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Autour de la lune, Chapitre 7

Chapitre 7

Ainsi donc, un phénomène curieux, mais logique, bizarre, mais explicable, se produisait dans ces singulières conditions. Tout objet lancé au-dehors du projectile devait suivre la même trajectoire et ne s'arrêter qu'avec lui. Il y eut là un texte de conversation que la soirée ne put épuiser. L'émotion des trois voyageurs s'accroissait, d'ailleurs, à mesure que s'approchait le terme de leur voyage. Ils s'attendaient à l'imprévu, à des phénomènes nouveaux, et rien ne les eût étonnés dans la disposition d'esprit où ils se trouvaient. Leur imagination surexcitée devançait ce projectile, dont la vitesse diminuait notablement sans qu'ils en eussent le sentiment. Mais la Lune grandissait à leurs yeux, et ils croyaient déjà qu'il leur

suffisait d'étendre la main pour la saisir. Le lendemain, 5 décembre, dès cinq heures du matin, tous trois étaient sur pied. Ce jour-là devait être le dernier de leur voyage, si les calculs étaient exacts. Le soir même, à minuit, dans dixhuit heures, au moment précis de la Pleine-Lune, ils atteindraient son disque resplendissant. Le prochain minuit verrait s'achever ce voyage, le plus extraordinaire des temps anciens et modernes. Aussi dès le matin, à travers les hublots argentés par ses rayons, ils saluèrent l'astre des nuits d'un confiant et joyeux hurrah. La Lune s'avançait majestueusement sur le firmament étoilé. Encore quelques degrés, et elle atteindrait le point précis de l'espace où devait s'opérer sa rencontre avec le projectile. D'après ses propres observations, Barbicane calcula qu'il l'accosterait par son hémisphère nord, là où s'étendent d'immenses plaines, où les montagnes sont rares. Circonstance favorable, si l'atmosphère lunaire, comme on le pensait, était emmagasinée dans les fonds seulement. « D'ailleurs, fit observer Michel Ardan, une

plaine est plutôt un lieu de débarquement qu'une montagne. Un Sélénite que l'on déposerait en Europe sur le sommet du Mont-Blanc, ou en Asie sur le pic de l'Himalaya, ne serait pas précisément arrivé ! – De plus, ajouta le capitaine Nicholl, sur un terrain plat, le projectile demeurera immobile dès qu'il l'aura touché. Sur une pente, au contraire, il roulerait comme une avalanche, et n'étant point écureuils, nous n'en sortirions pas sains et saufs. Donc, tout est pour le mieux. » En effet, le succès de l'audacieuse tentative ne paraissait plus douteux. Cependant, une réflexion préoccupait Barbicane ; mais, ne voulant pas inquiéter ses deux compagnons, il garda le silence à ce sujet. En effet, la direction du projectile vers l'hémisphère nord de la Lune prouvait que sa trajectoire avait été légèrement modifiée. Le tir, mathématiquement calculé, devait porter le boulet au centre même du disque lunaire. S'il n'y arrivait pas, c'est qu'il y avait eu déviation. Qui l'avait produite ? Barbicane ne pouvait

l'imaginer, ni déterminer l'importance de cette déviation, car les points de repère manquaient. Il espérait pourtant qu'elle n'aurait d'autre résultat que de le ramener vers le bord supérieur de la Lune, région plus propice à l'atterrage. Barbicane se contenta donc, sans communiquer ses inquiétudes à ses amis, d'observer fréquemment la Lune, cherchant à voir si la direction du projectile ne se modifierait pas. Car la situation eût été terrible si le boulet, manquant son but et entraîné au-delà du disque, se fût élancé dans les espaces interplanétaires. En ce moment, la Lune, au lieu d'apparaître plate comme un disque, laissait déjà sentir sa convexité. Si le Soleil l'eût obliquement frappée de ses rayons, l'ombre portée aurait fait valoir les hautes montagnes qui se seraient nettement détachées. Le regard aurait pu s'enfoncer dans l'abîme béant des cratères, et suivre les capricieuses rainures qui zèbrent l'immensité des plaines. Mais tout relief se nivelait encore dans un resplendissement intense. On distinguait à peine ces larges taches qui donnent à la Lune

l'apparence d'une figure humaine. « Figure, soit, disait Michel Ardan, mais, j'en suis fâché pour l'aimable sœur d'Apollon, figure grêlée ! » Cependant, les voyageurs, si rapprochés de leur but, ne cessaient plus d'observer ce monde nouveau. Leur imagination les promenait à travers ces contrées inconnues. Ils gravissaient les pics élevés. Ils descendaient au fond des larges cirques. Çà et là, ils croyaient voir de vastes mers à peine contenues sous une atmosphère raréfiée, et des cours d'eau qui versaient le tribut des montagnes. Penchés sur l'abîme, ils espéraient surprendre les bruits de cet astre, éternellement muet dans les solitudes du vide. Cette dernière journée leur laissa des souvenirs palpitants. Ils en notèrent les moindres détails. Une vague inquiétude les prenait à mesure qu'ils s'approchaient du terme. Cette inquiétude eût encore redoublé s'ils avaient senti combien leur vitesse était médiocre. Elle leur eût paru bien insuffisante pour les conduire jusqu'au

