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Le Grand Meaulnes, Le Grand meaulnes - troisième partie - chapitre 5 - La partie de plaisir

Le Grand meaulnes - troisième partie - chapitre 5 - La partie de plaisir

J'eus peine à suivre Augustin sur la route du Vieux-Nançay. Il allait comme un coureur de bicyclette. Il ne descendait pas aux côtes. A son inexplicable hésitation de la veille avaient succédé une fièvre, une nervosité, un désir d'arriver au plus vite, qui ne laissaient pas de m'effrayer un peu. Chez mon oncle il montra la même impatience, il parut incapable de s'intéresser à rien jusqu'au moment où nous fûmes tous installés en voiture, vers dix heures, le lendemain matin, et prêts à partir pour les bords de la rivière. On était à la fin du mois d'août, au déclin de l'été. Déjà les fourreaux vides des châtaigniers jaunis commençaient à joncher les routes blanches. Le trajet n'était pas long; la ferme des Aubiers, près du Cher où nous allions, ne se trouvait guère qu'à deux kilomètres au delà desSablonnières. De loin en loin, nous rencontrions d'autres invités en voiture, et même des jeunes gens à cheval, que Florentin avait conviés audacieusement au nom de M. de Galais... On s'était efforcé comme jadis de mêler riches et pauvres, châtelains et paysans. C'est ainsi que nous vîmes arriver à bicyclette Jasmin Delouche, qui, grâce au garde Baladier, avait fait naguère la connaissance de mon oncle. "Et voilà, dit Meaulnes en l'apercevant, celui qui tenait la clef de tout, pendant que nous cherchions jusqu'à Paris. C'est à désespérer!" Chaque fois qu'il le regardait sa rancune en était augmentée. L'autre, qui s'imaginait au contraire avoir droit à toute notre reconnaissance, escorta notre voiture de très près, jusqu'au bout. On voyait qu'il avait fait, misérablement, sans grand résultat, des frais de toilette, et les pans de sa jaquette élimée battaient le garde crotte de son vélocipède... Malgré la contrainte qu'il s'imposait pour être aimable, sa figure vieillotte ne parvenait pas à plaire. Il m'inspirait plutôt à moi une vague pitié. Mais de qui n'aurais-je pas eu pitié durant cette journée-là?... Je ne me rappelle jamais cette partie de plaisir sans un obscur regret, comme une sorte d'étouffement. Je m'étais fait de ce jour tant de joie à l'avance! Tout paraissait si parfaitement concerté pour que nous soyons heureux. Et nous l'avons été si peu!... Que les bords du Cher étaient beaux, pourtant! Sur la rive où l'on s'arrêta, le coteau venait finir en pente douce et la terre se divisait en petits prés verts, en saulaies séparées par des clôtures, comme autant de jardins minuscules. De l'autre côté de la rivière les bords étaient formés de collines grises, abruptes, rocheuses; et sur les plus lointaines on découvrait, parmi les sapins, de petits châteaux romantiques avec une tourelle. Au loin, par instants, on entendait aboyer la meute du château de Préveranges. Nous étions arrivés en ce lieu par un dédale de petits chemins, tantôt hérissés de cailloux blancs, tantôt remplis de sable--chemins qu'aux abords de la rivière les sources vives transformaient en ruisseaux. Au passage, les branches des groseilliers sauvages nous agrippaient par la manche. Et tantôt nous étions plongés dans la fraîche obscurité des fonds de ravins, tantôt au contraire, les haies interrompues, nous baignions dans la claire lumière de toute la vallée. Au loin sur l'autre rive, quand nous approchâmes, un homme accroché aux rocs, d'un geste lent, tendait des cordes à poissons. Qu'il faisait beau, mon Dieu! Nous nous installâmes sur une pelouse, dans le retrait que formait un taillis de bouleaux. C'était une grande pelouse rase, où il semblait qu'il y eût place pour des jeux sans fin. Les voitures furent dételées; les chevaux conduits à la ferme des Aubiers. On commença à déballer les provisions dans le bois, et à dresser sur la prairie de petites tables pliantes que mon oncle avait apportées. Il fallut, à ce moment, des gens de bonne volonté, pour aller à l'entrée du grand chemin voisin guetter les derniers arrivants et leur indiquer où nous étions. Je m'offris aussitôt; Meaulnes me suivit, et nous allâmes nous poster près du pont suspendu, au carrefour de plusieurs sentiers et du chemin qui venait des Sablonnières. Marchant de long en large, parlant du passé, tâchant tant bien que mal de nous distraire, nous