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Madame Bovary de Gustave Flaubert, Deuxième Partie, 1

Deuxième Partie, 1

Yonville-L'Abbaye (ainsi nommé, à cause d'une ancienne abbaye de Capucins dont les ruines n'existent même plus) est un bourg à huit lieues de Rouen, entre la route d'Abbeville et celle de Beauvais, au fond d'une vallée qu'arrose la Rieule, petite rivière qui se jette dans l'Andelle, après avoir fait tourner trois moulins vers son embouchure, et où il y a quelques truites, que les garçons, le dimanche, s'amusent à pêcher à la ligne. On quitte la grande route à la Boissière et l'on continue à plat jusqu'au haut de la côte des Leux, d'où l'on découvre la vallée. La rivière qui la traverse en fait comme deux régions de physionomie distincte : tout ce qui est à gauche est en herbage, tout ce qui est à droite est en labour. La prairie s'allonge sous un bourrelet de collines basses pour [ 96 ] se rattacher par derrière aux pâturages du pays de Bray, tandis que, du côté de l'est, la plaine, montant doucement, va s'élargissant et étale à perte de vue ses blondes pièces de blé. L'eau qui court au bord de l'herbe sépare d'une raie blanche la couleur des prés et celle des sillons, et la campagne ainsi ressemble à un grand manteau déplié qui a un collet de velours vert, bordé d'un galon d'argent. Au bout de l'horizon, lorsqu'on arrive, on a devant soi les chênes de la forêt d'Argueil, avec les escarpements de la côte Saint-Jean, rayés du haut en bas par de longues traînées rouges, inégales ; ce sont les traces des pluies, et ces tons de brique, tranchant en filets minces sur la couleur grise de la montagne, viennent de la quantité de sources ferrugineuses qui coulent au delà, dans le pays d'alentour. On est ici sur les confins de la Normandie, de la Picardie et de l'Ile-de-France, contrée bâtarde où le langage est sans accentuation, comme le paysage sans caractère. C'est là que l'on fait les pires fromages de Neufchâtel de tout l'arrondissement, et, d'autre part, la culture y est coûteuse, parce qu'il faut beaucoup de fumier pour engraisser ces terres friables pleines de sable et de cailloux. Jusqu'en 1835, il n'y avait point de route praticable pour arriver à Yonville ; mais on a établi vers cette époque un chemin de grande vicinalité qui relie la route d'Abbeville à celle d'Amiens, et sert quelquefois aux rouliers allant de Rouen dans les Flandres. Cependant, Yonville-l'Abbaye est demeuré stationnaire, malgré ses débouchés [ 97 ] nouveaux. Au lieu d'améliorer les cultures, on s'y obstine encore aux herbages, quelque dépréciés qu'ils soient, et le bourg paresseux, s'écartant de la plaine, a continué naturellement à s'agrandir vers la rivière. On l'aperçoit de loin, tout couché en long sur la rive, comme un gardeur de vaches qui fait la sieste au bord de l'eau. Au bas de la côte, après le pont, commence une chaussée plantée de jeunes trembles, qui vous mène en droite ligne jusqu'aux premières maisons du pays. Elles sont encloses de haies, au milieu de cours pleines de bâtiments épars, pressoirs, charretteries et bouilleries, disséminés sous les arbres touffus portant des échelles, des gaules ou des faux accrochées dans leur branchage. Les toits de chaume, comme des bonnets de fourrure rabattus sur des yeux, descendent jusqu'au tiers à peu près des fenêtres basses, dont les gros verres bombés sont garnis d'un nœud dans le milieu, à la façon des culs de bouteilles. Sur le mur de plâtre que traversent en diagonale des lambourdes noires, s'accroche parfois quelque maigre poirier, et les rez-de-chaussée ont à leur porte une petite barrière tournante pour les défendre des poussins, qui viennent picorer, sur le seuil, des miettes de pain bis trempé de cidre. Cependant les cours se font plus étroites, les habitations se rapprochent, les haies disparaissent ; un fagot de fougères se balance sous une fenêtre au bout d'un manche à balai ; il y a la forge d'un maréchal et ensuite un charron avec deux ou trois charrettes neuves, en dehors, qui empiètent sur la route. Puis, à travers une claire-voie, apparaît une maison blanche au delà d'un rond de gazon [ 98 ] que décore un Amour, le doigt posé sur la bouche ; deux vases en fonte sont à chaque bout du perron ; des panonceaux brillent à la porte ; c'est la maison du notaire, et la plus belle du pays. L'église est de l'autre côté de la rue, vingt pas plus loin, à l'entrée de la place. Le petit cimetière qui l'entoure, clos d'un mur à hauteur d'appui, est si bien rempli de tombeaux, que les vieilles pierres à ras du sol font un dallage continu, où l'herbe a dessiné de soi-même des carrés verts réguliers. L'église a été rebâtie à neuf dans les dernières années du règne de Charles X. La voûte en bois commence à se pourrir par le haut, et, de place en place, a des enfonçures noires dans sa couleur bleue. Au-dessus de la porte, où seraient les orgues, se tient un jubé pour les hommes, avec un escalier tournant qui retentit sous les sabots. Le grand jour, arrivant par les vitraux tout unis, éclaire obliquement les bancs rangés en travers de la muraille, que tapisse çà et là quelque paillasson cloué, ayant au-dessous de lui ces mots en grosses lettres : « Banc de M. un tel. » Plus loin, à l'endroit où le vaisseau se rétrécit, le confessionnal fait pendant à une statuette de la Vierge, vêtue d'une robe de satin, coiffée d'un voile de tulle semé d'étoiles d'argent, et tout empourprée aux pommettes comme une idole des îles Sandwich ; enfin une copie de la Sainte Famille, envoi du ministre de l'intérieur, dominant le maître-autel entre quatre chandeliers, termine au fond la perspective. Les stalles du chœur, en bois de sapin, sont restées sans être peintes. [ 99 ] Les halles, c'est-à-dire un toit de tuiles supporté par une vingtaine de poteaux, occupent à elles seules la moitié environ de la grande place d'Yonville. La mairie, construite sur les dessins d'un architecte de Paris, est une manière de temple grec qui fait l'angle, à côté de la maison du pharmacien. Elle a, au rez-de-chaussée, trois colonnes ioniques et, au premier étage, une galerie à plein cintre, tandis que le tympan qui la termine est rempli par un coq gaulois, appuyé d'une patte sur la Charte et tenant de l'autre les balances de la justice. Mais ce qui attire le plus les yeux, c'est, en face de l'auberge du Lion d'or, la pharmacie de M. Homais ! Le soir, principalement, quand son quinquet est allumé et que les bocaux rouges et verts qui embellissent sa devanture allongent au loin, sur le sol, leurs deux clartés de couleur ; alors, à travers elles, comme dans des feux du Bengale, s'entrevoit l'ombre du pharmacien, accoudé sur son pupitre. Sa maison, du haut en bas, est placardée d'inscriptions écrites en anglaise, en ronde, en moulée : « Eaux de Vichy, de Seltz et de Barèges, robs dépuratifs, médecine Raspail, racahout des Arabes, pastilles Darcet, pâte Regnault, bandages ; bains, chocolats de santé, etc. » Et l'enseigne, qui tient toute la largeur de la boutique, porte en lettres d'or : Homais, pharmacien. Puis, au fond de la boutique, derrière les grandes balances scellées sur le comptoir, le mot laboratoire se déroule au-dessus d'une porte vitrée qui, à moitié de sa hauteur, répète encore une fois Homais, en lettres d'or, sur un fond noir. Il n'y a plus ensuite rien à voir dans Yonville.

