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Le Grand Meaulnes, Le Grand meaulnes - troisième partie - chapitre 11 - Le fardeau

Le Grand meaulnes - troisième partie - chapitre 11 - Le fardeau

La classe devait commencer le lundi. Le samedi soir, vers cinq heures, une femme du Domaine entra dans la cour de l'école où j'étais occupé à scier du bois pour l'hiver. Elle venait m'annoncer qu'une petite fille était née aux Sablonnières. L'accouchement avait été difficile. A neuf heures du soir il avait fallu demander la sage-femme de Préveranges. A minuit, on avait attelé de nouveau pour aller chercher le médecin de Vierzon. Il avait dû appliquer les fers. La petite fille avait la tête blessée et criait beaucoup mais elle paraissait bien en vie. Yvonne de Galais était maintenant très affaissée, mais elle avait souffert et résisté avec une vaillance extraordinaire. Je laissai là mon travail et content, en somme, de ces nouvelles, je suivis la bonne femme jusqu'aux Sablonnières. Avec précaution, de crainte que l'une des deux blessées ne fût endormie, je montai par l'étroit escalier de bois qui menait au premier étage. Et là, M. de Galais, le visage fatigué mais heureux me fit entrer dans la chambre où l'on avait provisoirement installé le berceau entouré de rideaux. Je n'étais jamais entré dans une maison où fût né le jour même un petit enfant. Que cela me paraissait bizarre et mystérieux et bon! Il faisait un soir si beau un véritable soir d'été que M. de Galais n'avait pas craint d'ouvrir la fenêtre qui donnait sur la cour. Accoudé près de moi sur l'appui de la croisée, il me racontait, avec épuisement et bonheur, le drame de la nuit; et moi qui l'écoutais, je sentais obscurément que quelqu'un d'étranger était maintenant avec nous dans la chambre... Sous les rideaux, cela se mit à crier, un petit cri aigre et prolongé... Alors M. de Galais me dit à demi-voix: "C'est cette blessure à la tête qui la fait crier". Machinalement on sentait qu'il faisait cela depuis le matin et que déjà il en avait pris l'habitude--il se mit à bercer le petit paquet de rideaux. "Elle a ri déjà, dit-il, et elle prend le doigt. Mais vous ne l'avez pas vue?" Il ouvrit les rideaux et je vis une rouge petite figure bouffie, un petit crâne allongé et déformé par les fers: "Ce n'est rien, dit M. de Galais, le médecin a dit que tout cela s'arrangerait de soi-même... Donnez-lui votre doigt, elle va le serrer". Je découvrais là comme un monde ignoré. Je me sentais le coeur gonflé d'une joie étrange que je ne connaissais pas auparavant... M. de Galais entrouvrit avec précaution la porte de la chambre de la jeune femme. Elle ne dormait pas. "Vous pouvez entrer", dit-il. Elle était étendue, le visage enfiévré, au milieu de ses cheveux blonds épars. Elle me tendit la main en souriant d'un air las. Je lui fis compliment de sa fille. D'une voix un peu rauque, et avec une rudesse inaccoutumée--la rudesse de quelqu'un qui revient du combat: "Oui, mais on me l'a abîmée", dit-elle en souriant. Il fallut bientôt partir pour ne pas la fatiguer. Le lendemain dimanche, dans l'après-midi, je me rendis avec une hâte presque joyeuse aux Sablonnières. A la porte, un écriteau fixé avec des épingles arrêta le geste que je faisais déjà: Prière de ne pas sonner Je ne devinai pas de quoi il s'agissait. Je frappai assez fort. J'entendis dans l'intérieur des pas étouffés qui accouraient. Quelqu'un que je ne connaissais pas et qui était le médecin de Vierzon m'ouvrit: "Eh bien, qu'y a-t-il? Fis-je vivement. Chut! Chut! Me répondit-il tout bas, l'air fâché. La petite fille a failli mourir cette nuit. Et la mère est très mal". Complètement déconcerté, je le suivis sur la pointe des pieds jusqu'au premier étage. La petite fille endormie dans son berceau était toute pâle, toute blanche, comme un petit enfant mort. Le médecin pensait la sauver. Quant à la mère, il n'affirmait rien... Il me donna de longues explications comme au seul ami de