Merlin est-il un être maléfique ?
En des temps lointain, le chevalier Norvay parcourait le monde pour protéger les faibles
et les anonymes. Norvay, le chevalier qui sauvegarde la Paix et repousse la Haine ! Oui,
cet épisode est sponsorisé par...NordVPN ! Et en fin d'épisode, tu trouveras plus
d'informations laissées par ce preux chevalier que je me ferai une joie de te partager. Bon
visionnage ! Mes chers camarades bien le bonjour !
On a déjà parlé à plusieurs occasions sur cette chaîne du roi Arthur, du graal,
de la table ronde et tout ce qui va avec. On l'a vu dans ces autres épisodes, il
y a tout un tas d'auteurs qui sont venus ajouter leur pierre à l'édifice pour construire
le mythe du roi Arthur et de ses compagnons. Certains de ces auteurs vont particulièrement
insister sur la figure du roi, quand d'autres vont développer d'autres personnages. Par
exemple, on a des auteurs qui s'intéressent plus aux figures de magiciennes et de magiciens,
comme Morgane et Merlin. Moi je l'adore Merlin, peut être parce qu'il est souvent
représenté barbu et que j'aime bien les barbus...je n'en sais rien…
On pourrait en tout cas se dire que ces personnages ont été développés au Moyen ge parce qu'on
parle de magie et pourtant….ce n'est pas du tout le cas ! Ils sont surtout développé
lors de la seconde moitié du XXe siècle et au Moyen ge, aucun d'entre eux ne peut
réellement être considéré comme un protagoniste central des grands récits arthurien. Ce qui
est plutôt étonnant non ?
Ce que je vous propose c'est donc de revenir sur ces personnages qui aujourd'hui prennent
une place beaucoup plus importante pour nous, histoire de voir comment ils en sont arrivés
là ! C'est parti ! Alors ça peut paraître un peu débile comme
question, mais il faut qu'on se la pose : C'est qui ce Merlin ? Comme pour Arthur,
il s'agit certainement d'une figure un peu bâtarde, un empilement de plusieurs archétypes
littéraires. Du coup, Merlin a, en fonction des périodes, plusieurs visages et on peut
distinguer près de 4 Merlin différents au cours du Moyen ge qui se recoupent parfois
sur certains aspects : 1/l'homme sauvage
2/l'homme sans père 3/le prophète et le devin
4/le fils du démon Le Merlin que l'on pourrait qualifier d'homme
sauvage est présent dans plusieurs de textes rédigés dans des régions de langue celtique
: en Irlande, avec le personnage de Suibhne , en Écosse, avec celui de Lailoken et qui
se confond en partie avec le Myrddin décrit dans les traditions galloises. Les textes
qui parlent de ces hommes sauvages, placent leur existence au VIe ou au VIIe siècle,
mais sont écrits bien plus tardivement, au XIIe siècle au moins. Il est donc aujourd'hui
impossible de savoir quand précisément Suibhne, Lailoken ou Myrddin ont été inventés, et
encore moins s'ils ont été inspirés par des personnages réels. Tous en tout cas ont
eu une vie similaire, celle d'un roi qui, frappé de folie, part vivre dans les arbres.
D'où “l'homme sauvage”. C'est pas un personnage d'une pub de parfum, c'est
un type qui vit dans les arbres...Voilà... Le Merlin que l'on peut qualifier “d'homme
sans père” et de “devin” apparaissent eux sous la plume du moine gallois Nennius,
dans son Historia Brittonum (l'Histoire des Bretons) rédigé au IXe siècle. Celui-ci
parle d'un garçon appelé Ambrosius né sans géniteur connu, capable de voir le passé
et l'avenir. Encore jeune, il est convoqué par le roi de Bretagne Vortigern, car ce dernier
tente sans succès de reconstruire une tour qui ne cesse de s'effondrer. L'enfant
ordonne alors de creuser sous ses fondations. On y trouve deux dragons, l'un rouge et
l'autre blanc, qui s'affrontent. La mort de l'un d'entre eux, explique Ambroisius,
annonce la mort du roi Vortigern qui sera abattu par le roi légitime dont il a usurpé
le trône. Et c'est Geoffroi de Monmouth qui, au début
du XIIe siècle, va mélanger les trois archétypes d'homme sauvage, d'homme sans père et
de devin sous le nom d'un seul et même personnage qu'il appelle Merlin et qu'il
associe pour la première fois au récit arthurien dans son Histoire des rois de Bretagne. Mais
attention quand même ! Dans la version de Geoffroi, Merlin ne vit pas au temps d'Arthur,
mais à l'époque de son père, Uther. Du coup, il n'a pas encore de de réelle connexion
avec le souverain de Camelot. Il faut pour cela attendre des auteurs plus tardifs, notamment
ceux qui rédigeront des versions du mythe au XIIIe siècle.