but. C'est qu'alors le projectile ne « pesait » presque plus. Son poids décroissait incessamment et devait entièrement s'annihiler sur cette ligne où les attractions lunaires et terrestres se neutralisant, provoqueraient de si surprenants effets. Cependant, en dépit de ses préoccupations, Michel Ardan n'oublia pas de préparer le repas du matin avec sa ponctualité habituelle. On mangea de grand appétit. Rien d'excellent comme ce bouillon liquéfié à la chaleur du gaz. Rien de meilleur que ces viandes conservées. Quelques verres de bon vin de France couronnèrent ce repas. Et à ce propos, Michel Ardan fit remarquer que les vignobles lunaires, chauffés par cet ardent soleil, devaient distiller les vins les plus généreux, – s'ils existaient toutefois. En tout cas, le prévoyant Français n'avait eu garde d'oublier dans son paquet quelques précieux ceps du Médoc et de la Côted'Or, sur lesquels il comptait particulièrement. L'appareil Reiset et Regnault fonctionnait toujours avec une extrême précision. L'air se

maintenait dans un état de pureté parfaite. Nulle molécule d'acide carbonique ne résistait à la potasse, et quant à l'oxygène, disait le capitaine Nicholl, « il était certainement de première qualité ». Le peu de vapeur d'eau renfermé dans le projectile se mêlait à cet air dont il tempérait la sécheresse, et bien des appartements de Paris, de Londres ou de New York, bien des salles de théâtre ne se trouvent certainement pas dans des conditions aussi hygiéniques. Mais, pour fonctionner régulièrement, il fallait que cet appareil fût tenu en parfait état. Aussi, chaque matin, Michel visitait les régulateurs d'écoulement, essayait les robinets, et réglait au pyromètre la chaleur du gaz. Tout marchait bien jusqu'alors, et les voyageurs, imitant le digne J.T. Maston, commençaient à prendre un embonpoint qui les eût rendus méconnaissables, si leur emprisonnement se fût prolongé pendant quelques mois. Ils se comportaient, en un mot, comme se comportent des poulets en cage : ils engraissaient. En regardant à travers les hublots, Barbicane

vit le spectre du chien et les divers objets lancés hors du projectile qui l'accompagnaient obstinément. Diane hurlait mélancoliquement en apercevant les restes de Satellite. Ces épaves semblaient aussi immobiles que si elles eussent reposé sur un terrain solide. « Savez-vous, mes amis, disait Michel Ardan, que si l'un de nous eût succombé au contrecoup du départ, nous aurions été fort gênés pour l'enterrer, que dis-je, pour l'« éthérer », puisque ici l'éther remplace la Terre ! Voyez-vous ce cadavre accusateur qui nous aurait suivis dans l'espace comme un remords ! – C'eût été triste, dit Nicholl. – Ah ! reprit Michel, ce que je regrette, c'est de ne pouvoir faire une promenade à l'extérieur. Quelle volupté de flotter au milieu de ce radieux éther, de se baigner, de se rouler dans ces purs rayons de soleil ! Si Barbicane avait seulement pensé à se munir d'un appareil de scaphandre et d'une pompe à air, je me serais aventuré au dehors, et j'aurais pris des attitudes de chimère et d'hippogryphe sur le sommet du projectile.

– Eh bien, mon vieux Michel, répondit Barbicane, tu n'aurais pas fait longtemps l'hippogryphe, car, malgré ton habit de scaphandre, gonflé sous l'expansion de l'air contenu en toi, tu aurais éclaté comme un obus, ou plutôt comme un ballon qui s'élève trop haut dans l'air. Donc ne regrette rien, et n'oublie pas ceci : Tant que nous flotterons dans le vide, il faut t'interdire toute promenade sentimentale hors du projectile ! » Michel Ardan se laissa convaincre dans une certaine mesure. Il convint que la chose était difficile, mais non pas « impossible », mot qu'il ne prononçait jamais. La conversation, de ce sujet, passa à un autre, et ne languit pas un instant. Il semblait aux trois amis que dans ces conditions les idées leur poussaient au cerveau comme les feuilles poussent aux premières chaleurs du printemps. Ils se sentaient touffus. Au milieu des demandes et des réponses qui se croisèrent pendant cette matinée, Nicholl posa une certaine question qui ne trouva pas de