la famille. Il parla de congestion pulmonaire, d'embolie. Il hésitait, il n'était pas sûr... M. de Galais entra, affreusement vieilli en deux jours, hagard et tremblant. Il m'emmena dans la chambre sans trop savoir ce qu'il faisait: "Il faut, me dit-il, tout bas, qu'elle ne soit pas effrayée; il faut, a ordonné le médecin, lui persuader que cela va bien". Tout le sang à la figure, Yvonne de Galais était étendue, la tête renversée comme la veille. Les joues et le front rouge sombre, les yeux par instants révulsés, comme quelqu'un qui étouffe, elle se défendait contre la mort avec un courage et une douceur indicibles. Elle ne pouvait parler, mais elle me tendit sa main en feu, avec tant d'amitié que je faillis éclater en sanglots. "Eh bien, eh bien, dit M. de Galais très fort, avec un enjouement affreux, qui semblait de folie, vous voyez que pour une malade elle n'a pas trop mauvaise mine!" Et je ne savais que répondre, mais je gardais dans la mienne la main horriblement chaude de la jeune femme mourante... Elle voulut faire un effort pour me dire quelque chose, me demander je ne sais quoi; elle tourna les yeux vers moi, puis vers la fenêtre, comme pour me faire un signe d'aller dehors chercher Quelqu'un... Mais alors une affreuse crise d'étouffement la saisit: ses beaux yeux bleus qui, un instant, m'avaient appelé si tragiquement, se révulsèrent; ses joues et son front noircirent, et elle se débattit doucement cherchant à contenir jusqu'à la fin son épouvante et son désespoir. On se précipita, le médecin et les femmes avec un ballon d'oxygène, des serviettes, des flacons; tandis que le vieillard penché sur elle criait, criait comme si déjà elle eût été loin de lui, de sa voix rude et tremblante: "N'aie pas peur, Yvonne. Ce ne sera rien. Tu n'as pas besoin d'avoir peur!" Puis la crise s'apaisa. Elle put souffler un peu, mais elle continua à suffoquer à demi, les yeux blancs, la tête renversée, luttant toujours, mais incapable, fût-ce un instant, pour me regarder et me parler, de sortir du gouffre où elle était déjà plongée. ... Et comme je n'étais utile à rien, je dus me décider à partir. Sans doute, j'aurais pu rester un instant encore; et à cette pensée je me sens étreint par un affreux regret. Mais quoi? J'espérais encore. Je me persuadais que tout n'était pas si proche. En arrivant à la lisière des sapins, derrière la maison, songeant au regard de la jeune femme tourné vers la fenêtre, j'examinai avec l'attention d'une sentinelle ou d'un chasseur d'hommes la profondeur de ce bois par où Augustin était venu jadis et par où il avait fui l'hiver précédent. Hélas! Rien de bougea. Pas une ombre suspecte; pas une branche qui remue. Mais, à la longue, là-bas, vers l'allée qui venait de Préveranges, j'entendis le son très fin d'une clochette; bientôt parut au détour du sentier un enfant avec une calotte rouge et une blouse d'écolier que suivait un prêtre... Et je partis, dévorant mes larmes. Le lendemain était le jour de la rentrée des classes. A sept heures, il y avait déjà deux ou trois gamins dans la cour. J'hésitai longuement à descendre, à me montrer. Et lorsque je parus enfin, tournant la clef de la classe moisie, qui était fermée depuis deux mois, ce que je redoutais le plus au monde arriva: je vis le plus grand des écoliers se détacher du groupe qui jouait sous le préau et s'approcher de moi. Il venait me dire que "la jeune dame des Sablonnières était morte hier à la tombée de la nuit". Tout se mêle pour moi, tout se confond dans cette douleur. Il me semble maintenant que jamais plus je n'aurai le courage de recommencer la classe. Rien que traverser la cour aride de l'école est une fatigue qui va me briser les genoux. Tout est pénible, tout est amer puisqu'elle est morte. Le monde est vide, les vacances sont finies. Finies, les longues courses perdues en voiture; finie, la fête mystérieuse... Tout redevient la peine que c'était. J'ai dit aux enfants qu'il n'y aurait pas de