×

Nós usamos os cookies para ajudar a melhorar o LingQ. Ao visitar o site, você concorda com a nossa política de cookies.


image

"LE NEZ D'UN NOTAIRE" - Edmond About, Chapter 2 (pt A)

Chapter 2 (pt A)

II. LA CHASSE AU CHAT (-Part A-)

Un philosophe turc a dit:

« a II n'y a pas de coups de poing agréables; mais les coups de poing sur le nez sont les plus désagréables de tous. Le même penseur ajoute avec raison, dans le chapitre suivant:

« Frapper un ennemi devant la femme qu'il aime, c'est le frapper deux fois. Tu offenses le corps et l'âme.» C'est pourquoi le patient Ayvaz-Bey rugissait de colère en ramenant mademoiselle Tompain et sa mère à l'appartement qu'il leur avait meublé. Il leur donna le bonsoir à leur porte, sauta dans une voiture et se fit mener, toujours saignant, chez son collègue et son ami Ahmed.

Ahmed dormait sous la garde d'un nègre fidèle; mais, s'il est écrit: « Tu n'éveilleras point ton ami qui dort, » il est écrit aussi: « Éveille-le cependant s'il y a danger pour lui ou pour toi. » On éveilla le bon Ahmed. C'était un longTurc de trente-cinq ans, maigre et fluet, avec de grandes jambes arquées. Excellent homme, d'ailleurs, et garçon d'esprit. Il y a du bon, quoi qu'on dise, chez ces gens-là. Lors qu'il vit la figure ensanglantée de son ami commença par lui faire apporter un grand bassin d'eau fraîche; car il est écrit: « Ne délibère pas avant d'avoir lavé ton sang: tes pensées seraient troubles et impures. Ayvaz fut plus tôt débarbouillé que calmé, fi raconta son aventure avec colère. Le nègre, qui se trouvait en tiers dans la confidence, offrit aussitôt de prendre son kandjar et d'aller tuer M. L'Ambert. Ahmed-Bey le remercia de ses bonnes intentions en le poussant du pied hors de la chambre.

— Et maintenant, dit-il au bon Ayvaz, qua ferons-nous?

— C'est bien simple, répondit l'autre: je lui couperai le nez demain matin. La loi du talion est écrite dans le Koran: « Œil pour œil, dent pour dent, nez pour nez! Ahmed lui remontra que le Koran était sans doute un bon livre, mais qu'il avait un peu vieilli. Les principes du point d'honneur ont changé depuis Mahomet. D'ailleurs, à supposeï qu'on appliquât la loi au pied de la lettre, Ayvaz serait réduit à rendre un coup de poing à M. L'Amhert. — De quel droit lui couperais-tu le nez, lorsqu'il n'a pas coupé le tien? Mais un jeune homme qui vient d'avoir le nez écrasé en présence de sa maîtresse se rend-il jamais à la raison? Ayvaz voulait du sang. Ahmed dut lui en promettre.

— Soit, lui dit-il. Nous représentons notre pays à l'étranger; nous ne devons pas recevoir un affront sans faire preuve de courage. Mais comment pourras-tu te battre en duel avec M. L'Ambert suivant les usages de ce pays? Tu a'as jamais tiré l'épée. — Qu'ai-je à faire d'une épée? Je veux lui couper le nez, te dis-je, et une épée ne me servirait de rien pour ce que je veux!...

— Si du moins tu étais d'une certaine força au pistolet? — Es-tu fou? que ferais-je d'un pistolet pour couper le nez d'un insolent? Je... Oui, c'est décidé! va le trouver, arrange tout pouf demain! nous nous battrons au sabre!

—Mais, malheureux! que feras-tu d'un sabre? Je ne doute pas de ton cœur, mais je puiâ dire sans t'offenser que tu n'es pas de la force do Pons. — Qu'importe ! lève-ioi, et va lui dire qu'il tienne son nez à ma disposition pour demain matin! Le sage Ahmed comprit que la logique aurait tort, et qu'il raisonnait en pure perte. A quoi bon prêcher un sourd qui tenait à son idév. comme le pape au temporel? Il s'habilla donc, prit avec lui le premier drogman, Osman-Bey, qui rentrait du cercle Impérial, et se fit conduire à l'hôtel de maître L'Ambert. L'heure était parfaitement indue; mais Ayvaz ne voulait pas qu'on perdît un seul moment. Le dieu des batailles ne le voulait pas non plus; au moins tout me porte à le croire. Dans l'instant que le premier secrétaire allait sonner chez maître L'Ambert, il rencontra l'ennemi en personne, qui revenait à pied en causant avec ses deux témoins. Maître L'Ambert vit les bonnets ronges, comprit, salua et prit la parole avec une certaine hauteur qui n'était pas tout à fait sans grâce. — Messieurs, dit-il aux arrivants, comme je suis le seul habitant de cet hôtel, j'ai lieu de croire que vous me faisiez l'honneur de venir chez moi. Je suis M. L'Ambert; permettezmoi de vous introduire. Il sonna, poussa la porte, traversa la cour avec ses quatre visiteurs nocturnes et les conduisit jusque dans son cabinet de travail. Là, les deux Turcs déclinèrent leurs noms, le notaire leur présenta ses deux amis et laissa les parties en présence.