La rue (la seule), longue d'une portée de fusil et [ 100 ] bordée de quelques boutiques, s'arrête court au tournant de la route. Si on la laisse sur la droite et que l'on suive le bas de la côte Saint-Jean, bientôt on arrive au cimetière. Lors du choléra, pour l'agrandir, on a abattu un pan de mur et acheté trois acres de terre à côté ; mais toute cette portion nouvelle est presque inhabitée, les tombes, comme autrefois, continuant à s'entasser vers la porte. Le gardien, qui est en même temps fossoyeur et bedeau à l'église (tirant ainsi des cadavres de la paroisse un double bénéfice), a profité, du terrain vide pour y semer des pommes de terre. D'année en année, cependant, son petit champ se rétrécit, et, lorsqu'il survient une épidémie, il ne sait pas s'il doit se réjouir des décès ou s'affliger des sépultures. — Vous vous nourrissez des morts, Lestiboudois !

lui dit enfin un jour, M. le curé. Cette parole sombre le fit réfléchir ; elle l'arrêta pour quelque temps ; mais, aujourd'hui encore, il continue la culture de ses tubercules, et même soutient avec aplomb qu'ils poussent naturellement. Depuis les événements que l'on va raconter ; rien, en effet, n'a changé à Yonville. Le drapeau tricolore de fer-blanc tourne toujours au haut du clocher de l'église ; la boutique du marchand de nouveautés agite encore au vent ses deux banderoles d'indienne ; les fœtus du pharmacien, comme des paquets d'amadou blanc, se pourrissent de plus en plus dans leur alcool bourbeux, et, au-dessus de la grande porte de l'auberge, le vieux lion d'or, déteint par les pluies, montre toujours aux passants sa frisure de caniche. [ 101 ] Le soir que les époux Bovary devaient arriver à Yonville, Mme veuve Lefrançois, la maîtresse de cette auberge, était si fort affairée, qu'elle suait à grosses gouttes en remuant ses casseroles. C'était le lendemain jour de marché dans le bourg. Il fallait d'avance tailler les viandes, vider les poulets, faire de la soupe et du café. Elle avait, de plus, le repas de ses pensionnaires, celui du médecin, de sa femme et de leur bonne ; le billard retentissait d'éclats de rire ; trois meuniers, dans la petite salle, appelaient pour qu'on leur apportât de l'eau-de-vie ; le bois flambait, la braise craquait, et, sur la longue table de la cuisine, parmi les quartiers de mouton cru, s'élevaient des piles d'assiettes qui tremblaient aux secousses du billot où l'on hachait des épinards. On entendait, dans la basse-cour, crier les volailles que la servante poursuivait pour leur couper le cou. Un homme en pantoufles de peau verte, quelque peu marqué de petite vérole et coiffé d'un bonnet de velours à gland d'or, se chauffait le dos contre la cheminée. Sa figure n'exprimait rien que la satisfaction de soi-même, et il avait l'air aussi calme dans la vie que le chardonneret suspendu au-dessus de sa tête, dans une cage d'osier : c'était le pharmacien. — Artémise !

criait la maîtresse d'auberge, casse de la bourrée, emplis les carafes, apporte de l'eau-de-vie, dépêche-toi ! Au moins, si je savais quel dessert offrir à la société que vous attendez ! Bonté divine ! les commis du déménagement recommencent leur tintamarre dans le billard ! Et leur charrette qui est restée sous la grande porte ! [ 102 ] L'Hirondelle est capable de la défoncer en arrivant ! Appelle Polyte pour qu'il la remise !… Dire que, depuis le matin, monsieur Homais, ils ont peut-être fait quinze parties et bu huit pots de cidre !… Mais ils vont me déchirer le tapis, continuait-elle en les regardant de loin, son écumoire à la main. — Le mal ne serait pas grand, répondit M. Homais vous en achèteriez un autre.

— Un autre billard !

exclama la veuve. — Puisque celui-là ne tient plus, madame Lefrançois ; je vous le répète, vous vous faites tort ! vous vous faites grand tort ! Et puis les amateurs, à présent, veulent des blouses étroites et des queues lourdes. On ne joue plus la bille ; tout est changé ! Il faut marcher avec son siècle ! Regardez Tellier, plutôt… L'hôtesse devint rouge de dépit.

Le pharmacien ajouta : — Son billard, vous avez beau dire, est plus mignon que le vôtre ; et qu'on ait l'idée, par exemple de monter une poule patriotique pour la Pologne ou les inondés de Lyon… — Ce ne sont pas des gueux comme lui qui nous font peur !

interrompit l'hôtesse, en haussant ses grosses épaules. Allez ! allez ! monsieur Homais, tant que le Lion d'or vivra, on y viendra. Nous avons du foin dans nos bottes, nous autres ! Au lieu qu'un de ces matins vous verrez le Café français fermé, et avec une belle affiche sur les auvents !… Changer mon billard, continuait-elle en se parlant à elle-même, lui qui m'est si commode pour ranger ma lessive, et sur lequel, dans le temps de la chasse, j'ai mis coucher jusqu'à six [ 103 ] voyageurs !… Mais ce lambin d'Hivert qui n'arrive pas ! — L'attendez-vous pour le dîner de vos messieurs ?

demanda le pharmacien. — L'attendre ?

Et M. Binet donc ! À six heures battant vous allez le voir entrer, car son pareil n'existe pas sur la terre pour l'exactitude. Il lui faut toujours sa place dans la petite salle ! On le tuerait plutôt que de le faire dîner ailleurs ! et dégoûté qu'il est ! et si difficile pour le cidre ! Ce n'est pas comme M. Léon ; lui, il arrive quelquefois à sept heures, sept heures et demie même ; il ne regarde seulement pas à ce qu'il mange. Quel bon jeune homme ! jamais un mot plus haut que l'autre. — C'est qu'il y a bien de la différence, voyez-vous, entre quelqu'un qui a reçu de l'éducation et un ancien carabinier qui est percepteur. Six heures sonnèrent.

Binet entra. Il était vêtu d'une redingote bleue, tombant droit d'elle-même tout autour de son corps maigre, et sa casquette de cuir, à pattes nouées par des cordons sur le sommet de sa tête, laissait voir, sous la visière relevée, un front chauve, qu'avait déprimé l'habitude du casque. Il portait un gilet de drap noir, un col de crin, un pantalon gris, et, en toute saison, des bottes bien cirées qui avaient deux renflements parallèles, à cause de la saillie de ses orteils. Pas un poil ne dépassait la ligne de son collier blond, qui, contournant la mâchoire, encadrait comme la bordure d'une plate-bande sa longue figure terne, dont les yeux étaient petits et le nez busqué. Fort à tous les jeux de cartes, bon chasseur et possédant une [ 104 ] belle écriture, il avait chez lui un tour, où il s'amusait à tourner des ronds de serviette dont il encombrait sa maison, avec la jalousie d'un artiste et l'égoïsme d'un bourgeois. Il se dirigea vers la petite salle ; mais il fallut d'abord en faire sortir les trois meuniers ; et, pendant tout le temps que l'on fut à mettre son couvert, Binet resta silencieux à sa place, auprès du poêle ; puis il ferma la porte et retira sa casquette, comme d'usage. — Ce ne sont pas les civilités qui lui useront la langue !

dit le pharmacien, dès qu'il fut seul avec l'hôtesse. — Jamais il ne cause davantage, répondit-elle ; il est venu ici, la semaine dernière, deux voyageurs en draps, des garçons pleins d'esprit qui contaient, le soir, un tas de farces que j'en pleurais de rire ; eh bien, il restait là, comme une alose, sans dire un mot. — Oui, fit le pharmacien, pas d'imagination, pas de saillies, rien de ce qui constitue l'homme de société !