classe ce matin. Ils s'en vont, par petits groupes, porter cette nouvelle aux autres à travers la campagne. Quant à moi, je prends mon chapeau noir, une jaquette bordée que j'ai, et je m'en vais misérablement vers les Sablonnières... ... Me voici devant la maison que nous avions tant cherchée il y a trois ans! C'est dans cette maison qu'Yvonne de Galais, la femme d'Augustin Meaulnes, est morte hier soir. Un étranger la prendrait pour une chapelle, tant il s'est fait de silence depuis hier dans ce lieu désolé. Voilà donc ce que nous réservait ce beau matin de rentrée, ce perfide soleil d'automne qui glisse sous les branches. Comment lutterais-je contre cette affreuse révolte, cette suffocante montée de larmes! Nous avions retrouvé la belle jeune fille. Nous l'avions conquise. Elle était la femme de mon compagnon et moi je l'aimais de cette amitié profonde et secrète qui ne se dit jamais. Je la regardais et j'étais content, comme un petit enfant. J'aurais un jour peut-être épousé une autre jeune fille, et c'est à elle la première que j'aurais confié la grande nouvelle secrète... Près de la sonnette, au coin de la porte, on a laissé l'écriteau d'hier. On a déjà apporté le cercueil dans le vestibule, en bas. Dans la chambre du premier, c'est la nourrice de l'enfant qui m'accueille, qui me raconte la fin et qui entrouvre doucement la porte... La voici. Plus de fièvre ni de combats. Plus de rougeur, ni d'attente... Rien que le silence, et, entouré d'ouate, un dur visage insensible et blanc, un front mort d'où sortent les cheveux drus et durs. M. de Galais, accroupi dans un coin, nous tournant le dos, est en chaussettes, sans souliers, et il fouille avec une terrible obstination dans des tiroirs en désordre, arrachés d'une armoire. Il en sort de temps à autre, avec une crise de sanglots qui lui secoue les épaules comme une crise de rire, une photographie ancienne, déjà jaunie, de sa fille. L'enterrement est pour midi. Le médecin craint la décomposition rapide, qui suit parfois les embolies. C'est pourquoi le visage, comme tout le corps d'ailleurs, est entouré d'ouate imbibée de phénol. L'habillage terminé on lui a mis son admirable robe de velours bleu sombre, semée par endroits de petites étoiles d'argent, mais il a fallu aplatir et friper les belles manches à gigot maintenant démodées au moment de faire monter le cercueil, on s'est aperçu qu'il ne pourrait pas tourner dans le couloir trop étroit. Il faudrait avec une corde le hisser dehors par la fenêtre et de la même façon le faire descendre ensuite... Mais M. de Galais, toujours penché sur de vieilles choses parmi lesquelles il cherche on ne sait quels souvenirs perdus, intervient alors avec une véhémence terrible. "Plutôt, dit-il d'une voix coupée par les larmes et la colère, plutôt que de laisser faire une chose aussi affreuse, c'est moi qui la prendrai et la descendrai dans mes bras..." Et il ferait ainsi, au risque de tomber en faiblesse, à mi-chemin, et de s'écrouler avec elle! Mais alors je m'avance, je prends le seul parti possible: avec l'aide du médecin et d'une femme, passant un bras sous le dos de la morte étendue, l'autre sous ses jambes, je la charge contre ma poitrine. Assise sur mon bras gauche, les épaules appuyées contre mon bras droit, sa tête retombante retournée sous mon menton, elle pèse terriblement sur mon coeur. Je descends lentement, marche par marche, le long escalier raide, tandis qu'en bas on apprête tout. J'ai bientôt les deux bras cassés par la fatigue. A chaque marche, avec ce poids sur la poitrine, je suis un peu essoufflé. Agrippé au corps inerte et pesant, je baisse la tête sur la tête de celle que j'emporte, je respire fortement et ses cheveux blonds aspirés m'entrent dans la bouche des cheveux morts qui ont un goût de terre. Ce goût de terre et de mort, ce poids sur le coeur, c'est tout ce qui reste pour moi de la grande aventure, et de vous, Yvonne de Galais, jeune femme tant cherchée tant aimée...

