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Les Enfants du capitaine Grant (Jules Verne), PREMIÈRE PARTIE: Chapitre X _Le trente-septième parallèle_

PREMIÈRE PARTIE: Chapitre X _Le trente-septième parallèle_

Chapitre X _Le trente-septième parallèle_

Huit jours après avoir doublé le cap Pilares, le _Duncan_ donnait à pleine vapeur dans la baie de Talcahuano, magnifique estuaire long de douze milles et large de neuf. Le temps était admirable. Le ciel de ce pays n'a pas un nuage de novembre à mars, et le vent du sud règne invariablement le long des côtes abritées par la chaîne des Andes. John Mangles, suivant les ordres d'Edward Glenarvan, avait serré de près l'archipel des Chiloé et les innombrables débris de tout ce continent américain. Quelque épave, un espars brisé, un bout de bois travaillé de la main des hommes, pouvaient mettre le _Duncan_ sur les traces du naufrage; mais on ne vit rien, et le yacht, continuant sa route, mouilla dans le port de Talcahuano, quarante-deux jours après avoir quitté les eaux brumeuses de la Clyde.

Aussitôt Glenarvan fit mettre son canot à la mer, et, suivi de Paganel, il débarqua au pied de l'estacade. Le savant géographe, profitant de la circonstance, voulut se servir de la langue espagnole qu'il avait si consciencieusement étudiée; mais, à son grand étonnement, il ne put se faire comprendre des indigènes.

«C'est l'accent qui me manque, dit-il.

--Allons à la douane», répondit Glenarvan.

Là, on lui apprit, au moyen de quelques mots d'anglais accompagnés de gestes expressifs, que le consul britannique résidait à Concepcion. C'était une course d'une heure. Glenarvan trouva aisément deux chevaux d'allure rapide, et peu de temps après Paganel et lui franchissaient les murs de cette grande ville, due au génie entreprenant de Valdivia, le vaillant compagnon des Pizarre.

Combien elle était déchue de son ancienne splendeur! Souvent pillée par les indigènes, incendiée en 1819, désolée, ruinée, ses murs encore noircis par la flamme des dévastations, éclipsée déjà par Talcahuano, elle comptait à peine huit mille âmes.

Sous le pied paresseux des habitants, ses rues se transformaient en prairies. Pas de commerce, activité nulle, affaires impossibles. La mandoline résonnait à chaque balcon; des chansons langoureuses s'échappaient à travers la jalousie des fenêtres, et Concepcion, l'antique cité des hommes, était devenue un village de femmes et d'enfants.

Glenarvan se montra peu désireux de rechercher les causes de cette décadence, bien que Jacques Paganel l'entreprît à ce sujet, et, sans perdre un instant, il se rendit chez J R Bentock, esq, consul de sa majesté britannique. Ce personnage le reçut fort civilement, et se chargea, lorsqu'il connut l'histoire du capitaine Grant, de prendre des informations sur tout le littoral.

Quant à la question de savoir si le trois-mâts _Britannia_ avait fait côte vers le trente-septième parallèle le long des rivages chiliens ou araucaniens, elle fut résolue négativement. Aucun rapport sur un événement de cette nature n'était parvenu ni au consul, ni à ses collègues des autres nations.

Glenarvan ne se découragea pas. Il revint à Talcahuano, et n'épargnant ni démarches, ni soins, ni argent, il expédia des agents sur les côtes.

Vaines recherches. Les enquêtes les plus minutieuses faites chez les populations riveraines ne produisirent pas de résultat. Il fallut en conclure que le _Britannia_ n'avait laissé aucune trace de son naufrage.

Glenarvan instruisit alors ses compagnons de l'insuccès de ses démarches. Mary Grant et son frère ne purent contenir l'expression de leur douleur. C'était six jours après l'arrivée du _Duncan_ à Talcahuano. Les passagers se trouvaient réunis dans la dunette.

Lady Helena consolait, non par ses paroles, --qu'aurait-elle pu dire? --mais par ses caresses, les deux enfants du capitaine. Jacques Paganel avait repris le document, et il le considérait avec une profonde attention, comme s'il eût voulu lui arracher de nouveaux secrets. Depuis une heure, il l'examinait ainsi, lorsque Glenarvan, l'interpellant, lui dit:

«Paganel! Je m'en rapporte à votre sagacité. Est-ce que l'interprétation que nous avons faite de ce document est erronée? Est-ce que le sens de ces mots est illogique?»

Paganel ne répondit pas. Il réfléchissait.

«Est-ce que nous nous trompons sur le théâtre présumé de la catastrophe? reprit Glenarvan. Est-ce que le nom de _Patagonie_ ne saute pas aux yeux des gens les moins perspicaces?»

Paganel se taisait toujours.

«Enfin, dit Glenarvan, le mot _indien_ ne vient-il pas encore nous donner raison?

--Parfaitement, répondit Mac Nabbs.

--Et, dès lors, n'est-il pas évident que les naufragés, au moment où ils écrivaient ces lignes, s'attendaient à devenir prisonniers des indiens?

--Je vous arrête là, mon cher lord, répondit enfin Paganel, et si vos autres conclusions sont justes, la dernière, du moins, ne me paraît pas rationnelle.

--Que voulez-vous dire? demanda lady Helena, tandis que tous les regards se fixaient sur le géographe.

--Je veux dire, répondit Paganel, en accentuant ses paroles, que le capitaine Grant _est maintenant prisonnier des indiens_, et j'ajouterai que le document ne laisse aucun doute sur cette situation.

--Expliquez-vous, monsieur, dit Miss Grant.

--Rien de plus facile, ma chère Mary; au lieu de lire sur le document _seront prisonniers_, lisons _sont prisonniers_, et tout devient clair.

--Mais cela est impossible! répondit Glenarvan.

--Impossible! Et pourquoi, mon noble ami? demanda Paganel en souriant.

--Parce que la bouteille n'a pu être lancée qu'au moment où le navire se brisait sur les rochers. De là cette conséquence, que les degrés de longitude et de latitude s'appliquent au lieu même du naufrage.

--Rien ne le prouve, répliqua vivement Paganel, et je ne vois pas pourquoi les naufragés, après avoir été entraînés par les indiens dans l'intérieur du continent, n'auraient pas cherché à faire connaître, au moyen de cette bouteille, le lieu de leur captivité.

--Tout simplement, mon cher Paganel, parce que, pour lancer une bouteille à la mer, il faut au moins que la mer soit là.

