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Le Grand Meaulnes, Le Grand meaulnes - deuxième partie - chapitre 3

Le Grand meaulnes - deuxième partie - chapitre 3

Le réveil du lendemain fut pénible.

A huit heures et demie, à l'instant où M. Seurel allait donner le signal d'entrer, nous arrivâmes tout essoufflés pour nous mettre sur les rangs. Comme nous étions en retard, nous nous glissâmes n'importe où, mais d'ordinaire le grand Meaulnes était le premier de la longue file d'élèves, coude à coude, chargés de livres, de cahiers et de porte-plume, que M. Seurel inspectait. Je fus surpris de l'empressement silencieux que l'on mit à nous faire place vers le milieu de la file; et tandis que M. Seurel, retardant de quelques secondes l'entrée au cours, inspectait le grand Meaulnes, j'avançai curieusement la tête, regardant à droite et à gauche pour voir les visages de nos ennemis de la veille. Le premier que j'aperçus était celui-là même auquel je ne cessais de penser, mais le dernier que j'eusse pu m'attendre à voir en ce lieu. Il était à la place habituelle de Meaulnes, le premier de tous, un pied sur la marche de pierre une épaule et le coin du sac qu'il avait sur le dos accotés au chambranle de la porte. Son visage fin, très pâle, un peu piqué de rousseur, était penché et tourné vers nous avec une sorte de curiosité méprisante et amusée. Il avait la tête et tout un côté de la figure bandés de linge blanc. Je reconnaissais le chef de bande, le jeune bohémien qui nous avait volés la nuit précédente. Mais déjà nous entrions dans la classe et chacun prenait sa place. Le nouvel élève s'assit près du poteau, à la gauche du long banc dont Meaulnes occupait, à droite, la première place. Giraudat, Delouche et les trois autres du premier banc s'étaient serrés les uns contre les autres pour lui faire place, comme si tout eût été convenu d'avance... Souvent, l'hiver, passaient ainsi parmi nous des élèves de hasard, mariniers pris par les glaces dans le canal, apprentis, voyageurs immobilisés par la neige. Ils restaient au cours deux jours, un mois, rarement plus... Objets de curiosité durant la première heure, ils étaient aussitôt négligés et disparaissaient bien vite dans la foule des élèves ordinaires. Mais celui-ci ne devait pas se faire aussitôt oublier. Je me rappelle encore cet être singulier et tous les trésors étranges apportés dans ce cartable qu'il s'accrochait au dos. Ce furent d'abord les porte-plume "à vue" qu'il tira pour écrire sa dictée. Dans un oeillet du manche, en fermant un oeil, on voyait apparaître, trouble et grossie, la basilique de Lourdes ou quelque monument inconnu. Il en choisit un et les autres aussitôt passèrent de main en main. Puis ce fut un plumier chinois rempli de compas et d'instruments amusants qui s'en allèrent par le banc de gauche, glissant silencieusement, sournoisement, de main en main, sous les cahiers, pour que M. Seurel ne pût rien voir. Passèrent aussi des livres tout neufs, dont j'avais, avec convoitise, lu les titres derrière la couverture des rares bouquins de notre bibliothèque: La Teppe aux Merles, La Roche aux Mouettes, Mon ami Benoist... Les uns feuilletaient d'une main sur leurs genoux ces volumes, venus on ne savait d'où, volés peut-être, et écrivaient la dictée de l'autre main. D'autres faisaient tourner le compas au fond de leurs casiers. D'autres brusquement, tandis que M. Seurel tournant le dos continuait la dictée en marchant du bureau à la fenêtre, fermaient un oeil et se collaient sur l'autre la vue glauque et trouée de Notre-Dame de Paris. Et l'élève étranger, la plume à la main, son fin profil contre le poteau gris, clignait des yeux, content de tout ce jeu furtif qui s'organisait autour de lui. Peu à peu cependant toute la classe s'inquiéta: les objets, qu'on "faisait passer" à mesure, arrivaient l'un après l'autre dans les mains du grand Meaulnes qui, négligemment, sans les regarder, les posait auprès de lui. Il y en eut bientôt un tas, mathématique et diversement coloré, comme aux pieds de la femme qui représente la Science, dans les compositions allégoriques. Fatalement M. Seurel allait découvrir ce déballage insolite et s'apercevoir du manège. Il devait songer, d'ailleurs, à faire une enquête sur les événements de la nuit. La présence du bohémien allait faciliter sa besogne... Bientôt, en effet, il s'arrêtait, surpris, devant le grand Meaulnes. "A qui appartient tout cela? demanda-t-il en désignant "tout cela" du dos de son livre refermé sur son index. --Je n'en sais rien", répondit Meaulnes d'un ton bourru, sans lever la tête. Mais l'écolier inconnu intervint: "C'est à moi", dit-il. Et il ajouta aussitôt, avec un geste large et élégant de jeune seigneur auquel le vieil instituteur ne sut pas résister: "Mais je les mets à votre disposition, monsieur, si vous voulez regarder". Alors, en quelques secondes, sans bruit, comme pour ne pas troubler le nouvel état de choses qui venait de se créer, toute la classe se glissa curieusement autour du maître qui penchait sur ce trésor sa tête demi-chauve, demi-frisée, et du jeune personnage blême qui donnait avec un air de triomphe tranquille les explications nécessaires. Cependant, silencieux à son banc, complètement délaissé, le grand Meaulnes avait ouvert son cahier de brouillons et, fronçant le sourcil, s'absorbait