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Le Grand meaulnes - troisième partie - chapitre 11 - Le fardeau |||||||burden Le Grand meaulnes - part three - chapter 11 - The burden

La classe devait commencer le lundi. |||||Monday Class was to start on Monday. Le samedi soir, vers cinq heures, une femme du Domaine entra dans la cour de l'école où j'étais occupé à scier du bois pour l'hiver. |Saturday|||||||||||||||||||saw|of||| On Saturday evening, around five o'clock, a woman from the Domaine entered the school yard where I was busy sawing wood for the winter. Elle venait m'annoncer qu'une petite fille était née aux Sablonnières. She came to tell me that a little girl was born at Les Sablonnières. L'accouchement avait été difficile. The delivery||| The delivery had been difficult. A neuf heures du soir il avait fallu demander la sage-femme de Préveranges. At nine o'clock in the evening it had been necessary to ask the Preveranges midwife. A minuit, on avait attelé de nouveau pour aller chercher le médecin de Vierzon. ||||harnessed||||||||| At midnight we had hitched up again to get the doctor from Vierzon. Il avait dû appliquer les fers. |||||shoes He had to apply the irons. La petite fille avait la tête blessée et criait beaucoup mais elle paraissait bien en vie. The little girl had her head hurt and screamed a lot but she looked good alive. Yvonne de Galais était maintenant très affaissée, mais elle avait souffert et résisté avec une vaillance extraordinaire. ||||||sagging|||||||||bravery| Yvonne de Galais was now very slumped, but she had suffered and resisted with extraordinary valor. Je laissai là mon travail et content, en somme, de ces nouvelles, je suivis la bonne femme jusqu'aux Sablonnières. I left my work there and contented, in short, with this news, I followed the good woman to the Sablonnières. Avec précaution, de crainte que l'une des deux blessées ne fût endormie, je montai par l'étroit escalier de bois qui menait au premier étage. Carefully, lest one of the wounded be asleep, I climbed up the narrow wooden staircase to the first floor. Et là, M. de Galais, le visage fatigué mais heureux me fit entrer dans la chambre où l'on avait provisoirement installé le berceau entouré de rideaux. And there, Monsieur de Galais, his tired but happy face made me enter the room where the crib had been provisionally surrounded by curtains. Je n'étais jamais entré dans une maison où fût né le jour même un petit enfant. I had never entered a house where a child was born the same day. Que cela me paraissait bizarre et mystérieux et bon! That it seemed weird and mysterious and good! Il faisait un soir si beau un véritable soir d'été que M. de Galais n'avait pas craint d'ouvrir la fenêtre qui donnait sur la cour. ||||||||||||||||feared|||||||| It was such a beautiful evening on a real summer evening that M. de Galais had not been afraid to open the window overlooking the courtyard. Accoudé près de moi sur l'appui de la croisée, il me racontait, avec épuisement et bonheur, le drame de la nuit; et moi qui l'écoutais, je sentais obscurément que quelqu'un d'étranger était maintenant avec nous dans la chambre... Sous les rideaux, cela se mit à crier, un petit cri aigre et prolongé... Alors M. de Galais me dit à demi-voix: "C'est cette blessure à la tête qui la fait crier". Leaning|||||the support|||window|||||exhaustion||||||||||||||obscurely|||of foreign|||||||||||||||||||sour||||||||||||||||||||| Leaning beside me on the support of the window, he told me, with exhaustion and happiness, the tragedy of the night; and I, who listened to him, felt it obscurely that some stranger was now with us in the room. Under the curtains, it began to cry, a little sour and prolonged cry. Galais said to me in a low voice: "It is this wound to the head that makes it cry". Machinalement on sentait qu'il faisait cela depuis le matin et que déjà il en avait pris l'habitude--il se mit à bercer le petit paquet de rideaux. Machinally|||||||||||||||||||||rock|||||curtains Mechanically, he felt that he had been doing this since the morning and that he had already become accustomed to it - he began to rock the small bundle of curtains. "Elle a ri déjà, dit-il, et elle prend le doigt. "She's already laughed," he said, and she takes a finger. Mais vous ne l'avez pas vue?" But you have not seen it? " Il ouvrit les rideaux et je vis une rouge petite figure bouffie, un petit crâne allongé et déformé par les fers: "Ce n'est rien, dit M. de Galais, le médecin a dit que tout cela s'arrangerait de soi-même... Donnez-lui votre doigt, elle va le serrer". |||||||||||puffed|||skull||||||irons|||||||||||||||||||||||||| He opened the curtains and I saw a red little puffy figure, a little skull lying and deformed by the irons: "It's nothing," said M. de Galais, "the doctor said that all this would work out of itself ... give her your finger, she'll squeeze it. " Je découvrais là comme un monde ignoré. I discovered there as a