— On dit pourtant qu'il a des moyens, objecta l'hôtesse.

— Des moyens ?

répliqua M. Homais ; lui ! des moyens ? Dans sa partie, c'est possible, ajouta-t-il d'un ton plus calme. Et il reprit :

— Ah !

qu'un négociant qui a des relations considérables, qu'un jurisconsulte, un médecin, un pharmacien soient tellement absorbés qu'ils en deviennent fantasques et bourrus même, je le comprends ; on en cite des traits dans les histoires ! Mais, au moins, c'est qu'ils pensent à quelque [ 105 ] chose. Moi, par exemple, combien de fois m'est-il arrivé de chercher ma plume sur mon bureau pour écrire une étiquette, et de trouver, en définitive, que je l'avais placée à mon oreille ! Cependant, Mme Lefrançois alla sur le seuil regarder si l'Hirondelle n'arrivait pas. Elle tressaillit. Un homme vêtu de noir entra tout à coup dans la cuisine. On distinguait, aux dernières lueurs du crépuscule, qu'il avait la figure rubiconde et le corps athlétique. — Qu'y a-t-il pour votre service, monsieur le curé ?

demanda la maîtresse d'auberge, tout en atteignant sur la cheminée un des flambeaux de cuivre qui s'y trouvaient rangés en colonnade avec leurs chandelles ; voulez-vous prendre quelque chose ? un doigt de cassis, un verre de vin ? L'ecclésiastique refusa fort civilement.

Il venait chercher son parapluie, qu'il avait oublié l'autre jour au couvent d'Ernemont, et, après avoir prié Mme Lefrançois de le lui faire remettre au presbytère dans la soirée, il sortit pour se rendre à l'église, où l'on sonnait l' Angelus. Quand le pharmacien n'entendit plus sur la place le bruit de ses souliers, il trouva fort inconvenante sa conduite de tout à l'heure. Ce refus d'accepter un rafraîchissement lui semblait une hypocrisie des plus odieuses ; les prêtres godaillaient tous sans qu'on les vît, et cherchaient à ramener le temps de la dîme. L'hôtesse prit la défense de son curé :

— D'ailleurs, il en plierait quatre comme vous sur son genou.

Il a, l'année dernière, aidé nos gens à rentrer la paille ; il en portait jusqu'à six bottes à la fois, tant il est fort ! [ 106 ] — Bravo ! dit le pharmacien. Envoyez donc vos filles en confesse à des gaillards d'un tempérament pareil ! Moi, si j'étais le gouvernement, je voudrais qu'on saignât les prêtres une fois par mois. Oui, Mme Lefrançois, tous les mois, une large phlébotomie, dans l'intérêt de la police et des mœurs ! — Taisez-vous donc, monsieur Homais !

vous êtes un impie ! vous n'avez pas de religion ! Le pharmacien répondit :

— J'ai une religion, ma religion, et même j'en ai plus qu'eux tous, avec leurs momeries et leurs jongleries ! J'adore Dieu, au contraire ! je crois en l'Être suprême, à un Créateur, quel qu'il soit, peu m'importe, qui nous a placés ici-bas pour y remplir nos devoirs de citoyen et de père de famille ; mais je n'ai pas besoin d'aller, dans une église, baiser des plats d'argent, et engraisser de ma poche un tas de farceurs qui se nourrissent mieux que nous ! Car on peut l'honorer aussi bien dans un bois, dans un champ, ou même en contemplant la voûte éthérée,, comme les anciens. Mon Dieu, à moi, c'est le Dieu de Socrate, de Franklin, de Voltaire et de Béranger ! Je suis pour la Profession de foi du vicaire savoyard et les immortels principes de 89 ! Aussi, je n'admets pas un bonhomme de bon Dieu qui se promène dans son parterre la canne à la main, loge ses amis dans le ventre des baleines, meurt en poussant un cri et ressuscite au bout de trois jours : choses absurdes en elles-mêmes et complètement opposées, d'ailleurs, à toutes les lois de la physique ; ce qui nous démontre, en passant, que les prêtres ont toujours croupi dans une ignorance [ 107 ] turpide, où ils s'efforcent d'engloutir avec eux les populations. Il se tut, cherchant des yeux un public autour de lui, car, dans son effervescence, le pharmacien un moment s'était cru en plein conseil municipal. Mais la maîtresse d'auberge ne l'écoutait plus ; elle tendait son oreille à un roulement éloigné. On distingua le bruit d'une voiture mêlé à un claquement de fers lâches qui battaient la terre, et l'Hirondelle enfin s'arrêta devant la porte. C'était un coffre jaune porté par deux grandes roues qui, montant jusqu'à la hauteur de la bâche, empêchaient les voyageurs de voir la route et leur salissaient les épaules. Les petits carreaux de ses vasistas étroits tremblaient dans leurs châssis quand la voiture était fermée, et gardaient des taches de boue, çà et là, parmi leur vieille couche de poussière, que les pluies d'orage même ne lavaient pas tout à fait. Elle était attelée de trois chevaux, dont le premier en arbalète, et, lorsqu'on descendait les côtes, elle touchait du fond en cahotant. Quelques bourgeois d'Yonville arrivèrent sur la place ; ils parlaient tous à la fois, demandant des nouvelles, des explications et des bourriches ; Hivert ne savait auquel répondre. C'était lui qui faisait à la ville les commissions du pays. Il allait dans les boutiques, rapportait des rouleaux de cuir au cordonnier, de la ferraille au maréchal, un baril de harengs pour sa maîtresse, des bonnets de chez la modiste, des toupets de chez le coiffeur ; et, le long de la route, en s'en revenant, il distribuait ses paquets, qu'il jetait par-dessus les clôtures des cours, debout sur son siège, et criant [ 108 ] à pleine poitrine, pendant que ses chevaux allaient tout seuls. Un accident l'avait retardé : la levrette de Mme Bovary s'était enfuie à travers champs. On l'avait sifflée un grand quart d'heure. Hivert même était retourné d'une demi-lieue en arrière, croyant l'apercevoir à chaque minute ; mais il avait fallu continuer la route. Emma avait pleuré, s'était emportée ; elle avait accusé Charles de ce malheur. M. Lheureux, marchand d'étoffes, qui se trouvait avec elle dans la voiture, avait essayé de la consoler par quantité d'exemples de chiens perdus, reconnaissant leur maître au bout de longues années. On en citait un, disait-il, qui était revenu de Constantinople à Paris. Un autre avait fait cinquante lieues en ligne droite et passé quatre rivières à la nage ; et son père à lui-même avait possédé un caniche qui, après douze ans d'absence, lui avait tout à coup sauté sur le dos, un soir, dans la rue, comme il allait dîner en ville.

