d'être comparée se forment d'ordinaire une société mélangée, et, se résignant à la perte de la considération, ne cherchent dans leurs relations que l'amusement. |||||||||||||||||нравы|безупречными нравами||||||||дрожала|||||||||||соглашающаяся||||||уважение|||||||развлечение She would have liked to receive only men of the highest rank and irreproachable morals into her home, because the women she shuddered at being compared to usually form a mixed company, and, resigning themselves to the loss of consideration, seek only amusement in their relationships. Она хотела бы принимать в своем доме только мужчин самого высокого ранга и безупречной нравственности, потому что женщины, от сравнения с которыми она содрогается, обычно составляют смешанную компанию и, смирившись с потерей уважения, ищут в отношениях только развлечений. Ellénore, en un mot, était en lutte constante avec sa destinée. |||||||постоянной||| Ellénore, in a word, was in a constant struggle with her destiny. Эленора, одним словом, находилась в постоянной борьбе со своей судьбой. Elle protestait, pour ainsi dire, par chacune de ses actions et de ses paroles, contre la classe dans laquelle elle se trouvait rangée ; et comme elle sentait que la réalité était plus forte qu'elle, et que ses efforts ne changeaient rien à sa situation, elle était fort malheureuse. |протестовала||||||||||||||||||||||||||||||||||||||не меняли|||||||| |||||||||||||||the|||||||||||||||||||||||||||||||| She protested, as it were, with every action and word, against the class in which she found herself placed; and as she felt that reality was stronger than she was, and that her efforts made no difference to her situation, she was very unhappy. Она каждым словом и поступком протестовала против того класса, в котором оказалась; и поскольку она чувствовала, что реальность сильнее ее, а ее усилия ничего не меняли в ее положении, она была очень несчастна. Elle élevait deux enfants qu'elle avait eus du comte de P*** avec une austérité excessive. |||||||||||||аустеритет| She raised two children by the Count of P* with excessive austerity. Она воспитывала двоих детей графа П* с чрезмерной строгостью. On eût dit quelquefois qu'une révolte secrète se mêlait à l'attachement plutôt passionné que tendre qu'elle leur montrait, et les lui rendait en quelque sorte importuns. ||||||||мешал||привязанность||страстный|||||||||||||неуместными |||||||||||||||||||||||||importunate Иногда казалось, что к страстной, а не нежной привязанности, которую она к ним проявляла, примешивается тайный бунт, делающий их в какой-то мере нежеланными. Lorsqu'on lui faisait à bonne intention quelque remarque sur ce que ses enfants grandissaient, sur les talents qu'ils promettaient d'avoir, sur la carrière qu'ils auraient à suivre, on la voyait pâlir de l'idée qu'il faudrait qu'un jour elle leur avouât leur naissance. |||||||замечание||||||росли|||способности||обещали||||||||||||побледнеть|||||||||признавать|| Whenever anyone made a well-intentioned remark about the way her children were growing up, the talents they promised to have, the careers they were to follow, she paled at the thought that one day she would have to confess their birth to them. Когда кто-то делал благожелательное замечание о том, как растут ее дети, какими талантами они обещают обладать, какую карьеру им предстоит сделать, можно было увидеть, как она бледнеет при мысли о том, что однажды ей придется признаться им в их рождении. Mais le moindre danger, une heure d'absence, la ramenait à eux avec une anxiété où l'on démêlait une espèce de remords, et le désir de leur donner par ses caresses le bonheur qu'elle n'y trouvait pas elle-même. ||||||отсутствия||возвращала её||||||||разбирался||||||||||||||||||||| Но малейшая опасность, часовое отсутствие возвращали ее к ним с тревогой, в которой чувствовалось что-то вроде раскаяния, и желанием дать им через свои ласки то счастье, которое она сама не могла найти там. Cette opposition entre ses sentiments et la place qu'elle occupait dans le monde, avait rendu son humeur fort inégale. |противоречие||||||||заняла|||||||||неравномерной This opposition between her feelings and her place in the world had made her mood very uneven. Это противостояние между ее чувствами и местом, которое она занимала в мире, делало ее настроение очень неровным. Souvent elle était rêveuse et taciturne ; quelquefois elle parlait avec impétuosité. |||мечтательная|||||||импульсивность Часто она была мечтательной и неразговорчивой, иногда говорила порывисто. Comme elle était tourmentée d'une idée particulière, au milieu de la conversation la plus générale, elle ne restait jamais parfaitement calme. Когда ее мучила какая-то конкретная мысль, в разгар самого общего разговора она никогда не оставалась совершенно спокойной. Mais, par cela même, il y avait dans sa manière quelque chose de fougueux et d'inattendu qui la rendait plus piquante qu'elle n'aurait dû l'être naturellement. |||||||||||||страстный||неожиданного|||||острая||||| ||||||||||something|||||of the unexpected|||||||||| But, by the same token, there was something fiery and unexpected in her manner that made her more piquant than she naturally should have been. Но в то же время в ее манере было что-то огненное и неожиданное, что делало ее более пикантной, чем это должно было быть по природе. La bizarrerie de sa position suppléait en elle à la nouveauté des idées. |бizarre||||компенсировала|||||новизна|| The oddity of her position made up for the novelty of her ideas. Необычность ее положения компенсировала новизну ее идей. On l'examinait avec intérêt et curiosité comme un bel orage. |исследовали||||||||буря It was examined with interest and curiosity like a beautiful storm. Его рассматривали с интересом и любопытством, как прекрасную грозу. Offerte à mes regards dans un moment où mon cœur avait besoin d'amour, ma vanité, de succès, Ellénore me parut une conquête digne de moi. Предложенная мне в то время, когда мое сердце нуждалось в любви, а тщеславие - в успехе, Эленора показалась мне достойным завоеванием. Elle-même trouva du plaisir dans la société d'un homme différent de ceux qu'elle avait vus jusqu'alors. Она сама находила удовольствие в обществе мужчины, не похожего ни на одного из тех, кого она видела раньше. Son cercle s'était composé de quelques amis ou parents de son amant et de leurs femmes, que l'ascendant du comte de P*** avait forcés à recevoir sa maîtresse. ||||||||||||and|||||the influence|||||had|||receive|| Ее окружение состояло из нескольких друзей или родственников ее любовника и их жен, которых возвышение графа П* заставило принять его любовницу. Les maris étaient dépourvus de sentiments aussi bien que d'idées ; les femmes ne différaient de leurs maris que par une médiocrité plus inquiète et plus agitée, parce qu'elles n'avaient pas, comme eux, cette tranquillité d'esprit qui résulte de l'occupation et de la régularité des affaires. ||||||||||||||||||||посредственность||||||||||||||||||занятость|||||| |||devoid||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Мужья были лишены не только чувств, но и идей; жены отличались от мужей лишь более беспокойной и неугомонной посредственностью, потому что не имели, как они, того душевного спокойствия, которое возникает благодаря занятиям и регулярности в делах. Une plaisanterie plus légère, une conversation plus variée, un mélange particulier de mélancolie et de gaieté, de découragement et d'intérêt, d'enthousiasme et d'ironie, étonnèrent et attachèrent Ellénore. |||||||разнообразная||смешение||||||радость||разочарование|||энтузиазма|||удивили||привлекли| Легкое подшучивание, более разнообразная беседа, своеобразная смесь меланхолии и веселости, уныния и интереса, энтузиазма и иронии, поразили и покорили Эленора. Elle parlait plusieurs langues, imparfaitement à la vérité, mais toujours avec vivacité, quelquefois avec grâce. |||||||||||живостью||| ||several|||||||||||| Она говорила на нескольких языках, конечно, не очень хорошо, но всегда с живостью, а иногда и с изяществом. Ses idées semblaient se faire jour à travers les obstacles, et sortir de cette lutte plus agréables, plus naïves et plus neuves ; car les idiomes étrangers rajeunissent les pensées, et les débarrassent de ces tournures qui les font paraître tour à tour communes et affectées. |||||||||препятствия|||||||приятные||||||||языковые формы||омолаживают|||||освобождают от|||выражения||||||||||принужденные ||||||||||||||||||||||||||||||the|||||||||||||| Его идеи, казалось, пробивались сквозь препятствия и выходили из борьбы более приятными, более наивными и более свежими; ведь иностранные идиомы омолаживают мысли и избавляют их от тех оборотов речи, которые заставляют их казаться попеременно то обыденными, то