world ignored. Je me sentais le coeur gonflé d'une joie étrange que je ne connaissais pas auparavant... M. de Galais entrouvrit avec précaution la porte de la chambre de la jeune femme. ||||||||||||||||||partially opened||||||||||| I felt my heart swelled with a strange joy that I did not know before. M. de Galais carefully opened the door of the young woman's room. Elle ne dormait pas. She did not sleep. "Vous pouvez entrer", dit-il. "You can come in," he says. Elle était étendue, le visage enfiévré, au milieu de ses cheveux blonds épars. |||||fevered|||||||sparse She was lying, her face feverish, in the middle of her scattered blond hair. Elle me tendit la main en souriant d'un air las. She held out her hand, smiling wearily. Je lui fis compliment de sa fille. I congratulated him on his daughter. D'une voix un peu rauque, et avec une rudesse inaccoutumée--la rudesse de quelqu'un qui revient du combat: "Oui, mais on me l'a abîmée", dit-elle en souriant. ||||hoarse||||roughness|unaccustomed||roughness||||||||||||damaged|||| In a voice a bit hoarse, and with unusual roughness - the roughness of someone who comes back from the fight: "Yes, but it was damaged," she said with a smile. Il fallut bientôt partir pour ne pas la fatiguer. It was soon necessary to leave so as not to tire her. Le lendemain dimanche, dans l'après-midi, je me rendis avec une hâte presque joyeuse aux Sablonnières. The following day, Sunday, in the afternoon, I went with almost joyful haste to the Sablonnières. A la porte, un écriteau fixé avec des épingles arrêta le geste que je faisais déjà: Prière de ne pas sonner Je ne devinai pas de quoi il s'agissait. ||||sign||||pins|||||||||||||||guessed||||| At the door, a sign fixed with pins stopped the gesture I was already making: Pray not to ring I did not guess what it was. Je frappai assez fort. J'entendis dans l'intérieur des pas étouffés qui accouraient. |||||||were rushing I heard inside the muffled steps that came running. Quelqu'un que je ne connaissais pas et qui était le médecin de Vierzon m'ouvrit: "Eh bien, qu'y a-t-il? Someone I did not know and who was the doctor of Vierzon opened to me: "Well, what is it? Fis-je vivement. Chut! Chut! Me répondit-il tout bas, l'air fâché. ||||||angry La petite fille a failli mourir cette nuit. ||||almost||| The little girl almost died that night. Et la mère est très mal". Complètement déconcerté, je le suivis sur la pointe des pieds jusqu'au premier étage. La petite fille endormie dans son berceau était toute pâle, toute blanche, comme un petit enfant mort. Le médecin pensait la sauver. The doctor thought to save her. Quant à la mère, il n'affirmait rien... Il me donna de longues explications comme au seul ami de la famille. |||||didn't assert|||||||||||||| As for the mother, he said nothing. He gave me long explanations as to the only friend of the family. Il parla de congestion pulmonaire, d'embolie. |||congestion|pulmonary|of embolism He spoke of pulmonary congestion, of embolism. Il hésitait, il n'était pas sûr... M. de Galais entra, affreusement vieilli en deux jours, hagard et tremblant. ||||||||||horribly|||||haggard|| He hesitated, he was not sure. M. de Galais entered, frightfully aged in two days, haggard and trembling. Il m'emmena dans la chambre sans trop savoir ce qu'il faisait: "Il faut, me dit-il, tout bas, qu'elle ne soit pas effrayée; il faut, a ordonné le médecin, lui persuader que cela va bien". He took me to the room without knowing what he was doing: "You must," he said to me, in a whisper, "that she should not be frightened," the doctor ordered, "persuade him that it is going well. ". Tout le sang à la figure, Yvonne de Galais était étendue, la tête renversée comme la veille. |||||||||||||reversed|||night All the blood in his face, Yvonne de Galais was lying, his head thrown back as before. Les joues et le front rouge sombre, les yeux par instants révulsés, comme quelqu'un qui étouffe, elle se défendait contre la mort avec un courage et une douceur indicibles. |||||||||||revolted||||suffocates||||||||||||softness|indicible Cheeks and a dark red forehead, her eyes thrown back and forth, like someone who suffocates, she defended herself against death with untold courage and sweetness. Elle ne pouvait parler, mais elle me tendit sa main en feu, avec tant d'amitié que je faillis éclater en sanglots. |||||||||||||||||almost||| She could not speak, but she held out her hand on fire, with so much friendliness that I almost burst into tears. "Eh bien, eh bien, dit M. de Galais très fort, avec un enjouement affreux, qui semblait de folie, vous voyez que pour une malade elle n'a pas trop mauvaise mine!" ||||||||||||cheerfulness|awful|||||||||||||||| "Well, well," said M. de Galais, very loudly, with a frightful playfulness, which seemed madness, "you see that for a patient she does not look so bad!" Et je ne savais que répondre, mais je gardais dans la mienne la main horriblement chaude de la jeune femme mourante... Elle