attendions. Il arriva encore une voiture du Vieux-Nançay, des paysans inconnus avec une grande fille enrubannée. Puis plus rien. Si, trois enfants dans une voiture à âne, les enfants de l'ancien jardinier des Sablonnières. "Il me semble que je les reconnais, dit Meaulnes. Ce sont eux, je crois bien, qui m'ont pris par la main jadis, le premier soir de la fête, et m'ont conduit au dîner..." Mais à ce moment, l'âne ne voulant plus marcher, les enfants descendirent pour le piquer, le tirer, cogner sur lui tant qu'ils purent; alors Meaulnes, déçu, prétendit s'être trompé... Je leur demandai s'ils avaient rencontré sur la route M. et Mlle de Galais. L'un d'eux répondit qu'il ne savait pas; l'autre: "Je pense que oui, monsieur". Et nous ne fûmes pas plus avancés. Ils descendirent enfin vers la pelouse, les uns tirant l'ânon par la bride, les autres poussant derrière la voiture. Nous reprîmes notre attente. Meaulnes regardait fixement le détour du chemin des Sablonnières, guettant avec une sorte d'effroi la venue de la jeune fille qu'il avait tant cherchée jadis. Un énervement bizarre et presque comique, qu'il passait sur Jasmin, s'était emparé de lui. Du petit talus où nous étions grimpés pour voir au loin le chemin, nous apercevions sur la pelouse, en contrebas, un groupe d'invités où Delouche essayait de faire bonne figure. "Regarde-le pérorer, cet imbécile", me disait Meaulnes. Et je lui répondais: "Mais laisse-le. Il fait ce qu'il peut, le pauvre garçon". Augustin ne désarmait pas. Là-bas, un lièvre ou un écureuil avait dû déboucher d'un fourré. Jasmin, pour assurer sa contenance, fit mine de le poursuivre: "Allons, bon! Il court, maintenant...", fit Meaulnes, comme si vraiment cette audace-là dépassait toutes les autres! Et cette fois je ne pus m'empêcher de rire. Meaulnes aussi; mais ce ne fut qu'un éclair. Après un nouveau quart d'heure: "Si elle ne venait pas?..." dit-il. Je répondis: "Mais puisqu'elle a promis. Sois donc plus patient!" Il recommença de guetter. Mais, à la fin, incapable de supporter plus longtemps cette attente intolérable: "Ecoute-moi, dit-il. Je redescends avec les autres. Je ne sais ce qu'il y a maintenant contre moi: mais si je reste là, je sens qu'elle ne viendra jamais qu'il est impossible qu'au bout de ce chemin, tout à l'heure, elle apparaisse". Et il s'en alla vers la pelouse, me laissant tout seul. Je fis quelque cent mètres sur la petite route, pour passer le temps. Et au premier détour j'aperçus Yvonne de Galais, montée en amazone sur son vieux cheval blanc, si fringant ce matin-là qu'elle était obligée de tirer sur les rênes pour l'empêcher de trotter. A la tête du cheval, péniblement, en silence, marchait M. de Galais. Sans doute ils avaient dû se relayer sur la route, chacun à tour de rôle se servant de la vieille monture. Quand la jeune fille me vit tout seul, elle sourit, sauta prestement à terre, et confiant les rênes à son père se dirigea vers moi qui accourais: "Je suis bien heureuse, dit-elle, de vous trouver seul. Car je ne veux montrer à personne qu'à vous le vieux Bélisaire, ni le mettre avec les autres chevaux. Il est trop laid et trop vieux d'abord; puis je crains toujours qu'il ne soit blessé par un autre. Or, je n'ose monter que lui, et, quand il sera mort, je n'irai plus à cheval". Chez Mlle de Galais, comme chez Meaulnes, je sentais sous cette animation charmante, sous cette grâce en apparence si paisible, de l'impatience et presque de l'anxiété. Elle parlait plus vite qu'à l'ordinaire. Malgré ses joues et ses pommettes roses, il y avait autour de ses yeux, à son front, par endroits, une pâleur violente où se lisait tout son trouble. Nous convînmes d'attacher Bélisaire à un arbre dans un petit bois, proche de la route. Le vieux M. de Galais, sans mot dire comme toujours, sortit le licol des fontes et attacha la bête un peu bas à ce qu'il me sembla. De la ferme je promis d'envoyer tout à l'heure du foin, de l'avoine, de la paille... Et Mlle de Galais arriva sur la pelouse comme jadis, je l'imagine, elle descendit vers la berge du lac, lorsque Meaulnes l'aperçut pour la première fois. Donnant le bras à son père, écartant de sa main gauche le pan du grand manteau léger qui l'enveloppait, elle s'avançait vers les invités, de son air à la fois si sérieux et si enfantin. Je marchais auprès d'elle. Tous les invités éparpillés ou jouant