Un duel ne peut avoir lieu daas notre pays que par la volonté ou tout au moins le consentement de six personnes. Or, il y en avait cinq qui ne souhaitaient nullement celui-ci. Maître L'Ambert était brave; mais il n'ignorait pas qu'un éclat de cette sorte, à propos d'une petite danseuse de l'Opéra, compromettrait gravement son étude. Le marquis de Villemaurin, vieux raffiné des plus compétents en matière de point d'honneur, disait que le duel est un jeu noble, où tout, depuis le commencement jusqu'à la fin de la partie, doit être correct. Or, un coup de poing dans le nez pour une demoiselle Victorine Tompain était la plus ridicule entrée de jeu qu'on pût imaginer. Il affirmait, d'ailleurs, sous la responsabilité de son honneur, que M. Alfred L'Ambert n'avait pas vu Ayvaz-Bcy, ju'il n'avait voulu frapper ni lui ni personne. M. L'Ambert avait cru reconnaître deux dames, et s'était approché vivement pour les saluer. En portant la main à son chapeau, il avait heurté violemment, mais sans aucune intention, une personne qui accourait en sens inverse. C'était un pur accident, une maladresse au pis aller; mais on ne rend pas raison d'un accident, ni même d'une maladresse. Le rang et l'éducation de M. L'Ambert ne permettaient à personne de supposer qu'il fût capable de donner un coup de poing à Ayvaz-Bey. Sa myopie bien connue et la demi-obscurité du passage avaient fait tout le mal. Enfin, M. L'Ambert, d'après le conseil de ses témoins, était tout prêt à déclarer, devant Ayvaz-Bey, qu'il regrettait de l'avoir heurté par accident. Ce raisonnement j assez juste en lui-même, empruntait un surcroît d'autorité à la personne de l'orateur. M. de Villemaurin était un de ces gentilshommes qui semblent avoir été oubliés par la mort pour rappeler les âges historiques à notre temps dégénéré. Son acte de naissance ne lui donnait que soixante-dix-neuf ans; mais, par les habitudes de l'esprit et du corps, il appartenait au xvi" siècle. Il pensait, parlait et agissait en homme qui a servi dans l'armée de la Ligue et taillé des croupières au Béarnais. Royaliste convaincu, catholique austère, il apportait dans ses haines et dans ses amitiés une passion qui outrait tout. Son courage, sa loyauté, sa droiture et même un certain degré de folie chevaleresque, le donnaient en admiration à la jeunesse inconsistante d'aujourd'hui. Il ne riait de rien, comprenait mal la plaisanterie et se blessait d'un bon mot comme d'un manque de respect. C'était le moins tolérant, le moins aimable et le plus honorable des vieillards. Il avait accompagné Charles X en Ecosse après les journées de juillet; mais il quitta Holy-Rood au bout de quinze jours de résidence, scandalisé de voir que la cour de France ne prenait pas le malheur au sérieux. Il donna alors sa démission et coupa pour toujours ses moustaches, qu'il conserva dans une sorte d'écriu avec cette inscription : Mes moustaches de la garde royale. Ses subordonnés, officiers et soldats, l'avaient en grande estime et en grande terreur. On se racontait à l'oreille que cet homme inflexible avait mis au cachot son fils unique, jeune soldat de vingt-deux ans, pour un acte d'insubordination. L'enfant, digne fils d'un tel père, refusa obstinément de céder, tomba malade au cachot, et mourut. Ce Brutus pleura son fils, lui éleva un tombeau convenable et le visita régulièrement deux fois par semaine sans oublier ce devoir en aucun temps ni à aucun âge; mais il ne se courba point sous le fardeau de ses remords. Il marchait droit, avec une certaine roideur ; ni l'âge ni la douleur n'avaient voûté ses larges épaules. C'était un petit homme trapu, vigoureux, fidèle à tous les exercices de sa jeunesse; il comptait sur le jeu de paume bien plus que sur le médecin pour entretenir sa verte santé. A soixante et dix ans, il avait épousé en secondes noces une jeune fille noble et pauvre. Il en avait eu deux enfants, et il ne désespérait pas de se voir bientôt grand-père. L'amour de la vie, si puissant sur les vieillards de cet âge, le préoccupait médiocrement, quoiqu'il fût heureux icibas. 11 avait eu sa dernière affaire à soixante et douze ans, avec un beau colonel de cinq pieds six pouces: histoire de politique selon les uns, de jalousie conjugale selon d'autres. Lorsqu'un homme de ce rang et de ce caractère prenait fait et cause pour M. L'Ambert, lorsqu'il déclarait qu'un duel entre le notaire et Ayvaz-Bey serait inutile, compromettant et bourgeois, la paix semblait être signée d'avance. Tel fut l'avis de M. Henri Steimbourg, qui n'était ni assez jeune, ni assez curieux pour vouloir à tout prix le spectacle d'une affaire; et les deux Turcs, hommes de sens, acceptèrent un instant la réparation qu'on leur offrait. Ils demandèrent toutefois à conférer avec Ayvaz, et l'ennemi les attendit sur pied tandis qu'ils couraient à l'ambassade. Il était quatre heures du matin; mais le marquis ne dormait plus guère que par acquit de conscience, et il avait à cœur de décider quelque chose avant de se mettre au lit.

