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Élysée, Discours au site-mémorial du Camp des Milles (3)

Discours au site-mémorial du Camp des Milles (3)

C'est aussi pour cela, intransigeants et lucides, que nous serons à vos côtés dans ce projet d'une maison des enfants et des livres, dont la préfiguration est presque ici suggérée par l'exposition préparée par Serge et Beate Klarsfeld.

Intransigeants et lucides, c'est ainsi que vous apparaissez à travers vos combats et votre oeuvre, cher Alain Chouraqui.

Né en 1949, vous êtes marqué, et comment ne pas l'être, par ce père glorieux.

Sidney Chouraqui, grand résistant, soldat de la France libre, avocat indomptable qui fut aussi votre maître à penser, vous a transmis la conviction que l'humanité enfantait le meilleur comme le pire, l'honneur et l'horreur, lui qui avait côtoyé les deux de si près.

Après une enfance marocaine, vous qui aviez déjà l'histoire en héritage, optez pour une double spécialisation de juriste et de sociologue, et votre brillante carrière universitaire de directeur de recherche au CNRS se mêlera aussitôt à cette quête pour préserver le Camp des Milles, dont je viens de dire ici, en quelques mots, la longue histoire et qui vous doit tant.

Vous avez été enseignant, chercheur et, au fond, combattant et militant, intellectuel complet qui continue d'écrire et qui ne cessera pas ce combat.

Grâce à vous, le Mémorial inscrit avec force dans notre histoire ces déportations antisémites menées de son propre chef par l'État français.

Vous lui avez apporté un rayonnement international, par cette analyse pluridisciplinaire de l'engrenage racialiste qui mène de manière inexorable aux crimes de masse, tel un théorème dont vous avez mis en exergue la formule lisible ailleurs, en Arménie ou au Rwanda.

Depuis 2015, vous êtes titulaire de la Chaire Éducation à la citoyenneté, Sciences de l'homme et Convergence des mémoires de l'UNESCO, inaugurée ici-même par mon prédécesseur, et la rigueur de vos travaux a permis de regrouper un réseau d'universités et d'institutions mémorielles, du Musée national d'Auschwitz-Birkenau, au centre du Mémorial du génocide de Kigali, oeuvrant ainsi à l'apaisement, à la réconciliation de toutes les mémoires et à ce devoir de courage contemporain et d'avenir.

Le mémorial éclaire les consciences de milliers d'élèves de quartiers défavorisés et d'ailleurs, d'EPIDE, de centres sociaux et de détenus.

Des ateliers participatifs permettent de rendre sensibles et intelligibles des mots inconnus ou incompris et, à chaque fois ou presque, ceux qui voient et qui entendent finissent par comprendre, quels que soient les préjugés avec lesquels ils arrivaient et quels que soient les impensés qui précédaient, éclairés à jamais par les ressorts d'un mal dévoilé jusqu'à ses racines.

Le mémorial forme également des hauts magistrats, des policiers, des sportifs et des enseignants, parce que vous avez la conviction que c'est ainsi, en fortifiant le corps social dans son entier, que la haine trouvera des remparts contre sa course en nous et parmi nous.

Votre ouvrage, pour résister à l'engrenage des extrémismes, des racismes et de l'antisémitisme, fut récompensé du prix Seligmann contre le racisme, l'intolérance et l'injustice, et vous fut remis en Sorbonne.

Pour résister à cet engrenage, il nous faut encore et encore rappeler un passé que certains, ici et maintenant, falsifient pour se dédouaner de leurs desseins.

Il nous faut refuser le révisionnisme des uns, l'euphémisme des autres et l'oubli qui cherche parfois à s'insinuer en nous.

Pour résister à cet engrenage, il nous faut former des citoyens qui inventent leur vie par la connaissance, l'enseignement et la mémoire et, dans notre époque où la brutalité, la violence et la haine ne désarment jamais, nous avons besoin des engagés qui les repoussent dans les esprits, avec les instruments de la raison et de la transmission.

Cher Alain Chouraqui, vous êtes l'un de ceux-là, une sentinelle et un combattant et, à l'heure où ces mots de la démocratie, de République, de droits de l'homme et du citoyen, sont contestés par les uns et dont les autres oublient en quelque sorte les combats qu'ils présupposent et la conscience qu'ils exigent, vous leur avez offert un lieu où ils furent anéantis mais d'où ils se propagent à nouveau.

Ce mémorial fut votre quête et ensuite votre thèse, pour ainsi dire matérialisée.

Il est désormais votre manifeste, ici et dans l'esprit de tous ceux que vous avez irrémédiablement éclairés.

Pour ce travail de si longue haleine et de si grande portée, pour ce mémorial des Milles qui est un lieu de mémoire pour la nation, de vigilance pour le monde et de construction de notre avenir, j'ai aujourd'hui la joie et l'honneur de vous remettre les insignes de chevalier de la Légion d'Honneur.

Monsieur Alain Chouraqui, au nom de la République française, nous vous faisons chevalier de la Légion d'Honneur.