solution immédiate. « Ah çà ! dit-il, c'est très bien d'aller dans la Lune, mais comment en reviendrons-nous ? » Ses deux interlocuteurs se regardèrent d'un air surpris. On eût dit que cette éventualité se formulait pour la première fois devant eux. « Qu'entendez-vous par-là, Nicholl ? demanda gravement Barbicane. – Demander à revenir d'un pays, ajouta Michel, quand on n'y est pas encore arrivé, me paraît inopportun. – Je ne dis pas cela pour reculer, répliqua Nicholl, mais je réitère ma question, et je demande : Comment reviendrons-nous ? – Je n'en sais rien, répondit Barbicane. – Et moi, dit Michel, si j'avais su comment en revenir, je n'y serais point allé. – Voilà répondre, s'écria Nicholl. – J'approuve les paroles de Michel, dit Barbicane, et j'ajoute que la question n'a aucun intérêt actuel. Plus tard, quand nous jugerons

convenable de revenir, nous aviserons. Si la Columbiad n'est plus là, le projectile y sera toujours. – Belle avance ! Une balle sans fusil ! – Le fusil, répondit Barbicane, on peut le fabriquer. La poudre, on peut la faire ! Ni les métaux, ni le salpêtre, ni le charbon ne doivent manquer aux entrailles de la Lune. D'ailleurs, pour revenir, il ne faut vaincre que l'attraction lunaire, et il suffit d'aller à huit mille lieues pour retomber sur le globe terrestre en vertu des seules lois de la pesanteur. – Assez, dit Michel en s'animant. Qu'il ne soit plus question de retour ! Nous en avons déjà trop parlé. Quant à communiquer avec nos anciens collègues de la Terre, cela ne sera pas difficile. – Et comment ? – Au moyen de bolides lancés par les volcans lunaires. – Bien trouvé, Michel, répondit Barbicane d'un ton convaincu. Laplace a calculé qu'une force cinq fois supérieure à celle de nos canons

suffirait à envoyer un bolide de la Lune à la Terre. Or, il n'est pas de volcan qui n'ait une puissance de propulsion supérieure. – Hurrah ! cria Michel. Voilà des facteurs commodes que ces bolides, et qui ne coûteront rien ! Et comme nous rirons de l'administration des postes ! Mais, j'y pense... – Que penses-tu ? – Une idée superbe ! Pourquoi n'avons-nous pas accroché un fil à notre boulet ? Nous aurions échangé des télégrammes avec la Terre ! – Mille diables ! riposta Nicholl. Et le poids d'un fil long de quatre-vingt-six mille lieues ne le comptes-tu pour rien ? – Pour rien ! On aurait triplé la charge de la Columbiad ! On l'aurait quadruplée, quintuplée ! s'écria Michel, dont le verbe prenait des intonations de plus en plus violentes. – Il n'y a qu'une petite objection à faire à ton projet, répondit Barbicane : c'est que pendant le mouvement de rotation du globe, notre fil se serait enroulé autour de lui comme une chaîne sur

un cabestan, et qu'il nous aurait inévitablement ramenés à terre. – Par les trente-neuf étoiles de l'Union ! dit Michel, je n'ai donc que des idées impraticables aujourd'hui ! des idées dignes de J.-T. Maston ! Mais, j'y songe, si nous ne revenons pas sur la Terre, J.-T. Maston est capable de venir nous retrouver ! – Oui ! il viendra, répliqua Barbicane, c'est un digne et courageux camarade. D'ailleurs, quoi de plus aisé ? La Columbiad n'est-elle pas toujours creusée dans le sol floridien ! Le coton et l'acide azotique manquent-ils pour fabriquer du pyroxyle ? La Lune ne repassera-t-elle pas au zénith de la Floride ? Dans dix-huit ans n'occupera-t-elle pas exactement la place qu'elle occupe aujourd'hui ? – Oui, répéta Michel, oui, Maston viendra, et avec lui nos amis Elphiston, Blomsberry, tous les membres du Gun-Club, et ils seront bien reçus ! Et plus tard, on établira des trains de projectiles entre la Terre et la Lune ! Hurrah pour J.-T. Maston ! » Il est probable que, si l'honorable J.-T. Maston n'entendit pas les hurrahs poussés en son honneur, du moins les oreilles lui tintèrent. Que faisait-il alors ? Sans doute, posté dans les montagnes Rocheuses, à la station de Long'sPeak, il cherchait à découvrir l'invisible boulet gravitant dans l'espace. S'il pensait à ses chers compagnons, il faut convenir que ceux-ci n'étaient pas en reste avec lui, et que, sous l'influence d'une exaltation singulière, ils lui consacraient leurs meilleures pensées. Mais d'où venait cette animation qui grandissait visiblement chez les hôtes du projectile ? Leur sobriété ne pouvait être mise en doute. Cet étrange éréthisme du cerveau, fallait-il l'attribuer aux circonstances exceptionnelles où ils se trouvaient, à cette proximité de l'astre des nuits dont quelques heures les séparaient seulement, à quelque influence secrète de la Lune qui agissait sur le système nerveux ? Leur figure rougissait comme si elle eût été exposée à la réverbération d'un four ; leur respiration s'activait, et leurs poumons jouaient comme un soufflet de forge ; leurs yeux brillaient d'une