au loin s'étaient dressés et rassemblés pour l'accueillir; il y eut un bref instant de silence pendant lequel chacun la regarda s'approcher. Meaulnes s'était mêlé au groupe des jeunes hommes et rien ne pouvait le distinguer de ses compagnons, sinon sa haute taille: encore y avait-il là des jeunes gens presque aussi grands que lui. Il ne fit rien qui pût le désigner à l'attention, pas un geste ni un pas en avant. Je le voyais, vêtu de gris, immobile, regardant fixement, comme tous les autres, la si belle jeune fille qui venait. A la fin, pourtant, d'un mouvement inconscient et gêné, il avait passé sa main sur sa tête nue, comme pour cacher, au milieu de ses compagnons aux cheveux bien peignés, sa rude tête rasée de paysan. Puis le groupe entoura Mlle de Galais. On lui présenta les jeunes filles et les jeunes gens qu'elle ne connaissait pas... Le tour allait venir de mon compagnon; et je me sentais aussi anxieux qu'il pouvait l'être. Je me disposais à faire moi-même cette présentation. Mais avant que j'eusse pu rien dire, la jeune fille s'avançait vers lui avec une décision et une gravité surprenantes: "Je reconnais Augustin Meaulnes", dit-elle. Et elle lui tendit la main.

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Le Grand meaulnes - troisième partie - chapitre 5 - La partie de plaisir

J'eus peine à suivre Augustin sur la route du Vieux-Nançay. I had difficulty following Augustin on the road to Vieux-Nancay. Il allait comme un coureur de bicyclette. He was like a bicycle rider. Il ne descendait pas aux côtes. ||descended||| He did not go down to the ribs. A son inexplicable hésitation de la veille avaient succédé une fièvre, une nervosité, un désir d'arriver au plus vite, qui ne laissaient pas de m'effrayer un peu. ||||||||||||nervousness||||||||||||frighten|| An inexplicable hesitation from the night before was followed by a fever, a nervousness, a desire to arrive as quickly as possible, which left me somewhat frightened. Chez mon oncle il montra la même impatience, il parut incapable de s'intéresser à rien jusqu'au moment où nous fûmes tous installés en voiture, vers dix heures, le lendemain matin, et prêts à partir pour les bords de la rivière. At my uncle's, he showed the same impatience, seeming incapable of being interested in anything until the moment we were all settled in the car, around ten o'clock the next morning, and ready to leave for the riverbanks. On était à la fin du mois d'août, au déclin de l'été. It was at the end of August, at the decline of summer. Déjà les fourreaux vides des châtaigniers jaunis commençaient à joncher les routes blanches. ||sleeves|||chestnuts||||litter||| Already the empty sheaths of the yellowed chestnut trees were beginning to strew the white roads. Le trajet n'était pas long; la ferme des Aubiers, près du Cher où nous allions, ne se trouvait guère qu'à deux kilomètres au delà desSablonnières. ||||||||||||||were|||||||||| The journey was not long; the farm of Aubiers, near the Cher where we were going, was only two kilometers beyond Les Sandonnieres. De loin en loin, nous rencontrions d'autres invités en voiture, et même des jeunes gens à cheval, que Florentin avait conviés audacieusement au nom de M. de Galais... On s'était efforcé comme jadis de mêler riches et pauvres, châtelains et paysans. |||||encountered|||||||||||||||invited||||||||||||||||||lords|| From time to time, we met other guests in the carriage, and even some young men on horseback, whom Florentin had boldly invited in the name of M. de Galais. We had endeavored, as before, to mix rich and poor, castellans and peasants. C'est ainsi que nous vîmes arriver à bicyclette Jasmin Delouche, qui, grâce au garde Baladier, avait fait naguère la connaissance de mon oncle. Thus we saw Jasmin Delouche arrive by bicycle, who, thanks to the guard Baladier, had recently made the acquaintance of my uncle. "Et voilà, dit Meaulnes en l'apercevant, celui qui tenait la clef de tout, pendant que nous cherchions jusqu'à Paris. ||||||||||||||||were searching|| "And here," said Meaulnes, perceiving him, "he who held the key to everything, while we were searching for Paris. C'est à désespérer!" It is to despair! " Chaque fois qu'il le regardait sa rancune en était augmentée. ||||||grudge||| Every time he looked at him his grudge was increased. L'autre, qui s'imaginait au contraire avoir