--Ou, à défaut de la mer, repartit Paganel, les fleuves qui s'y jettent!»

Un silence d'étonnement accueillit cette réponse inattendue, et admissible cependant. À l'éclair qui brilla dans les yeux de ses auditeurs, Paganel comprit que chacun d'eux se rattachait à une nouvelle espérance. Lady Helena fut la première à reprendre la parole.

«Quelle idée! s'écria-t-elle.

--Et quelle bonne idée, ajouta naïvement le géographe.

--Alors, votre avis?... Demanda Glenarvan.

--Mon avis est de chercher le trente-septième parallèle à l'endroit où il rencontre la côte américaine et de le suivre sans s'écarter d'un demi-degré jusqu'au point où il se plonge dans l'Atlantique. Peut-être trouverons-nous sur son parcours les naufragés du _Britannia_.

--Faible chance! répondit le major.

--Si faible qu'elle soit, reprit Paganel, nous ne devons pas la négliger. Que j'aie raison, par hasard, que cette bouteille soit arrivée à la mer en suivant le courant d'un fleuve de ce continent, nous ne pouvons manquer, dès lors, de tomber sur les traces des prisonniers. Voyez, mes amis, voyez la carte de ce pays, et je vais vous convaincre jusqu'à l'évidence!»

Ce disant, Paganel étala sur la table une carte du Chili et des provinces argentines.

«Regardez, dit-il, et suivez-moi dans cette promenade à travers le continent américain. Enjambons l'étroite bande chilienne. Franchissons la Cordillère des Andes. Descendons au milieu des pampas. Les fleuves, les rivières, les cours d'eau manquent-ils à ces régions? Non. Voici le Rio Negro, voici le Rio Colorado, voici leurs affluents coupés par le trente-septième degré de latitude, et qui tous ont pu servir au transport du document. Là, peut-être, au sein d'une tribu, aux mains d'indiens sédentaires, au bord de ces rivières peu connues, dans les gorges des sierras, ceux que j'ai le droit de nommer nos amis attendent une intervention providentielle! Devons-nous donc tromper leur espérance? N'est-ce pas votre avis à tous de suivre à travers ces contrées la ligne rigoureuse que mon doigt trace en ce moment sur la carte, et si, contre toute prévision, je me trompe encore, n'est-ce pas notre devoir de remonter jusqu'au bout le trente-septième parallèle, et, s'il le faut, pour retrouver les naufragés, de faire avec lui le tour du monde?»

Ces paroles prononcées avec une généreuse animation, produisirent une émotion profonde parmi les auditeurs de Paganel. Tous se levèrent et vinrent lui serrer la main.

«Oui! Mon père est là! s'écriait Robert Grant, en dévorant la carte des yeux.

--Et où il est, répondit Glenarvan, nous saurons le retrouver, mon enfant! Rien de plus logique que l'interprétation de notre ami Paganel, et il faut, sans hésiter, suivre la voie qu'il nous trace. Ou le capitaine est entre les mains d'indiens nombreux, ou il est prisonnier d'une faible tribu. Dans ce dernier cas, nous le délivrerons. Dans l'autre, après avoir reconnu sa situation, nous rejoignons le _Duncan_ sur la côte orientale, nous gagnons Buenos-Ayres, et là, un détachement organisé par le major Mac Nabbs aura raison de tous les indiens des provinces argentines.

--Bien! Bien! Votre honneur! répondit John Mangles, et j'ajouterai que cette traversée du continent américain se fera sans périls.

--Sans périls et sans fatigues, reprit Paganel. Combien l'ont accomplie déjà qui n'avaient guère nos moyens d'exécution, et dont le courage n'était pas soutenu par la grandeur de l'entreprise! Est-ce qu'en 1872 un certain Basilio Villarmo n'est pas allé de Carmen aux cordillères? Est-ce qu'en 1806 un chilien, alcade de la province de Concepcion, don Luiz de la Cruz, parti d'Antuco, n'a pas précisément suivi ce trente-septième degré, et, franchissant les Andes, n'est-il pas arrivé à Buenos-Ayres, après un trajet accompli en quarante jours? Enfin le colonel Garcia, M Alcide d'Orbigny, et mon honorable collègue, le docteur Martin de Moussy, n'ont-ils pas parcouru ce pays en tous les sens, et fait pour la science ce que nous allons faire pour l'humanité?

--Monsieur! Monsieur, dit Mary Grant d'une voix brisée par l'émotion, comment reconnaître un dévouement qui vous expose à tant de dangers?

--Des dangers! s'écria Paganel. Qui a prononcé le mot _danger_?

--Ce n'est pas moi! répondit Robert Grant, l'œil brillant, le regard décidé.

--Des dangers! reprit Paganel, est-ce que cela existe? D'ailleurs, de quoi s'agit-il? D'un voyage de trois cent cinquante lieues à peine, puisque nous irons en ligne droite, d'un voyage qui s'accomplira sous une latitude équivalente à celle de l'Espagne, de la Sicile, de la Grèce dans l'autre hémisphère, et par conséquent sous un climat à peu près identique, d'un voyage enfin dont la durée sera d'un mois au plus! C'est une promenade!

--Monsieur Paganel, demanda alors lady Helena, vous pensez donc que si les naufragés sont tombés au pouvoir des indiens, leur existence a été respectée?

--Si je le pense, madame! Mais les indiens ne sont pas des anthropophages! Loin de là. Un de mes compatriotes, que j'ai connu à la société de géographie, M Guinnard, est resté pendant trois ans prisonnier des indiens des pampas. Il a souffert, il a été fort maltraité, mais enfin il est sorti victorieux de cette épreuve. Un européen est un être utile dans ces contrées; les indiens en connaissent la valeur, et ils le soignent comme un animal de prix.

--Eh bien, il n'y a plus à hésiter, dit Glenarvan, il faut partir, et partir sans retard. Quelle route devons-nous suivre?

--Une route facile et agréable, répondit Paganel. Un peu de montagnes en commençant, puis une pente douce sur le versant oriental des Andes, et enfin une plaine unie, gazonnée, sablée, un vrai jardin.

--Voyons la carte, dit le major.

--La voici, mon cher Mac Nabbs. Nous irons prendre l'extrémité du trente-septième parallèle sur la côte chilienne, entre la pointe Rumena et la baie de Carnero. Après avoir traversé la capitale de l'Araucanie, nous couperons la cordillère par la passe d'Antuco, en laissant le volcan au sud; puis, glissant sur les déclivités allongées des montagnes, franchissant le Neuquem, le Rio Colorado, nous atteindrons les pampas, le Salinas, la rivière Guamini, la sierra Tapalquen. Là se présentent les frontières de la province de Buenos-Ayres. Nous les passerons, nous gravirons la sierra Tandil, et nous prolongerons nos recherches jusqu'à la pointe Medano sur les rivages de l'Atlantique.»