Mais le terrible Ayvaz, aux premiers mots ck. conciliation que ses amis lui firent entendre, se mit dans une colère turque.

— Suis-je un fou? s'écria-t-il en brandissant le chibouk de jasmin qui lui avait tenu compagnie. Prétend-on me persuader que c'est moi qui ai donné un coup de nez dans le poing de M. L'Ambert? Il m'a frappé, et la preuve, c'est qu'il offre de me faire des excuses. Mais qu'est-ce que les paroles, quand il y a du sang répandu? Puis-je oublier que Yictoria et sa mère ont été témoins de ma honte?... 0 mes amis, il ne me reste plus qu'à mourir si je ne coupe aujourd'hui le nez de l'offenseur! Bon gré, mal gré, il fallut reprendre les négociations sur cette base un peu ridicule. Ahmed et le drogman avaient l'esprit assez raisonnable pour blâmer leur ami, mais le cœur trop chevaleresque pour l'abandonner en chemin. Si l'ambassadeur, Hamza-Pacha, se fût trouvé à Paris, il eût sans doute arrêté l'affaire par quelque coup d'autorité. Malheureusement, il cumulait les deux ambassades de France et d'Angleterre, et il était à Londres. Les témoins du bon Ayvaz firent la navette jusqu'à sept heures du matin entre la rue de Grenelle et la rue de Verneuil sans avancer notablement les choses. A sept neures, M. L'Ambert perdit patience et dit à ses témoins: — Ce Turc m'ennuie. Il ne lui suffit pas de m'avoir soufflé la petite Tompain; monsieur trouve plaisant de me faire passer une nuit blanche ! Eh bien, marchons! Il pourrait croire à la fin que j'ai peur de m'aligner avec lui. Mais faisons 'vite, s'il vous plaît, et tâchons de bâcler l'affaire ce matin. Je fais atteler en dix minutes, nous allons à deux lieues de Paris; je corrige mon Turc en un tour de main et je rentre à l'étude, avant que les petits journaux de scandale aient eu vent de notre histoire! Le marquis essaya encore une ou deux objections; mais il finit par avouer que M. L'Ambert avait la main forcée. L'insistance d'Ayvaz-Bey était du dernier mauvais goût et méritait une leçon sévère. Personne ne doutait que le belliqueux notaire, si avantageusement connu dans les salles d'armes, ne fût le professeur choisi par la destinée pour enseigner la politesse française à cet Osmanli. — Mon cher garçon, disait le vieux Villeinaurin en frappant sur l'épaule de son client, notre position est excellente, puisque nous avons mis le bon droit de notre côté. Le reste à la grâce de Dieu! L'événement n'est pas douteux; vous avez le cœur solide et la main vite. Souvenez- vous seulement qu'on ne doit jamais tirer à fond; car le duel est fait pour corriger les sots et non pour les détruire. Il n'y a que les maladroits qui tuent leur homme sous prétexte de lui apprendre à vivre. Le choix des armes revenait de droit au bon Ayvaz; mais le notaire et ses témoins firent la grimace eu apprenant qu'il choisissait le sabre. — C'est l'arme des soldats, disait le marquis, w l'arme des bourgeois qui ne veulent pas se battre. Cependant va pour le sabre, si vous y tenez!

Les témoins d'Ayvaz-Bey déclarèrent qu'ils y tcaaient beaucoup. On fit chercher deux lattes ou demi-espadons à la caserne du quai d'Orsay, et l'on prit rendez-vous pour dix heures au petit village de Parthenay, vieille route de Sceaux. Il était huit heures et demie.

Tous les Parisiens connaissent ce joli groupe de deux cents maisons, dont les habitants sont plus riches, plus propres et plus instruits que le commun de nos villageois. Ils cultivent la terre en jardiniers et non en laboureurs, et le ban de leur commune ressemble, tous les printemps, à un petit parradis terrestre. Un champ do fraisiers fleuris s'étend en nappe argentée entre ut champ de groseilliers et un champ de framboisiers. Des arpents tout entiers exhalent le parfun. acre du cassis, agréable à l'odorat des concierges. Paris achète eh beaux louis d'or la récolte de Parthenay, et les braves paysans que vous voyez cheminer à pas lents, un arrosoir dans chaque main, sont de petits capitalistes. Ils mangent de la viande deux fois par jour, méprisent la poule au pot et préfèrent le poulet à la broche. Ils payent le traitement d'un instituteur et d'un médecin communal, construisent sans emprunt une mairie et une église et votent pour mon spirituel ami le docteur Yéron aux élections du corps législatif. Leurs filles sont jolies, si j'ai bonne mémoire. Le savant archéologue Cubaudet, archiviste de la sous-préfecture de Sceaux, assure que Parthenay est une colonie grecque et qu'il tire son nom du mot Parthénos, vierge ou jeune fille (c'est tout un chez les peuples polis). Mais cette discussion nous éloignerait du bon Ayvaz.