droit à toute notre reconnaissance, escorta notre voiture de très près, jusqu'au bout. |||||||||||escorted||||||| The other, who imagined, on the contrary, having the right to all our gratitude, escorted our car very closely, to the end. On voyait qu'il avait fait, misérablement, sans grand résultat, des frais de toilette, et les pans de sa jaquette élimée battaient le garde crotte de son vélocipède... Malgré la contrainte qu'il s'imposait pour être aimable, sa figure vieillotte ne parvenait pas à plaire. |||||||||||||||pants||||worn||||dirt|||bicycle|||||||||||old||||| It could be seen that he had done, miserably, with little result, toilet expenses, and the skirts of his worn-out jacket were beating the drowsy guard of his velocipede ... Despite the constraint he imposed on himself to be amiable, his old figure could not please. Il m'inspirait plutôt à moi une vague pitié. Rather, he inspired me with a vague pity. Mais de qui n'aurais-je pas eu pitié durant cette journée-là?... But who would I not have pity for that day? Je ne me rappelle jamais cette partie de plaisir sans un obscur regret, comme une sorte d'étouffement. ||||||||||||||||of suffocation I never remember this part of pleasure without an obscure regret, like a kind of choking. Je m'étais fait de ce jour tant de joie à l'avance! I had made this day so much joy in advance! Tout paraissait si parfaitement concerté pour que nous soyons heureux. ||||concerted||||| Everything seemed so perfectly arranged for us to be happy. Et nous l'avons été si peu!... And we have been so little! Que les bords du Cher étaient beaux, pourtant! That the banks of the Cher were beautiful, though! Sur la rive où l'on s'arrêta, le coteau venait finir en pente douce et la terre se divisait en petits prés verts, en saulaies séparées par des clôtures, comme autant de jardins minuscules. |||||||hill||||||||||||||||||||fences||||| On the bank where they stopped, the hillside came to a gentle slope, and the land was divided into little green meadows, and willows separated by fences, like so many tiny gardens. De l'autre côté de la rivière les bords étaient formés de collines grises, abruptes, rocheuses; et sur les plus lointaines on découvrait, parmi les sapins, de petits châteaux romantiques avec une tourelle. On the other side of the river the banks were formed of gray, steep, rocky hills; and on the farthest we discovered, among the fir trees, small romantic castles with a turret. Au loin, par instants, on entendait aboyer la meute du château de Préveranges. ||||||||pack|||| In the distance, from time to time, one heard the barking of the pack of the castle of Préveranges. Nous étions arrivés en ce lieu par un dédale de petits chemins, tantôt hérissés de cailloux blancs, tantôt remplis de sable--chemins qu'aux abords de la rivière les sources vives transformaient en ruisseaux. ||||||||maze|||||hindered||||||||||borders||||||||| We had arrived at this place by a maze of little paths, sometimes bristling with white pebbles, sometimes filled with sand-paths, and on the banks of the river the living springs turned into streams. Au passage, les branches des groseilliers sauvages nous agrippaient par la manche. |||||currant bushes|||grabbed|||sleeve In passing, the branches of the wild currant bush gripped us by the sleeve. Et tantôt nous étions plongés dans la fraîche obscurité des fonds de ravins, tantôt au contraire, les haies interrompues, nous baignions dans la claire lumière de toute la vallée. ||||||||||||ravines|||||||||||||||| And sometimes we were plunged into the cool darkness of the ravine bottoms, sometimes, on the contrary, the broken hedges, we bathed in the clear light of the whole valley. Au loin sur l'autre rive, quand nous approchâmes, un homme accroché aux rocs, d'un geste lent, tendait des cordes à poissons. ||||||||||hung|||||||||| In the distance on the other bank, when we approached, a man clinging to the rocks, with a slow gesture, was tending fish ropes. Qu'il faisait beau, mon Dieu! How beautiful the weather was, my God! Nous nous installâmes sur une pelouse, dans le retrait que formait un taillis de bouleaux. |||||lawn|||recess||||thicket||birches We settled down on a lawn, in the recess formed by a thicket of birch trees. C'était une grande pelouse rase, où il semblait qu'il y eût place pour des jeux sans fin. It was a