аффектированными. Nous lisions ensemble des poètes anglais ; nous nous promenions ensemble. |мы читали|||||||мы гуляли| Мы вместе читали английских поэтов, вместе ходили на прогулки. J'allais souvent la voir le matin ; j'y retournais le soir : je causais avec elle sur mille sujets. |||||||возвращался||||общался||||| Я часто уходил к ней утром и возвращался вечером, болтая с ней о тысяче вещей. Je pensais faire, en observateur froid et impartial, le tour de son caractère et de son esprit ; mais chaque mot qu'elle disait me semblait revêtu d'une grâce inexplicable. |||||||беспристрастный|||||||||||||||||облечённый|||необъяснимой Мне, как холодному и беспристрастному наблюдателю, казалось, что я постигаю суть ее характера и ее ума; но каждое ее слово казалось мне облеченным в необъяснимую благодать. Le dessein de lui plaire, mettant dans ma vie un nouvel intérêt, animait mon existence d'une manière inusitée. |замысел||||||||||||||||необычной Намерение доставить ему удовольствие, привнести в мою жизнь новый интерес, необычным образом оживило мое существование. J'attribuais à son charme cet effet presque magique : j'en aurais joui plus complètement encore sans l'engagement que j'avais pris envers mon amour-propre. Я приписал этот почти магический эффект ее обаянию: я бы получил еще большее удовольствие, если бы не моя самооценка. Cet amour-propre était en tiers entre Ellénore et moi. |||||третьем лице|||| Эта самооценка была третьей стороной между Эленором и мной. Je me croyais comme obligé de marcher au plus vite vers le but que je m'étais proposé : je ne me livrais donc pas sans réserve à mes impressions. Я чувствовал себя обязанным как можно быстрее продвигаться к цели, которую поставил перед собой: поэтому я не отдавался безоговорочно своим впечатлениям. Il me tardait d'avoir parlé, car il me semblait que je n'avais qu'à parler pour réussir. ||торопилось||||||||||||| It||||||||||||||| Я не мог дождаться, когда же я заговорю, потому что мне казалось, что я должен говорить только для того, чтобы добиться успеха. Je ne croyais point aimer Ellénore ; mais déjà je n'aurais pu me résigner à ne pas lui plaire. |||||||||не мог бы|||смириться||||| Я не думал, что мне нравится Эленора, но я не мог заставить себя не любить ее. Elle m'occupait sans cesse : je formais mille projets ; j'inventais mille moyens de conquête, avec cette fatuité sans expérience qui se croit sûre du succès parce qu'elle n'a rien essayé. Она||||||||||||завоевание|||||||||||||||| Я был постоянно занят ею: я составлял тысячи проектов, изобретал тысячи средств завоевания, с той неопытной фатумностью, которая считает себя уверенной в успехе, потому что ничего не пробовала. Cependant une invincible timidité m'arrêtait : tous mes discours expiraient sur mes lèvres, ou se terminaient tout autrement que je ne l'avais projeté. ||непобедимая||||||||||||||||||| Однако меня останавливала непобедимая робость: все мои речи заканчивались на моих устах, или заканчивались совсем не так, как я планировал. Je me débattais intérieurement : j'étais indigné contre moi-même. |||||возмущён||| Я боролся внутри: я был возмущен собой. Je cherchai enfin un raisonnement qui pût me tirer de cette lutte avec honneur à mes propres yeux. Наконец-то я нашел аргументы, которые позволили бы мне выйти из этой борьбы с честью в собственных глазах. Je me dis qu'il ne fallait rien précipiter, qu'Ellénore était trop peu préparée à l'aveu que je méditais, et qu'il valait mieux attendre encore. |||||||торопить|что Элленора|||||||||обдумывал|||||| Я сказал себе, что не стоит торопиться, что Эленор слишком неподготовлен к предстоящему признанию и что лучше подождать. Presque toujours, pour vivre en repos avec nous-mêmes, nous travestissons en calculs et en systèmes nos impuissances ou nos faiblesses : cela satisfait cette portion de nous qui est, pour ainsi dire, spectatrice de l'autre. ||||||||||переодеваем|||||системы||бессилия|||слабости||||||||||||зрительница|| |||||||||us||||||||||||||||||||||||| Almost always, to live at peace with ourselves, we disguise our powerlessness and weaknesses as calculations and systems: this satisfies that part of us which is, as it were, a spectator of the other. Почти всегда, чтобы жить в мире с собой, мы маскируем свое бессилие и слабости под расчеты и системы: это удовлетворяет ту часть нас, которая является, так сказать, зрителем