Il arriva le premier au rendez-vous, toujours colère. Comme il arpentait fièrement la place du village, en attendant l'ennemi! Il cachait sous son manteau deux yatagans formidables, excellentes lames de Damas. Que dis-je, de Damas? Deux lames japonaises, de celles qui coupent une barre de fer aussi facilement qu'une asperge, pourvu qu'elles soient emmanchées au bout d'un bon bras. Ahmed-Bey et le fidèle drogman suivaient leur ami et lui donnaient les avis les plus sages : attaquer prudemment, se découvrir le moins possible, rompre en sautant, enfin tout ce qu'on peut dire à un novice qui va sur le terrain sans avoir rien appris. — Merci de vos conseils, répondait l'obstiné: il ne faut pas tant de façons pour couper le nez d'un notaire! L'objet de sa vengeance lui apparut bientôt entre deux verres de lunettes, à la portière d'une voiture de maître. Mais M. L'Ambert ne descendit point; il se contenta de saluer. Le marquis mit pied à terre et vint dire au grand Ahmed Bey:

— Je connais un excellent terrain à vingt minutes d'ici; soyez assez bon pour remonter en voiture avec vos amis et me suivre. Les belligérants prirent un chemin de traverse et descendirent à un kilomètre des habitations.

— Messieurs, dit le marquis, nous pouvons gagner à pied le petit bois que vous voyez làbas. Les cochers nous attendront ici. Nous avons oublié de prendre un chirurgien avec nous; mais le valet de pied que j'ai laissé à Parthenay nous amènera le médecin du village.

Chapter 2 (pt A) Chapter 2 (pt A)

II. LA CHASSE AU CHAT  (-Part A-)

Un philosophe turc a dit:

« a II n’y a pas de coups de poing agréables; mais les coups de poing sur le nez sont les plus désagréables de tous. Le même penseur ajoute avec raison, dans le chapitre suivant:

« Frapper un ennemi devant la femme qu’il aime, c’est le frapper deux fois. Tu offenses le corps et l’âme.» C’est pourquoi le patient Ayvaz-Bey rugissait de colère en ramenant mademoiselle Tompain et sa mère à l’appartement qu’il leur avait meublé. Il leur donna le bonsoir à leur porte, sauta dans une voiture et se fit mener, toujours saignant, chez son collègue et son ami Ahmed. He bade them goodnight at their door, jumped into a car and drove, still bleeding, to his colleague and his friend Ahmed.

Ahmed dormait sous la garde d’un nègre fidèle; mais, s’il est écrit: « Tu n’éveilleras point ton ami qui dort, » il est écrit aussi: « Éveille-le cependant s’il y a danger pour lui ou pour toi. Ahmed slept under the care of a faithful negro; but, if it is written: "Thou shalt not awaken your sleeping friend," it is also written: "Awaken him, however, if there is danger for him or for you." » On éveilla le bon Ahmed. C’était un longTurc de trente-cinq ans, maigre et fluet, avec de grandes jambes arquées. Excellent homme, d’ailleurs, et garçon d’esprit. An excellent man, moreover, and a clever fellow. Il y a du bon, quoi qu’on dise, chez ces gens-là. There is something good, whatever people say, in these people. Lors qu’il vit la figure ensanglantée de son ami commença par lui faire apporter un grand bassin d’eau fraîche; car il est écrit: « Ne délibère pas avant d’avoir lavé ton sang: tes pensées seraient troubles et impures. Ayvaz fut plus tôt débarbouillé que calmé, fi raconta son aventure avec colère. Le nègre, qui se trouvait en tiers dans la confidence, offrit aussitôt de prendre son kandjar et d’aller tuer M. L’Ambert. Ahmed-Bey le remercia de ses bonnes intentions en le poussant du pied hors de la chambre.

— Et maintenant, dit-il au bon Ayvaz, qua ferons-nous?

— C’est bien simple, répondit l’autre: je lui couperai le nez demain matin. La loi du talion est écrite dans le Koran: « Œil pour œil, dent pour dent, nez pour nez! Ahmed lui remontra que le Koran était sans doute un bon livre, mais qu’il avait un peu vieilli. Les principes du point d’honneur ont changé depuis Mahomet. D’ailleurs, à supposeï qu’on appliquât la loi au pied de la lettre, Ayvaz serait réduit à rendre un coup de poing à M. L’Amhert. Besides, supposing that the law were applied to the letter, Ayvaz would be reduced to throwing a punch at M. L'Amhert. — De quel droit lui couperais-tu le nez, lorsqu’il n’a pas coupé le tien? "What right would you have to cut off his nose, when he hasn't cut off yours?" Mais un jeune homme qui vient d’avoir le nez écrasé en présence de sa maîtresse se rend-il jamais à la raison? But does a young man who has just had his nose crushed in the presence of his mistress ever come to his senses? Ayvaz voulait du sang. Ayvaz wanted blood. Ahmed dut lui en promettre. Ahmed had to promise him some.

— Soit, lui dit-il. "So be it," he told her. Nous représentons notre pays à l’étranger; nous ne devons pas recevoir un affront sans faire preuve de courage. We represent our country abroad; we must not receive an affront without showing courage. Mais comment pourras-tu te battre en duel avec M. L’Ambert suivant les usages de ce pays? But how can you fight a duel with M. L'Ambert according to the customs of this country? Tu a’as jamais tiré l’épée. You never drew the sword. — Qu’ai-je à faire d’une épée? "What have I to do with a sword?" Je veux lui couper le nez, te dis-je, et une épée ne me servirait de rien pour ce que je veux!... I want to cut off his nose, I tell you, and a sword would do me no good for what I want!...