C'est justement à cette époque qu'apparaît le dernier thème de la figure merlinienne,
celui de la naissance démoniaque. L'idée voit le jour dans le texte de Geoffroi, mais
se développe surtout avec Robert de Boron, au début du XIIIe siècle. Selon lui, la
conception de Merlin a été planifiée par le Diable qui voulait faire de lui l'Antéchrist,
un être capable de devenir le pendant maléfique de Jésus.
Perso, je veux voir ça en film, je suis sûr que ça peut déchirer !
Merlin enfant est ainsi doté du pouvoir de changer de forme, attribut généralement
associé aux démons. Mais cette nature négative est rachetée par sa mère, une pucelle innocente
abusée par un être infernal durant son sommeil. Le fait que la jeune femme n'y soit pour
rien et qu'elle regrette ce qui s'est passé, tu m'étonnes... permet de sauver
Merlin et de conférer un caractère bénéfique à ses pouvoirs. Dans la série Kaamelott,
on a une blague selon laquelle Merlin, « fils d'un démon et d'une pucelle », aurait
plus plus pris de la seconde que du premier.
Et bah on le voit très bien, ça s'appuie clairement sur des textes du Moyen ge. Sauf
que dans ces textes, ce n'est pas un sarcasme, comme dans la série d'Alexandre Astier,
mais un élément plutôt positif. Robert de Boron invente cette naissance diabolique
pour justifier l'existence au sein de la cour d'Arthur, d'un personnage doté de
pouvoirs magiques puisqu'il faut bien comprendre que si avoir un magicien à la cour ne posait
peut-être pas de problème au XIIe siècle, cent ans plus tard, alors que l'Église
resserre de plus en plus son emprise sur la société, ça n'est pas la même soupe
! Cet aspect démoniaque de Merlin s'impose
dans les textes suivants où Merlin est, au mieux, considéré comme un être ambigu.
Les grands récits arthuriens des XIIIe au XVe siècle le font ainsi vite sortir de l'action.
Par exemple, il n'assiste évidemment pas à la quête du Graal, bien trop chrétienne
pour lui. Dans la Vulgate, il est séduit par Niniane qui lui soutire ses secrets avant
de l'enfermer dans une tour magique de la forêt de Brocéliande. Le Morte d'Arthur
de Thomas Malory confirme d'ailleurs le fait que Merlin soit en retrait. S'il apparaît
nettement au début du roman, aidant Arthur à conquérir son royaume, il s'éclipse
rapidement pour tenter de séduire Viviane et, pour l'impressionner, il finit prisonnier
sous une pierre où, annonce le texte, il meurt.
Pauvre Merlin, c'est vraiment une sale mort !
L'histoire de la création de Merlin à l'époque médiévale est donc complexe,
d'autant plus qu'il est perçu à cette époque comme un personnage qui a réellement
existé. On attribue vite à Merlin des prophéties
que Geoffroi de Monmouth, le premier, met par écrit au XIIe siècle. Difficile de savoir
avec certitude s'il s'appuie sur une tradition orale préexistante, mais ce qui est par contre
avéré c'est que ces textes, dans lesquels ont retrouve des allusions au « sanglier
de Cornouailles » bien connu des fans de Kaamelott, vont être utilisées à des fins
politiques tout au long du Moyen ge pour justifier telle cause ou telle autre. Et c'est d'autant
plus facile que ces textes sur Merlin sont particulièrement obscurs et qu'on peut
leur faire dire tout et son contraire. Même les hommes d'Église les emploient, car,
pour Robert de Boron, la faculté de voir le futur de Merlin n'est pas due à son
ascendance diabolique, mais à un don de Dieu. Ainsi, en Écosse, au début du XIVe siècle,
des franciscains partisans du roi Robert Bruce emploient les visions merliniennes pour annoncer
la victoire de leur souverain sur les troupes d'Édouard Ier d'Angleterre. Plus tard,
au XVIe siècle, les Tudors citent le même recueil de texte pour justifier leur arrivée
sur le trône d'Angleterre. Les prophéties de Merlin traversent vite la Manche, pour
atteindre la péninsule ibérique et l'Italie où un cordonnier de Parme, Benvenuto, mort
dans les années 1270, prétend voir l'avenir en s'appuyant sur les visions de Merlin,
preuve que celles-ci se diffusent au sein des couches populaires.