другого. Cette situation se prolongea. Эта ситуация продолжалась. Chaque jour, je fixais le lendemain comme l'époque invariable d'une déclaration positive, et chaque lendemain s'écoulait comme la veille. |||фиксировал||||||||||||проходил||| Каждый день я назначал следующий день неизменным временем для позитивного высказывания, и каждый день проходил как день предыдущий. Ma timidité me quittait dès que je m'éloignais d'Ellénore ; je reprenais alors mes plans habiles et mes profondes combinaisons : mais à peine me retrouvais-je auprès d'elle, que je me sentais de nouveau tremblant et troublé. |||||||удалялся|Элленоры||восстанавливал||||||||||||||||||||||||| Моя робость покинула меня, как только я отошел от Эленор; я вновь принялся за свои искусные планы и глубокие комбинации, но стоило мне оказаться рядом с ней, как я вновь почувствовал трепет и беспокойство. Quiconque aurait lu dans mon cœur, en son absence, m'aurait pris pour un séducteur froid et peu sensible ; quiconque m'eût aperçu à ses côtés eût cru reconnaître en moi un amant novice, interdit et passionné. Кто угодно|||||||||меня бы||||соблазнитель|||||кто угодно|||||||||||||новичок||| Любой, кто прочитал бы мое сердце в ее отсутствие, принял бы меня за холодного и бесчувственного соблазнителя; любой, кто увидел бы меня рядом с ней, подумал бы, что я начинающий любовник, запретный и страстный. L'on se serait également trompé dans ces deux jugements : il n'y a point d'unité complète dans l'homme, et presque jamais personne n'est tout à fait sincère ni tout à fait de mauvaise foi. |||||||||||||единства|||||||||||||||||||был Мы бы одинаково ошибались в этих двух суждениях: в человеке нет полного единства, и почти никто не бывает полностью искренним или полностью нечестным. Convaincu par ces expériences réitérées que je n'aurais jamais le courage de parler à Ellénore, je me déterminai à lui écrire. ||||повторяющиеся|||||||||||||я решил||| Convinced by these repeated experiences that I would never have the courage to speak to Ellénore, I determined to write to her. Убедившись в том, что у меня никогда не хватит смелости поговорить с Эленорой, я решил написать ей. Le comte de P*** était absent. Les combats que j'avais livrés longtemps à mon propre caractère, l'impatience que j'éprouvais de n'avoir pu le surmonter, mon incertitude sur le succès de ma tentative, jetèrent dans ma lettre une agitation qui ressemblait fort à l'amour. |бои|||боролся||||||нетерпение|||||||||неопределенность||||||||||||||||| Битвы, которые я долго вел с собственным характером, нетерпение, которое я испытывал из-за того, что не мог преодолеть его, неуверенность в успехе моей попытки, привнесли в мое письмо беспокойство, очень похожее на любовь. Échauffé d'ailleurs que j'étais par mon propre style, je ressentais, en finissant d'écrire, un peu de la passion que j'avais cherché à exprimer avec toute la force possible. Разогретый своим собственным стилем, я почувствовал, что, закончив писать, в нем осталось немного страсти, которую я пытался выразить со всей силой, на которую был способен. Ellénore vit dans ma lettre ce qu'il était naturel d'y voir, le transport passager d'un homme qui avait dix ans de moins qu'elle, dont le cœur s'ouvrait à des sentiments qui lui étaient encore inconnus, et qui méritait plus de pitié que de colère. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||заслуживал|||||| Эленор увидела в моем письме то, что естественно было увидеть в нем, - мимолетное увлечение человеком на десять лет моложе ее, чье сердце открывалось для чувств, которые были ей еще неведомы, и которое заслуживало скорее жалости, чем гнева. Elle me répondit avec bonté, me donna des conseils affectueux, m'offrit une amitié sincère, mais me déclara que, jusqu'au retour du comte de P***, elle ne pourrait me recevoir. ||||доброта|||||любовные|предложила мне|||||||||||||||||| Она ответила мне любезностью, дала ласковый совет и предложила искреннюю дружбу, но сказала, что не может принять меня, пока не вернется граф П*. Cette réponse me bouleversa. |||потрясла меня Этот ответ поверг меня в шок. Mon imagination, s'irritant de l'obstacle, s'empara de toute mon existence. ||раздражаясь|||овладела|||| |||||seized|||| Мое воображение, раздраженное препятствием, заняло все мое существование. L'amour, qu'une heure auparavant je m'applaudissais de feindre, je crus tout à coup