— Si du moins tu étais d’une certaine força au pistolet? "If at least you had some strength with a pistol?" — Es-tu fou? - Are you crazy? que ferais-je d’un pistolet pour couper le nez d’un insolent? what would I do with a gun to cut off the nose of an insolent? Je... Oui, c’est décidé! I've... Yes, I've decided! va le trouver, arrange tout pouf demain! go find him, fix everything poof tomorrow! nous nous battrons au sabre! we will fight with the sword!

—Mais, malheureux! “But, unhappy! que feras-tu d’un sabre? what will you do with a sword? Je ne doute pas de ton cœur, mais je puiâ dire sans t’offenser que tu n’es pas de la force do Pons. I don't doubt your heart, but I can say without offending you that you are not of the force of Pons. — Qu’importe ! - What does it matter! lève-ioi, et va lui dire qu’il tienne son nez à ma disposition pour demain matin! Get up, and go tell him to keep his nose at my disposal for tomorrow morning! Le sage Ahmed comprit que la logique aurait tort, et qu’il raisonnait en pure perte. The wise Ahmed understood that logic would be wrong, and that he reasoned in vain. A quoi bon prêcher un sourd qui tenait à son idév. What was the use of preaching to a deaf man who held on to his idev. comme le pape au temporel? like the pope in the temporal? Il s’habilla donc, prit avec lui le premier drogman, Osman-Bey, qui rentrait du cercle Impérial, et se fit conduire à l’hôtel de maître L’Ambert. So he dressed, took with him the first dragoman, Osman-Bey, who was returning from the Imperial circle, and had himself taken to the mansion of L'Ambert. L’heure était parfaitement indue; mais Ayvaz ne voulait pas qu’on perdît un seul moment. The hour was perfectly untimely; but Ayvaz didn't want us to lose a single moment. Le dieu des batailles ne le voulait pas non plus; au moins tout me porte à le croire. The god of battles didn't want that either; at least everything leads me to believe so. Dans l’instant que le premier secrétaire allait sonner chez maître L’Ambert, il rencontra l’ennemi en personne, qui revenait à pied en causant avec ses deux témoins. Just as the first secretary was about to ring at Master L'Ambert's, he met the enemy in person, who was returning on foot talking to his two witnesses. Maître L’Ambert vit les bonnets ronges, comprit, salua et prit la parole avec une certaine hauteur qui n’était pas tout à fait sans grâce. Maitre L'Ambert saw the corroded caps, understood, saluted and spoke with a certain haughtiness which was not entirely without grace. — Messieurs, dit-il aux arrivants, comme je suis le seul habitant de cet hôtel, j’ai lieu de croire que vous me faisiez l’honneur de venir chez moi. 'Gentlemen,' he said to the new arrivals, 'as I am the only inhabitant of this hotel, I have reason to believe that you did me the honor of coming to my house. Je suis M. L’Ambert; permettezmoi de vous introduire. I am Mr. L'Ambert; allow me to introduce you. Il sonna, poussa la porte, traversa la cour avec ses quatre visiteurs nocturnes et les conduisit jusque dans son cabinet de travail. He rang the bell, pushed open the door, crossed the yard with his four nocturnal visitors and led them into his study. Là, les deux Turcs déclinèrent leurs noms, le notaire leur présenta ses deux amis et laissa les parties en présence. There, the two Turks gave their names, the notary introduced them to his two friends and left the parties face to face.