flamme extraordinaire ; leur voix détonait avec des accents formidables ; leurs paroles s'échappaient comme un bouchon de champagne chassé par l'acide carbonique ; leurs gestes devenaient inquiétants, tant il fallait d'espace pour les développer. Et, détail remarquable, ils ne s'apercevaient aucunement de cette excessive tension de leur esprit. « Maintenant, dit Nicholl d'un ton bref, maintenant que je ne sais pas si nous reviendrons de la Lune, je veux savoir ce que nous y allons faire. – Ce que nous y allons faire ? répondit Barbicane, frappant du pied comme s'il eût été dans une salle d'armes, je n'en sais rien ! – Tu n'en sais rien ! s'écria Michel avec un hurlement qui provoqua dans le projectile un retentissement sonore. – Non, je ne m'en doute même pas ! riposta Barbicane, se mettant à l'unisson de son interlocuteur. – Eh bien, je le sais, moi, répondit Michel.

– Parle donc, alors, cria Nicholl, qui ne pouvait plus contenir les grondements de sa voix. – Je parlerai si cela me convient, s'écria Michel en saisissant violemment le bras de son compagnon. – Il faut que cela te convienne, dit Barbicane, l'œil en feu, la main menaçante. C'est toi qui nous as entraînés dans ce voyage formidable, et nous voulons savoir pourquoi ! – Oui ! fit le capitaine, maintenant que je ne sais pas où je vais, je veux savoir pourquoi j'y vais ! – Pourquoi ? s'écria Michel, bondissant à la hauteur d'un mètre, pourquoi ? Pour prendre possession de la Lune au nom des États-Unis ! Pour ajouter un quarantième État à l'Union ! Pour coloniser les régions lunaires, pour les cultiver, pour les peupler, pour y transporter tous les prodiges de l'art, de la science et de l'industrie ! Pour civiliser les Sélénites, à moins qu'ils ne soient plus civilisés que nous, et les constituer en république, s'ils n'y sont déjà !

– Et s'il n'y a pas de Sélénites ! riposta Nicholl, qui sous l'empire de cette inexplicable ivresse devenait très contrariant. – Qui dit qu'il n'y a pas de Sélénites ? s'écria Michel d'un ton menaçant. – Moi ! hurla Nicholl. – Capitaine, dit Michel, ne répète pas cette insolence, ou je te l'enfonce dans la gorge à travers les dents ! » Les deux adversaires allaient se précipiter l'un sur l'autre, et cette incohérente discussion menaçait de dégénérer en bataille, quand Barbicane intervint par un bond formidable. « Arrêtez, malheureux, dit-il en mettant ses deux compagnons dos à dos, s'il n'y a pas de Sélénites, on s'en passera ! – Oui, s'exclama Michel, qui n'y tenait pas autrement, on s'en passera. Nous n'avons que faire des Sélénites ! À bas les Sélénites ! – À nous l'empire de la Lune, dit Nicholl. – À nous trois, constituons la république !

– Je serai le congrès, cria Michel. – Et moi le sénat, riposta Nicholl. – Et Barbicane le président, hurla Michel. – Pas de président nommé par la nation ! répondit Barbicane. – Eh bien, un président nommé par le congrès, s'écria Michel, et comme je suis le congrès, je te nomme à l'unanimité ! – Hurrah ! hurrah ! hurrah pour le président Barbicane ! cria Nicholl. – Hip ! hip ! hip ! » vociféra Michel Ardan. Puis, le président et le sénat entonnèrent d'une voix terrible le populaire Yankee Doodle, tandis que le congrès faisait retentir les mâles accents de la Marseillaise. Alors commença une ronde échevelée avec gestes insensés, trépignements de fous, culbutes de clowns désossés. Diane, se mêlant à cette danse, hurlant à son tour, sauta jusqu'à la voûte du projectile. On entendit d'inexplicables battements d'ailes, des cris de coq d'une sonorité bizarre. Cinq ou six poules volèrent, en se

frappant aux parois comme des chauves-souris folles... Puis, les trois compagnons de voyage, dont les poumons se désorganisaient sous une incompréhensible influence, plus qu'ivres, brûlés par l'air qui incendiait leur appareil respiratoire, tombèrent sans mouvement sur le fond du projectile.