l'éprouver avec fureur. |||ранее||аплодировал себе||притворяться||крик||||||ярость Любовь, которую час назад я аплодировал себе за то, что притворялся, вдруг стала вызывать у меня ярость. Je courus chez Ellénore ; on me dit qu'elle était sortie. Я побежал к Эленор; мне сказали, что она ушла. Je lui écrivis ; je la suppliai de m'accorder une dernière entrevue ; je lui peignis en termes déchirants mon désespoir, les projets funestes que m'inspirait sa cruelle détermination. ||написал|||умолял||мне предоставить||||||описывал|||разрывающие|||||смертельные||вдохновляла меня||жестокой|решение |||||||||||||painted||||||||||||| Я написал ей письмо, умолял дать мне последнее интервью, в душераздирающих выражениях описал ей свое отчаяние и катастрофические планы, навеянные ее жестоким решением. Pendant une grande partie du jour, j'attendis vainement une réponse. |||||||напрасно|| Большую часть дня я напрасно ждал ответа. Je ne calmai mon inexprimable souffrance qu'en me répétant que le lendemain je braverais toutes les difficultés pour pénétrer jusqu'à Ellénore et pour lui parler. ||успокоил себя|||||||||||преодолею||||||||||| Я успокаивал свои невыразимые страдания только тем, что повторял себе, что на следующий день я преодолею все трудности, чтобы добраться до Эленор и поговорить с ней. On m'apporta le soir quelques mots d'elle : ils étaient doux. Вечером они принесли мне несколько слов от нее: они были очень милыми. Je crus y remarquer une impression de regret et de tristesse ; mais elle persistait dans sa résolution, qu'elle m'annonçait comme inébranlable. |||||||||||||упорствовала||||||| Мне показалось, что я заметил в ней сожаление и грусть, но она упорно продолжала стоять на своем, как она сказала мне, непоколебимом решении. Je me présentai de nouveau chez elle le lendemain. На следующий день я снова пришел к ней. Elle était partie pour une campagne dont ses gens ignoraient le nom. |||||||||игнорировали|| Она отправилась в поход, название которого ее люди не знали. Ils n'avaient même aucun moyen de lui faire parvenir des lettres. ||||||||доставить|| У них даже не было возможности отправлять ему письма. Je restai longtemps immobile à sa porte, n'imaginant plus aucune chance de la retrouver. Я долго стоял неподвижно у ее двери, не представляя, что когда-нибудь найду ее снова. J'étais étonné moi-même de ce que je souffrais. Я сам был поражен тем, что мне пришлось пережить. Ma mémoire me retraçait les instants où je m'étais dit que je n'aspirais qu'à un succès ; que ce n'était qu'une tentative à laquelle je renoncerais sans peine. |||воспроизводила|||||||||не стремился||||||||||||отказался бы|| В памяти всплыли моменты, когда я говорил себе, что стремлюсь только к успеху, что это всего лишь попытка, от которой я без труда откажусь. Je ne concevais rien à la douleur violente, indomptable, qui déchirait mon cœur. ||представлял||||||неукротимый||разрывала|| Я не мог понять, какая жестокая, неукротимая боль разрывает мое сердце. Plusieurs jours se passèrent de la sorte. Так прошло несколько дней. J'étais également incapable de distraction et d'étude. ||||отвлечения|| Я также был неспособен отвлекаться и учиться. J'errais sans cesse devant la porte d'Ellénore. Я бродил|||||| Я продолжал бродить мимо двери Эленор. Je me promenais dans la ville, comme si, au détour de chaque rue, j'avais pu espérer de la rencontrer. Я бродил по городу, словно за поворотом каждой улицы мог надеяться встретить ее. Un matin, dans une de ces courses sans but, qui servaient à remplacer mon agitation par de la fatigue, j'aperçus la voiture du comte de P***, qui revenait de son voyage. Однажды утром, выполняя одно из своих бесцельных поручений, которые сменяли беспокойство на усталость, я увидел карету графа П*, который возвращался из путешествия. Il me reconnut et mit pied à terre. Он узнал меня и сошел с места. Après quelques phrases banales, je lui parlai en déguisant mon trouble, du départ subit d'Ellénore. |||||||||||||внезапном| После нескольких банальных фраз я заговорил с ним, скрывая свое замешательство, о внезапном отъезде Эленора. — Oui, me dit-il, une de ses amies, à quelques lieues d'ici, à éprouvé je ne sais quel événement fâcheux qui a fait croire à Ellénore que ses consolations lui seraient utiles. |||||||||||||||||||неприятный случай|||||||||утешения||| - Да, - сказал он, - с одной из ее подруг, живущей в