Un duel ne peut avoir lieu daas notre pays que par la volonté ou tout au moins le consentement de six personnes. A duel can only take place in our country by the will or at least the consent of six people. Or, il y en avait cinq qui ne souhaitaient nullement celui-ci. However, there were five who did not want this one at all. Maître L’Ambert était brave; mais il n’ignorait pas qu’un éclat de cette sorte, à propos d’une petite danseuse de l’Opéra, compromettrait gravement son étude. Master L'Ambert was brave; but he was well aware that an outburst of this kind, concerning a little dancer from the Opera, would seriously compromise his study. Le marquis de Villemaurin, vieux raffiné des plus compétents en matière de point d’honneur, disait que le duel est un jeu noble, où tout, depuis le commencement jusqu’à la fin de la partie, doit être correct. Or, un coup de poing dans le nez pour une demoiselle Victorine Tompain était la plus ridicule entrée de jeu qu’on pût imaginer. Il affirmait, d’ailleurs, sous la responsabilité de son honneur, que M. Alfred L’Ambert n’avait pas vu Ayvaz-Bcy, ju’il n’avait voulu frapper ni lui ni personne. M. L’Ambert avait cru reconnaître deux dames, et s’était approché vivement pour les saluer. En portant la main à son chapeau, il avait heurté violemment, mais sans aucune intention, une personne qui accourait en sens inverse. By raising his hand to his hat, he had struck violently, but without any intention, a person running in the opposite direction. C’était un pur accident, une maladresse au pis aller; mais on ne rend pas raison d’un accident, ni même d’une maladresse. Le rang et l’éducation de M. L’Ambert ne permettaient à personne de supposer qu’il fût capable de donner un coup de poing à Ayvaz-Bey. Sa myopie bien connue et la demi-obscurité du passage avaient fait tout le mal. His well-known short-sightedness and the semi-darkness of the passage had done all the harm. Enfin, M. L’Ambert, d’après le conseil de ses témoins, était tout prêt à déclarer, devant Ayvaz-Bey, qu’il regrettait de l’avoir heurté par accident. Finally, M. L'Ambert, on the advice of his witnesses, was quite ready to declare, before Ayvaz-Bey, that he regretted having struck him by accident. Ce raisonnement j assez juste en lui-même, empruntait un surcroît d’autorité à la personne de l’orateur. This reasoning, quite correct in itself, borrowed an increase in authority from the person of the orator. M. de Villemaurin était un de ces gentilshommes qui semblent avoir été oubliés par la mort pour rappeler les âges historiques à notre temps dégénéré. M. de Villemaurin was one of those gentlemen who seem to have been forgotten by death to recall historical ages to our degenerate time. Son acte de naissance ne lui donnait que soixante-dix-neuf ans; mais, par les habitudes de l’esprit et du corps, il appartenait au xvi" siècle. Il pensait, parlait et agissait en homme qui a servi dans l’armée de la Ligue et taillé des croupières au Béarnais. He thought, spoke and acted like a man who had served in the army of the League and cut cruppers in Béarnais. Royaliste convaincu, catholique austère, il apportait dans ses haines et dans ses amitiés une passion qui outrait tout. Son courage, sa loyauté, sa droiture et même un certain degré de folie chevaleresque, le donnaient en admiration à la jeunesse inconsistante d’aujourd’hui. His courage, his loyalty, his righteousness and even a certain degree of chivalrous madness, won him the admiration of the inconsistent youth of today. Il ne riait de rien, comprenait mal la plaisanterie et se blessait d’un bon mot comme d’un manque de respect. He laughed at nothing, misunderstood the joke, and hurt himself with a good word as with a lack of respect. C’était le moins tolérant, le moins aimable et le plus honorable des vieillards. He was the least tolerant, the least amiable and the most honorable of old men. Il avait accompagné Charles X en Ecosse après les journées de juillet; mais il quitta Holy-Rood au bout de quinze jours de résidence, scandalisé de voir que la cour de France ne prenait pas le malheur au sérieux. Il donna alors sa démission et coupa pour toujours ses moustaches, qu’il conserva dans une sorte d’écriu avec cette inscription : Mes moustaches de la garde royale. He then resigned and cut his mustaches forever, which he kept in a sort of writing-desk with this inscription: My mustaches of the royal guard. Ses subordonnés, officiers et soldats, l’avaient en grande estime et en grande terreur. On se racontait à l’oreille que cet homme inflexible avait mis au cachot son fils unique, jeune soldat de vingt-deux ans, pour un acte d’insubordination. We whispered that this inflexible man had put his only son, a young soldier of twenty-two, in jail for an act of insubordination. L’enfant, digne fils d’un tel père, refusa obstinément de céder, tomba malade au cachot, et mourut. The child, a worthy son of such a father, stubbornly refused to yield, fell ill in the dungeon, and died. Ce Brutus pleura son fils, lui éleva un tombeau convenable et le visita régulièrement deux fois par semaine sans oublier ce devoir en aucun temps ni à aucun âge; mais il ne se courba point sous le fardeau de ses remords. This Brutus wept for his son, erected a suitable tomb for him, and visited him regularly twice a week without forgetting this duty at any time or at any age; but he did not bend under the burden of his remorse. Il marchait droit, avec une certaine roideur ; ni l’âge ni la douleur n’avaient voûté ses larges épaules. He walked straight, with a certain stiffness; neither age nor pain had hunched over his broad shoulders. C’était un petit homme trapu, vigoureux, fidèle à tous les exercices de sa jeunesse; il comptait sur le jeu de paume bien plus que sur le médecin pour entretenir sa verte santé. He was a stocky, vigorous little man, faithful to all the exercises of his youth; he counted on the game of tennis much more than on the doctor to maintain his green health. A soixante et dix ans, il avait épousé en secondes noces une jeune fille noble et pauvre. Il en avait eu deux enfants, et il ne désespérait pas de se voir bientôt grand-père. He had had two children with him, and he did not despair of seeing himself a grandfather soon. L’amour de la vie, si puissant sur les vieillards de cet âge, le préoccupait médiocrement, quoiqu’il fût heureux icibas. The love of life, so powerful over old people of that age, preoccupied him but little, although he was happy here below. 11 avait eu sa dernière affaire à soixante et douze ans, avec un beau colonel de cinq pieds six pouces: histoire de politique selon les uns, de jalousie conjugale selon d’autres. He had had his last affair at the age of seventy-two, with a handsome colonel five feet six inches tall: a story of politics according to some, of conjugal jealousy according to others. Lorsqu’un homme de ce rang et de ce caractère prenait fait et cause pour M. L’Ambert, lorsqu’il déclarait qu’un duel entre le notaire et Ayvaz-Bey serait inutile, compromettant et bourgeois, la paix semblait être signée d’avance. When a man of this rank and character took up the cause of M. L'Ambert, when he declared that a duel between the notary and Ayvaz-Bey would be useless, compromising and bourgeois, peace seemed to be signed by 'advance. Tel fut l’avis de M. Henri Steimbourg, qui n’était ni assez jeune, ni assez curieux pour vouloir à tout prix le spectacle d’une affaire; et les deux Turcs, hommes de sens, acceptèrent un instant la réparation qu’on leur offrait. Such was the opinion of M. Henri Steimbourg, who was neither young enough nor curious enough to want the spectacle of an affair at any cost; and the two Turks, men of sense, accepted for a moment the reparation offered to them. Ils demandèrent toutefois à conférer avec Ayvaz, et l’ennemi les attendit sur pied tandis qu’ils couraient à l’ambassade. They asked to confer with Ayvaz, however, and the enemy met them on foot as they ran to the embassy. Il était quatre heures du matin; mais le marquis ne dormait plus guère que par acquit de conscience, et il avait à cœur de décider quelque chose avant de se mettre au lit. It was four o'clock in the morning; but the marquis now hardly slept except for the sake of his conscience, and he was anxious to decide something before going to bed.

