Il y a anguille sous roche
Il y a quelque chose de caché, une perfidie qui se prépare.
L'affaire n'est pas claire. L'anguille est un charognard qui vit surtout la nuit, car elle n'aime pas la lumière.
Dans la journée, elle a donc plutôt tendance à se cacher et le dessous des rochers est incontestablement un bon endroit. C'est pourquoi, à l'époque où ces animaux pullulaient et faisaient le bonheur des gastronomes, il n'était pas rare, en soulevant une pierre sous l'eau, de déloger une anguille. Notre expression correspond donc bien à une réalité. Mais c'est aussi une métaphore qui s'explique par d'autres voies. Selon Pierre Guiraud, lexicographe contemporain, dans "Les locutions françaises", le sens de tromperie cachée viendrait du lien établi plus ou moins consciemment ou d'un jeu de mots entre l'anguille et les deux formes de l'ancien verbe 'guiller'.
Le premier, venu du hollandais et signifiant normalement 'fermenter' (à propos de la bière), avait aussi le sens de "éviter le combat, se faufiler", un peu comme l'anguille qui tente de s'échapper lorsque quelqu'un cherche à l'attraper.
Le second 'guiller' vient du francique 'wigila' ("ruse, astuce") et signifiait 'tromper'. Enfin, l'anguille était souvent assimilée à un serpent, animal fourbe s'il en est. Voilà donc suffisamment d'ingrédients pour que notre pauvre anguille qui ne demandait rien à personne devienne ainsi le symbole de la perfidie, la tromperie, la fourberie.