нескольких лигах отсюда, случилось несчастье, которое заставило Эленору поверить, что ее утешения будут ей полезны. Elle est partie sans me consulter. Она ушла, не посоветовавшись со мной. C'est une personne que tous ses sentiments dominent, et dont l'âme toujours active, trouve presque du repos dans le dévouement. |||||||доминируют|||||активная|||||||преданность Это человек, над которым довлеют все чувства, и чья вечно активная душа почти находит отдых в преданности. Mais sa présence ici m'est trop nécessaire ; je vais lui écrire : elle reviendra sûrement dans quelques jours. Но она слишком нужна мне здесь; я собираюсь написать ей: она, вероятно, вернется через несколько дней. Cette assurance me calma ; je sentis ma douleur s'apaiser. |убеждение||||чувствовал|||успокаиваться Это заверение успокоило меня, и я почувствовал, что моя боль утихает. Pour la première fois depuis le départ d'Ellénore, je pus respirer sans peine. |||||||||мог||| Впервые после отъезда Эленоры мне стало легко дышать. Son retour fut moins prompt que ne l'espérait le comte de P***. ||||менее быстрым||||||| Его возвращение было более медленным, чем рассчитывал граф П*. Mais j'avais repris ma vie habituelle, et l'angoisse que j'avais éprouvée commençait à se dissiper, lorsqu'au bout d'un mois M. de P*** me fit avertir qu'Ellénore devait arriver le soir. ||восстановил|||||тревога|||||||рассеиваться|когда|||||||||||||| Но я уже вернулась к привычной жизни, и страдания, которые я испытывала, начали рассеиваться, когда через месяц мсье де П* предупредил меня, что вечером должен приехать Эленор. Comme il mettait un grand prix à lui maintenir dans la société la place que son caractère méritait, et dont sa situation semblait l'exclure, il avait invité à souper plusieurs femmes de ses parentes et de ses amies qui avaient consenti à voir Ellénore. |||||||||||||||||||||||исключать||||||||||родственницы|||||||согласившиеся||| As he placed great value on maintaining for her the place in society that her character deserved, and from which her situation seemed to exclude her, he had invited to supper several of his female relatives and friends who had consented to see Ellénore. Поскольку он придавал большое значение сохранению для нее того места в обществе, которого заслуживал ее характер и которое, казалось, исключало ее положение, он пригласил на ужин нескольких своих родственниц и подруг, которые согласились встретиться с Эленорой. Mes souvenirs reparurent, d'abord confus, bientôt plus vifs. ||вновь появились||||| My memories returned, confused at first, but soon more vivid. Воспоминания вернулись, сначала путаные, но вскоре более яркие. Mon amour-propre s'y mêlait. My self-esteem got in the way. Мое эго мешало мне. J'étais embarrassé, humilié, de rencontrer une femme qui m'avait traité comme un enfant. |смущённый|униженный|||||||обращался с||| Я был смущен, унижен, встретив женщину, которая обращалась со мной как с ребенком. Il me semblait la voir, souriant à mon approche de ce qu'une courte absence avait calmé l'effervescence d'une jeune tête ; et je démêlais dans ce sourire une sorte de mépris pour moi. ||||||||||||||||волнение||||||разобрался|||||||презрение|| Мне показалось, что она улыбнулась моему приближению, потому что короткое отсутствие умерило пыл юной головы; и я уловил в этой улыбке некое презрение ко мне. Par degrés mes sentiments se réveillèrent. |||||восстановились Постепенно мои чувства пробудились. Je m'étais levé, ce jour-là même, ne songeant plus à Ellénore ; une heure après avoir reçu la nouvelle de son arrivée, son image errait devant mes yeux, régnait sur mon cœur, et j'avais la fièvre de la crainte de ne pas la voir. ||||||||||||||||||||||||блуждала||||||||||||||страх||||| Уже через час после получения известия о ее приезде ее образ бродил у меня перед глазами, властвовал над моим сердцем, и меня лихорадило от страха не увидеть ее. Je restai chez moi toute la journée ; je m'y tins, pour ainsi dire, caché : je tremblais que le moindre mouvement ne prévînt notre rencontre. |||||||||держался||||||трепетал||||||предотвратил|| Я весь день просидел дома, так сказать, затаился: боялся, что малейшее движение возвестит о нашей встрече. Rien pourtant n'était plus simple, plus certain ; mais je la désirais avec tant d'ardeur, qu'elle me paraissait impossible. ||||||||||желал||||||| Ничего не могло быть проще и