L'abbaye aussi puissante que Rome ! - Corbie
Mes chers camarades bien le bonjour et bienvenue dans le beau pays du Val de Somme,
plus précisément à Corbie.
Ce site est occupé depuis le paléolithique,
autant vous dire qu'il y a énormément de choses à raconter, mais aujourd'hui on va revenir d'une façon un peu plus particulière
sur l'histoire d'un de ses monuments : l'abbaye !
Durant le Moyen Âge, l'abbaye de Corbie se fait une place d'honneur grâce à
l'intervention d'une femme qui fait rarement les choses à moitié, déjà connue pour sa lutte
active contre l'esclavage : Bathilde, reine des Francs ! De simple servante du Palais,
elle s'est élevée jusqu'à la royauté en épousant Clovis II. Son sens de la politique et sa grande
piété la poussent à fonder au 7e siècle l'abbaye royale de Corbie, qui marquera l'histoire
de France. Bathilde veut à la fois convertir les païens de la région,
confirmer le pouvoir royal sur place, enfin structurer et administrer tout le pays.
Elle nomme alors un abbé au pouvoir démesuré : il possède 22.000 hectares de terre
où se répartissent 250 vassaux armés. Sur ce domaine, il est seul maître après Dieu,
ne payant aucune taxe ni aucun impôt. D'ailleurs, bien que liée à la règle
de Saint Benoît, l'abbaye n'est contrôlée par aucun vicaire ou prélat
L'abbé fait justice, guerre, péage et monnaie...de belles pièces sonnantes et trébuchantes,
parfois plus recherchées que celles des rois des Francs !
A cette époque, les abbés sont donc de véritables princes, parfois guerriers,
à l'image de Francon d'Amiens qui, au 10e siècle, fortifie toute la région, creuse des
fossés et des canaux entre les rivières afin de structurer ce qui sera la future ville d'Amiens.
Et vu que maintenant l'abbé Francon est protégé,
il peut à loisir poutrer du Viking à l'aide de son armée. Un vrai guerrier qu'on a dit !
Bien sûr, le fait que l'abbé aie autant de pouvoirs à une utilité pour le royaume.
Corbie sert particulièrement bien les rois de France. Son domaine est une une tête
de pont royale face aux adversaires de la Guerre de Cent Ans : les Flandres au Nord,
et la Bourgogne à l'Est. Elle est aussi à la tête du réseau d'abbayes carolingiennes qui
modernisèrent la langue et l'écriture, notamment en inventant pour l'empire de
Charlemagne la minuscule caroline, une écriture encore utilisée de nos jours dans toute l'Europe.
Si vous voulez en savoir plus sur ce type d'abbaye médiévale, Saint Riquier connaît
un développement similaire non loin de là. Et ça tombe bien, puisqu'on a déjà sorti un
épisode à ce propos sur la chaîne, il ne tient qu'à vous d'aller le voir pour en savoir plus !
Si la période du Moyen Âge est très important pour l'abbaye de Corbie,
on ne va donc pas s'attarder dessus car ce qui m'intéresse aujourd'hui, c'est de vous montrer
comme Corbie va connaître un second “âge d'or” durant la Renaissance, indirectement
grâce à un souverain pas comme les autres : François Ier...
En 1515, le roi François Ier est un jeune roi auréolé par sa victoire de Marignan : il
profite de sa position de force pour finaliser la politique religieuse des rois de France. En effet,
cela fait bien longtemps que les rois Philippe Auguste, Saint Louis et Philippe
le Bel jouent une diplomatie complexe avec l'Eglise : ils veulent rester catholiques,
mais sans avoir à obéir au pape. C'est ce qu'on appelle le gallicanisme. Et c'est cette politique
que François Ier va parvenir à achever en 1516 : il signe le concordat de Bologne,
qui lui donne le pouvoir unique de gérer le clergé et l'église au sein du royaume.
Je sais pas si vous vous rendez compte de la petite révolution que ça représente ! Pour Corbie,
qui était déjà une abbaye de poids directement liée à la famille royale,
cela signifie un accroissement significatif de son pouvoir
politique. Son influence locale va désormais devenir nationale, voire internationale.
En effet, le temps de la Renaissance est à l'Humanisme : les arts et les écrits vantent
la grandeur du génie humain, quitte à amoindrir le pouvoir divin. On questionne les dogmes,
et on cherche à moderniser l'Eglise. Des figures comme Jean Calvin et Martin Luther
désirent accélérer le mouvement de cette réforme déjà en marche ce qui donnera d'ailleurs le
protestantisme. Certains s'impatientent, comme le roi d'Angleterre Henri VIII,
qui va s'inspirer du gallicanisme Français pour fonder l'Anglicanisme.