Chapitre 7 Kapitel 7 Chapter 7 Capitolo 7

Ainsi donc, un phénomène curieux, mais logique, bizarre, mais explicable, se produisait dans ces singulières conditions. Tout objet lancé au-dehors du projectile devait suivre la même trajectoire et ne s'arrêter qu'avec lui. Il y eut là un texte de conversation que la soirée ne put épuiser. L'émotion des trois voyageurs s'accroissait, d'ailleurs, à mesure que s'approchait le terme de leur voyage. Ils s'attendaient à l'imprévu, à des phénomènes nouveaux, et rien ne les eût étonnés dans la disposition d'esprit où ils se trouvaient. Leur imagination surexcitée devançait ce projectile, dont la vitesse diminuait notablement sans qu'ils en eussent le sentiment. Mais la Lune grandissait à leurs yeux, et ils croyaient déjà qu'il leur

suffisait d'étendre la main pour la saisir. Le lendemain, 5 décembre, dès cinq heures du matin, tous trois étaient sur pied. Ce jour-là devait être le dernier de leur voyage, si les calculs étaient exacts. Le soir même, à minuit, dans dixhuit heures, au moment précis de la Pleine-Lune, ils atteindraient son disque resplendissant. Le prochain minuit verrait s'achever ce voyage, le plus extraordinaire des temps anciens et modernes. Aussi dès le matin, à travers les hublots argentés par ses rayons, ils saluèrent l'astre des nuits d'un confiant et joyeux hurrah. La Lune s'avançait majestueusement sur le firmament étoilé. Encore quelques degrés, et elle atteindrait le point précis de l'espace où devait s'opérer sa rencontre avec le projectile. A few more degrees, and she would reach the precise point in space where her encounter with the projectile was to take place. D'après ses propres observations, Barbicane calcula qu'il l'accosterait par son hémisphère nord, là où s'étendent d'immenses plaines, où les montagnes sont rares. According to his own observations, Barbicane calculated that he would dock with it at its northern hemisphere, where vast plains extend and mountains are rare. Circonstance favorable, si l'atmosphère lunaire, comme on le pensait, était emmagasinée dans les fonds seulement. Favorable circumstance, if the lunar atmosphere, as it was believed, was only stored in the depths. « D'ailleurs, fit observer Michel Ardan, une

plaine est plutôt un lieu de débarquement qu'une montagne. Un Sélénite que l'on déposerait en Europe sur le sommet du Mont-Blanc, ou en Asie sur le pic de l'Himalaya, ne serait pas précisément arrivé ! – De plus, ajouta le capitaine Nicholl, sur un terrain plat, le projectile demeurera immobile dès qu'il l'aura touché. Sur une pente, au contraire, il roulerait comme une avalanche, et n'étant point écureuils, nous n'en sortirions pas sains et saufs. Donc, tout est pour le mieux. » En effet, le succès de l'audacieuse tentative ne paraissait plus douteux. Cependant, une réflexion préoccupait Barbicane ; mais, ne voulant pas inquiéter ses deux compagnons, il garda le silence à ce sujet. En effet, la direction du projectile vers l'hémisphère nord de la Lune prouvait que sa trajectoire avait été légèrement modifiée. Le tir, mathématiquement calculé, devait porter le boulet au centre même du disque lunaire. S'il n'y arrivait pas, c'est qu'il y avait eu déviation. Qui l'avait produite ? Barbicane ne pouvait

l'imaginer, ni déterminer l'importance de cette déviation, car les points de repère manquaient. Il espérait pourtant qu'elle n'aurait d'autre résultat que de le ramener vers le bord supérieur de la Lune, région plus propice à l'atterrage. Barbicane se contenta donc, sans communiquer ses inquiétudes à ses amis, d'observer fréquemment la Lune, cherchant à voir si la direction du projectile ne se modifierait pas. Car la situation eût été terrible si le boulet, manquant son but et entraîné au-delà du disque, se fût élancé dans les espaces interplanétaires. En ce moment, la Lune, au lieu d'apparaître plate comme un disque, laissait déjà sentir sa convexité. Si le Soleil l'eût obliquement frappée de ses rayons, l'ombre portée aurait fait valoir les hautes montagnes qui se seraient nettement détachées. Le regard aurait pu s'enfoncer dans l'abîme béant des cratères, et suivre les capricieuses rainures qui zèbrent l'immensité des plaines. Mais tout relief se nivelait encore dans un resplendissement intense. On distinguait à peine ces larges taches qui donnent à la Lune