определеннее, но я так страстно этого желал, что это казалось невозможным. L'impatience me dévorait : à tous les instants je consultais ma montre. ||поглощала||||||консультировал|| Нетерпение охватило меня: я постоянно сверял часы. J'étais obligé d'ouvrir la fenêtre pour respirer ; mon sang me brûlait en circulant dans mes veines. ||||||||||горел||циркулируя||| Мне пришлось открыть окно, чтобы отдышаться; кровь горела, циркулируя по венам. Enfin j'entendis sonner l'heure à laquelle je devais me rendre chez le comte. Наконец я услышал, как пробил час, когда я должен был отправиться в дом графа. Mon impatience se changea tout à coup en timidité ; je m'habillai lentement ; je ne me sentais plus pressé d'arriver : j'avais un tel effroi que mon attente ne fût déçue, un sentiment si vif de la douleur que je courais risque d'éprouver, que j'aurais consenti volontiers à tout ajourner. ||||||||||одевался||||||||||||ужас|||ожидание|||разочарованной||||||||||||испытать, пережить|||||||отложить всё Мое нетерпение внезапно сменилось робостью; я медленно одевался; я больше не торопился приехать: я так боялся, что мои ожидания будут разочарованы, так остро осознавал, какую боль мне грозит испытать, что с готовностью согласился бы отложить все на потом. Il était assez tard lorsque j'entrai chez M. de P***. |||||я вошёл|||| Было уже довольно поздно, когда я вошел в дом господина де П*. J'aperçus Ellénore assise au fond de la chambre ; je n'osais avancer, il me semblait que tout le monde avait les yeux fixés sur moi. ||сидящая|||||||не смел|продвигаться|||||||||||пристально смотрели|| Я увидел Эленору, сидящую в конце комнаты; я не осмелился двинуться вперед, казалось, что все взгляды устремлены на меня. J'allai me cacher dans un coin du salon, derrière un groupe d'hommes qui causaient. Я пошёл|||||||||||||говорили Я пошла и спряталась в углу гостиной, за группой болтающих мужчин. De là je contemplais Ellénore : elle me parut légèrement changée, elle était plus pâle que de coutume. Оттуда я посмотрел на Эленору: она выглядела несколько изменившейся, бледнее, чем обычно. Le comte me découvrit dans l'espèce de retraite où je m'étais réfugié ; il vint à moi, me prit par la main et me conduisit vers Ellénore. Граф обнаружил меня в уединении, где я укрылась; он подошел ко мне, взял за руку и повел в Эленор. — Je vous présente, lui dit-il en riant, l'un des hommes que votre départ inattendu a le plus étonnés. - Позвольте представить вам, - смеется он, - одного из тех, кто был больше всего удивлен вашим неожиданным отъездом. — Ellénore parlait à une femme placée à côte d'elle. - Эленора разговаривала с женщиной, стоявшей рядом с ней. Lorsqu'elle me vit, ses paroles s'arrêtèrent sur ses lèvres ; elle demeura tout interdite : je l'étais beaucoup moi-même. ||||||||||осталась||||был тоже||| When she saw me, her words stopped on her lips; she was speechless: I was very much so myself. Когда она увидела меня, слова замерли у нее на губах; она потеряла дар речи: я и сам был очень похож на нее. On pouvait nous entendre, j'adressai à Ellénore des questions indifférentes. ||||я задал||||| Мы слышали друг друга, и я задавал Эленоре безразличные вопросы. Nous reprîmes tous deux une apparence de calme. |восстановили|||||| Мы оба вновь обрели подобие спокойствия. On annonça qu'on avait servi ; j'offris à Ellénore mon bras, qu'elle ne put refuser. |||||я предложил|||||||| Было объявлено, что ужин подан; я предложил Эленор свою руку, от которой она не смогла отказаться. — Si vous ne me promettez pas, lui dis-je en la conduisant, de me recevoir demain chez vous à onze heures, je pars à l'instant, j'abandonne mon pays, ma famille et mon père, je romps tous mes liens, j'abjure tous mes devoirs, et je vais, n'importe où, finir au plus tôt une vie que vous vous plaisez à empoisonner. |||||||||||||||||||||||||я покидаю|||||||||разрываю||||отрекаюсь||||||||||||||||||нравится||отравлять - Если вы не обещаете мне, - сказал я, провожая ее, - что примите меня у себя завтра в одиннадцать часов, я немедленно уеду, брошу свою страну, семью и отца, порву все связи, откажусь от всех своих обязанностей и отправлюсь куда угодно, чтобы как можно скорее покончить с жизнью, которую вам доставляет удовольствие отравлять. — Adolphe ! Адольф Adolph me répondit-elle ; et elle hésitait. |||||колебалась ответила она, колеблясь. Je fis un mouvement pour