Discours au site-mémorial du Camp des Milles (3) Speech at the Camp des Milles memorial site (3) Camp des Milles anma alanında yapılan konuşma (3)

C'est aussi pour cela, intransigeants et lucides, que nous serons à vos côtés dans ce projet d'une maison des enfants et des livres, dont la préfiguration est presque ici suggérée par l'exposition préparée par Serge et Beate Klarsfeld.

Intransigeants et lucides, c'est ainsi que vous apparaissez à travers vos combats et votre oeuvre, cher Alain Chouraqui.

Né en 1949, vous êtes marqué, et comment ne pas l'être, par ce père glorieux.

Sidney Chouraqui, grand résistant, soldat de la France libre, avocat indomptable qui fut aussi votre maître à penser, vous a transmis la conviction que l'humanité enfantait le meilleur comme le pire, l'honneur et l'horreur, lui qui avait côtoyé les deux de si près.

Après une enfance marocaine, vous qui aviez déjà l'histoire en héritage, optez pour une double spécialisation de juriste et de sociologue, et votre brillante carrière universitaire de directeur de recherche au CNRS se mêlera aussitôt à cette quête pour préserver le Camp des Milles, dont je viens de dire ici, en quelques mots, la longue histoire et qui vous doit tant.

Vous avez été enseignant, chercheur et, au fond, combattant et militant, intellectuel complet qui continue d'écrire et qui ne cessera pas ce combat.

Grâce à vous, le Mémorial inscrit avec force dans notre histoire ces déportations antisémites menées de son propre chef par l'État français.

Vous lui avez apporté un rayonnement international, par cette analyse pluridisciplinaire de l'engrenage racialiste qui mène de manière inexorable aux crimes de masse, tel un théorème dont vous avez mis en exergue la formule lisible ailleurs, en Arménie ou au Rwanda.

Depuis 2015, vous êtes titulaire de la Chaire Éducation à la citoyenneté, Sciences de l'homme et Convergence des mémoires de l'UNESCO, inaugurée ici-même par mon prédécesseur, et la rigueur de vos travaux a permis de regrouper un réseau d'universités et d'institutions mémorielles, du Musée national d'Auschwitz-Birkenau, au centre du Mémorial du génocide de Kigali, oeuvrant ainsi à l'apaisement, à la réconciliation de toutes les mémoires et à ce devoir de courage contemporain et d'avenir.

Le mémorial éclaire les consciences de milliers d'élèves de quartiers défavorisés et d'ailleurs, d'EPIDE, de centres sociaux et de détenus.

Des ateliers participatifs permettent de rendre sensibles et intelligibles des mots inconnus ou incompris et, à chaque fois ou presque, ceux qui voient et qui entendent finissent par comprendre, quels que soient les préjugés avec lesquels ils arrivaient et quels que soient les impensés qui précédaient, éclairés à jamais par les ressorts d'un mal dévoilé jusqu'à ses racines.

Le mémorial forme également des hauts magistrats, des policiers, des sportifs et des enseignants, parce que vous avez la conviction que c'est ainsi, en fortifiant le corps social dans son entier, que la haine trouvera des remparts contre sa course en nous et parmi nous.

Votre ouvrage, pour résister à l'engrenage des extrémismes, des racismes et de l'antisémitisme, fut récompensé du prix Seligmann contre le racisme, l'intolérance et l'injustice, et vous fut remis en Sorbonne.

Pour résister à cet engrenage, il nous faut encore et encore rappeler un passé que certains, ici et maintenant, falsifient pour se dédouaner de leurs desseins.

Il nous faut refuser le révisionnisme des uns, l'euphémisme des autres et l'oubli qui cherche parfois à s'insinuer en nous.

Pour résister à cet engrenage, il nous faut former des citoyens qui inventent leur vie par la connaissance, l'enseignement et la mémoire et, dans notre époque où la brutalité, la violence et la haine ne désarment jamais, nous avons besoin des engagés qui les repoussent dans les esprits, avec les instruments de la raison et de la transmission.

Cher Alain Chouraqui, vous êtes l'un de ceux-là, une sentinelle et un combattant et, à l'heure où ces mots de la démocratie, de République, de droits de l'homme et du citoyen, sont contestés par les uns et dont les autres oublient en quelque sorte les combats qu'ils présupposent et la conscience qu'ils exigent, vous leur avez offert un lieu où ils furent anéantis mais d'où ils se propagent à nouveau.

Ce mémorial fut votre quête et ensuite votre thèse, pour ainsi dire matérialisée.

Il est désormais votre manifeste, ici et dans l'esprit de tous ceux que vous avez irrémédiablement éclairés.

Pour ce travail de si longue haleine et de si grande portée, pour ce mémorial des Milles qui est un lieu de mémoire pour la nation, de vigilance pour le monde et de construction de notre avenir, j'ai aujourd'hui la joie et l'honneur de vous remettre les insignes de chevalier de la Légion d'Honneur.

Monsieur Alain Chouraqui, au nom de la République française, nous vous faisons chevalier de la Légion d'Honneur.