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Deuxième Partie, 1 Zweiter Teil, 1 Part Two, 1 Parte seconda, 1 Segunda Parte, 1

Yonville-L’Abbaye (ainsi nommé, à cause d’une ancienne abbaye de Capucins dont les ruines n’existent même plus) est un bourg à huit lieues de Rouen, entre la route d’Abbeville et celle de Beauvais, au fond d’une vallée qu’arrose la Rieule, petite rivière qui se jette dans l’Andelle, après avoir fait tourner trois moulins vers son embouchure, et où il y a quelques truites, que les garçons, le dimanche, s’amusent à pêcher à la ligne. |||||||||||||||||||поселок|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||eight||||||||||||||||that waters||Rieule|||||||the Andelle||||||mills|||mouth|||||||||||||||||| Yonville-L'Abbaye (so named, because of an old abbey of Capucins whose ruins do not even exist anymore) is a village eight leagues from Rouen, between the road of Abbeville and that of Beauvais, in the heart of a valley watered by the Rieule, a small river which flows into the Andelle, after having turned three mills towards its mouth, and where there are some trout, that the boys, on Sunday, have fun fishing at line. On quitte la grande route à la Boissière et l’on continue à plat jusqu’au haut de la côte des Leux, d’où l’on découvre la vallée. |||||||Boissière||||||||||||The Leux||||| We leave the main road to Boissière and continue flat to the top of the Côte des Leux, where we discover the valley. La rivière qui la traverse en fait comme deux régions de physionomie distincte : tout ce qui est à gauche est en herbage, tout ce qui est à droite est en labour. |||||||||||||||||||||pasture||||||||| The river which crosses it makes of it like two regions of distinct physiognomy: all that is on the left is in grassland, all that is on the right is plowing. La prairie s’allonge sous un bourrelet de collines basses pour [ 96 ] se rattacher par derrière aux pâturages du pays de Bray, tandis que, du côté de l’est, la plaine, montant doucement, va s’élargissant et étale à perte de vue ses blondes pièces de blé. |||||ridge||||||||||||||||||||the east||||||||||||||||| L’eau qui court au bord de l’herbe sépare d’une raie blanche la couleur des prés et celle des sillons, et la campagne ainsi ressemble à un grand manteau déplié qui a un collet de velours vert, bordé d’un galon d’argent. |||||||||полосой|||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||collar||||||| The water running at the edge of the grass separates the color of the meadows and that of the furrows from a white stripe, and the countryside thus resembles a large unfolded coat which has a collar of green velvet, bordered with a braid of 'silver. Au bout de l’horizon, lorsqu’on arrive, on a devant soi les chênes de la forêt d’Argueil, avec les escarpements de la côte Saint-Jean, rayés du haut en bas par de longues traînées rouges, inégales ; ce sont les traces des pluies, et ces tons de brique, tranchant en filets minces sur la couleur grise de la montagne, viennent de la quantité de sources ferrugineuses qui coulent au delà, dans le pays d’alentour. ||||||||||||||||||скалы|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||железистые источники|||||||| |||||||||||||||of Argueil|||escarpments|||||||||||||||||||||||||||||||thin||||||||||||||iron-rich||||||||around At the end of the horizon, when you arrive, you have before you the oaks of the Argueil forest, with the escarpments of the Côte Saint-Jean, striped from top to bottom by long, uneven red trails; these are the traces of the rains, and these brick tones, cutting into thin lines on the gray color of the mountain, come from the quantity of ferruginous springs which flow beyond, in the surrounding country. On est ici sur les confins de la Normandie, de la Picardie et de l’Ile-de-France, contrée bâtarde où le langage est sans accentuation, comme le paysage sans caractère. |||||||||||||||||région|пограничная||||||||||| |is|||||||||||||||||bastard||||||accentuation||||| We are here on the borders of Normandy, Picardy and Ile-de-France, bastard country where the language is without accentuation, like the landscape without character. C’est là que l’on fait les pires fromages de Neufchâtel de tout l’arrondissement, et, d’autre part, la culture y est coûteuse, parce qu’il faut beaucoup de fumier pour engraisser ces terres friables pleines de sable et de cailloux. |||||||||||||||||||||||||||||||рыхлых|||||| ||||||||||||||||||||||||||||fertilize|||friable|||||| This is where we make the worst Neufchâtel cheeses of the whole district, and, on the other hand, cultivation is expensive, because it takes a lot of manure to fatten these friable lands full of sand and pebbles. Jusqu’en 1835, il n’y avait point de route praticable pour arriver à Yonville ; mais on a établi vers cette époque un chemin de grande vicinalité qui relie la route d’Abbeville à celle d’Amiens, et sert quelquefois aux rouliers allant de Rouen dans les Flandres. |||||||||||||||||||||||большой местной||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||vicinity|||||||||||||rollers|||||| Cependant, Yonville-l’Abbaye est demeuré stationnaire, malgré ses débouchés [ 97 ] nouveaux. Au lieu d’améliorer les cultures, on s’y obstine encore aux herbages, quelque dépréciés qu’ils soient, et le bourg paresseux, s’écartant de la plaine, a continué naturellement à s’agrandir vers la rivière. |||||||obstinates||with the|pastures||depreciated|||||||||||||||expand||| Instead of improving the crops, we still persist in the grasslands, however depreciated they may be, and the lazy town, moving away from the plain, naturally continued to expand towards the river. On l’aperçoit de loin, tout couché en long sur la rive, comme un gardeur de vaches qui fait la sieste au bord de l’eau. ||||all|||||||||herder|||||||||| We can see him from afar, all lying on the bank, like a cow keeper napping at the water's edge. Au bas de la côte, après le pont, commence une chaussée plantée de jeunes trembles, qui vous mène en droite ligne jusqu’aux premières maisons du pays. ||||||||||road||of||aspen||||||||||| At the bottom of the hill, after the bridge, begins a road planted with young aspens, which leads you straight to the first houses in the country. Elles sont encloses de haies, au milieu de cours pleines de bâtiments épars, pressoirs, charretteries et bouilleries, disséminés sous les arbres touffus portant des échelles, des gaules ou des faux accrochées dans leur branchage. ||enclosed|||||||||||presses|cart sheds||boilerhouses||||||||||poles|||||||branch They are enclosed by hedges, in the middle of courtyards full of scattered buildings, presses, charretteries and boilers, scattered under the dense trees carrying scales, sapling or scythes hung in their branches. Les toits de chaume, comme des bonnets de fourrure rabattus sur des yeux, descendent jusqu’au tiers à peu près des fenêtres basses, dont les gros verres bombés sont garnis d’un nœud dans le milieu, à la façon des culs de bouteilles. ||||||||||||||||||||||||||bulging||||||||||||butts|| Sur le mur de plâtre que traversent en diagonale des lambourdes noires, s’accroche parfois quelque maigre poirier, et les rez-de-chaussée ont à leur porte une petite barrière tournante pour les défendre des poussins, qui viennent picorer, sur le seuil, des miettes de pain bis trempé de cidre. ||||||||||joists||||||||||||||||||||||||chicks|||peck||||||||brown||| On the diagonal plaster wall crossed by black joists, some lean pearl sometimes hangs, and the ground floors have at their door a small revolving barrier to defend them from chicks, which come to peck, on the threshold, crumbs of bis bread soaked in cider. Cependant les cours se font plus étroites, les habitations se rapprochent, les haies disparaissent ; un fagot de fougères se balance sous une fenêtre au bout d’un manche à balai ; il y a la forge d’un maréchal et ensuite un charron avec deux ou trois charrettes neuves, en dehors, qui empiètent sur la route. |||||||||||||||||ferns|||||||||handle||broom|||||forge||||||wheel||||||||||encroach||| However, the yards are narrower, the dwellings are getting closer, the hedges are disappearing; a bundle of ferns sways under a window at the end of a broomstick; there is the forge of a marshal and then a wheelwright with two or three new carts, outside, which encroach on the road. Puis, à travers une claire-voie, apparaît une maison blanche au delà d’un rond de gazon [ 98 ] que décore un Amour, le doigt posé sur la bouche ; deux vases en fonte sont à chaque bout du perron ; des panonceaux brillent à la porte ; c’est la maison du notaire, et la plus belle du pays. ||||||||||||||||||||||||||two|||cast||||||||signs||||||||||||||| Then, through a skylight, a white house appears beyond a round of grass [98] decorated with a Love, the finger placed on the mouth; two cast-iron vases are at each end of the steps; signs shine at the door; it is the house of the notary, and the most beautiful in the country. L’église est de l’autre côté de la rue, vingt pas plus loin, à l’entrée de la place. Le petit cimetière qui l’entoure, clos d’un mur à hauteur d’appui, est si bien rempli de tombeaux, que les vieilles pierres à ras du sol font un dallage continu, où l’herbe a dessiné de soi-même des carrés verts réguliers. |||||||||||||||||||||||||||paving|||||||||||| The small cemetery which surrounds it, enclosed by a wall at the height of support, is so well filled with tombs, that the old stones close to the ground make a continuous paving, where the grass has drawn by itself of the regular green squares. L’église a été rebâtie à neuf dans les dernières années du règne de Charles X. La voûte en bois commence à se pourrir par le haut, et, de place en place, a des enfonçures noires dans sa couleur bleue. |||||||||||||Charles|Charles|||||||||||||||||||indentations||||| Au-dessus de la porte, où seraient les orgues, se tient un jubé pour les hommes, avec un escalier tournant qui retentit sous les sabots. ||||||||||||choir|||||||||echoes||| Le grand jour, arrivant par les vitraux tout unis, éclaire obliquement les bancs rangés en travers de la muraille, que tapisse çà et là quelque paillasson cloué, ayant au-dessous de lui ces mots en grosses lettres : « Banc de M. un tel. The||||||||||||||||||||||||some|doormat|||||||||||||||| The big day, arriving through the stained glass windows, obliquely illuminates the benches arranged across the wall, which here and there is covered with a doormat nailed, having below it these words in large letters: "Bench of Mr. such and such . » Plus loin, à l’endroit où le vaisseau se rétrécit, le confessionnal fait pendant à une statuette de la Vierge, vêtue d’une robe de satin, coiffée d’un voile de tulle semé d’étoiles d’argent, et tout empourprée aux pommettes comme une idole des îles Sandwich ; enfin une copie de la Sainte Famille, envoi du ministre de l’intérieur, dominant le maître-autel entre quatre chandeliers, termine au fond la perspective. ||||||корабль|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||shrinks||||||||||||||||||||tulle||||||purplish||||||||||||||||sending|||||||||||||||| Farther on, at the place where the vessel narrows, the confessional pendant to a statuette of the Virgin, dressed in a satin dress, wearing a veil of tulle strewn with silver stars, and all blush with cheekbones like an idol of the Sandwich Islands; finally a copy of the Holy Family, sent by the Minister of the Interior, dominating the high altar between four candlesticks, ends the perspective. Les stalles du chœur, en bois de sapin, sont restées sans être peintes. |stalls||choir||||||||| [ 99 ] Les halles, c’est-à-dire un toit de tuiles supporté par une vingtaine de poteaux, occupent à elles seules la moitié environ de la grande place d’Yonville. ||||||||tiles||||||posts||||||||||||of Yonville [99] The halls, that is to say a tiled roof supported by twenty posts, alone occupy about half of the great place of Yonville. La mairie, construite sur les dessins d’un architecte de Paris, est une manière de temple grec qui fait l’angle, à côté de la maison du pharmacien. The town hall, built on the designs of an architect from Paris, is a kind of Greek temple which forms the corner, next to the pharmacist's house. Elle a, au rez-de-chaussée, trois colonnes ioniques et, au premier étage, une galerie à plein cintre, tandis que le tympan qui la termine est rempli par un coq gaulois, appuyé d’une patte sur la Charte et tenant de l’autre les balances de la justice. |||||||||||||||||||||tympanum|||||||||||||||||||||||| It has, on the ground floor, three Ionic columns and, on the first floor, a semi-circular gallery, while the tympanum which ends it is filled by a Gallic rooster, supported by a paw on the Charter and holding the other the scales of justice. Mais ce qui attire le plus les yeux, c’est, en face de l’auberge du Lion d’or, la pharmacie de M. Homais ! But what catches the eye the most is, opposite the Golden Lion Inn, Mr. Homais' pharmacy! Le soir, principalement, quand son quinquet est allumé et que les bocaux rouges et verts qui embellissent sa devanture allongent au loin, sur le sol, leurs deux clartés de couleur ; alors, à travers elles, comme dans des feux du Bengale, s’entrevoit l’ombre du pharmacien, accoudé sur son pupitre. |||||лампа|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||lamp|||||||||||embellish|||extend|||||||||||||||||||||is glimpsed|||||||desk In the evening, mainly, when his quinquet is on and the red and green jars which embellish his storefront stretch out far away, on the ground, their two lights of color; then, through them, as in Bengal fires, glimpses the shadow of the pharmacist, leaning on his desk. Sa maison, du haut en bas, est placardée d’inscriptions écrites en anglaise, en ronde, en moulée : « Eaux de Vichy, de Seltz et de Barèges, robs dépuratifs, médecine Raspail, racahout des Arabes, pastilles Darcet, pâte Regnault, bandages ; bains, chocolats de santé, etc. |||||||||||||||||||||||||действие очищения||||||||||||||| |||||||posted||||||||molded|||||Seltz|||Barèges|robs|purifying|||racahout|||pastilles|Darcet tablets|||||||| His house, from top to bottom, is plastered with inscriptions written in English, in the round, in mold: "Eaux de Vichy, de Seltz et de Barèges, depurative robs, Raspail medicine, Arab racahout, Darcet tablets, Regnault paste, bandages; baths, health chocolates, etc. » Et l’enseigne, qui tient toute la largeur de la boutique, porte en lettres d’or : Homais, pharmacien. Puis, au fond de la boutique, derrière les grandes balances scellées sur le comptoir, le mot laboratoire se déroule au-dessus d’une porte vitrée qui, à moitié de sa hauteur, répète encore une fois Homais, en lettres d’or, sur un fond noir. ||||||behind|||scales|||||||||||||||||||||||||||||||| Il n’y a plus ensuite rien à voir dans Yonville. |||||||||Yonville Then there is nothing to see in Yonville.