voulut faire un effort pour me dire quelque chose, me demander je ne sais quoi; elle tourna les yeux vers moi, puis vers la fenêtre, comme pour me faire un signe d'aller dehors chercher Quelqu'un... Mais alors une affreuse crise d'étouffement la saisit: ses beaux yeux bleus qui, un instant, m'avaient appelé si tragiquement, se révulsèrent; ses joues et son front noircirent, et elle se débattit doucement cherchant à contenir jusqu'à la fin son épouvante et son désespoir. ||||||||kept||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||horrible||of choking|||||||||||||||recoiled||||||darkened||||debated|||||||||horror|||despair And I did not know what to answer, but I kept in mine the horribly hot hand of the dying young woman. She tried to make an effort to tell me something, to ask me something. she turned her eyes to me, then to the window, as if to signal to me to go outside to get someone ... But then a frightful suffocation crisis seized her: her beautiful blue eyes which, for a moment, had called so tragically, revolted; her cheeks and her forehead blackened, and she struggled softly trying to contain her horror and despair to the end. On se précipita, le médecin et les femmes avec un ballon d'oxygène, des serviettes, des flacons; tandis que le vieillard penché sur elle criait, criait comme si déjà elle eût été loin de lui, de sa voix rude et tremblante: "N'aie pas peur, Yvonne. The doctor and the women rushed with a balloon of oxygen, towels, flasks; while the old man, bending over her, shouted, cried as if she had already been far from him, in her rough and trembling voice: "Do not be afraid, Yvonne. Ce ne sera rien. It will be nothing. Tu n'as pas besoin d'avoir peur!" You don't need to be afraid! " Puis la crise s'apaisa. |||calmed Then the crisis subsided. Elle put souffler un peu, mais elle continua à suffoquer à demi, les yeux blancs, la tête renversée, luttant toujours, mais incapable, fût-ce un instant, pour me regarder et me parler, de sortir du gouffre où elle était déjà plongée. |||||||||||||||||||||||||||||||||||gulf||||| She was able to breathe a little, but she continued to half suffocate, her eyes white, her head thrown back, still struggling, but unable, even for a moment, to look at me and speak to me, to come out of the abyss where she was already plunged. . ... Et comme je n'étais utile à rien, je dus me décider à partir. ... And since I was not useful to anything, I had to decide to leave. Sans doute, j'aurais pu rester un instant encore; et à cette pensée je me sens étreint par un affreux regret. ||||||||||||||feel|embraced|||awful| No doubt, I could have stayed a moment longer; and at this thought I feel myself embraced by an awful regret. Mais quoi? But what? J'espérais encore. I was still hoping. Je me persuadais que tout n'était pas si proche. I persuaded myself that everything was not so close. En arrivant à la lisière des sapins, derrière la maison, songeant au regard de la jeune femme tourné vers la fenêtre, j'examinai avec l'attention d'une sentinelle ou d'un chasseur d'hommes la profondeur de ce bois par où Augustin était venu jadis et par où il avait fui l'hiver précédent. ||||edge||||||||||||||||||||||||||||||||||||once|||||||| Arriving at the edge of the trees, behind the house, thinking of the look of the young woman facing the window, I examined with the attention of a sentry or a hunter of men the depth of this wood where Augustine had come before and by which he had fled the previous winter. Hélas! Alas Alas! Rien de bougea. Nothing moved. Pas une ombre suspecte; pas une branche qui remue. ||||||||moves Not a suspicious shadow; not a stirring branch. Mais, à la longue, là-bas, vers l'allée qui venait de Préveranges, j'entendis le son très fin d'une clochette; bientôt parut au détour du sentier un enfant avec une calotte rouge et une blouse d'écolier que suivait un prêtre... Et je partis, dévorant mes larmes. ||||||||||||||||||bell||||bend|||||||cap|||||||||||||devouring|| But, in the long run, over there, towards the alley that came from Préveranges, I heard the very fine sound of a bell; Soon a child appeared with a red cap and a schoolboy's blouse at the bend of the path, followed by a priest. And I left, devouring my tears. Le lendemain était le jour de la rentrée des classes. |next|||||||| The next day was the day of the new school year. A sept heures, il y avait déjà deux ou trois gamins dans la cour. At seven o'clock there were already two or three kids in the yard. J'hésitai longuement à descendre, à me montrer. I hesitated for a long time to go down, to show myself. Et lorsque je parus enfin, tournant la clef de la classe moisie, qui était fermée depuis deux mois, ce que je redoutais le plus au monde arriva: je vis le plus grand des écoliers se détacher du groupe qui jouait sous le préau et s'approcher de moi. ||||||||||class|moldy||||||||||feared|||||||||||||||||||||shelter|||| And when I finally appeared, turning the key