Mais le terrible Ayvaz, aux premiers mots ck. conciliation que ses amis lui firent entendre, se mit dans une colère turque. conciliation that his friends made him hear, flew into a Turkish rage.

— Suis-je un fou? "Am I crazy?" s’écria-t-il en brandissant le chibouk de jasmin qui lui avait tenu compagnie. Prétend-on me persuader que c’est moi qui ai donné un coup de nez dans le poing de M. L’Ambert? Do they claim to persuade me that it was I who nuzzled M. L'Ambert in the fist? Il m’a frappé, et la preuve, c’est qu’il offre de me faire des excuses. He hit me, and the proof is that he offers to apologize to me. Mais qu’est-ce que les paroles, quand il y a du sang répandu? Puis-je oublier que Yictoria et sa mère ont été témoins de ma honte?... Can I forget that Yictoria and her mother witnessed my shame?... 0 mes amis, il ne me reste plus qu’à mourir si je ne coupe aujourd’hui le nez de l’offenseur! 0 my friends, it only remains for me to die if I don't cut off the offender's nose today! Bon gré, mal gré, il fallut reprendre les négociations sur cette base un peu ridicule. Willingly or unwillingly, negotiations had to be resumed on this somewhat ridiculous basis. Ahmed et le drogman avaient l’esprit assez raisonnable pour blâmer leur ami, mais le cœur trop chevaleresque pour l’abandonner en chemin. Ahmed and the dragoman had enough reasonable minds to blame their friend, but too chivalrous in heart to abandon him on the way. Si l’ambassadeur, Hamza-Pacha, se fût trouvé à Paris, il eût sans doute arrêté l’affaire par quelque coup d’autorité. If the ambassador, Hamza-Pasha, had been in Paris, he would doubtless have stopped the affair by some stroke of authority. Malheureusement, il cumulait les deux ambassades de France et d’Angleterre, et il était à Londres. Unfortunately, he combined the two embassies of France and England, and he was in London. Les témoins du bon Ayvaz firent la navette jusqu’à sept heures du matin entre la rue de Grenelle et la rue de Verneuil sans avancer notablement les choses. Witnesses to the good Ayvaz shuttled until seven o'clock in the morning between the rue de Grenelle and the rue de Verneuil without much progress. A sept neures, M. L’Ambert perdit patience et dit à ses témoins: At seven neur, M. L'Ambert lost patience and said to his witnesses: — Ce Turc m’ennuie. 'This Turk bores me. Il ne lui suffit pas de m’avoir soufflé la petite Tompain; monsieur trouve plaisant de me faire passer une nuit blanche ! It's not enough for him to have whispered little Tompain to me; Monsieur finds it amusing to make me spend a sleepless night! Eh bien, marchons! Il pourrait croire à la fin que j’ai peur de m’aligner avec lui. He might think in the end that I'm afraid to align myself with him. Mais faisons 'vite, s’il vous plaît, et tâchons de bâcler l’affaire ce matin. But let's hurry, please, and try to rush the deal this morning. Je fais atteler en dix minutes, nous allons à deux lieues de Paris; je corrige mon Turc en un tour de main et je rentre à l’étude, avant que les petits journaux de scandale aient eu vent de notre histoire! I'm harnessing in ten minutes, we're going two leagues from Paris; I correct my Turkish in a jiffy and go back to study, before the little scandalous newspapers get wind of our story! Le marquis essaya encore une ou deux objections; mais il finit par avouer que M. L’Ambert avait la main forcée. The marquis still attempted one or two objections; but he ended by confessing that M. L'Ambert had his hand forced. L’insistance d’Ayvaz-Bey était du dernier mauvais goût et méritait une leçon sévère. Personne ne doutait que le belliqueux notaire, si avantageusement connu dans les salles d’armes, ne fût le professeur choisi par la destinée pour enseigner la politesse française à cet Osmanli. No one doubted that the bellicose notary, so well known in the armories, was the professor chosen by destiny to teach French politeness to this Osmanli. — Mon cher garçon, disait le vieux Villeinaurin en frappant sur l’épaule de son client, notre position est excellente, puisque nous avons mis le bon droit de notre côté. "My dear boy," said old Villeinaurin, tapping his client on the shoulder, "our position is excellent, since we have put the right law on our side." Le reste à la grâce de Dieu! L’événement n’est pas douteux; vous avez le cœur solide et la main vite. Souvenez- vous seulement qu’on ne doit jamais tirer à fond; car le duel est fait pour corriger les sots et non pour les détruire. Just remember that you should never pull all the way; for the duel is made to correct fools and not to destroy them. Il n’y a que les maladroits qui tuent leur homme sous prétexte de lui apprendre à vivre. Only the clumsy kill their man under the pretext of teaching him how to live. Le choix des armes revenait de droit au bon Ayvaz; mais le notaire et ses témoins firent la grimace eu apprenant qu’il choisissait le sabre. The choice of arms fell by right to the good Ayvaz; but the notary and his witnesses grimaced on hearing that he had chosen the sword. — C’est l’arme des soldats, disait le marquis, w l’arme des bourgeois qui ne veulent pas se battre. "It's the weapon of the soldiers," said the marquis, "the weapon of the bourgeois who don't want to fight." Cependant va pour le sabre, si vous y tenez! However go for the saber, if you insist on it!