La rue (la seule), longue d’une portée de fusil et [ 100 ] bordée de quelques boutiques, s’arrête court au tournant de la route. ||||long|||||||||||||||| Si on la laisse sur la droite et que l’on suive le bas de la côte Saint-Jean, bientôt on arrive au cimetière. Lors du choléra, pour l’agrandir, on a abattu un pan de mur et acheté trois acres de terre à côté ; mais toute cette portion nouvelle est presque inhabitée, les tombes, comme autrefois, continuant à s’entasser vers la porte. Le gardien, qui est en même temps fossoyeur et bedeau à l’église (tirant ainsi des cadavres de la paroisse un double bénéfice), a profité, du terrain vide pour y semer des pommes de terre. |||||||могильщик||смотритель|||||||||||||||||||||||| |||||||||sexton|||||||||||||||||||||||| D’année en année, cependant, son petit champ se rétrécit, et, lorsqu’il survient une épidémie, il ne sait pas s’il doit se réjouir des décès ou s’affliger des sépultures. |||||||||||||||||||||||||огорчаться||могилах ||||||||||||||||||||||||or|||burials From year to year, however, his little field shrinks, and, when an epidemic occurs, he does not know whether to rejoice at the deaths or grieve at the burials. — Vous vous nourrissez des morts, Lestiboudois ! |||||The Stibowdois - You feed on the dead, Lestiboudois!

