(#5) Les Etats-Unis de Trump sont-ils toujours le gendarme du monde ? (Mappemonde Ep. 5) - YouTube
C'est l'histoire du pays le plus puissant du monde…
et de l'un de ses présidents,
un peu différent.
Depuis la Seconde Guerre mondiale,
l'omniprésence américaine sur le globe
a fait des États-Unis le gendarme du monde.
La question est :
tout cela est-il terminé ?
Et, pour y répondre,
il faut d'abord savoir comment tout a commencé.
Car, au commencement américain, il y a un débat.
1796 :
alors que les Européens s'installent sur le continent américain
depuis trois siècles,
les États-Unis ne sont indépendants que depuis 13 ans,
et pour le premier président de l'histoire des États-Unis,
indépendance rime avec prudence :
Ces influences étrangères dont parle George Washington,
c'est avant tout l'Europe.
Pour lui, s'immiscer dans les affaires politiques du Vieux Continent
ne pourra attirer aux États-Unis que des ennuis.
Pendant un siècle,
le pays reste globalement fidèle à cette philosophie.
En cent ans,
seulement deux guerres opposent les États-Unis
à des nations européennes,
et cela lui réussit.
Entre 1830 et la fin du XIXe siècle,
les États-Unis passent du statut
de nation encore vulnérable
et en construction
à celui de première puissance industrielle
du monde.
Et, pendant ce temps, presque sans livrer la moindre guerre,
la taille du territoire américain triple,
Si bien que cent ans après les conseils de George Washington,
la prudence n'est plus tout à fait d'actualité.
Au tournant du siècle,
les présidents McKinley et Roosevelt, notamment,
se mettent à défendre un rôle plus important
pour les États-Unis sur la scène internationale.
En 1898, les États-Unis déclarent la guerre à l'Espagne.
Officiellement, il s'agit de porter secours à Cuba,
qui mène alors une révolution pour son indépendance.
Officieusement, de protéger leurs intérêts commerciaux avec l'île.
En dix semaines, l'Espagne est défaite,
et doit en plus céder aux États-Unis ses colonies de Porto Rico,
de Guam et des Philippines.
Pour la première fois de leur histoire,
les États-Unis s'approprient des territoires habités
au-delà de leurs frontières continentales,
et ça, ça ne plaît pas à tout le monde.
En 1898, plusieurs figures publiques,
comme l'écrivain Mark Twain ou l'industriel Andrew Carnegie,
fondent la Ligue anti-impérialiste :
Ce n'est en fait que le début
d'un débat entre interventionnistes et isolationnistes
qui va durer quarante ans.
Lorsqu'en Europe s'annonce la guerre,
aux États-Unis, l'isolationnisme est plus fort que jamais.
11 septembre 1940 :
le comité America First est créé.
Il milite contre l'entrée en guerre des États-Unis
et son discours est familier.
En quelques mois, le comité revendique 800 000 adhérents,
et devient ainsi le lobby politique
le plus important de l'histoire des États-Unis.
Mais il devient aussi une plate-forme pour certains discours antisémites,
comme ceux de l'un de ses porte-paroles les plus populaires,
Charles Lindbergh.
Mais, alors que l'expansion allemande en Europe
fragilise les discours isolationnistes,
un évènement fait basculer le débat définitivement.
Le 7 décembre 1941,
dans l'archipel d'Hawaï,
la base américaine de Pearl Harbor
subit une attaque-surprise des forces aéronavales japonaises.
Au total, plus de 2 400 Américains sont tués
et une grande partie de la flotte américaine du Pacifique détruite.
Dès le lendemain, le président Franklin Roosevelt
annonce l'entrée en guerre des États-Unis contre le Japon.
Quatre jours plus tard,
le comité America First vote sa propre dissolution.
Le débat entre isolationnistes et interventionnistes s'achève.
Pour les États-Unis, c'est le début d'une ère d'intervention.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les rapports de force changent.
Alors que les économies de la plupart des belligérants s'effondrent,
les États-Unis s'enrichissent
et s'affirment comme la première puissance économique du monde,
et avec un grand pouvoir viennent…
En 1947, le président Harry Truman
fait voter une aide économique et militaire américaine
en faveur des pays ruinés par la guerre.
Bon, derrière ces belles intentions
se cachent aussi des opportunités économiques
et surtout un nouvel ennemi :
l'Union soviétique est l'autre grand vainqueur militaire
de la Seconde Guerre mondiale,
sauf qu'entre elle et les États-Unis,
ce n'est pas la grande amitié.
Dans l'espoir d'endiguer l'expansion du bloc soviétique,
les États-Unis s'engagent alors comme jamais auparavant
dans des conflits étrangers.
Entre 1945 et 1991,
l'armée américaine
intervient de façon officielle
dans 28 pays différents.
À elles deux,
la guerre de Corée puis celle du Vietnam
tuent près de cent mille soldats américains.
Sans oublier les interventions non officielles.
Aux quatre coins du monde,
les services secrets américains
œuvrent pour mettre au pouvoir les régimes qui ont leurs faveurs.