large, level lawn, where there seemed to be room for endless games. Les voitures furent dételées; les chevaux conduits à la ferme des Aubiers. |||unhitched|||||||| The cars were unhitched; horses driven to the Aubiers farm. On commença à déballer les provisions dans le bois, et à dresser sur la prairie de petites tables pliantes que mon oncle avait apportées. |||unpack|||||||||||||||folding||||| They began to unpack the provisions in the woods, and to set up on the meadow small folding tables that my uncle had brought. Il fallut, à ce moment, des gens de bonne volonté, pour aller à l'entrée du grand chemin voisin guetter les derniers arrivants et leur indiquer où nous étions. At that moment, people of goodwill were needed to go to the entrance to the neighboring main road to watch for the latest arrivals and tell them where we were. Je m'offris aussitôt; Meaulnes me suivit, et nous allâmes nous poster près du pont suspendu, au carrefour de plusieurs sentiers et du chemin qui venait des Sablonnières. I offered myself immediately; Meaulnes followed me, and we went to station ourselves near the suspension bridge, at the crossroads of several paths and the path which came from Les Sablonnières. Marchant de long en large, parlant du passé, tâchant tant bien que mal de nous distraire, nous attendions. |||||||||||||||||were Walking up and down, talking about the past, trying as best they could to distract ourselves, we waited. Il arriva encore une voiture du Vieux-Nançay, des paysans inconnus avec une grande fille enrubannée. |||||||||||||||ribboned Another car arrived from Vieux-Nançay, some unknown peasants with a tall, ribboned girl. Puis plus rien. Then nothing. Si, trois enfants dans une voiture à âne, les enfants de l'ancien jardinier des Sablonnières. Yes, three children in a donkey cart, the children of the former gardener at Les Sablonnières. "Il me semble que je les reconnais, dit Meaulnes. "I think I recognize them," said Meaulnes. Ce sont eux, je crois bien, qui m'ont pris par la main jadis, le premier soir de la fête, et m'ont conduit au dîner..." Mais à ce moment, l'âne ne voulant plus marcher, les enfants descendirent pour le piquer, le tirer, cogner sur lui tant qu'ils purent; alors Meaulnes, déçu, prétendit s'être trompé... Je leur demandai s'ils avaient rencontré sur la route M. et Mlle de Galais. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||bang|||||||||claimed|||||||||||||||| It was they, I believe, who took me by the hand long ago, the first evening of the party, and led me to dinner ... "But at that moment, the donkey no longer wishing to walk, the The children went downstairs to prick him, pull him, knock on him as long as they could; then Meaulnes, disappointed, claimed to have made a mistake ... I asked them if they had met M. and Mlle de Galais on the road. L'un d'eux répondit qu'il ne savait pas; l'autre: "Je pense que oui, monsieur". One of them replied that he did not know; the other: "I think so, sir". Et nous ne fûmes pas plus avancés. |||were||| And we were no further ahead. Ils descendirent enfin vers la pelouse, les uns tirant l'ânon par la bride, les autres poussant derrière la voiture. |||||||||the donkey||||||||| They finally went down to the lawn, some pulling the colt by the bridle, others pushing behind the car. Nous reprîmes notre attente. We resumed our wait. Meaulnes regardait fixement le détour du chemin des Sablonnières, guettant avec une sorte d'effroi la venue de la jeune fille qu'il avait tant cherchée jadis. ||||detour|||||||||||||||||||| Meaulnes stared fixedly at the bend in the Chemin des Sablonnières, watching with a sort of dread the arrival of the young girl he had long sought. Un énervement bizarre et presque comique, qu'il passait sur Jasmin, s'était emparé de lui. |annoyance||||||||Jasmin||seized|| A bizarre and almost comical annoyance, which he passed over Jasmine, had seized him. Du petit talus où nous étions grimpés pour voir au loin le chemin, nous apercevions sur la pelouse, en contrebas, un groupe d'invités où Delouche essayait de faire bonne figure. ||slope|||||||||||||||lawn||down|||||||||| From the small embankment where we had climbed to see the path in the distance, we saw on the lawn, below, a group of guests where Delouche was trying to put on a good face. "Regarde-le pérorer, cet imbécile", me disait