Bon, à la base le type veut juste divorcer pour prendre une autre femme,
ce qui va lui arriver un certain nombre de fois, mais vu que l'église veut pas,
il fait scission. C'est un peu radical mais ça marche !
En tout cas, la tension religieuse de la Réforme devient vite politique
et militaire : la guerre menace l'Europe. Et c'est là que Corbie entre en scène.
Depuis le Moyen Âge, l'abbaye n'a cessé de gagner en puissance. Elle est désormais immense,
et plusieurs cloîtres et cours connectent entre eux les bâtiments : dortoir, salle d'étude,
archive, réfectoire, salle du chapitre, cuisine, infirmerie, mais aussi un tribunal et une prison,
puisque l'abbé rend justice ! Sans compter les magasins de fourrages et autres bâtiments
d'artisanat et d'agriculture, où des centaines de religieux, de laïcs et de serviteurs s'activent
sans cesse. On connaît assez bien les dimensions du bâtiment Est du cloître principal : 7m de
large, 66m de long, plusieurs étages, il avait 13 portes qui donnaient directement sur le cloître.
Avec toute cette richesse récoltée sur le pays alentour, les abbés décident d'ailleurs
de reconstruire l'église abbatiale en 1501. Les plans dessinent à l'époque
un des plus grands temples de France : un sanctuaire pour l'autel, autour
duquel il y a 7 chapelles rayonnantes. Chacune contient de riches reliques. Sainte Bathilde,
fondatrice de l'abbaye, est bien sûr mise à l'honneur. Mais le vrai trésor, celui des
Corps Saints, a été rapporté de la 4e croisade à Constantinople : couronne d'Épine du Christ,
bois de la Sainte Croix, et une Sainte Face, qu'on disait alors peinte par un évangéliste, et devant
laquelle Richelieu adorait se recueillir. Il y a tant de merveilles que Corbie est
surnommée “la deuxième Rome”. Et ce n'est que le sanctuaire : ajoutez une longue nef de 115 mètres,
on prévoyait encore 20 chapelles supplémentaires. A la croisée du transept, s'élève une immense tour
lanterne de 90m de haut, à laquelle se joignent deux tours de 55m en façade de l'édifice.
En fait l'église de l'abbé peut largement rivaliser avec n'importe
quelle cathédrale ! Enfin, sur le papier. Car le concordat et les privilèges royaux
ont une contrepartie, un véritable fléau pour l'abbaye, qui fait que cette église
mettra plus de 270 ans à être achevée ! Ce fléau, c'est le régime de la commende,
qui à la fois ralentit les travaux locaux de l'abbaye et la projette sur la scène politique.
La commende, c'est lorsqu'on nomme un commendataire, qui perçoit le bénéfice
de l'abbaye, ses revenus. Mais la petite subtilité, c'est que cet “abbé” en titre peut
être quelqu'un qui n'est pas du tout religieux : il ne gère pas la vie quotidienne des moines,
ni l'application de la règle monastique. Et dans ce cas-là, c'est le prieur sur place
qui gère la vie de l'abbaye. Les rois de France vont soumettre Corbie à ce régime, et donc la
confier à toutes sortes d'hommes politiques ou de cardinaux, afin de les récompenser
de leurs services. Par exemple Mazarin, ministre des rois Louis XIII et Louis XIV,
a été deux fois abbé commendataire de Corbie. La plupart des autres abbés seront des princes de la
maison de Bourbon. Et c'est cela qui place Corbie au milieu d'un conflit sanglant : les nouveaux
abbés, selon leur position sur l'échiquier politique, entre catholicisme et protestantisme,
font participer Corbie aux Guerres de Religion qui vont embraser la France et l'Europe.
De 1562 à 1598, en seulement 36 ans, la France connaîtra 8 guerres de religion successives.
Les trêves ne durent jamais, car la peur compromet toujours la paix. Par exemple,
en 1567, la première guerre de religion est terminée. Mais l'Espagne catholique
attaque les Flandres protestantes. Leur armée longe alors la frontière française non loin de
Corbie. Pour prévenir une agression espagnole, on arme la province. Mais les protestants
Français craignent une nouvelle agression contre eux, ce qui va alimenter la peur,
et concourir à faire éclater une deuxième guerre de religion en France !