Et puis un jour…
l'URSS, et avec elle la guerre froide
qui a structuré la politique étrangère américaine
pendant 45 années prennent fin.
Pour les États-Unis, un choix s'impose :
revenir à l'isolationnisme qui l'a fait prospérer au XIXe siècle,
ou poursuivre une politique interventionniste
et devenir ainsi l'unique gendarme du monde.
Dans les années 1990, George Bush puis Bill Clinton
choisissent l'intervention.
À chaque fois, les motivations sont doubles.
Car, pour les États-Unis,
intervenir est aussi un moyen de préserver
ses opportunités économiques.
Au cours de la décennie suivante, la doctrine se durcit.
Après les attentats du 11 septembre 2001,
les États-Unis déclarent la guerre au terrorisme.
En quelques années,
les États-Unis envahissent l'Afghanistan et l'Irak
et bombardent des groupes armés au Pakistan
et dans la Corne de l'Afrique.
Mais c'est alors que les États-Unis se lassent de la guerre.
Entre les mandats de George Bush Junior
et de Barack Obama,
l'opinion publique bascule :
en 2003, 72 % des personnes sondées
estimaient que l'intervention en Irak était une bonne décision.
En 2008, selon le même sondage, elles n'étaient plus que 38 %.
Et la guerre en Irak n'est pas la seule concernée.
Si 61 % des sondés
souhaitaient le maintien des troupes en Afghanistan en 2008,
en 2012, ils n'étaient plus que 35 %.
Il faut dire qu'en 2012,
cela fait 11 ans que les États-Unis sont en guerre contre le terrorisme.
En Irak, plus de 4 500 soldats américains sont morts,
tandis qu'en Afghanistan,
ils sont près de 2 000 à avoir perdu la vie.
Depuis la guerre du Vietnam,
aucun conflit n'avait tué plus de soldats américains.
En 2011, huit ans après qu'elle a commencé,
Barack Obama annonce la fin
de l'intervention américaine en Irak.
Au total, pendant ses deux mandats,
le nombre de soldats américains basés en Irak et en Afghanistan
est divisé par 15.
Et Obama n'est pas le seul à vouloir mettre un terme à la guerre.
Alors que le XXIe siècle avance,
l'ère du gendarme américain semble peu à peu prendre fin.
Enfin, pas tout à fait.
Si la part du budget militaire dans le PIB américain
diminue depuis 2012,
il dépasse toujours celui de ses concurrents de loin.
En 2019,
le budget militaire américain dépassait ainsi
celui du reste du top 10 mondial cumulé.
Surtout, la présence américaine dans le monde
ne s'est pas vraiment affaiblie.
Si le nombre de soldats américains sur le terrain a largement baissé
au cours des mandats Obama,
le nombre de pays
dans lesquels les États-Unis interviennent militairement
a presque doublé.
L'utilisation croissante des drones, comme au Yémen,
et le recours à certains alliés comme en Libye,
ont permis aux États-Unis de rester présents à un moindre coût.
Et, si la politique étrangère conduite par Obama
est moins interventionniste que par le passé,
elle est surtout loin d'être isolationniste.
Pour Obama
comme pour tous les présidents depuis la Seconde Guerre mondiale,
les États-Unis ont un rôle unique à jouer dans le monde.
Enfin,
comme tous les présidents à l'exception de Donald Trump.
Comme certaines figures du comité America First dans les années 1940,
Trump estime qu'intervenir dans les affaires du monde
n'est pas dans l'intérêt des États-Unis.
Pour lui, cet intérêt est avant tout une question d'argent.
Pour Trump, le problème n'est pas vraiment d'intervenir ou non
dans un pays étranger, mais le bénéfice potentiel à en tirer.
Et, petit à petit,
les États-Unis s'éloignent de la communauté internationale.
Le résultat,
c'est que l'influence des États-Unis dans le monde
s'affaiblit au profit d'autres pays.
En pleine pandémie de Covid-19,
alors que les États-Unis rompent leurs relations avec l'OMS,
la Chine, elle,
redouble d'efforts pour faire oublier son rôle controversé
dans la propagation de l'épidémie.
Devant l'Assemblée mondiale de la santé,
le président chinois défend la coopération internationale,
déclare que le futur vaccin chinois sera un bien public mondial
et promet qu'une aide de plusieurs milliards
sera créée par la Chine
pour soutenir les pays les plus touchés.
Pendant ce temps, Trump choisit de faire bande à part,
et tente d'obtenir l'exclusivité sur le futur vaccin.
Alors que le gendarme du monde dresse des murs autour de lui,
la Chine, elle, n'espère plus qu'une chose :
combler le vide américain.
Merci d'avoir regardé cet épisode.
Je voudrais remercier Marie-Cécile Naves
pour son aide pendant l'écriture de cette vidéo,
et aussi Marceau Bretonnier qui a réalisé tout le motion design.
Comme d'habitude,
si vous avez des idées pour les prochains Mappemonde,
écrivez-nous un commentaire. Et d'ici là, à bientôt !