Meaulnes. ||rattle||||| "Watch him speak, that idiot," Meaulnes told me. Et je lui répondais: "Mais laisse-le. And I would say, "But leave him. Il fait ce qu'il peut, le pauvre garçon". He does what he can, poor boy. Augustin ne désarmait pas. ||disarmed| Augustine did not disarm. Là-bas, un lièvre ou un écureuil avait dû déboucher d'un fourré. |||hare|||squirrel|||emerge||thicket There, a hare or a squirrel must have emerged from a thicket. Jasmin, pour assurer sa contenance, fit mine de le poursuivre: "Allons, bon! ||||demeanor||||||| Jasmin, to ensure his composure, pretended to pursue him: "Come on, good! Il court, maintenant...", fit Meaulnes, comme si vraiment cette audace-là dépassait toutes les autres! |||||||||audacity||||| He's running, now ... ", said Meaulnes, as if really this audacity surpassed all the others! Et cette fois je ne pus m'empêcher de rire. And this time I couldn't help but laugh. Meaulnes aussi; mais ce ne fut qu'un éclair. |||||||flash Meaulnes too; but it was only a flash. Après un nouveau quart d'heure: "Si elle ne venait pas?..." After another quarter of an hour: "If she did not come? ..." dit-il. he said. Je répondis: "Mais puisqu'elle a promis. I replied: "But since she promised. Sois donc plus patient!" So be more patient! " Il recommença de guetter. He began to watch again. Mais, à la fin, incapable de supporter plus longtemps cette attente intolérable: "Ecoute-moi, dit-il. But, in the end, unable to endure this intolerable wait any longer: “Listen to me,” he said. Je redescends avec les autres. I go back down with the others. Je ne sais ce qu'il y a maintenant contre moi: mais si je reste là, je sens qu'elle ne viendra jamais qu'il est impossible qu'au bout de ce chemin, tout à l'heure, elle apparaisse". I do not know what is now against me: but if I stay there, I feel that it will never come that it is impossible that at the end of this path, just now, it will appear ". Et il s'en alla vers la pelouse, me laissant tout seul. ||||||lawn|||| And he walked off to the lawn, leaving me all alone. Je fis quelque cent mètres sur la petite route, pour passer le temps. I walked a few hundred yards on the small road to pass the time. Et au premier détour j'aperçus Yvonne de Galais, montée en amazone sur son vieux cheval blanc, si fringant ce matin-là qu'elle était obligée de tirer sur les rênes pour l'empêcher de trotter. ||||||||||side|||||||spirited|||||||||||||||trot And at the first bend I saw Yvonne de Galais, mounted like an Amazon on her old white horse, so dashing that morning that she had to pull on the reins to prevent him from trotting. A la tête du cheval, péniblement, en silence, marchait M. de Galais. At the head of the horse, painfully, in silence, walked M. de Galais. Sans doute ils avaient dû se relayer sur la route, chacun à tour de rôle se servant de la vieille monture. ||||||relay||||||||role|||||| No doubt they must have taken turns on the road, each in turn using the old mount. Quand la jeune fille me vit tout seul, elle sourit, sauta prestement à terre, et confiant les rênes à son père se dirigea vers moi qui accourais: "Je suis bien heureuse, dit-elle, de vous trouver seul. |||||||||||quickly|||||||||||||||was rushing|||||||||| When the young girl saw me all alone, she smiled, jumped quickly to the ground, and entrusting the reins to her father, walked towards me who was running: "I am very happy," she said, "to find you alone. Car je ne veux montrer à personne qu'à vous le vieux Bélisaire, ni le mettre avec les autres chevaux. Because I don't want to show old Belisarius to anyone but you, nor to put him with the other horses. Il est trop laid et trop vieux d'abord; puis je crains toujours qu'il ne soit blessé par un autre. |||ugly||||||||||||||| He is too ugly and too old at first; then I always fear that he will be hurt by another. Or, je n'ose monter que lui, et, quand il sera mort, je n'irai plus à cheval". However, I dare to ride only him, and when he is dead, I will no longer go on horseback ". Chez Mlle de Galais, comme chez Meaulnes, je sentais sous cette animation charmante, sous cette grâce en apparence si paisible, de l'impatience et presque de l'anxiété. With Mlle de Galais, as with Meaulnes, I felt under this charming animation, under this seemingly peaceful grace, impatience and almost anxiety. Elle parlait plus vite qu'à l'ordinaire. She