l'apparence d'une figure humaine. « Figure, soit, disait Michel Ardan, mais, j'en suis fâché pour l'aimable sœur d'Apollon, figure grêlée ! » Cependant, les voyageurs, si rapprochés de leur but, ne cessaient plus d'observer ce monde nouveau. Leur imagination les promenait à travers ces contrées inconnues. Ils gravissaient les pics élevés. Ils descendaient au fond des larges cirques. Çà et là, ils croyaient voir de vastes mers à peine contenues sous une atmosphère raréfiée, et des cours d'eau qui versaient le tribut des montagnes. Penchés sur l'abîme, ils espéraient surprendre les bruits de cet astre, éternellement muet dans les solitudes du vide. Cette dernière journée leur laissa des souvenirs palpitants. Ils en notèrent les moindres détails. Une vague inquiétude les prenait à mesure qu'ils s'approchaient du terme. Cette inquiétude eût encore redoublé s'ils avaient senti combien leur vitesse était médiocre. Elle leur eût paru bien insuffisante pour les conduire jusqu'au

but. C'est qu'alors le projectile ne « pesait » presque plus. Son poids décroissait incessamment et devait entièrement s'annihiler sur cette ligne où les attractions lunaires et terrestres se neutralisant, provoqueraient de si surprenants effets. Cependant, en dépit de ses préoccupations, Michel Ardan n'oublia pas de préparer le repas du matin avec sa ponctualité habituelle. On mangea de grand appétit. Rien d'excellent comme ce bouillon liquéfié à la chaleur du gaz. Rien de meilleur que ces viandes conservées. Quelques verres de bon vin de France couronnèrent ce repas. Et à ce propos, Michel Ardan fit remarquer que les vignobles lunaires, chauffés par cet ardent soleil, devaient distiller les vins les plus généreux, – s'ils existaient toutefois. En tout cas, le prévoyant Français n'avait eu garde d'oublier dans son paquet quelques précieux ceps du Médoc et de la Côted'Or, sur lesquels il comptait particulièrement. L'appareil Reiset et Regnault fonctionnait toujours avec une extrême précision. L'air se

maintenait dans un état de pureté parfaite. Nulle molécule d'acide carbonique ne résistait à la potasse, et quant à l'oxygène, disait le capitaine Nicholl, « il était certainement de première qualité ». Le peu de vapeur d'eau renfermé dans le projectile se mêlait à cet air dont il tempérait la sécheresse, et bien des appartements de Paris, de Londres ou de New York, bien des salles de théâtre ne se trouvent certainement pas dans des conditions aussi hygiéniques. Mais, pour fonctionner régulièrement, il fallait que cet appareil fût tenu en parfait état. Aussi, chaque matin, Michel visitait les régulateurs d'écoulement, essayait les robinets, et réglait au pyromètre la chaleur du gaz. Tout marchait bien jusqu'alors, et les voyageurs, imitant le digne J.T. Maston, commençaient à prendre un embonpoint qui les eût rendus méconnaissables, si leur emprisonnement se fût prolongé pendant quelques mois. Ils se comportaient, en un mot, comme se comportent des poulets en cage : ils engraissaient. En regardant à travers les hublots, Barbicane

vit le spectre du chien et les divers objets lancés hors du projectile qui l'accompagnaient obstinément. Diane hurlait mélancoliquement en apercevant les restes de Satellite. Ces épaves semblaient aussi immobiles que si elles eussent reposé sur un terrain solide. « Savez-vous, mes amis, disait Michel Ardan, que si l'un de nous eût succombé au contrecoup du départ, nous aurions été fort gênés pour l'enterrer, que dis-je, pour l'« éthérer », puisque ici l'éther remplace la Terre ! Voyez-vous ce cadavre accusateur qui nous aurait suivis dans l'espace comme un remords ! – C'eût été triste, dit Nicholl. – Ah ! reprit Michel, ce que je regrette, c'est de ne pouvoir faire une promenade à l'extérieur. Quelle volupté de flotter au milieu de ce radieux éther, de se baigner, de se rouler dans ces purs rayons de soleil ! Si Barbicane avait seulement pensé à se munir d'un appareil de scaphandre et d'une pompe à air, je me serais aventuré au dehors, et j'aurais pris des attitudes de chimère et d'hippogryphe sur le sommet du projectile.

– Eh bien, mon vieux Michel, répondit Barbicane, tu n'aurais pas fait longtemps l'hippogryphe, car, malgré ton habit de scaphandre, gonflé sous l'expansion de l'air contenu en toi, tu aurais éclaté comme un obus, ou plutôt comme un ballon qui s'élève trop haut dans l'air. Donc ne regrette rien, et n'oublie pas ceci : Tant que nous flotterons dans le vide, il faut t'interdire toute promenade sentimentale hors du projectile ! » Michel Ardan se laissa convaincre dans une certaine mesure. Il convint que la chose était difficile, mais non pas « impossible », mot qu'il ne prononçait jamais. La conversation, de ce sujet, passa à un autre, et ne languit pas un instant. Il semblait aux trois amis que dans ces conditions les idées leur poussaient au cerveau comme les feuilles poussent aux premières chaleurs du printemps. Ils se sentaient touffus. Au milieu des demandes et des réponses qui se croisèrent pendant cette matinée, Nicholl posa une certaine question qui ne trouva pas de