lui dit enfin un jour, M. le curé. Cette parole sombre le fit réfléchir ; elle l’arrêta pour quelque temps ; mais, aujourd’hui encore, il continue la culture de ses tubercules, et même soutient avec aplomb qu’ils poussent naturellement. ||||||||||||||||||||tubers|||||||| This dark word made him think; she stopped him for some time; but still today he continues to cultivate his tubers, and even argues with confidence that they grow naturally. Depuis les événements que l’on va raconter ; rien, en effet, n’a changé à Yonville. Le drapeau tricolore de fer-blanc tourne toujours au haut du clocher de l’église ; la boutique du marchand de nouveautés agite encore au vent ses deux banderoles d’indienne ; les fœtus du pharmacien, comme des paquets d’amadou blanc, se pourrissent de plus en plus dans leur alcool bourbeux, et, au-dessus de la grande porte de l’auberge, le vieux lion d’or, déteint par les pluies, montre toujours aux passants sa frisure de caniche. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||кудри|| ||||||||||||||||||||||||||||the|fetuses|||||packages|of amadou|||||||||||muddy||||||||||||||||||||the|||curl||poodle [ 101 ] Le soir que les époux Bovary devaient arriver à Yonville, Mme veuve Lefrançois, la maîtresse de cette auberge, était si fort affairée, qu’elle suait à grosses gouttes en remuant ses casseroles. |||||||||||||||||||||занята||||||||| ||||||||||||Lefrançois|||||||||busy||||||||| C’était le lendemain jour de marché dans le bourg. It was the next market day in the village. Il fallait d’avance tailler les viandes, vider les poulets, faire de la soupe et du café. Elle avait, de plus, le repas de ses pensionnaires, celui du médecin, de sa femme et de leur bonne ; le billard retentissait d’éclats de rire ; trois meuniers, dans la petite salle, appelaient pour qu’on leur apportât de l’eau-de-vie ; le bois flambait, la braise craquait, et, sur la longue table de la cuisine, parmi les quartiers de mouton cru, s’élevaient des piles d’assiettes qui tremblaient aux secousses du billot où l’on hachait des épinards. ||||||||||||||||||||billiards||||||millers||||||||||||||||||ember|||||||||||||||||||||||||butcher block|||was chopping||spinach On entendait, dans la basse-cour, crier les volailles que la servante poursuivait pour leur couper le cou. Un homme en pantoufles de peau verte, quelque peu marqué de petite vérole et coiffé d’un bonnet de velours à gland d’or, se chauffait le dos contre la cheminée. ||||||||||||оспа|||||||||||||||| |||||||||||small|||||bonnet||||gland|||||||| Sa figure n’exprimait rien que la satisfaction de soi-même, et il avait l’air aussi calme dans la vie que le chardonneret suspendu au-dessus de sa tête, dans une cage d’osier : c’était le pharmacien. |||||||||||||||||||||щегол||||||||||||| |||||||||||||||||||||goldfinch||||||||||of wicker||| His face expressed nothing but self-satisfaction, and he seemed as calm in life as the goldfinch hanging above his head in a wicker cage: it was the pharmacist. — Artémise ! Artemis

criait la maîtresse d’auberge, casse de la bourrée, emplis les carafes, apporte de l’eau-de-vie, dépêche-toi ! |||||||danse bourrée|||||||||| |||||||filled|||||||||| cried the mistress of the inn, break the bourrée, fill the carafes, bring brandy, hurry up! Au moins, si je savais quel dessert offrir à la société que vous attendez ! At least if I knew what dessert to offer the company you are waiting for! Bonté divine ! God's goodness ! les commis du déménagement recommencent leur tintamarre dans le billard ! ||||||bruit||| the||||||racket||| Et leur charrette qui est restée sous la grande porte ! [ 102 ] L’Hirondelle est capable de la défoncer en arrivant ! The Swallow|||||break through|| [102] The Swallow is able to smash it when it arrives! Appelle Polyte pour qu’il la remise !… Dire que, depuis le matin, monsieur Homais, ils ont peut-être fait quinze parties et bu huit pots de cidre !… Mais ils vont me déchirer le tapis, continuait-elle en les regardant de loin, son écumoire à la main. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||skimmer||| — Le mal ne serait pas grand, répondit M. Homais vous en achèteriez un autre.

— Un autre billard !

exclama la veuve. exclaims|| — Puisque celui-là ne tient plus, madame Lefrançois ; je vous le répète, vous vous faites tort ! - Since this one no longer holds, Madame Lefrançois; I repeat, you are wrong! vous vous faites grand tort ! Et puis les amateurs, à présent, veulent des blouses étroites et des queues lourdes. And then amateurs now want narrow blouses and heavy tails. On ne joue plus la bille ; tout est changé ! One|||||ball||| Il faut marcher avec son siècle ! Regardez Tellier, plutôt… Look at Tellier, rather ... L’hôtesse devint rouge de dépit. ||||разочарование

Le pharmacien ajouta : — Son billard, vous avez beau dire, est plus mignon que le vôtre ; et qu’on ait l’idée, par exemple de monter une poule patriotique pour la Pologne ou les inondés de Lyon… ||||||||||||||||by||||||||||||flooded|| - Its billiards, you may say, is cuter than yours; and that we have the idea, for example to build a patriotic hen for Poland or the flooded in Lyon… — Ce ne sont pas des gueux comme lui qui nous font peur ! |||||mendiants|||||| |||||beggars|||||| - It's not beggars like him who scare us!

interrompit l’hôtesse, en haussant ses grosses épaules. Allez ! allez ! monsieur Homais, tant que le Lion d’or vivra, on y viendra. Monsieur Homais, as long as the Golden Lion lives, we will come. Nous avons du foin dans nos bottes, nous autres ! Au lieu qu’un de ces matins vous verrez le Café français fermé, et avec une belle affiche sur les auvents !… Changer mon billard, continuait-elle en se parlant à elle-même, lui qui m’est si commode pour ranger ma lessive, et sur lequel, dans le temps de la chasse, j’ai mis coucher jusqu’à six [ 103 ] voyageurs !… Mais ce lambin d’Hivert qui n’arrive pas ! |||||||||||||||||||awnings||||||||||||||||||||||||||||||||||||||lambkin|of Hivert||| Instead of one of these mornings, you will see the French Café closed, and with a nice poster on the awnings! washing powder, and on which, during the hunting season, I put up to six [103] travelers to sleep! ... — L’attendez-vous pour le dîner de vos messieurs ? - Are you waiting for your gentlemen's dinner?

demanda le pharmacien. — L’attendre ?

Et M. Binet donc ! ||Binet| À six heures battant vous allez le voir entrer, car son pareil n’existe pas sur la terre pour l’exactitude. At|||||||||||||||||| At six o'clock beating you will see him enter, because his peer does not exist on earth for accuracy. Il lui faut toujours sa place dans la petite salle ! On le tuerait plutôt que de le faire dîner ailleurs ! We would kill him rather than have him dine elsewhere! et dégoûté qu’il est ! et si difficile pour le cidre ! Ce n’est pas comme M. Léon ; lui, il arrive quelquefois à sept heures, sept heures et demie même ; il ne regarde seulement pas à ce qu’il mange. It's not like Mr. Leon; he sometimes arrives at seven, half past seven even; he just doesn't watch what he eats. Quel bon jeune homme ! jamais un mot plus haut que l’autre. — C’est qu’il y a bien de la différence, voyez-vous, entre quelqu’un qui a reçu de l’éducation et un ancien carabinier qui est percepteur. ||||||||||||||||||||carabineer||| - It is that there is much difference, you see, between someone who has received education and a former rifleman who is a tax collector. Six heures sonnèrent.