spoke faster than usual. Malgré ses joues et ses pommettes roses, il y avait autour de ses yeux, à son front, par endroits, une pâleur violente où se lisait tout son trouble. |||||cheeks|||||||||||||places||||||||| In spite of her rosy cheeks and cheekbones, there was around her eyes, on her forehead, in places, a violent pallor which showed all her confusion. Nous convînmes d'attacher Bélisaire à un arbre dans un petit bois, proche de la route. |agreed||||||||||||| We agreed to tie Belisarius to a tree in a small wood, near the road. Le vieux M. de Galais, sans mot dire comme toujours, sortit le licol des fontes et attacha la bête un peu bas à ce qu'il me sembla. ||||||||||||halter||saddlebags|||||||||||| Old M. de Galais, without saying a word as always, took out the halter from the casings and tied the animal a little low, as it seemed to me. De la ferme je promis d'envoyer tout à l'heure du foin, de l'avoine, de la paille... Et Mlle de Galais arriva sur la pelouse comme jadis, je l'imagine, elle descendit vers la berge du lac, lorsque Meaulnes l'aperçut pour la première fois. ||||||||||||oats||||||||||||||||||||bank||||||||| From the farm I promised to send hay, oats, straw a little while ago ... And Mlle de Galais arrived on the lawn as before, I imagine, she went down to the shore of the lake , when Meaulnes saw him for the first time. Donnant le bras à son père, écartant de sa main gauche le pan du grand manteau léger qui l'enveloppait, elle s'avançait vers les invités, de son air à la fois si sérieux et si enfantin. ||||||excluding||||||hem|||||||||||||||||||||| Giving her arm to her father, pushing aside with her left hand the flap of the large, light coat which enveloped her, she advanced towards the guests, with her air at once so serious and so childish. Je marchais auprès d'elle. I was walking beside her. Tous les invités éparpillés ou jouant au loin s'étaient dressés et rassemblés pour l'accueillir; il y eut un bref instant de silence pendant lequel chacun la regarda s'approcher. |||scattered||||||risen|||||||||||||||||| All the guests scattered around or playing in the distance had risen up and gathered to welcome him; there was a brief moment of silence during which everyone watched her approach. Meaulnes s'était mêlé au groupe des jeunes hommes et rien ne pouvait le distinguer de ses compagnons, sinon sa haute taille: encore y avait-il là des jeunes gens presque aussi grands que lui. Meaulnes had mingled with the group of young men and nothing could distinguish him from his companions, except his tall stature: there were also young people there almost as tall as himself. Il ne fit rien qui pût le désigner à l'attention, pas un geste ni un pas en avant. He didn't do anything to point him to attention, not a gesture or a step forward. Je le voyais, vêtu de gris, immobile, regardant fixement, comme tous les autres, la si belle jeune fille qui venait. I saw him, dressed in gray, motionless, staring, like all the others, at the beautiful young girl who came. A la fin, pourtant, d'un mouvement inconscient et gêné, il avait passé sa main sur sa tête nue, comme pour cacher, au milieu de ses compagnons aux cheveux bien peignés, sa rude tête rasée de paysan. |||||||||||||||||||||||||||||styled||rude|||| At the end, however, with an unconscious and embarrassed movement, he had passed his hand over his bare head, as if to hide, in the midst of his companions with their well-combed hair, his rough shaven peasant head. Puis le groupe entoura Mlle de Galais. Then the group surrounded Mlle de Galais. On lui présenta les jeunes filles et les jeunes gens qu'elle ne connaissait pas... Le tour allait venir de mon compagnon; et je me sentais aussi anxieux qu'il pouvait l'être. They introduced her to the girls and young people she did not know ... My companion's turn was to come; and I felt as anxious as he could be. Je me disposais à faire moi-même cette présentation. I was preparing to make this presentation myself. Mais avant que j'eusse pu rien dire, la jeune fille s'avançait vers lui avec une décision et une gravité surprenantes: "Je reconnais Augustin Meaulnes", dit-elle. But before I could say anything, the young girl approached him with a decision and a surprising gravity: "I recognize Augustin Meaulnes", she said. Et elle lui tendit la main. And she held out her hand to him.