En parlant ainsi, en développant le programme de l'expédition, Paganel ne prenait même pas la peine de regarder la carte déployée sous ses yeux; il n'en avait que faire. Nourrie des travaux de Frézier, de Molina, de Humboldt, de Miers, de D'Orbigny, sa mémoire ne pouvait être ni trompée, ni surprise. Après avoir terminé cette nomenclature géographique, il ajouta:

«Donc, mes chers amis, la route est droite. En trente jours nous l'aurons franchie, et nous serons arrivés avant le _Duncan_ sur la côte orientale, pour peu que les vents d'aval retardent sa marche.

--Ainsi le _Duncan_, dit John Mangles, devra croiser entre le cap Corrientes et le cap Saint-Antoine?

--Précisément.

--Et comment composeriez-vous le personnel d'une pareille expédition? demanda Glenarvan.

--Le plus simplement possible. Il s'agit seulement de reconnaître la situation du capitaine Grant, et non de faire le coup de fusil avec les indiens. Je crois que lord Glenarvan, notre chef naturel; le major, qui ne voudra céder sa place à personne; votre serviteur, Jacques Paganel...

--Et moi! s'écria le jeune Grant.

--Robert! Robert! dit Mary.

--Et pourquoi pas? répondit Paganel. Les voyages forment la jeunesse. Donc, nous quatre, et trois marins du _Duncan_...

--Comment, dit John Mangles en s'adressant à son maître, votre honneur ne réclame pas pour moi?

--Mon cher John, répondit Glenarvan, nous laissons nos passagères à bord, c'est-à-dire ce que nous avons de plus cher au monde! Qui veillerait sur elles, si ce n'est le dévoué capitaine du _Duncan_?

--Nous ne pouvons donc pas vous accompagner? dit lady Helena, dont les yeux se voilèrent d'un nuage de tristesse.

--Ma chère Helena, répondit Glenarvan, notre voyage doit s'accomplir dans des conditions exceptionnelles de célérité; notre séparation sera courte, et...

--Oui, mon ami, je vous comprends, répondit lady Helena; allez donc, et réussissez dans votre entreprise!

--D'ailleurs, ce n'est pas un voyage, dit Paganel.

--Et qu'est-ce donc? demanda lady Helena.

--Un passage, rien de plus. Nous passerons, voilà tout, comme l'honnête homme sur terre, en faisant le plus de bien possible. _Transire benefaciendo_, c'est là notre devise.»

Sur cette parole de Paganel se termina la discussion, si l'on peut donner ce nom à une conversation dans laquelle tout le monde fut du même avis. Les préparatifs commencèrent le jour même. On résolut de tenir l'expédition secrète, pour ne pas donner l'éveil aux indiens.

Le départ fut fixé au 14 octobre. Quand il s'agit de choisir les matelots destinés à débarquer, tous offrirent leurs services, et Glenarvan n'eut que l'embarras du choix. Il préféra donc s'en remettre au sort, pour ne pas désobliger de si braves gens.

C'est ce qui eut lieu, et le second, Tom Austin, Wilson, un vigoureux gaillard, et Mulrady, qui eût défié à la boxe Tom Sayers lui-même, n'eurent point à se plaindre de la chance.

Glenarvan avait déployé une extrême activité dans ses préparatifs. Il voulait être prêt au jour indiqué, et il le fut. Concurremment, John Mangles s'approvisionnait de charbon, de manière à pouvoir reprendre immédiatement la mer. Il tenait à devancer les voyageurs sur la côte argentine. De là, une véritable rivalité entre Glenarvan et le jeune capitaine, qui tourna au profit de tous.

En effet, le 14 octobre, à l'heure dite, chacun était prêt. Au moment du départ, les passagers du yacht se réunirent dans le carré. Le _Duncan_ était en mesure d'appareiller, et les branches de son hélice troublaient déjà les eaux limpides de Talcahuano.

Glenarvan, Paganel, Mac Nabbs, Robert Grant, Tom Austin, Wilson, Mulrady, armés de carabines et de revolvers Colt, se préparèrent à quitter le bord. Guides et mulets les attendaient à l'extrémité de l'estacade.

«Il est temps, dit enfin lord Edward.

--Allez donc, mon ami!» répondit lady Helena en contenant son émotion.

Lord Glenarvan la pressa sur son cœur, tandis que Robert se jetait au cou de Mary Grant.

«Et maintenant, chers compagnons, dit Jacques Paganel, une dernière poignée de main qui nous dure jusqu'aux rivages de l'Atlantique!»

C'était beaucoup demander. Cependant il y eut là des étreintes capables de réaliser les vœux du digne savant.

On remonta sur le pont, et les sept voyageurs quittèrent le _Duncan_. Bientôt ils atteignirent le quai, dont le yacht en évoluant se rapprocha à moins d'une demi-encablure.

Lady Helena, du haut de la dunette, s'écria une dernière fois:

«Mes amis, Dieu vous aide!

--Et il nous aidera, madame, répondit Jacques Paganel, car je vous prie de le croire, nous nous aiderons nous-mêmes!

--En avant! cria John Mangles à son mécanicien.

--En route!» répondit lord Glenarvan.

Et à l'instant même où les voyageurs, rendant la bride à leurs montures, suivaient le chemin du rivage, le _Duncan_, sous l'action de son hélice, reprenait à toute vapeur la route de l'océan.