solution immédiate. « Ah çà ! dit-il, c'est très bien d'aller dans la Lune, mais comment en reviendrons-nous ? » Ses deux interlocuteurs se regardèrent d'un air surpris. On eût dit que cette éventualité se formulait pour la première fois devant eux. « Qu'entendez-vous par-là, Nicholl ? demanda gravement Barbicane. – Demander à revenir d'un pays, ajouta Michel, quand on n'y est pas encore arrivé, me paraît inopportun. – Je ne dis pas cela pour reculer, répliqua Nicholl, mais je réitère ma question, et je demande : Comment reviendrons-nous ? – Je n'en sais rien, répondit Barbicane. – Et moi, dit Michel, si j'avais su comment en revenir, je n'y serais point allé. – Voilà répondre, s'écria Nicholl. – J'approuve les paroles de Michel, dit Barbicane, et j'ajoute que la question n'a aucun intérêt actuel. Plus tard, quand nous jugerons

convenable de revenir, nous aviserons. Si la Columbiad n'est plus là, le projectile y sera toujours. – Belle avance ! Une balle sans fusil ! – Le fusil, répondit Barbicane, on peut le fabriquer. La poudre, on peut la faire ! Ni les métaux, ni le salpêtre, ni le charbon ne doivent manquer aux entrailles de la Lune. D'ailleurs, pour revenir, il ne faut vaincre que l'attraction lunaire, et il suffit d'aller à huit mille lieues pour retomber sur le globe terrestre en vertu des seules lois de la pesanteur. – Assez, dit Michel en s'animant. Qu'il ne soit plus question de retour ! Nous en avons déjà trop parlé. Quant à communiquer avec nos anciens collègues de la Terre, cela ne sera pas difficile. – Et comment ? – Au moyen de bolides lancés par les volcans lunaires. – Bien trouvé, Michel, répondit Barbicane d'un ton convaincu. Laplace a calculé qu'une force cinq fois supérieure à celle de nos canons

suffirait à envoyer un bolide de la Lune à la Terre. Or, il n'est pas de volcan qui n'ait une puissance de propulsion supérieure. – Hurrah ! cria Michel. Voilà des facteurs commodes que ces bolides, et qui ne coûteront rien ! Et comme nous rirons de l'administration des postes ! Mais, j'y pense... – Que penses-tu ? – Une idée superbe ! Pourquoi n'avons-nous pas accroché un fil à notre boulet ? Nous aurions échangé des télégrammes avec la Terre ! – Mille diables ! riposta Nicholl. Et le poids d'un fil long de quatre-vingt-six mille lieues ne le comptes-tu pour rien ? – Pour rien ! On aurait triplé la charge de la Columbiad ! On l'aurait quadruplée, quintuplée ! s'écria Michel, dont le verbe prenait des intonations de plus en plus violentes. – Il n'y a qu'une petite objection à faire à ton projet, répondit Barbicane : c'est que pendant le mouvement de rotation du globe, notre fil se serait enroulé autour de lui comme une chaîne sur

un cabestan, et qu'il nous aurait inévitablement ramenés à terre. – Par les trente-neuf étoiles de l'Union ! dit Michel, je n'ai donc que des idées impraticables aujourd'hui ! des idées dignes de J.-T. Maston ! Mais, j'y songe, si nous ne revenons pas sur la Terre, J.-T. Maston est capable de venir nous retrouver ! – Oui ! il viendra, répliqua Barbicane, c'est un digne et courageux camarade. D'ailleurs, quoi de plus aisé ? La Columbiad n'est-elle pas toujours creusée dans le sol floridien ! Le coton et l'acide azotique manquent-ils pour fabriquer du pyroxyle ? La Lune ne repassera-t-elle pas au zénith de la Floride ? Dans dix-huit ans n'occupera-t-elle pas exactement la place qu'elle occupe aujourd'hui ? – Oui, répéta Michel, oui, Maston viendra, et avec lui nos amis Elphiston, Blomsberry, tous les membres du Gun-Club, et ils seront bien reçus ! Et plus tard, on établira des trains de projectiles entre la Terre et la Lune ! Hurrah pour J.-T. Maston ! » Il est probable que, si l'honorable J.-T. Maston n'entendit pas les hurrahs poussés en son honneur, du moins les oreilles lui tintèrent. Que faisait-il alors ? Sans doute, posté dans les montagnes Rocheuses, à la station de Long'sPeak, il cherchait à découvrir l'invisible boulet gravitant dans l'espace. S'il pensait à ses chers compagnons, il faut convenir que ceux-ci n'étaient pas en reste avec lui, et que, sous l'influence d'une exaltation singulière, ils lui consacraient leurs meilleures pensées. Mais d'où venait cette animation qui grandissait visiblement chez les hôtes du projectile ? Leur sobriété ne pouvait être mise en doute. Cet étrange éréthisme du cerveau, fallait-il l'attribuer aux circonstances exceptionnelles où ils se trouvaient, à cette proximité de l'astre des nuits dont quelques heures les séparaient seulement, à quelque influence secrète de la Lune qui agissait sur le système nerveux ? Leur figure rougissait comme si elle eût été exposée à la réverbération d'un four ; leur respiration s'activait, et leurs poumons jouaient comme un soufflet de forge ; leurs yeux brillaient d'une