Les témoins d’Ayvaz-Bey déclarèrent qu’ils y tcaaient beaucoup. On fit chercher deux lattes ou demi-espadons à la caserne du quai d’Orsay, et l’on prit rendez-vous pour dix heures au petit village de Parthenay, vieille route de Sceaux. Il était huit heures et demie.

Tous les Parisiens connaissent ce joli groupe de deux cents maisons, dont les habitants sont plus riches, plus propres et plus instruits que le commun de nos villageois. All Parisians know this pretty group of two hundred houses, whose inhabitants are richer, cleaner and better educated than our common villagers. Ils cultivent la terre en jardiniers et non en laboureurs, et le ban de leur commune ressemble, tous les printemps, à un petit parradis terrestre. They cultivate the land as gardeners and not as ploughmen, and the ban of their commune resembles, every spring, a little paradise on earth. Un champ do fraisiers fleuris s’étend en nappe argentée entre ut champ de groseilliers et un champ de framboisiers. Des arpents tout entiers exhalent le parfun. acre du cassis, agréable à l’odorat des concierges. acre of cassis, pleasant to the smell of concierges. Paris achète eh beaux louis d’or la récolte de Parthenay, et les braves paysans que vous voyez cheminer à pas lents, un arrosoir dans chaque main, sont de petits capitalistes. Ils mangent de la viande deux fois par jour, méprisent la poule au pot et préfèrent le poulet à la broche. Ils payent le traitement d’un instituteur et d’un médecin communal, construisent sans emprunt une mairie et une église et votent pour mon spirituel ami le docteur Yéron aux élections du corps législatif. They pay for the salary of a teacher and a communal doctor, build a town hall and a church without borrowing and vote for my spiritual friend Doctor Yéron in the elections for the legislative body. Leurs filles sont jolies, si j’ai bonne mémoire. Their daughters are pretty, if I remember correctly. Le savant archéologue Cubaudet, archiviste de la sous-préfecture de Sceaux, assure que Parthenay est une colonie grecque et qu’il tire son nom du mot Parthénos, vierge ou jeune fille (c’est tout un chez les peuples polis). Mais cette discussion nous éloignerait du bon Ayvaz.

Il arriva le premier au rendez-vous, toujours colère. Comme il arpentait fièrement la place du village, en attendant l’ennemi! How proudly he paced the village square, waiting for the enemy! Il cachait sous son manteau deux yatagans formidables, excellentes lames de Damas. Que dis-je, de Damas? How about Damascus? Deux lames japonaises, de celles qui coupent une barre de fer aussi facilement qu’une asperge, pourvu qu’elles soient emmanchées au bout d’un bon bras. Two Japanese blades, of those which cut an iron bar as easily as an asparagus, provided that they are handled at the end of a good arm. Ahmed-Bey et le fidèle drogman suivaient leur ami et lui donnaient les avis les plus sages : attaquer prudemment, se découvrir le moins possible, rompre en sautant, enfin tout ce qu’on peut dire à un novice qui va sur le terrain sans avoir rien appris. Ahmed-Bey and the faithful dragoman followed their friend and gave him the wisest advice: attack cautiously, uncover as little as possible, break by jumping, in short, all that can be said to a novice who goes into the field without having learned nothing. — Merci de vos conseils, répondait l’obstiné: il ne faut pas tant de façons pour couper le nez d’un notaire! "Thank you for your advice," replied the obstinate man. "It doesn't take so many ways to cut off a notary's nose!" L’objet de sa vengeance lui apparut bientôt entre deux verres de lunettes, à la portière d’une voiture de maître. The object of his revenge soon appeared to him between two glasses, at the door of a master's carriage. Mais M. L’Ambert ne descendit point; il se contenta de saluer. But M. L'Ambert did not come down; he contented himself with saluting. Le marquis mit pied à terre et vint dire au grand Ahmed Bey:

— Je connais un excellent terrain à vingt minutes d’ici; soyez assez bon pour remonter en voiture avec vos amis et me suivre. Les belligérants prirent un chemin de traverse et descendirent à un kilomètre des habitations.

— Messieurs, dit le marquis, nous pouvons gagner à pied le petit bois que vous voyez làbas. "Gentlemen," said the marquis, "we can walk to the little wood you see over there." Les cochers nous attendront ici. Nous avons oublié de prendre un chirurgien avec nous; mais le valet de pied que j’ai laissé à Parthenay nous amènera le médecin du village.