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PREMIÈRE PARTIE: Chapitre X _Le trente-septième parallèle_ TEIL I: Kapitel X _Der siebenunddreißigste Parallelweg_. PART ONE: Chapter X _The thirty-seventh parallel_. PRIMERA PARTE: Capítulo X _El Paralelo XXXVII_ (en francés) DEEL EEN: Hoofdstuk X _De zevenendertigste breedtegraad_ (in het Frans)

Chapitre X _Le trente-septième parallèle_

Huit jours après avoir doublé le cap Pilares, le _Duncan_ donnait à pleine vapeur dans la baie de Talcahuano, magnifique estuaire long de douze milles et large de neuf. ||||||||||||||||||||Mündung|||||||| ||||||||||||||||bay||Talcahuano||estuary|||||||| ||||||||||||||||||Talcahuano|||||||||| Le temps était admirable. Le ciel de ce pays n'a pas un nuage de novembre à mars, et le vent du sud règne invariablement le long des côtes abritées par la chaîne des Andes. ||||||||||||||||||||||||sheltered|||||Andes John Mangles, suivant les ordres d'Edward Glenarvan, avait serré de près l'archipel des Chiloé et les innombrables débris de tout ce continent américain. |||||of Edward|||clos|||||Chiloé||||||||| Джон Манглз, виконуючи накази Едварда Гленарвана, уважно обстежував архіпелаг Чілое та безліч уламків цього американського континенту. Quelque épave, un espars brisé, un bout de bois travaillé de la main des hommes, pouvaient mettre le _Duncan_ sur les traces du naufrage; mais on ne vit rien, et le yacht, continuant sa route, mouilla dans le port de Talcahuano, quarante-deux jours après avoir quitté les eaux brumeuses de la Clyde. |||Mast||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |wreck||spar||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||foggy||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||вставати на якорь||||||||||||||||| Якась корабельна аварія, зламане мачтове обмеження, шматок дерева, обробленого людьми, могли б навести _Данкан_ на сліди корабельної катастрофи; але нічого не було видно, і яхта, продовживши свій шлях, пришвартувалася в порту Талькауано через сорок два дні після того, як залишила туманні води Клайда.

Aussitôt Glenarvan fit mettre son canot à la mer, et, suivi de Paganel, il débarqua au pied de l'estacade. ||||||||||||||||||der Anlegestelle |||||canoe|||||||||landed||||the jetty ||||||||||||||||||естакади Одразу Гленарван наказав спустити свій човен на воду, і, слідуючи за Паганелем, він висадився біля підніжжя естакади. Le savant géographe, profitant de la circonstance, voulut se servir de la langue espagnole qu'il avait si consciencieusement étudiée; mais, à son grand étonnement, il ne put se faire comprendre des indigènes. |||||||||||||||||conscientiously||||||||||||||natives |||||||||||||іспанська мова|||||||||||||||||| Вчений-географ, скориставшись обставинами, захотів використати іспанську мову, яку він так сумлінно вивчав; проте, на своє велике здивування, він не зміг пояснити себе місцевим.

«C'est l'accent qui me manque, dit-il. «Мені не вистачає акценту», сказав він.

--Allons à la douane», répondit Glenarvan. |||Zoll|| |||митниця|| --«Гайда на митницю», відповів Гленарван.

Là, on lui apprit, au moyen de quelques mots d'anglais accompagnés de gestes expressifs, que le consul britannique résidait à Concepcion. ||||||||||||||||||resided|| ||||||||||супроводжувані|||||||||| Там йому розповіли, за допомогою кількох слів англійською мовою, супроводжених виразними жестами, що британський консул проживає в Консепсьйоні. C'était une course d'une heure. Це була година їзди. Glenarvan trouva aisément deux chevaux d'allure rapide, et peu de temps après Paganel et lui franchissaient les murs de cette grande ville, due au génie entreprenant de Valdivia, le vaillant compagnon des Pizarre. |||||||||||||||||||||||||||||tapfere||| ||easily|||of appearance||||||||||crossed||||||||||||Valdivia||valiant||| Glenarvan|found|||horses|||||||||||переправляли||||||city||||entrepreneurial||Вальдивія||||| Гленарван легко знайшов двох швидких коней, і незабаром Паганель і він перетнули стіни цього великого міста, збудованого підприємливим генієм Вальдивії, сміливим товаришем Піссара.

Combien elle était déchue de son ancienne splendeur! |||herabgekommen|||| |||fallen|||| |||||||величі Souvent pillée par les indigènes, incendiée en 1819, désolée, ruinée, ses murs encore noircis par la flamme des dévastations, éclipsée déjà par Talcahuano, elle comptait à peine huit mille âmes. |pillaged||||burned|||||||blackened|||||devastations|eclipsed||||||||||

Sous le pied paresseux des habitants, ses rues se transformaient en prairies. |||||||||transformed|| Pas de commerce, activité nulle, affaires impossibles. La mandoline résonnait à chaque balcon; des chansons langoureuses s'échappaient à travers la jalousie des fenêtres, et Concepcion, l'antique cité des hommes, était devenue un village de femmes et d'enfants. |Mandoline|||||||||||||||||||||||||||| |mandolin|resonated||||||sensual|escaped|||||||||the ancient||||||||||| La mandolina resonaba en todos los balcones; lánguidas canciones se escapaban por la celosía de las ventanas, y Concepción, la antigua ciudad de los hombres, se había convertido en una aldea de mujeres y niños.

Glenarvan se montra peu désireux de rechercher les causes de cette décadence, bien que Jacques Paganel l'entreprît à ce sujet, et, sans perdre un instant, il se rendit chez J R Bentock, esq, consul de sa majesté britannique. ||||desirous||||||||||||undertook|||||||||||||||Bentock|esq||||| Glenarvan zeigte wenig Interesse daran, die Ursachen dieses Verfalls zu erforschen, obwohl Jacques Paganel ihn diesbezüglich unternahm, und begab sich, ohne einen Augenblick zu verlieren, zu J R Bentock, esq, dem Konsul seiner britischen Majestät. Ce personnage le reçut fort civilement, et se chargea, lorsqu'il connut l'histoire du capitaine Grant, de prendre des informations sur tout le littoral. |||||civilly|||undertook||||||||||||||coastal

Quant à la question de savoir si le trois-mâts _Britannia_ avait fait côte vers le trente-septième parallèle le long des rivages chiliens ou araucaniens, elle fut résolue négativement. ||||||||||||||||||||||shores|||araucanians|||| Die Frage, ob der Dreimaster _Britannia_ in Richtung des siebenunddreißigsten Breitengrades entlang der chilenischen oder der araukanischen Küste gekreuzt hatte, wurde negativ beantwortet. Aucun rapport sur un événement de cette nature n'était parvenu ni au consul, ni à ses collègues des autres nations.