Et d'ailleurs je me penche aussi sur ces textes pour vous prédire qu'on passera
un jour le cap des 2 millions d'abonnés sur Youtube. J'y crois ! Abonnez-vous d'ailleurs
! Dans royaume de France, le texte de Geoffroi
est traduit en langue d'oïl au XIIIe siècle. Il est employé lors de la Guerre de Cent
Ans, notamment durant les campagnes de Jeanne d'Arc où l'on utilise deux passages.
L'un d'eux explique que trois sources jailliront de la ville de Winchester et que
deux d'entre elles sont mortelles. « Une jeune fille de la Ville-du-Bois-de-Canut,
dit alors le texte, sera envoyée sur place pour remédier à ce phénomène. Initiée
à toutes les connaissances, c'est de son seul souffle qu'elle asséchera les sources
nuisibles » (trad. Laurence Mathey-Maille) Le second extrait, situé à la fin du texte,
est une prédiction astrologique qui explique que
« La vierge montera sur le dos du Sagittaire, et cachera la fleur de sa virginité. »
(trad. Colette Beaune) Et alors là, faut pas être un génie pour
comprendre que c'est le jackpot pour les proches de Charles VII. Dans un contexte troublé,
ils voient clairement l'utilité de ces deux extraits. Pour eux, aucun doute, la jeune
fille qui ira tarir les sources maléfiques de la cité de Winchester, située outre-Manche,
c'est bien évidemment Jeanne d'Arc ! Et le Sagittaire chevauché par la Vierge, c'est
les archers anglais que la pucelle finira par dominer. Pratique, hein ?
Bien que Jeanne d'Arc elle-même n'ait pas accordé foi à ces visions, les prophéties
de Merlin ont été citées durant son procès de réhabilitation tenu plus de vingt ans
après son exécution, alors que Charles VII presse l'Église de restaurer l'image
de celle à qui il a dû son couronnement. Et ouais, le Charles, il ne peut pas être
associé à une jeune femme condamnée au bûcher, donc il faut redorer l'image publiquement
l'image de Jeanne ! Le lien entre Jeanne d'Arc et les prophéties
de Merlin prouve bien à quel point ces dernières restent populaires tout au long du Moyen ge
au point qu'on les imprime encore à Paris entre 1512 et 1519, comme le montre cet exemplaire
conservé aujourd'hui à la Bibliothèque nationale de France et que vous pouvez lire
et même télécharger sur le site Gallica, je vous mets un lien dans la description.
Le Merlin du Moyen ge n'a donc rien à voir avec un druide. Cette construction apparaît
en réalité au XVIIIe et au XIXe siècle, même si, là encore, c'est Geoffroi de
Monmouth qui en a posé les premières fondations. En effet, dans un passage de son Histoire
des rois de Bretagne, on peut lire qu'Ambrosius Aurelianus, l'oncle d'Arthur, demande
à Merlin d'ériger un monument à ses guerriers morts. Le prophète propose alors au souverain
: « d'aller quérir la danse des géants,
qui se situe au mont Killaraus en Irlande. Car il y a là-bas une structure en pierre
[…] Ce sont des roches mystiques qui possèdent des vertus médicinales. Les géants des temps
anciens les ont apportés des confins de l'Afrique, et les ont installés en Irlande lorsqu'ils
habitaient ce pays. Ils voulaient en faire des bains. »
Merlin, usant d'engins et de méthodes dont il a le secret, déplace les rochers et aide
à les amener en Angleterre, dans la plaine de Salisbury. Par cet habile tour de passe
passe, Geoffroi crée alors un lien entre le prophète Merlin et les pierres dressés
de Stonehenge, connexion que l'on voit par exemple dans cette enluminure du XIVe siècle.
Mais ce sont les auteurs modernes qui vont établir un lien entre cet endroit et le druidisme,
qui est un concept inconnu au Moyen ge. C'est sans doute le pionnier du néodruidisme William
Stukeley, qui, dans “Stonehenge, A Temple Restored”, publié en 1740, a le plus contribué
à populariser l'idée selon laquelle le cercle de pierres levées serait une création
druidique. Plus tard, au XIXe siècle, alors que les nations européennes se cherchent
des origines celtiques, des auteurs comme Edward Davies finissent naturellement par
se convaincre que si Merlin est connecté avec Stonehenge, et que si Stonehenge est
lié aux druides, Merlin est forcément un druide, ce qui donne pour résumer :
Merlin = Stonehenge (XIIe siècle) Stonehenge = druides (XVIIIe siècle)
Merlin = druide (XIXe siècle)
Si tous les cours de maths avaient été aussi simple...