Alors qu'à la base...le but était au contraire de se prémunir de toute
attaque des catholiques espagnols ! On peut dire que c'est loupé !
L'élite au pouvoir est divisée entre catholiques et protestants,
et le roi indécis ne sait plus où donner de la tête. En 1573, le gouverneur de la Picardie -qui
contrôle donc militairement la zone frontalière de la Somme et de Corbie- est un protestant,
Henri Ier de Bourbon-Condé, dit “Condé”. Son influence est trop grande,
et en 1577 un vassal de l'abbaye de Corbie s'oppose à lui en fondant la Ligue Picarde,
un rassemblement catholique. Il y eu plusieurs ligues dans tout le royaume, mais c'est bien
cette Ligue, née à Corbie, qui sera l'embryon de la Sainte Ligue Catholique, dirigée par le duc
Henri de Guise. En 1588, l'abbaye elle-même adhère officiellement à la Ligue. Ça y est,
le roi est coincé : il y a deux grands partis en France : Condé et ses protestant, Guise et ses
catholiques. La guerre civile se poursuit sans relâche, le royaume se déchire. Cette situation
dégénère même jusqu'au régicide : Henri III fait assassiner le duc de Guise en décembre 1588 et,
accusé de trahir le catholicisme, il est à son tour tué en 1589 par un certain Jacques Clément.
Corbie, à fond dans la Ligue, se réjouit de la mort du roi. Plus
que ça, elle nomme son propre abbé commendataire, Charles de Bourbon,
nouveau roi de France ! Ouais... ils y vont à fond ! Mais ce dernier meurt quelques mois plus tard.
Finalement, c'est Henri IV qui monte sur le trône. Les guerres de religion,
débutées dans le nordique pays Corbéen par deux hommes que tout opposait, Condé et Guise,
s'atténuent finalement grâce à un prince venu du Sud, un Protestant baptisé Catholique.
Mais l'aventure est loin d'être finie pour l'abbaye : si les armes de fer se taisent,
les armes spirituelles les remplacent. C'est le début de la contre-réforme.
En 1545, débute le Concile de Trente : pendant 25 ans l'Eglise va se réunir pour répondre aux
objections de Jean Calvin et de Martin Luther. Il faut “mettre aux normes” tout ce que le Moyen
Âge chrétien a apporté de diversités de cultes, d'usages et de coutumes. Le concile répond donc
à certaines attentes, mais en rejette d'autres. Il définit, en fin de compte, ce qui est catholique
et ce qui ne l'est pas. Bien sûr, cela définit deux camps qui s'accusent mutuellement d'être
hérétiques, d'avoir une bible incomplète, etc. Pour mener cette lutte idéologique,
l'Eglise va fonder de nouvelles congrégations, de véritables “troupes d'élites intellectuelles”. Ce
sont les Jésuites en 1540, puis la congrégation de Saint-Maur en 1618. Ces mouvements sont très
attractifs : ils ont le prestige de combattre pour la “vraie foi”, ils sont réformateurs,
à la pointe de la nouvelle doctrine. De plus, ils fondent leur évangélisation sur
une connaissance encyclopédique du monde, de la religion, de la philosophie, de la théologie,
de la politique et de l'histoire. Et Corbie fait son choix : après 1.000 ans
d'une relative autonomie, l'abbaye adhère à la congrégation de Saint-Maur dès sa fondation.
D'ailleurs, une petite parenthèse à propos de cette congrégation : en voulant fonder
une critique historique de la bible et du christianisme, Saint-Maur a dû définir une
approche des sources historiques, une méthode d'analyse, une façon de lire
les textes antiques : c'est ce qu'on appelle la paléographie. En agissant pour l'Eglise,
la congrégation a paradoxalement fini par faire considérablement avancer...la science historique !
Avec 700 ouvrages fondamentaux, des dictionnaires, des chronologies,
des chroniques, etc., les 220 auteurs de la congrégation ont permis, par la suite,
de bien connaître l'histoire de l'Antiquité et du Moyen Âge. Encore aujourd'hui ces ouvrages
sont utilisés par les historiens, on les reconnaît facilement puisqu'ils sont écrits
par des religieux, des “Dom quelque-chose” : Dom Mabillon, Dom Devic, Dom Vaissète, etc.
Pour nous, c'est une bonne chose mais pour les moines de Corbie de l'époque, c'était quand-même
un peu plus difficile : après des siècles de laxisme et d'absence des abbés commendataires,
il a fallu tout à coup revenir à une nouvelle règle, une discipline, des études...et ça s'est
plutôt mal passé : tous les vieux moines n'étaient pas prêt à ce changement radical.