Glenarvan ne se découragea pas. |||became discouraged| Il revint à Talcahuano, et n'épargnant ni démarches, ni soins, ni argent, il expédia des agents sur les côtes. |||||not sparing|||||||||||||

Vaines recherches. Futile| Les enquêtes les plus minutieuses faites chez les populations riveraines ne produisirent pas de résultat. |investigations|||meticulous|||||||produced||| Il fallut en conclure que le _Britannia_ n'avait laissé aucune trace de son naufrage. ||||||||||||seinen|Schiffbruch

Glenarvan instruisit alors ses compagnons de l'insuccès de ses démarches. |instructed|||||the failure||| Mary Grant et son frère ne purent contenir l'expression de leur douleur. C'était six jours après l'arrivée du _Duncan_ à Talcahuano. Les passagers se trouvaient réunis dans la dunette. |||befanden sich||||

Lady Helena consolait, non par ses paroles, --qu'aurait-elle pu dire? ||tröstete|||||||| ||consoled|||||||| --mais par ses caresses, les deux enfants du capitaine. Jacques Paganel avait repris le document, et il le considérait avec une profonde attention, comme s'il eût voulu lui arracher de nouveaux secrets. |||||||||||||||||||uncover||| Depuis une heure, il l'examinait ainsi, lorsque Glenarvan, l'interpellant, lui dit: ||||was examining||||the interjecting||

«Paganel! Je m'en rapporte à votre sagacité. |||||Weisheit Est-ce que l'interprétation que nous avons faite de ce document est erronée? ||||||||||||erroneous Est-ce que le sens de ces mots est illogique?» |||||||||illogical

Paganel ne répondit pas. Il réfléchissait.

«Est-ce que nous nous trompons sur le théâtre présumé de la catastrophe? |||we||are||||presumed||| reprit Glenarvan. Est-ce que le nom de _Patagonie_ ne saute pas aux yeux des gens les moins perspicaces?» ||||||||||||||||einsichtigen ||||||||||||||||perspicacious

Paganel se taisait toujours. ||remained silent|

«Enfin, dit Glenarvan, le mot _indien_ ne vient-il pas encore nous donner raison?

--Parfaitement, répondit Mac Nabbs. |||Nabbs

--Et, dès lors, n'est-il pas évident que les naufragés, au moment où ils écrivaient ces lignes, s'attendaient à devenir prisonniers des indiens? ||||||||||||||||||||||індіанців --І, з того моменту, хіба не очевидно, що потерпілі, в момент коли вони писали ці рядки, очікували стати полоненими індійців?

--Je vous arrête là, mon cher lord, répondit enfin Paganel, et si vos autres conclusions sont justes, la dernière, du moins, ne me paraît pas rationnelle. ||||||||||||||||правильні||||||||| --Я вас тут затримаю, мій дорогий лорде, нарешті відповів Паганель, і якщо ваші інші висновки правильні, то останній, принаймні, не здається мені раціональним.

--Que voulez-vous dire? --Що ви маєте на увазі? demanda lady Helena, tandis que tous les regards se fixaient sur le géographe. |||||||||fixed|||

--Je veux dire, répondit Paganel, en accentuant ses paroles, que le capitaine Grant _est maintenant prisonnier des indiens_, et j'ajouterai que le document ne laisse aucun doute sur cette situation. ||||||emphasizing|||||||||||||||||||||||

--Expliquez-vous, monsieur, dit Miss Grant.

--Rien de plus facile, ma chère Mary; au lieu de lire sur le document _seront prisonniers_, lisons _sont prisonniers_, et tout devient clair.

--Mais cela est impossible! répondit Glenarvan.

--Impossible! Et pourquoi, mon noble ami? demanda Paganel en souriant.

--Parce que la bouteille n'a pu être lancée qu'au moment où le navire se brisait sur les rochers. ||||||||||||||was breaking||| De là cette conséquence, que les degrés de longitude et de latitude s'appliquent au lieu même du naufrage.

--Rien ne le prouve, répliqua vivement Paganel, et je ne vois pas pourquoi les naufragés, après avoir été entraînés par les indiens dans l'intérieur du continent, n'auraient pas cherché à faire connaître, au moyen de cette bouteille, le lieu de leur captivité. ||||||||||||||||||trained|||||||||||||||||||||||

--Tout simplement, mon cher Paganel, parce que, pour lancer une bouteille à la mer, il faut au moins que la mer soit là.

--Ou, à défaut de la mer, repartit Paganel, les fleuves qui s'y jettent!» ||lack||||||||||empty |||||||||річки|||

Un silence d'étonnement accueillit cette réponse inattendue, et admissible cependant. ||of astonishment||||unexpected||admissible| À l'éclair qui brilla dans les yeux de ses auditeurs, Paganel comprit que chacun d'eux se rattachait à une nouvelle espérance. |||shone|||||||||||||was attaching|||| Lady Helena fut la première à reprendre la parole.

«Quelle idée! s'écria-t-elle.

--Et quelle bonne idée, ajouta naïvement le géographe.

--Alors, votre avis?... Demanda Glenarvan.

--Mon avis est de chercher le trente-septième parallèle à l'endroit où il rencontre la côte américaine et de le suivre sans s'écarter d'un demi-degré jusqu'au point où il se plonge dans l'Atlantique. ||||||||||||||||||||||stray||||||||||| Peut-être trouverons-nous sur son parcours les naufragés du _Britannia_. ||||||path||||

--Faible chance! répondit le major.

--Si faible qu'elle soit, reprit Paganel, nous ne devons pas la négliger. Que j'aie raison, par hasard, que cette bouteille soit arrivée à la mer en suivant le courant d'un fleuve de ce continent, nous ne pouvons manquer, dès lors, de tomber sur les traces des prisonniers. Voyez, mes amis, voyez la carte de ce pays, et je vais vous convaincre jusqu'à l'évidence!» Seht, meine Freunde, seht euch die Karte dieses Landes an, und ich werde euch bis zur Unkenntlichkeit überzeugen!"