flamme extraordinaire ; leur voix détonait avec des accents formidables ; leurs paroles s'échappaient comme un bouchon de champagne chassé par l'acide carbonique ; leurs gestes devenaient inquiétants, tant il fallait d'espace pour les développer. Et, détail remarquable, ils ne s'apercevaient aucunement de cette excessive tension de leur esprit. « Maintenant, dit Nicholl d'un ton bref, maintenant que je ne sais pas si nous reviendrons de la Lune, je veux savoir ce que nous y allons faire. – Ce que nous y allons faire ? répondit Barbicane, frappant du pied comme s'il eût été dans une salle d'armes, je n'en sais rien ! – Tu n'en sais rien ! s'écria Michel avec un hurlement qui provoqua dans le projectile un retentissement sonore. – Non, je ne m'en doute même pas ! riposta Barbicane, se mettant à l'unisson de son interlocuteur. – Eh bien, je le sais, moi, répondit Michel.

– Parle donc, alors, cria Nicholl, qui ne pouvait plus contenir les grondements de sa voix. – Je parlerai si cela me convient, s'écria Michel en saisissant violemment le bras de son compagnon. – Il faut que cela te convienne, dit Barbicane, l'œil en feu, la main menaçante. C'est toi qui nous as entraînés dans ce voyage formidable, et nous voulons savoir pourquoi ! – Oui ! fit le capitaine, maintenant que je ne sais pas où je vais, je veux savoir pourquoi j'y vais ! – Pourquoi ? s'écria Michel, bondissant à la hauteur d'un mètre, pourquoi ? Pour prendre possession de la Lune au nom des États-Unis ! Pour ajouter un quarantième État à l'Union ! Pour coloniser les régions lunaires, pour les cultiver, pour les peupler, pour y transporter tous les prodiges de l'art, de la science et de l'industrie ! Pour civiliser les Sélénites, à moins qu'ils ne soient plus civilisés que nous, et les constituer en république, s'ils n'y sont déjà !

– Et s'il n'y a pas de Sélénites ! riposta Nicholl, qui sous l'empire de cette inexplicable ivresse devenait très contrariant. – Qui dit qu'il n'y a pas de Sélénites ? s'écria Michel d'un ton menaçant. – Moi ! hurla Nicholl. – Capitaine, dit Michel, ne répète pas cette insolence, ou je te l'enfonce dans la gorge à travers les dents ! » Les deux adversaires allaient se précipiter l'un sur l'autre, et cette incohérente discussion menaçait de dégénérer en bataille, quand Barbicane intervint par un bond formidable. « Arrêtez, malheureux, dit-il en mettant ses deux compagnons dos à dos, s'il n'y a pas de Sélénites, on s'en passera ! – Oui, s'exclama Michel, qui n'y tenait pas autrement, on s'en passera. Nous n'avons que faire des Sélénites ! À bas les Sélénites ! – À nous l'empire de la Lune, dit Nicholl. – À nous trois, constituons la république !

– Je serai le congrès, cria Michel. – Et moi le sénat, riposta Nicholl. – Et Barbicane le président, hurla Michel. – Pas de président nommé par la nation ! répondit Barbicane. – Eh bien, un président nommé par le congrès, s'écria Michel, et comme je suis le congrès, je te nomme à l'unanimité ! – Hurrah ! hurrah ! hurrah pour le président Barbicane ! cria Nicholl. – Hip ! hip ! hip ! » vociféra Michel Ardan. Puis, le président et le sénat entonnèrent d'une voix terrible le populaire Yankee Doodle, tandis que le congrès faisait retentir les mâles accents de la Marseillaise. Alors commença une ronde échevelée avec gestes insensés, trépignements de fous, culbutes de clowns désossés. Diane, se mêlant à cette danse, hurlant à son tour, sauta jusqu'à la voûte du projectile. On entendit d'inexplicables battements d'ailes, des cris de coq d'une sonorité bizarre. Cinq ou six poules volèrent, en se

frappant aux parois comme des chauves-souris folles... Puis, les trois compagnons de voyage, dont les poumons se désorganisaient sous une incompréhensible influence, plus qu'ivres, brûlés par l'air qui incendiait leur appareil respiratoire, tombèrent sans mouvement sur le fond du projectile.