On sait aujourd'hui que Stonehenge n'a rien à voir avec les druides celtiques. Ces
mégalithes ont été dressés entre le troisième et le second millénaire avant notre ère,
alors que les Celtes apparaissent en Europe au mieux cinq cents ans après. Mais Merlin,
lui, continue d'être assimilé à un druide, notamment dans Kaamelott. En même temps,
dur de leur en vouloir parce que les druides en général, et Merlin en particulier, sont
d'autant plus populaires aujourd'hui parce qu'ils incarnent pour beaucoup une religion
traditionnelle qui est connectée avec la nature qu'aurait détruit, au choix, l'Empire
romain ou la chrétienté, voire les deux. Donc, là encore, comme beaucoup de figures
littéraires ou historiques, de concepts, de périodes, c'est une représentation
créée bien plus tard et qui n'a pas grand chose à voir avec le sens originel qu'on
lui donnait ! Les druides historiques, c'était en fait
une théocratie jalouse de ses privilèges qui était influencée par la philosophie
grecque. Mais l'image de prêtre proto-écologiste, allant de chêne en chêne pour cueillir du
gui et poursuivis par des envahisseurs bardés de métal, est à la mode dans notre société
contemporaine où l'on se concentre de plus en plus nombreux dans des centres urbains
pollués. D'où le besoin de chercher à se reconnecter avec la nature que l'on oppose
à une technologie toujours plus étouffante. C'est pour cette raison que Merlin rencontre
un certain succès à partir des années 1960, notamment auprès de certains hippies qui
prétendent recréer la religion druidique. Très vite, cette image de mage écologiste
dépasse ces cercles pour toucher des artistes. John Boorman voulait par exemple que son film
Excalibur (1981) s'appelle à l'origine Merlin Lives ! (« Merlin est vivant ! »).
Boorman était convaincu, comme beaucoup d'auteurs de sa génération, du caractère sournois
de la société de consommation, le cinéaste se voyait même comme une sorte de nouveau
Merlin qui permettait à ses spectateurs de se reconnecter, le temps d'un long métrage,
avec leur nature profonde, comme il l'explique dans une interview donnée en 1985 :
« En d'autres termes, le cri de Merlin est le cri de l'inconscient […]. L'inconscient
contient la magie et même, si l'on veut, cette notion du dragon que l'on trouve dans
l'histoire de Merlin. Le dragon, c'est la créature préhistorique, le reptile en
nous, le ça qui vient des profondeurs, du marais, avec la terreur qui l'accompagne. »
De nos jours, de plus en plus d'œuvres de fictions racontent la légende arthurienne
à partir de son point de vue, comme la série Merlin diffusée entre 2008 et 2012. Le magicien
y est représenté comme un jeune adulte et il affronte notamment le régime totalitaire
d'Uther qui, en brimant les êtres féériques et en retenant prisonnier Kilgharrah, le dernier
grand dragon, incarne la violence du monde industriel et marchand.
Pour résumer, Merlin perd l'ambiguïté qu'il avait au Moyen ge et il est maintenant
devenu une figure beaucoup plus positive au sein du mythe arthurien contemporain. C'est
un ami de la forêt et des bêtes, par exemple dans Kaamelott où il quitte un champ de bataille
pour aller soigner une louve. Parce qu'il est gentil Merlin...et ouais !
En tout cas vous le voyez bien, ce n'est pas le premier épisode que je fais sur la
mythologie arthurienne, on retrouve des choses assez redondantes dans chaque interprétation
moderne des différents personnages comme l'opposition nature/industrie et chaque
petit morceau de texte peut être découpé et réinterprété en fonction du moment et
de ce qui nous arrange. Autant dire que Merlin et le mythe du roi Arthur en général a encore
de beaux jours devant lui ! Merci à tous d'avoir suivi cet épisode préparé avec
William Blanc, spécialiste du médiévalisme. Je vous mets son bouquin sur le roi Arthur,
un mythe contemporain en description et je vous annonce qu'on fera bientôt un épisode
sur la célèbre Morgane parce qu'il y a des choses à dire sur elle aussi ! NORD VPN,
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