Binet entra. Il était vêtu d’une redingote bleue, tombant droit d’elle-même tout autour de son corps maigre, et sa casquette de cuir, à pattes nouées par des cordons sur le sommet de sa tête, laissait voir, sous la visière relevée, un front chauve, qu’avait déprimé l’habitude du casque. |||||||||||||||||||||with||||||||||||||||||||||depressed||| He was dressed in a blue frock coat, falling straight of itself all around his thin body, and his leather cap, with legs tied with cords on the top of his head, showed, under the raised visor, a bald brow, which the habit of a helmet had depressed. Il portait un gilet de drap noir, un col de crin, un pantalon gris, et, en toute saison, des bottes bien cirées qui avaient deux renflements parallèles, à cause de la saillie de ses orteils. |||||||||||||||||||||||||||||||saillie||| ||||||||collar|||||||||||||||||bumps||||||||| Pas un poil ne dépassait la ligne de son collier blond, qui, contournant la mâchoire, encadrait comme la bordure d’une plate-bande sa longue figure terne, dont les yeux étaient petits et le nez busqué. ||||||||||||||||||||||||||||||||||с горбинкой ||hair|||||||collar|||||||||||strip|||||dull||||||||nose| Fort à tous les jeux de cartes, bon chasseur et possédant une [ 104 ] belle écriture, il avait chez lui un tour, où il s’amusait à tourner des ronds de serviette dont il encombrait sa maison, avec la jalousie d’un artiste et l’égoïsme d’un bourgeois. ||||||||||||||||||||||||turn|||||||||||||||||| Strong at all card games, good hunter and with [104] beautiful handwriting, he had a ride at home, where he had fun spinning napkin rings with which he encumbered his house, with the jealousy of an artist and the selfishness of a bourgeois. Il se dirigea vers la petite salle ; mais il fallut d’abord en faire sortir les trois meuniers ; et, pendant tout le temps que l’on fut à mettre son couvert, Binet resta silencieux à sa place, auprès du poêle ; puis il ferma la porte et retira sa casquette, comme d’usage. ||||||||||||||||мельники|||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||millers|||||||||||||||||||||||||||||||| He went to the small room; but it was first necessary to bring out the three millers; and, during the whole time that they were putting on their cutlery, Binet remained silent in his place, near the stove; then he closed the door and removed his cap, as usual. — Ce ne sont pas les civilités qui lui useront la langue ! |||||civilities|that|||| - It is not the civilities that will use its language!

dit le pharmacien, dès qu’il fut seul avec l’hôtesse. — Jamais il ne cause davantage, répondit-elle ; il est venu ici, la semaine dernière, deux voyageurs en draps, des garçons pleins d’esprit qui contaient, le soir, un tas de farces que j’en pleurais de rire ; eh bien, il restait là, comme une alose, sans dire un mot. ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||poisson|||| |||||||||||||||||||||||were telling|||||||||||||||||||alewife|||| "He never talks more," she replied; he came here last week, two travelers in sheets, boys full of spirit who told, in the evening, a bunch of pranks that I cried with laughter; well, he stayed there, like a shad, without saying a word. — Oui, fit le pharmacien, pas d’imagination, pas de saillies, rien de ce qui constitue l’homme de société ! ||||||||sallies||||||||

— On dit pourtant qu’il a des moyens, objecta l’hôtesse.

— Des moyens ?

répliqua M. Homais ; lui ! des moyens ? Dans sa partie, c’est possible, ajouta-t-il d’un ton plus calme. Et il reprit :

— Ah !

qu’un négociant qui a des relations considérables, qu’un jurisconsulte, un médecin, un pharmacien soient tellement absorbés qu’ils en deviennent fantasques et bourrus même, je le comprends ; on en cite des traits dans les histoires ! ||||||||jurist|||||||||||whimsical||gruff|||||||||||| that a merchant who has considerable relationships, that a jurisconsult, a doctor, a pharmacist are so absorbed that they become whimsical and even gruff, I understand; we cite features in the stories! Mais, au moins, c’est qu’ils pensent à quelque [ 105 ] chose. Moi, par exemple, combien de fois m’est-il arrivé de chercher ma plume sur mon bureau pour écrire une étiquette, et de trouver, en définitive, que je l’avais placée à mon oreille ! |||||||||||||||||||label|||||||||||| Me, for example, how many times have I looked for my pen on my desk to write a label, and finally found that I had placed it in my ear! Cependant, Mme Lefrançois alla sur le seuil regarder si l’Hirondelle n’arrivait pas. Elle tressaillit. |вздрогнула Un homme vêtu de noir entra tout à coup dans la cuisine. On distinguait, aux dernières lueurs du crépuscule, qu’il avait la figure rubiconde et le corps athlétique. |||||||||||красное лицо|||| ||||||twilight|||||rubicon|||| — Qu’y a-t-il pour votre service, monsieur le curé ? "What is there for your service, Monsieur le cure?"

demanda la maîtresse d’auberge, tout en atteignant sur la cheminée un des flambeaux de cuivre qui s’y trouvaient rangés en colonnade avec leurs chandelles ; voulez-vous prendre quelque chose ? |||of the inn|||reaching|||||||||||||||||||||| un doigt de cassis, un verre de vin ? |||blackcurrant|||| a finger of blackcurrant, a glass of wine? L’ecclésiastique refusa fort civilement. церковный человек||| The ecclesiastic||| The clergyman refused very civilly.

Il venait chercher son parapluie, qu’il avait oublié l’autre jour au couvent d’Ernemont, et, après avoir prié Mme Lefrançois de le lui faire remettre au presbytère dans la soirée, il sortit pour se rendre à l’église, où l’on sonnait l' Angelus. ||||||||||||of Ernemont|||||||||||||||||||||||||||| He came to get his umbrella, which he had forgotten the other day at the convent of Ernemont, and, after having asked Mme Lefrançois to have it delivered to him at the presbytery in the evening, he went out to go to the church, where we rang the Angelus. Quand le pharmacien n’entendit plus sur la place le bruit de ses souliers, il trouva fort inconvenante sa conduite de tout à l’heure. ||||||||||||||||неуместной|||||| When the pharmacist no longer heard the noise of his shoes on the square, he found his conduct of the moment very improper. Ce refus d’accepter un rafraîchissement lui semblait une hypocrisie des plus odieuses ; les prêtres godaillaient tous sans qu’on les vît, et cherchaient à ramener le temps de la dîme. ||||||||||||||потирали руки|||||||||||||| ||||||||hypocrisy||||||goaded||||||||to||||||tithe This refusal to accept a refreshment seemed to him a most odious hypocrisy; the priests all scuttled without being seen, and sought to reduce the time of tithing. L’hôtesse prit la défense de son curé :

— D’ailleurs, il en plierait quatre comme vous sur son genou. |it|||||||| - Besides, he would bend four like you on his knee.