Ce disant, Paganel étala sur la table une carte du Chili et des provinces argentines. |||spread|||||||||||Argentine |||||||||||||провінції|

«Regardez, dit-il, et suivez-moi dans cette promenade à travers le continent américain. Enjambons l'étroite bande chilienne. Let's cross|the narrow||Chilean Vamos a horcajadas sobre la estrecha franja chilena. Franchissons la Cordillère des Andes. Let's cross||Cordillera|| Descendons au milieu des pampas. Let's descend||||pampas Les fleuves, les rivières, les cours d'eau manquent-ils à ces régions? Non. Voici le Rio Negro, voici le Rio Colorado, voici leurs affluents coupés par le trente-septième degré de latitude, et qui tous ont pu servir au transport du document. |||Negro|||||||tributaries|cut||||||||||||||||| Là, peut-être, au sein d'une tribu, aux mains d'indiens sédentaires, au bord de ces rivières peu connues, dans les gorges des sierras, ceux que j'ai le droit de nommer nos amis attendent une intervention providentielle! ||||||||||sesshaften Indios||||||||||||||||||||||||| |||||||||of Indians|sedentary||||||||||||sierras||||||||||||| Devons-nous donc tromper leur espérance? N'est-ce pas votre avis à tous de suivre à travers ces contrées la ligne rigoureuse que mon doigt trace en ce moment sur la carte, et si, contre toute prévision, je me trompe encore, n'est-ce pas notre devoir de remonter jusqu'au bout le trente-septième parallèle, et, s'il le faut, pour retrouver les naufragés, de faire avec lui le tour du monde?» |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||retrace|||||||||||||||||||||| Чи не всі ви вважаєте, що слід дотримуватися стрімкої лінії, яку мій палець прямо зараз проводить на карті, і якщо, всупереч усім прогнозам, я знову помиляюся, чи не є нашим обов'язком піднятися до кінця тридцять сьомої паралелі, і, якщо потрібно, щоб знайти корабельних аварій, обійти з ним навколо світу?

Ces paroles prononcées avec une généreuse animation, produisirent une émotion profonde parmi les auditeurs de Paganel. Ці слова,pronounced with a generous enthusiasm, produced a deep emotion among the listeners of Paganel. Tous se levèrent et vinrent lui serrer la main. ||rose||came|||| Всі піднялися і прийшли потиснути йому руку.

«Oui! Mon père est là! s'écriait Robert Grant, en dévorant la carte des yeux. exclaimed||||devouring|||| ||||поглинаючи||||

--Et où il est, répondit Glenarvan, nous saurons le retrouver, mon enfant! --І де він, відповів Гленарван, ми знайдемо його, моя дитино! Rien de plus logique que l'interprétation de notre ami Paganel, et il faut, sans hésiter, suivre la voie qu'il nous trace. Ніщо не є більш логічним, ніж тлумачення нашого друга Паганеля, і потрібно без вагань слідувати шляху, який він нам прокладає. Ou le capitaine est entre les mains d'indiens nombreux, ou il est prisonnier d'une faible tribu. Або капітан в руках численних індіанців, або він є полоненим слабкого племені. Dans ce dernier cas, nous le délivrerons. ||||||will deliver ||||||звільнимо У цьому останньому випадку ми його звільнимо. Dans l'autre, après avoir reconnu sa situation, nous rejoignons le _Duncan_ sur la côte orientale, nous gagnons Buenos-Ayres, et là, un détachement organisé par le major Mac Nabbs aura raison de tous les indiens des provinces argentines. ||||||||join|||||||||Buenos|Ayres||||||||||||||||||| ||||||||||||||||виграємо|Буенос|||||||||||||||||||| В іншому випадку, після того як ми визнаємо його ситуацію, ми приєднаємося до _Duncan_ на східному узбережжі, ми вирушимо до Буенос-Айреса, і там підрозділ, організований майором Мак Наббсом, розправиться з усіма індіанцями аргентинських провінцій.

--Bien! --Добре! Bien! Votre honneur! répondit John Mangles, et j'ajouterai que cette traversée du continent américain se fera sans périls. ||||||||||||||perils ||||||||||||||небезпек

--Sans périls et sans fatigues, reprit Paganel. |небезпеки||||| Combien l'ont accomplie déjà qui n'avaient guère nos moyens d'exécution, et dont le courage n'était pas soutenu par la grandeur de l'entreprise! ||здійснили|||||||виконання|||||||||||| Скільки вже досягли цього, хто не мав наших засобів для виконання, і чия відвага не підтримувалася величчю підприємства! Est-ce qu'en 1872 un certain Basilio Villarmo n'est pas allé de Carmen aux cordillères? |||||Basil|Villarmo||||||| |||||Базіліо|Віллармо|||||||гори Хіба в 1872 році певний Бальсіо Вільярмо не йшов з Кармен до Кордильєр? Est-ce qu'en 1806 un chilien, alcade de la province de Concepcion, don Luiz de la Cruz, parti d'Antuco, n'a pas précisément suivi ce trente-septième degré, et, franchissant les Andes, n'est-il pas arrivé à Buenos-Ayres, après un trajet accompli en quarante jours? |||||alcalde|||||||Luiz|||Cruz||of Antuco||||||||||crossing|||||||||||||||| ||||чилієць|мер губернатор|||||||Луїз|||Крус||||||||||||перетинаючи|||||||||Буенос-Айрес|||||в|| Хіба в 1806 році чилієць, алькальд провінції Консепсьон, дон Луїз де ла Крус, не вирушив з Антуко, не слідував точно цьому тридцять сьомому градусу, і, перетнувши Анди, не досягнув Буенос-Айреса після подорожі, що зайняла сорок днів? Enfin le colonel Garcia, M Alcide d'Orbigny, et mon honorable collègue, le docteur Martin de Moussy, n'ont-ils pas parcouru ce pays en tous les sens, et fait pour la science ce que nous allons faire pour l'humanité? |||||Alcide||||honorable||||||Moussy||||traveled|||||||||||||||||| ||||||д'Orбіньї||||колега|||||Муссі||||перетнули|||врешті-решт|||||||||||||||

--Monsieur! Monsieur, dit Mary Grant d'une voix brisée par l'émotion, comment reconnaître un dévouement qui vous expose à tant de dangers? ||||||broken||||||devotion||||||| ||||||зламаний||||||відданість|||викриває||||

--Des dangers! s'écria Paganel. Qui a prononcé le mot _danger_?

--Ce n'est pas moi! répondit Robert Grant, l'œil brillant, le regard décidé. |||око|яскравий|||

--Des dangers! reprit Paganel, est-ce que cela existe? D'ailleurs, de quoi s'agit-il? D'un voyage de trois cent cinquante lieues à peine, puisque nous irons en ligne droite, d'un voyage qui s'accomplira sous une latitude équivalente à celle de l'Espagne, de la Sicile, de la Grèce dans l'autre hémisphère, et par conséquent sous un climat à peu près identique, d'un voyage enfin dont la durée sera d'un mois au plus! ||||||||barely|||||||||||||||||||||||||||hemisphere||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||Іспанія|||Сицилія||||||||||||клімат||||||||||||||| З подорожі в триста п'ятдесят лье всього-навсього, адже ми вирушимо в прямій лінії, з подорожі, що відбудеться під широтою, еквівалентною тій, що в Іспанії, на Сицилії, в Греції в іншій півкулі, і отже, в кліматі, приблизно однаковому, з подорожі, нарешті, тривалістю максимум один місяць! C'est une promenade! Це прогулянка!