De nombreux conflits ont eu lieu entre l'abbaye et la ville, car qui change la règle,
change aussi la gestion économique du territoire. Il y a même eu des
affrontements entre les moines et leur propre prieur, voire leur propre abbé ! Et on peut
le comprendre : l'abbé commendataire qui a imposé la règle de Saint-Maur s'appelle
Louis de Lorraine, un homme puissant qui est commendataire dans...5 autres abbayes !
Dans le genre cumul des mandats, “je suis pas là, mais je ramasse le pognon”,
Louis touchait plutôt sa bille donc, et on peut supposer qu'il n'était pas
très présent ni très soucieux du quotidien des moines de Corbie…
On finit cependant par trouver une solution rigolote : les nouveaux arrivants devaient
être formés à la nouvelle et stricte règle, tandis que les plus âgés pouvaient continuer
de vivre selon l'ancienne coutume, jusqu'à leur mort. C'est pas l'idéal si on est pressé,
mais cette petite astuce a permis de restaurer la paix entre les murs de
l'abbaye… et il était temps, car à l'extérieur de ses murs, la guerre menace à nouveau !
En effet, si les guerres de religion se calment plus ou moins en France, ce n'est pas le cas dans
l'Empire : la guerre de Trente Ans démarre en 1618. Ce conflit fut particulièrement meurtrier
car il divisait les princes, le clergé, et les petites gens. Entre ravages de mercenaires,
sièges, épidémies et famines, on prétend que l'Europe centrale aurait perdu presque
la moitié de sa population. Le cardinal français Richelieu se frotte les mains : pour affaiblir la
puissance des Habsbourg catholiques, il n'hésite pas à aider les protestants rebelles...alors que
dans le même temps, il lutte pour affaiblir les protestants dans son propre pays !
C'est un peu tordu, mais il ne faut pas oublier qu'à cette époque la France est
prise en tenaille par l'Espagne et le Saint-Empire. Mais en fin de compte,
Richelieu doit payer l'addition puisqu'en 1635, c'est la guerre.
Les troupes espagnoles redescendent des Flandres et assiègent Corbie en 1636. Le gouverneur de la
ville, Maximilien de la Belleferrière, se rend avant même le premier assaut,
après seulement 13 jours de siège. Il faut dire que la ville subit un sacré bombardement,
et que l'abbaye en souffre énormément. Pendant un temps, on croit même que ce
sont les moines de Corbie eux-mêmes qui ont demandé à Maximilien de rendre les
armes. Quoi qu'il en soit, c'est un drame, à la fois pour la France et pour l'abbaye.
La panique est totale : la Somme est la frontière de l'époque, et Corbie était la dernière vraie
place forte pour protéger Paris. Le peuple de la capitale tremble, l'urgence est maximale,
et on lève une armée de renfort en toute hâte pour reprendre Corbie. Les Espagnols
sont indélogeables : leurs réserves de grain sont immenses, la ville est bien fortifiée,
et ils ont pris position dans l'abbaye. Le cloître est un bivouac, le chapitre et
le réfectoire sont des magasins de vivres et des arsenaux - des réserves de poudres : une
étincelle, et on peut dire adieu à l'abbaye ! Heureusement, quelques pêcheurs Corbéens
connaissent bien le pays : de nuit, par voie d'eau, ils indiquent la route aux Français. Une
opération commando est lancée sur les moulins, qui sont incendiés. Les modestes pêcheurs sont
remerciés : ils sont exonérés de taxes à vie, et leurs maisons sont reconstruites à neuf
par le trésor royal. Pendant ce temps, privés de vivres, les Espagnols sont obligés de se rendre.
Franchement, l'état a vraiment été cool avec ces pêcheurs,
moi aussi j'aimerai bien que ma maison soit reconstruite à neuf par l'état.
Le pire est donc passé. D'ailleurs, pour faire bonne mesure, la troupe d'élite du roi et du
cardinal, les fameux “Grands Mousquetaires”, ou “Mousquetaires Gris”, est envoyée dans la
région. A leur tête, le célèbre Charles de Batz de Castelmore. Ce nom ne vous dit peut-être rien,
mais vous le connaissez : on l'appelle plus couramment d'Artagnan ! D'Artagnan,
au service du nouveau ministre Mazarin, sécurise les places, inspecte la frontière,
et fortifie les villes. Il multiplie les aller-retours entre Paris et Corbie,
qui aura l'honneur de recevoir sa visite, ainsi que celle du roi, et de la reine ! C'est qu'il est
hors de question de perdre à nouveau la Somme : on fait donc tout pour la conserver, jusqu'en 1659,
où la partie est gagnée : la frontière française avance considérablement au Nord,
ce qui permet d'ailleurs à d'Artagnan de gagner une promotion : il devient gouverneur de Lille.