of the moldy class, which had been closed for two months, what I dreaded the most in the world came: I saw the greatest schoolboy detach from the group playing under the yard and approach me. Il venait me dire que "la jeune dame des Sablonnières était morte hier à la tombée de la nuit". He came to tell me that "the young lady of Sablonnières had died yesterday at nightfall". Tout se mêle pour moi, tout se confond dans cette douleur. ||mix|||||||| Everything is mixed for me, everything is mixed up in this pain. Il me semble maintenant que jamais plus je n'aurai le courage de recommencer la classe. It seems to me now that never again will I have the courage to start the class again. Rien que traverser la cour aride de l'école est une fatigue qui va me briser les genoux. |||||arid||||||||||| Just crossing the barren yard of the school is a fatigue that will break my knees. Tout est pénible, tout est amer puisqu'elle est morte. Everything is painful, everything is bitter since it is dead. Le monde est vide, les vacances sont finies. The world is empty, the holidays are over. Finies, les longues courses perdues en voiture; finie, la fête mystérieuse... Tout redevient la peine que c'était. ||||||||||||becomes|||| Finished, the long races lost by car; over, the mysterious feast ... Everything becomes the trouble it was. J'ai dit aux enfants qu'il n'y aurait pas de classe ce matin. ||||||would||||| I told the children that there would be no class this morning. Ils s'en vont, par petits groupes, porter cette nouvelle aux autres à travers la campagne. They leave, in small groups, to bring this news to others through the countryside. Quant à moi, je prends mon chapeau noir, une jaquette bordée que j'ai, et je m'en vais misérablement vers les Sablonnières... ... Me voici devant la maison que nous avions tant cherchée il y a trois ans! ||||||||||trimmed||||||||||||||||||||||||| As for me, I take my black hat, a lined jacket that I have, and I go miserably to the Sablonnières ... ... Here I am in front of the house that we had looked for so much three years ago! C'est dans cette maison qu'Yvonne de Galais, la femme d'Augustin Meaulnes, est morte hier soir. It is in this house that Yvonne de Galais, the wife of Augustin Meaulnes, died last night. Un étranger la prendrait pour une chapelle, tant il s'est fait de silence depuis hier dans ce lieu désolé. A stranger would take her for a chapel, so much has been done since yesterday in this desolate place. Voilà donc ce que nous réservait ce beau matin de rentrée, ce perfide soleil d'automne qui glisse sous les branches. ||||||||||||perfidious||||||| So that's what we had this beautiful morning of autumn, this perfidious autumn sun that slides under the branches. Comment lutterais-je contre cette affreuse révolte, cette suffocante montée de larmes! |would fight||||horrible|||||| How can I fight against this frightful revolt, this suffocating rise of tears! Nous avions retrouvé la belle jeune fille. We had found the beautiful girl. Nous l'avions conquise. We had conquered it. Elle était la femme de mon compagnon et moi je l'aimais de cette amitié profonde et secrète qui ne se dit jamais. She was the wife of my companion, and I loved her with that deep, secret friendship that never speaks to herself. Je la regardais et j'étais content, comme un petit enfant. I looked at her and I was happy, like a little child. J'aurais un jour peut-être épousé une autre jeune fille, et c'est à elle la première que j'aurais confié la grande nouvelle secrète... Près de la sonnette, au coin de la porte, on a laissé l'écriteau d'hier. would have||||||||||||||||||||||||||bell|||||||||| I would have married one day maybe another girl, and it is to her the first that I would have entrusted the great news secret ... Near the doorbell, at the corner of the door, we left the yesterday's sign. On a déjà apporté le cercueil dans le vestibule, en bas. |||||coffin||||| We have already brought the coffin into the vestibule downstairs. Dans la chambre du premier, c'est la nourrice de l'enfant qui m'accueille, qui me raconte la fin et qui entrouvre doucement la porte... La voici. |||||||nurse||||welcomes||||||||cracks||||| In the room of the first, it is the nanny of the child who greets me, who tells me the end and gently opens the door ... Here it is. Plus de fièvre ni de combats. No more fever or fighting. Plus de rougeur, ni d'attente... Rien que le silence, et, entouré d'ouate, un dur visage insensible et blanc, un front mort d'où sortent les cheveux drus et durs. ||red|||||||||of cotton||||||||||||||thick|| No more redness, no more waiting ... Nothing but silence, and, surrounded by cotton wool, a hard, insensible, white face, a dead brow from which the thick, hard hair comes out. M. de Galais, accroupi dans un coin, nous tournant le dos, est en chaussettes, sans souliers, et il fouille avec une terrible obstination dans des tiroirs en désordre, arrachés d'une