m'éloigner. |||||отдалиться Я отодвинулся. Je ne sais ce que mes traits exprimèrent, mais je n'avais jamais éprouvé de contraction si violente. ||||||черты лица|выразили|||||||сжатие|| ||||||||||||||contraction|| Не знаю, какое выражение было у меня на лице, но таких сильных схваток я не испытывала никогда. Ellénore me regarda. Эленор посмотрел на меня. Une terreur mêlée d'affection se peignit sur sa figure. ||смешанная|||изобразила||| Ужас, смешанный с нежностью, нарисовался на его лице. — Je vous recevrai demain, me dit-elle, mais je vous conjure….. Beaucoup de personnes nous suivaient, elle ne put achever sa phrase. ||получу||||||||умоляю вас|||||следовали за нами||||закончить|| - Увидимся завтра, - сказала она, - но я прошу вас..... За нами следовало так много людей, что она не смогла закончить фразу. Je pressai sa main de mon bras ; nous nous mîmes à table. |сжал||||||||сели за стол|| Я сжал ее руку своей, и мы сели есть.

J'aurais voulu m'asseoir à côté d'Ellénore, mais le maître de la maison l'avait autrement décidé : je fus placé à peu près vis-à-vis d'elle. ||сесть рядом||||||||||||||я был|||||||| Я хотел бы сесть рядом с Эленорой, но хозяин дома решил иначе: меня посадили более или менее напротив нее. Au commencement du souper, elle était rêveuse. ||||||мечтательная Когда начался ужин, она была в сонном состоянии. Quand on lui adressait la parole, elle répondait avec douceur ; mais elle retombait bientôt dans la distraction. ||||||||||||возвращалась||||досуг Когда к ней обращались, она мягко отвечала, но вскоре снова впадала в рассеянность. Une de ses amies, frappée de son silence et de son abattement, lui demanda si elle était malade. |||||||||||упадок|||||| Один из ее друзей, пораженный ее молчанием и унынием, спросил, не больна ли она. — Je n'ai pas été bien dans ces derniers temps, répondit-elle, et même à présent je suis fort ébranlée. ||||||||||||||||||потрясённая - В последнее время мне нездоровилось, - ответила она, - и даже сейчас я очень потрясена. — J'aspirais à produire dans l'esprit d'Ellénore une impression agréable ; je voulais, en me montrant aimable et spirituel, la disposer en ma faveur, et la préparer à l'entrevue qu'elle m'avait accordée. Я стремился||||||||||||||||умный|||||пользу|||||встреча||| - Я хотел произвести приятное впечатление на Эленор, хотел, показав себя любезным и остроумным, расположить ее в свою пользу и подготовить к беседе, которую она мне назначила. J'essayai donc de mille manières de fixer son attention. Я пытался||||способы|||| Поэтому я испробовала тысячу способов привлечь его внимание. Je ramenai la conversation sur des sujets que je savais l'intéresser ; nos voisins s'y mêlèrent : j'étais inspiré par sa présence ; je parvins à me faire écouter d'elle, je la vis bientôt sourire : j'en ressentis une telle joie, mes regards exprimèrent tant de reconnaissance, qu'elle ne put s'empêcher d'en être touchée. |вернуть разговор|||||||||интересовать||||вмешались|||||||добился||||||||||||||||||||||||||||тронутой Я вернул разговор к темам, которые, как я знал, заинтересуют ее; наши соседи присоединились: меня вдохновляло ее присутствие; мне удалось заставить ее слушать меня, и вскоре я увидел ее улыбку: я чувствовал такую радость, мои глаза выражали такую благодарность, что она не могла не быть тронутой. Sa tristesse et sa distraction se dissipèrent : elle ne résista plus au charme secret que répandait dans son âme la vue du bonheur que je lui devais ; et quand nous sortîmes de table, nos cœurs étaient d'intelligence comme si nous n'avions jamais été séparés. ||||||рассеялись|||не сопротивлялась||||||распространял|||||||||||||||вышли||||||||||не имели||| Ее грусть и рассеянность рассеялись: она больше не могла сопротивляться тайному очарованию, которое распространялось в ее душе при виде счастья, которым я был ей обязан; и когда мы вышли из-за стола, наши сердца были так же умны, как если бы мы никогда не расставались. Vous voyez, lui dis-je, en lui donnant la main pour rentrer dans le salon, que vous disposez de toute mon existence ; que vous ai-je fait pour que vous trouviez du plaisir à la tourmenter ? |||||||||||||||||распоряжаетесь||||||||||||||||||мучить её Видите, - сказал я, подавая ей руку, когда мы шли в гостиную, - в вашем распоряжении все мое существование; что я вам сделала такого, что вы находите удовольствие в том, чтобы мучить ее?