Il a, l’année dernière, aidé nos gens à rentrer la paille ; il en portait jusqu’à six bottes à la fois, tant il est fort ! ||||||||||солома||||||||||||| ||||||||return||||||||||||||| Last year, he helped our people get the straw in; he wore up to six boots at a time, he is so strong! [ 106 ] — Bravo ! dit le pharmacien. ||pharmacist Envoyez donc vos filles en confesse à des gaillards d’un tempérament pareil ! So send your daughters in confession to fellows with such a temperament! Moi, si j’étais le gouvernement, je voudrais qu’on saignât les prêtres une fois par mois. ||||||||bled|||||| Oui, Mme Lefrançois, tous les mois, une large phlébotomie, dans l’intérêt de la police et des mœurs ! ||||||||флеботомия|||||||| ||||||||phlebotomy|||||||| — Taisez-vous donc, monsieur Homais !

vous êtes un impie ! |||неверующий vous n’avez pas de religion ! Le pharmacien répondit :

— J’ai une religion, ma religion, et même j’en ai plus qu’eux tous, avec leurs momeries et leurs jongleries ! ||||||||||||||mummeries|||jongles - I have a religion, my religion, and even I have more than them all, with their mummeries and their juggling! J’adore Dieu, au contraire ! je crois en l’Être suprême, à un Créateur, quel qu’il soit, peu m’importe, qui nous a placés ici-bas pour y remplir nos devoirs de citoyen et de père de famille ; mais je n’ai pas besoin d’aller, dans une église, baiser des plats d’argent, et engraisser de ma poche un tas de farceurs qui se nourrissent mieux que nous ! ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||tricksters|||||| Car on peut l’honorer aussi bien dans un bois, dans un champ, ou même en contemplant la voûte éthérée,, comme les anciens. Mon Dieu, à moi, c’est le Dieu de Socrate, de Franklin, de Voltaire et de Béranger ! Je suis pour la Profession de foi du vicaire savoyard et les immortels principes de 89 ! |||||||||Savoy||||| I am for the Savoyard Vicar's Profession of Faith and the immortal principles of 89! Aussi, je n’admets pas un bonhomme de bon Dieu qui se promène dans son parterre la canne à la main, loge ses amis dans le ventre des baleines, meurt en poussant un cri et ressuscite au bout de trois jours : choses absurdes en elles-mêmes et complètement opposées, d’ailleurs, à toutes les lois de la physique ; ce qui nous démontre, en passant, que les prêtres ont toujours croupi dans une ignorance [ 107 ] turpide, où ils s’efforcent d’engloutir avec eux les populations. ||do not admit||||||||||||garden|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||crouched||||turpid||||engulf|||| Also, I do not admit a good man of God who walks in his bed with cane in hand, lodges his friends in the belly of whales, dies with a cry and resuscitates after three days: absurd things in them - same and completely opposed, moreover, to all the laws of physics; which shows us, by the way, that the priests have always languished in utter ignorance, [107] where they strive to engulf the populations with them. Il se tut, cherchant des yeux un public autour de lui, car, dans son effervescence, le pharmacien un moment s’était cru en plein conseil municipal. ||||||||||||||effervescence|||||||||| He was silent, looking around for an audience, because, in his effervescence, the pharmacist for a moment thought he was in the middle of the municipal council. Mais la maîtresse d’auberge ne l’écoutait plus ; elle tendait son oreille à un roulement éloigné. |||||||||||||rolling| But the mistress of the inn no longer listened to him; she listened to a distant roll. On distingua le bruit d’une voiture mêlé à un claquement de fers lâches qui battaient la terre, et l’Hirondelle enfin s’arrêta devant la porte. |distinguish|||||||||||||||||||||| We could make out the noise of a car mixed with a crack of loose shackles that beat the ground, and the swallow finally stopped in front of the door. C’était un coffre jaune porté par deux grandes roues qui, montant jusqu’à la hauteur de la bâche, empêchaient les voyageurs de voir la route et leur salissaient les épaules. ||||||||||||||||tarpaulin|prevented||||||||||| It was a yellow chest carried by two large wheels which, rising to the height of the tarpaulin, prevented travelers from seeing the road and soiled their shoulders. Les petits carreaux de ses vasistas étroits tremblaient dans leurs châssis quand la voiture était fermée, et gardaient des taches de boue, çà et là, parmi leur vieille couche de poussière, que les pluies d’orage même ne lavaient pas tout à fait. |||||windows|||||||||||||||||||||||||||||||||||| The small panes of its narrow skylights trembled in their frames when the car was closed, and kept spots of mud, here and there, among their old layer of dust, which even the stormy rains did not completely wash away. Elle était attelée de trois chevaux, dont le premier en arbalète, et, lorsqu’on descendait les côtes, elle touchait du fond en cahotant. ||||||||||crossbow||||||it|||||bumping Quelques bourgeois d’Yonville arrivèrent sur la place ; ils parlaient tous à la fois, demandant des nouvelles, des explications et des bourriches ; Hivert ne savait auquel répondre. ||||||||||||||||||||baskets|Hivert|||| Some citizens of Yonville arrived on the place; they all spoke at the same time, asking for news, explanations and tricks; Hivert did not know which to answer. C’était lui qui faisait à la ville les commissions du pays. It was he who did the town's shopping in the city. Il allait dans les boutiques, rapportait des rouleaux de cuir au cordonnier, de la ferraille au maréchal, un baril de harengs pour sa maîtresse, des bonnets de chez la modiste, des toupets de chez le coiffeur ; et, le long de la route, en s’en revenant, il distribuait ses paquets, qu’il jetait par-dessus les clôtures des cours, debout sur son siège, et criant [ 108 ] à pleine poitrine, pendant que ses chevaux allaient tout seuls. ||||||||||||||||кузнец|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||brought||||||cobbler|||||||barrel||herring|||||||||milliner||toupees||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| He went to the shops, brought rolls of leather to the shoemaker, scrap metal to the marshal, a barrel of herring for his mistress, hats from the milliner, toupets from the hairdresser; and, on the way back, he distributed his packages, which he threw over the fences of the courtyards, standing in his seat, and shouting [108] at full chest, while his horses were going All alone. Un accident l’avait retardé : la levrette de Mme Bovary s’était enfuie à travers champs. On l’avait sifflée un grand quart d’heure. ||whistled|||| Hivert même était retourné d’une demi-lieue en arrière, croyant l’apercevoir à chaque minute ; mais il avait fallu continuer la route. Even Hivert had gone back half a league, believing to see him every minute; but we had to continue on the road. Emma avait pleuré, s’était emportée ; elle avait accusé Charles de ce malheur. Emma had cried, had lost her temper; she had accused Charles of this misfortune. M. Lheureux, marchand d’étoffes, qui se trouvait avec elle dans la voiture, avait essayé de la consoler par quantité d’exemples de chiens perdus, reconnaissant leur maître au bout de longues années. |Lheureux||||||||||||||||||||||||||||| Mr. Lheureux, a fabric merchant, who was with her in the car, had tried to console her by many examples of lost dogs, recognizing their master after many years. On en citait un, disait-il, qui était revenu de Constantinople à Paris. One was cited, he said, who had returned from Constantinople to Paris. Un autre avait fait cinquante lieues en ligne droite et passé quatre rivières à la nage ; et son père à lui-même avait possédé un caniche qui, après douze ans d’absence, lui avait tout à coup sauté sur le dos, un soir, dans la rue, comme il allait dîner en ville. |||||||||||||||||||||||||poodle||||||||||||||||||||||||| Another had made fifty leagues in a straight line and swam four rivers; and his father had owned a poodle which, after twelve years of absence, had suddenly jumped on his back, one evening, in the street, as he was going to dine in town.