--Monsieur Paganel, demanda alors lady Helena, vous pensez donc que si les naufragés sont tombés au pouvoir des indiens, leur existence a été respectée? ||||||||||||потопленці|||||||||||поважалася --Містер Паганель, запитала тоді леді Хелена, ви вважаєте, що якщо корабельні потопленці потрапили в полон до індіанців, їхнє життя було поважене?

--Si je le pense, madame! Mais les indiens ne sont pas des anthropophages! |||||||cannibals |||||||люди-людожери Loin de là. Un de mes compatriotes, que j'ai connu à la société de géographie, M Guinnard, est resté pendant trois ans prisonnier des indiens des pampas. |||||||||||||Guinnard|||||||||| |||||||||||||Гюнар|||||||||| Один з моїх співвітчизників, якого я знав у географічному товаристві, пан Гуїннар, протягом трьох років був у полоні у індіанців пампасу. Il a souffert, il a été fort maltraité, mais enfin il est sorti victorieux de cette épreuve. |||||||mistreated||||||victorious|||trial ||постраждав|||||погано поводилися|||||вийшов|переможцем|||випробування Він страждав, його сильно знущали, але, нарешті, він вийшов переможцем з цього випробування. Un européen est un être utile dans ces contrées; les indiens en connaissent la valeur, et ils le soignent comme un animal de prix. ||||||||||||||||||care||||| |||||корисний||||||||||||||||||ціна Європеєць є корисною істотою в цих краях; індіанці знають його цінність і піклуються про нього, як про дорогоцінну тварину.

--Eh bien, il n'y a plus à hésiter, dit Glenarvan, il faut partir, et partir sans retard. Quelle route devons-nous suivre?

--Une route facile et agréable, répondit Paganel. ||||приємна|| Un peu de montagnes en commençant, puis une pente douce sur le versant oriental des Andes, et enfin une plaine unie, gazonnée, sablée, un vrai jardin. ||||||||slope|||||||||||plain||grass-covered|sandy||| ||||||||||||схил||||||||рівна||||| Primero hay unas montañas, luego una suave pendiente en la vertiente oriental de los Andes y, por último, una llanura, herbosa y arenosa, un auténtico jardín. Трохи гір на початку, потім легкий спуск на східному схилі Анд, а зрештою рівнина, покрита травою, з піском, справжній сад.

--Voyons la carte, dit le major. --Давайте подивимося на карту, сказав майор.

--La voici, mon cher Mac Nabbs. --Ось вона, мій дорогий Мак Наббс. Nous irons prendre l'extrémité du trente-septième parallèle sur la côte chilienne, entre la pointe Rumena et la baie de Carnero. |||||||||||||||Rumena|||||Carnero |||||||||||||||Румена||||| Après avoir traversé la capitale de l'Araucanie, nous couperons la cordillère par la passe d'Antuco, en laissant le volcan au sud; puis, glissant sur les déclivités allongées des montagnes, franchissant le Neuquem, le Rio Colorado, nous atteindrons les pampas, le Salinas, la rivière Guamini, la sierra Tapalquen. ||||||||||Kordillere|||||||||||||||Hängen||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||sliding|||slopes|stretched|||||Neuquén|||||||||Salinas|||Guamini||sierra|Tapalquen ||||||||||гірський хребет||||Антуко|||||||потім|ковзаючи|||схили||||перетинаючи|||||||досягнемо|||||||||с'єра Тапалькен| Là se présentent les frontières de la province de Buenos-Ayres. ||||кордони|||||| Nous les passerons, nous gravirons la sierra Tandil, et nous prolongerons nos recherches jusqu'à la pointe Medano sur les rivages de l'Atlantique.» ||||will climb|||Tandil|||will prolong||||||Medano||||| ||||піднімемося||||||||||||||||| Ми їх пройдемо, ми піднімемося на сієру Танділ, і ми продовжимо наші пошуки до мису Медано на берегах Атлантики.»

En parlant ainsi, en développant le programme de l'expédition, Paganel ne prenait même pas la peine de regarder la carte déployée sous ses yeux; il n'en avait que faire. ||||||||||||||||||||deployed|||||||| ||||||||||||||||||||розгорнута|||||||| Während Paganel so sprach und das Programm der Expedition erläuterte, machte er sich nicht einmal die Mühe, die Karte zu betrachten, die vor seinen Augen ausgebreitet war; sie interessierte ihn nicht. Говорячи так, розвиваючи програму експедиції, Паганель навіть не потрудився поглянути на карту, розгорнуту перед його очима; йому це було байдуже. Nourrie des travaux de Frézier, de Molina, de Humboldt, de Miers, de D'Orbigny, sa mémoire ne pouvait être ni trompée, ni surprise. nourished||||Frézier||Molina||||Miers||||||||||| Нагодована||||||||||||||||||||| Підживлена роботами Фрезьє, Моліни, Гумбольдта, Міерса, Д'Орбіньї, його пам'ять не могла бути ні обманута, ні здивована. Après avoir terminé cette nomenclature géographique, il ajouta: ||||nomenclature||| ||||номенклатура|||

«Donc, mes chers amis, la route est droite. |||||||пряма En trente jours nous l'aurons franchie, et nous serons arrivés avant le _Duncan_ sur la côte orientale, pour peu que les vents d'aval retardent sa marche. ||||||||||||||||||||||abwärts||| ||||will have|crossed||||||||||coast|||||||down|delay|| |||||перейдено|||||||||||||||||потоку||| За тридцять днів ми її подолаємо, і ми прибудемо на східне узбережжя раніше за _Дункан_, якщо вітри попутні затримають його хід.

--Ainsi le _Duncan_, dit John Mangles, devra croiser entre le cap Corrientes et le cap Saint-Antoine? |||||||||||Corrientes||||| |||||||перетнути||||Кап Кориентес||||| --Отже, _Дункан_, каже Джон Менглс, повинен буде курсувати між мисом Коррієнтес і мисом Святого Антонія?

--Précisément. --Саме так.

--Et comment composeriez-vous le personnel d'une pareille expédition? ||compose|||||| ||складали б|||||| demanda Glenarvan.

--Le plus simplement possible. Il s'agit seulement de reconnaître la situation du capitaine Grant, et non de faire le coup de fusil avec les indiens. |||||||||||||||||rifle||| Je crois que lord Glenarvan, notre chef naturel; le major, qui ne voudra céder sa place à personne; votre serviteur, Jacques Paganel... |||||||||||||cede||||||||

--Et moi! s'écria le jeune Grant.