dans un problème difficile. Le "quart d'heure" nous surprit dans ces occupations. La dictée n'était pas finie et le désordre régnait dans la classe. A vrai dire, depuis le matin la récréation durait. A dix heures et demie, donc, lorsque la cour sombre et boueuse fut envahie par les élèves, on s'aperçut bien vite qu'un nouveau maître régnait sur les jeux. De tous les plaisirs nouveaux que le bohémien, dès ce matin-là, introduisit chez nous, je ne me rappelle que le plus sanglant: c'était une espèce de tournoi où les chevaux étaient les grands élèves chargés des plus jeunes grimpés sur leurs épaules. Partagés en deux groupes qui partaient des deux bouts de la cour, ils fondaient les uns sur les autres, cherchant à terrasser l'adversaire par la violence du choc, et les cavaliers, usant de cache-nez comme de lassos, ou de leurs bras tendus comme de lances, s'efforçaient de désarçonner leurs rivaux. Il y en eut dont on esquivait le choc et qui, perdant l'équilibre, allaient s'étaler dans la boue, le cavalier roulant sous sa monture. Il y eut des écoliers à moitié désarçonnés que le cheval rattrapait par les jambes et qui, de nouveau acharnés à la lutte, regrimpaient sur ses épaules. Monté sur le grand Delage qui avait des membres démesurés, le poil roux et les oreilles décollées, le mince cavalier à la tête bandée excitait les deux troupes rivales et dirigeait malignement sa monture en riant aux éclats. Augustin, debout sur le seuil de la classe, regardait d'abord avec mauvaise humeur s'organiser ces jeux. Et j'étais auprès de lui, indécis. "C'est un malin, dit-il entre ses dents, les mains dans les poches. Venir ici, dès ce matin, c'était le seul moyen de n'être pas soupçonné. Et M. Seurel s'y est laissé prendre! " Il resta là un long moment, sa tête rase au vent, à maugréer contre ce comédien qui allait faire assommer tous ces gars dont il avait été peu de temps auparavant le capitaine. Et, enfant paisible que j'étais, je ne manquais pas de l'approuver. Partout, dans tous les coins, en l'absence du maître, se poursuivait la lutte: les plus petits avaient fini par grimper les uns sur les autres; ils couraient et culbutaient avant même d'avoir reçu le choc de l'adversaire... Bientôt il ne resta plus debout, au milieu de la cour, qu'un groupe acharné et tourbillonnant d'où surgissait par moments le bandeau blanc du nouveau chef. Alors le grand Meaulnes ne sut plus résister. Il baissa la tête, mit ses mains sur ces cuisses et me cria: "Allons-y, François! " Surpris par cette décision soudaine, je sautai pourtant sans hésiter sur ses épaules et en une seconde nous étions au fort de la mêlée, tandis que la plupart des combattants, éperdus, fuyaient en criant: "Voilà Meaulnes! Voilà le grand Meaulnes! " Au milieu de ceux qui restaient il se mit à tourner sur lui-même en me disant: "Etends les bras: empoigne-les comme j'ai fait cette nuit". Et moi, grisé par la bataille, certain du triomphe, j'agrippais au passage les gamins qui se débattaient, oscillaient un instant sur les épaules des grands et tombaient dans la boue. En moins de rien il ne resta debout que le nouveau venu monté sur Delage; mais celui-ci, peu désireux d'engager la lutte avec Augustin, d'un violent coup de reins en arrière se redressa et fit descendre le cavalier blanc. La main à l'épaule de sa monture, comme un capitaine tient le mors de son cheval, le jeune garçon debout par terre regarda le grand Meaulnes avec un peu de saisissement et une immense admiration: "A la bonne heure!" dit-il. Mais aussitôt la cloche sonna, dispersant les élèves qui s'étaient rassemblés autour de nous dans l'attente d'une scène curieuse. Et Meaulnes, dépité de n'avoir pu jeter à terre son ennemi, tourna le dos en disant, avec mauvaise humeur: "Ce sera pour une autre fois! " Jusqu'à midi la classe continua comme à l'approche des vacances, mêlée d'intermèdes amusants et de conversations dont l'écolier-comédien était le centre. Il expliquait comment, immobilisés par le froid sur la place, ne songeant pas même à organiser des représentations nocturnes, où personne ne viendrait, ils avaient décidé que lui-même irait au cours pour se distraire pendant la journée, tandis que son compagnon soignerait les oiseaux des Iles et la chèvre savante. Puis il racontait leurs voyages dans le pays environnant, alors que l'averse tombe sur le mauvais toit de zinc de la voiture et qu'il faut descendre aux côtes pour pousser à la roue. Les élèves du fond quittaient leur table pour venir écouter de plus près. Les moins romanesques profitaient de cette occasion pour se chauffer autour du poêle. Mais bientôt la curiosité les gagnait et ils se rapprochaient du groupe bavard en tendant l'oreille, laissant une main posée sur le couvercle du poêle pour y garder leur place. "Et de quoi vivez-vous?" demanda M. Seurel, qui suivait tout cela avec sa curiosité un peu puérile de maître d'école et qui posait une foule de questions. Le garçon hésita un instant, comme si jamais il ne s'était inquiété de ce détail. "Mais, répondit-il, de ce que nous avons gagné l'automne précédent, je pense. C'est Ganache qui règle les comptes". Personne ne lui demanda qui était Ganache. Mais moi je pensai au grand diable qui, traîtreusement, la veille au soir, avait attaqué Meaulnes par derrière et l'avait renversé...

