1 - A l'origine du portrait [2/10]
Beaucoup de femmes peintres ont excellé dans l'art du portrait.
C'est même une femme qui, selon une légende antique,
est à l'origine du portrait.
L'écrivain Pline l'Ancien raconte que pour garder en mémoire les traits
de son amoureux parti à l'étranger,
la fille du potier Dibutade
aurait dessiné le profil de son ombre,
projetée sur un mur par la lumière d'une torche.
En réalité, le portrait se développe dès l'Antiquité.
Pline cite l'exemple de Lala de Cyzique,
qui était particulièrement célèbre pour ses portraits à Rome
au début du Iᵉʳ siècle avant Jésus-Christ.
Ils se vendaient même plus cher que ceux de ses collègues masculins.
Même si ses tableaux ont tous disparu, sa renommée
est telle qu'elle est encore citée au XIVᵉ siècle
par l'écrivain Boccace dans sa série de biographies de femmes illustres.
Au Moyen Âge, les portraits sont rares.
Pour autant,
la religieuse de Rhénanie Guda nous a laissé son autoportrait
dans un manuscrit du XIIᵉ siècle qui nous est parvenu.
À côté de son image, une inscription précise :
« Guda, pécheresse, femme, a écrit et enluminé ce livre ».
À ce jour, c'est un des plus anciens autoportraits connus
de l'art occidental.
À partir de la Renaissance, l'art du portrait se développe
dans toute l'Europe. Il offre aux femmes
une possibilité d'être reconnues comme peintres,
de gagner leur vie et parfois même de faire une carrière européenne.
L'autoportrait affirme leur fierté d'artiste et leur réussite sociale.
Cet autoportrait de Judith Leyster la montre comme portraitiste
et peintre de la vie quotidienne
dans le contexte des Pays-Bas du XVIIᵉ siècle.
Ces deux derniers types de représentation
sont accessibles aux femmes,
alors que, pour des raisons de moralité,
elles n'ont pas le droit d'apprendre l'anatomie
et de dessiner le corps humain nu.
C'est cette interdiction, nous le verrons,
qui leur barre le chemin de la grande peinture d'histoire.
Alors, comment se former et apprendre son art ?
Il y a bien entendu le cercle familial,
pour celles qui sont issues d'un milieu artistique,
ou bien des ateliers privés.
Les femmes peuvent aussi tenter d'entrer dans une académie.
Mais en France, l'Académie royale de peinture et de sculpture,
fondée en 1648, ne les accepte qu'avec réticence.
Sophie Chéron est une des premières à y entrer,
en 1672, grâce à cet autoportrait.
En 1770, c'est au tour de Marie-Suzanne Roslin,
auteure de ce portrait du sculpteur Pigalle.
Pour autant, la majorité des femmes ne font pas carrière
au sein des institutions, mais grâce à une clientèle aristocratique,
puis bourgeoise, au XIXᵉ siècle.
Elles restent l'objet de préjugés sexistes,
certains n'admettant pas que les femmes
puissent être des artistes à part entière.
La deuxième moitié du XVIIIᵉ siècle marque de profonds changements
dans l'univers des Beaux-Arts.
Les femmes accèdent plus facilement aux Salons,
où leurs portraits et autoportraits sont particulièrement appréciés.
Elles excellent aussi dans le domaine de la miniature.
A partir de la seconde moitié du XIXᵉ siècle, le portrait
est concurrencé par la photographie.
Mais les artistes ne cessent de le réinventer,
en y apportant les innovations de nouveaux courants stylistiques,
de l'Impressionnisme à l'art moderne.
Partons à la découverte de ces femmes d'exception
qui ont réussi à s'imposer comme artistes
malgré bien des obstacles.
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