Ça y est, Corbie est enfin en sécurité. Et c'est pas trop tôt,
car l'abbaye a énormément souffert de ces années de conflit et de bombardement !
En plus d'un cloître transformé en camp retranché,
la grande bibliothèque de l'abbaye, celle qui participa à la grandeur de Charlemagne,
est dépouillée. L'évêque croyait la protéger en apposant son sceau sur chacune des portes.
Mais des petits malins passèrent par les fenêtres arrières qui avaient été oubliées.
N'ayant brisé aucun sceau, ils commettent alors un “vol légal” de 400 ouvrages qui
sont alors déplacés vers Paris pour être mis en sécurité à Saint-Germain-des-Prés.
Les grands-prieurs commencent alors d'importantes restaurations : de 1662 à 1678, le cloître,
ses colonnes, voûtes et vitraux sont refaits à neuf. Puis au 18e siècle,
l'abbatiale connaît ses derniers aménagements intérieurs : les orgues
et le baldaquin. L'abbatiale débutée en 1501 est enfin achevée en 1775. Depuis la
fin de la Guerre de 30 ans et le traité de Westphalie de 1648, la paix règne.
La paix, vraiment ? Mais que contient ce fameux traité, qui est censé avoir plus ou
moins mis un terme aux guerres de religion en Europe ? Un concept tout nouveau, bête
comme chou : puisque les Protestants et les Catholiques sont incapables de s'entendre,
on décrète que chaque prince décide de la religion de son État. Un roi, un peuple,
une foi, une loi. C'est la base de la monarchie absolue, née de l'Humanisme.
Mais cette forme politique ne dure qu'un temps : après l'Humanisme, viennent les
idées des Lumières, d'une monarchie éclairée, et, finalement, d'une Révolution. En 1792, Corbie est
entraînée dans la tourmente. Abandonnée, pillée, elle perd ses 300 derniers ouvrages manuscrits
et ses 10.000 autres livres, qui sont stockés à la bibliothèque d'Amiens encore aujourd'hui.
Ses bâtiments faiblissent, ses toitures tombent. Elle ne s'en relèvera pas. En 1815 finalement,
il faut trancher, et au sens littéral du terme, puisqu'on tronque la grande église
abbatiale : elle passe de 115m à 35m, coupée en deux par un mur aveugle. Tout le reste est rasé.
Tout ce que vous voyez aujourd'hui ne représente que 5% de l'ancienne
abbaye ! Mais c'est suffisant ! Il reste déjà beaucoup de belles choses à voir !
La splendide porte monumentale de 1750, qui est désormais intégrée à la Place de la République, et
l'abbatiale elle-même, qui reste impressionnante. Le plus fou, c'est la reconstitution en réalité
virtuelle qui a été créée par la communauté de communes du Val de Somme : vive le 21e siècle,
qui nous permet d'arpenter à nouveau les bâtisses et les cloîtres aujourd'hui disparus.
Ce genre de technologies, en plus de mettre en valeur de patrimoine, réserve souvent de
belles surprises : les drones utilisés pour la photogrammétrie de l'abbatiale, par exemple,
ont découvert tout au sommet de l'abbatiale Saint-Pierre des statues parfaitement inconnues
jusqu'ici, car invisibles à l'œil nu ! De là-haut, Bathilde et ses sœurs veillent encore sur la
ville. Bathilde, c'est la grosse cloche de 1,8 tonne qui continue de mettre l'ambiance à Corbie.
Alors je vous invite vraiment à découvrir cette visite virtuelle assez extraordinaire,
et n'hésitez pas à profiter du code promo que je vous mets en description,
afin de bénéficier d'un petit tarif préférentiel pour cette
visite. Je remercie Somme Tourisme et Val de Somme Tourisme grâce à qui nous avons pu
faire cet épisode, notamment en me fournissant une quantité d'informations hallucinante,
puisque vous voyez, on a à peine eu le temps de parler des 16e et 18e siècles. Autant vous
dire dire qu'il vous reste des choses à découvrir sur place ! A très bientôt sur Nota Bene. Ciao !