--Robert! Robert! dit Mary.

--Et pourquoi pas? répondit Paganel. Les voyages forment la jeunesse. Donc, nous quatre, et trois marins du _Duncan_...

--Comment, dit John Mangles en s'adressant à son maître, votre honneur ne réclame pas pour moi?

--Mon cher John, répondit Glenarvan, nous laissons nos passagères à bord, c'est-à-dire ce que nous avons de plus cher au monde! Qui veillerait sur elles, si ce n'est le dévoué capitaine du _Duncan_? |would watch|||||||devoted|||

--Nous ne pouvons donc pas vous accompagner? dit lady Helena, dont les yeux se voilèrent d'un nuage de tristesse. |||||||veiled||||

--Ma chère Helena, répondit Glenarvan, notre voyage doit s'accomplir dans des conditions exceptionnelles de célérité; notre séparation sera courte, et... ||||||||||||||Schnelligkeit||||| ||||||||||||exceptional||celerity|||||

--Oui, mon ami, je vous comprends, répondit lady Helena; allez donc, et réussissez dans votre entreprise!

--D'ailleurs, ce n'est pas un voyage, dit Paganel. Besides|||||||

--Et qu'est-ce donc? demanda lady Helena.

--Un passage, rien de plus. Nous passerons, voilà tout, comme l'honnête homme sur terre, en faisant le plus de bien possible. |||||the honest|||||||||| _Transire benefaciendo_, c'est là notre devise.» pass|benefiting||||motto

Sur cette parole de Paganel se termina la discussion, si l'on peut donner ce nom à une conversation dans laquelle tout le monde fut du même avis. Les préparatifs commencèrent le jour même. ||began||| On résolut de tenir l'expédition secrète, pour ne pas donner l'éveil aux indiens. ||||||||||the alert||

Le départ fut fixé au 14 octobre. Quand il s'agit de choisir les matelots destinés à débarquer, tous offrirent leurs services, et Glenarvan n'eut que l'embarras du choix. |||||||||||offered|||||||the embarrassment|| |||||||||висадитися||пропонували||||||||| Il préféra donc s'en remettre au sort, pour ne pas désobliger de si braves gens. ||||||||||disoblige|||| Por eso prefirió dejarlo en manos del destino, para no deshonrar a tan buena gente.

C'est ce qui eut lieu, et le second, Tom Austin, Wilson, un vigoureux gaillard, et Mulrady, qui eût défié à la boxe Tom Sayers lui-même, n'eurent point à se plaindre de la chance. |||||||||||||||Mulrady|||challenged|||||Sayers|||didn't||||||| |||||||||||||жвавий||||||||||||||||||||

Glenarvan avait déployé une extrême activité dans ses préparatifs. ||deployed|||||| ||розгорнув|||активність||| Il voulait être prêt au jour indiqué, et il le fut. Concurremment, John Mangles s'approvisionnait de charbon, de manière à pouvoir reprendre immédiatement la mer. Simultaneously|||was provisioning||coal|||||||| Одночасно|||||вугілля|||||||| Il tenait à devancer les voyageurs sur la côte argentine. |||precede|||||| |тримався||випередити мандрівників|||||| De là, une véritable rivalité entre Glenarvan et le jeune capitaine, qui tourna au profit de tous.

En effet, le 14 octobre, à l'heure dite, chacun était prêt. Au moment du départ, les passagers du yacht se réunirent dans le carré. |||||||||gather|||saloon Le _Duncan_ était en mesure d'appareiller, et les branches de son hélice troublaient déjà les eaux limpides de Talcahuano. |||||auslaufen||||||||||||| |||||to sail, to set sail|||||||disturbed||||limpid|| |||||виходити в море|||гілки|||гвинт|турбували||||прозорі||

Glenarvan, Paganel, Mac Nabbs, Robert Grant, Tom Austin, Wilson, Mulrady, armés de carabines et de revolvers Colt, se préparèrent à quitter le bord. ||||||||||armed||rifles|||revolvers|Colt||prepared|||| Guides et mulets les attendaient à l'extrémité de l'estacade. Führer||Esel||||||der Estakade ||mules||||||the jetty Гіди||в'ючні тварини||||||

«Il est temps, dit enfin lord Edward.

--Allez donc, mon ami!» répondit lady Helena en contenant son émotion. ||||||||containing||

Lord Glenarvan la pressa sur son cœur, tandis que Robert se jetait au cou de Mary Grant.

«Et maintenant, chers compagnons, dit Jacques Paganel, une dernière poignée de main qui nous dure jusqu'aux rivages de l'Atlantique!» |||||||||hand||||||||| |||||||||рука потиск||||||||| "Und nun, liebe Kameraden", sagte Jacques Paganel, "ein letzter Händedruck, der uns bis zu den Ufern des Atlantiks halten wird!"

C'était beaucoup demander. Це було|багато|просити Das war viel verlangt. Cependant il y eut là des étreintes capables de réaliser les vœux du digne savant. ||||||embraces|||||wishes||worthy| ||||||обійми|||||бажання|||учений

On remonta sur le pont, et les sept voyageurs quittèrent le _Duncan_. Bientôt ils atteignirent le quai, dont le yacht en évoluant se rapprocha à moins d'une demi-encablure. ||||||||||||||||halbe Kabellänge ||reached|||||||evolving|||||||cable length ||досягли||пірс|||||еволюючи|||||||

Lady Helena, du haut de la dunette, s'écria une dernière fois:

«Mes amis, Dieu vous aide!

--Et il nous aidera, madame, répondit Jacques Paganel, car je vous prie de le croire, nous nous aiderons nous-mêmes! |||||||||||||||||will help||

--En avant! cria John Mangles à son mécanicien. |||||mechanic

--En route!» répondit lord Glenarvan.

Et à l'instant même où les voyageurs, rendant la bride à leurs montures, suivaient le chemin du rivage, le _Duncan_, sous l'action de son hélice, reprenait à toute vapeur la route de l'océan. |||||||||Zügel||||||||||||||||||||||| |||||||||reins|||mounts|||||shore|||||||propeller|restarted||||||| |||||||підпорядковуючи||повіддя|||коней|||||||||||||||||||| Und genau in dem Moment, als die Reisenden ihre Pferde zügelten und den Weg zum Ufer einschlugen, raste der _Duncan_ mit seinem Propeller wieder auf den Ozean hinaus.