armoire. |||squatting||||||||||socks||||||||||||drawers|||pulled|| M. de Galais, crouching in a corner, with his back to us, is in socks, without shoes, and he searches with terrible obstinacy in disordered drawers, torn from a cupboard. Il en sort de temps à autre, avec une crise de sanglots qui lui secoue les épaules comme une crise de rire, une photographie ancienne, déjà jaunie, de sa fille. He comes out from time to time, with a crisis of sobs that shakes his shoulders like a fit of laughter, an old photograph, already yellowed, of his daughter. L'enterrement est pour midi. The burial is for noon. Le médecin craint la décomposition rapide, qui suit parfois les embolies. |||||||suits|||emboli The doctor fears rapid decomposition, which sometimes follows embolisms. C'est pourquoi le visage, comme tout le corps d'ailleurs, est entouré d'ouate imbibée de phénol. |||||||||||of cotton|imbued||phenol This is why the face, like the whole body besides, is surrounded by wadding impregnated with phenol. L'habillage terminé on lui a mis son admirable robe de velours bleu sombre, semée par endroits de petites étoiles d'argent, mais il a fallu aplatir et friper les belles manches à gigot maintenant démodées au moment de faire monter le cercueil, on s'est aperçu qu'il ne pourrait pas tourner dans le couloir trop étroit. The dressing|||||||||||||scattered|||||stars||||||flatten||crumple|||||leg||outdated|||||||coffin||||||||||||| The dressing finished it was put his wonderful dark blue velvet dress, sown in places with small silver stars, but it was necessary to flatten and fripper the beautiful sleeves leg now obsolete at the time of raising the coffin, one s 's seen that he could not turn in the corridor too narrow. Il faudrait avec une corde le hisser dehors par la fenêtre et de la même façon le faire descendre ensuite... Mais M. de Galais, toujours penché sur de vieilles choses parmi lesquelles il cherche on ne sait quels souvenirs perdus, intervient alors avec une véhémence terrible. ||||||hoist||||||||||||||||||||||||||||||||||intervenes||||| It would be necessary with a rope to hoist it out through the window and in the same way to bring it down afterwards ... But M. de Galais, always leaning on old things among which he is looking for some unknown memories, then intervenes with a terrible vehemence. "Plutôt, dit-il d'une voix coupée par les larmes et la colère, plutôt que de laisser faire une chose aussi affreuse, c'est moi qui la prendrai et la descendrai dans mes bras..." Et il ferait ainsi, au risque de tomber en faiblesse, à mi-chemin, et de s'écrouler avec elle! ||||||||||||||||||||horrible||||||||||||||would|||||||||||||collapse|| "Rather," he said in a voice cut by tears and anger, "rather than letting something so awful be done, I will take it and put it in my arms ..." And he would do so, at the risk of falling into weakness, halfway, and collapse with it! Mais alors je m'avance, je prends le seul parti possible: avec l'aide du médecin et d'une femme, passant un bras sous le dos de la morte étendue, l'autre sous ses jambes, je la charge contre ma poitrine. |||advance||||||||||||||||||||||||||||||||| But then I go forward, I take the only possible part: with the help of the doctor and a woman, passing an arm under the back of the dead stretch, the other under his legs, I load it against my chest . Assise sur mon bras gauche, les épaules appuyées contre mon bras droit, sa tête retombante retournée sous mon menton, elle pèse terriblement sur mon coeur. Sitting||||left||||||||||dangling|||||||||| Sitting on my left arm, shoulders leaning against my right arm, his drooping head returned under my chin, it weighs terribly on my heart. Je descends lentement, marche par marche, le long escalier raide, tandis qu'en bas on apprête tout. ||||||||||||||prepares| I go down slowly, step by step, along the long steep staircase, while downstairs we do everything. J'ai bientôt les deux bras cassés par la fatigue. I soon have both arms broken by fatigue. A chaque marche, avec ce poids sur la poitrine, je suis un peu essoufflé. |||||||||||||out of breath With each step, with this weight on the chest, I am a little breathless. Agrippé au corps inerte et pesant, je baisse la tête sur la tête de celle que j'emporte, je respire fortement et ses cheveux blonds aspirés m'entrent dans la bouche des cheveux morts qui ont un goût de terre. Clutched||||||||||||||||I carry||||||||aspired||||||||||||| Clutching the inert and heavy body, I drop the head on the head of the one I carry, I breathe heavily and her blond hair sucked into the mouth of dead hair that has a taste of earth. Ce goût de terre et de mort, ce poids sur le coeur, c'est tout ce qui reste pour moi de la grande aventure, et de vous, Yvonne de Galais, jeune femme tant cherchée  tant aimée... This taste of earth and death, this weight on the heart, it is all that remains for me of the big adventure, and you, Yvonne de Galais, young woman so much sought so much loved ...