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Le Grand meaulnes - deuxième partie - chapitre 3 Le Grand meaulnes - zweiter Teil - Kapitel 3 Le Grand meaulnes - part two - chapter 3 Le Grand meaulnes - segunda parte - capítulo 3

Le réveil du lendemain fut pénible. The awakening of the next day was painful.

A huit heures et demie, à l'instant où M. Seurel allait donner le signal d'entrer, nous arrivâmes tout essoufflés pour nous mettre sur les rangs. ||||||||||||||||||außer Atem|||||| ||||||||||||||||arrived||out of breath|||||| At half-past eight, just as M. Seurel was about to give the signal to enter, we arrived breathlessly to put ourselves on the line. Comme nous étions en retard, nous nous glissâmes n'importe où, mais d'ordinaire le grand Meaulnes était le premier de la longue file d'élèves, coude à coude, chargés de livres, de cahiers et de porte-plume, que M. Seurel inspectait. |||||||slipped||||ordinarily||||||||||||elbow|||||||notebooks||||||||inspected As we were late, we slipped away, but usually the tall Meaulnes was the first in the long row of students, elbow-to-shoulder, loaded with books, notebooks, and penholders, which M Seurel was inspecting. Je fus surpris de l'empressement silencieux que l'on mit à nous faire place vers le milieu de la file; et tandis que M. Seurel, retardant de quelques secondes l'entrée au cours, inspectait le grand Meaulnes, j'avançai curieusement la tête, regardant à droite et à gauche pour voir les visages de nos ennemis de la veille. ||||the eagerness||||||||||||||||||||delaying||||||course|||||I advanced|||||||||left|||||||||| I was surprised at the silent eagerness to make room for us in the middle of the line; and while M. Seurel, delaying for a few seconds the entrance to the class, inspected the great Meaulnes, I curiously advanced my head, looking to the right and left to see the faces of our enemies the night before. Le premier que j'aperçus était celui-là même auquel je ne cessais de penser, mais le dernier que j'eusse pu m'attendre à voir en ce lieu. ||||||||||||||||||I would||expect||||| The first one I saw was the very one I was constantly thinking about, but the last I could have expected to see in this place. Il était à la place habituelle de Meaulnes, le premier de tous, un pied sur la marche de pierre une épaule et le coin du sac qu'il avait sur le dos accotés au chambranle de la porte. |||||||||||||||||||||||||||||||||Türrahmen||| |||||||||||||||||||||||||||||||leaned||door frame|||door He was in Meaulnes' usual place, the first of all, one foot on the stone step, one shoulder and the corner of the bag he had on his back leaned against the door frame. Son visage fin, très pâle, un peu piqué de rousseur, était penché et tourné vers nous avec une sorte de curiosité méprisante et amusée. ||||pale|||spotted||reddishness||leaned||||||||||contemptuous|| His fine, very pale face, a little speckled with freckles, was inclined and turned towards us with a kind of disdainful and amused curiosity. Il avait la tête et tout un côté de la figure bandés de linge blanc. |||||||||||bandaged||cloth| He had his head and one side of his face bandaged in white cloth. Je reconnaissais le chef de bande, le jeune bohémien qui nous avait volés la nuit précédente. ||||||||bohemian||||stolen||| I recognized the gang leader, the young gypsy who had stolen from us the previous night. Mais déjà nous entrions dans la classe et chacun prenait sa place. |||entered|||||||| But we were already entering the classroom and each person was taking their place. Le nouvel élève s'assit près du poteau, à la gauche du long banc dont Meaulnes occupait, à droite, la première place. ||||||pole|||||||||||||| The new student sat near the pole, to the left of the long bench Meaulnes occupied, on the right, the first place. Giraudat, Delouche et les trois autres du premier banc s'étaient serrés les uns contre les autres pour lui faire place, comme si tout eût été convenu d'avance... Souvent, l'hiver, passaient ainsi parmi nous des élèves de hasard, mariniers pris par les glaces dans le canal, apprentis, voyageurs immobilisés par la neige. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||mariniers||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||agreed||||passed||||||||mariners||||||||apprentices||||| Giraudat, Delouche, and the three others on the first bench had pressed against each other to make room for it, as if everything had been agreed upon beforehand. Winter often passed among us students of chance , sailors caught by the ice in the canal, apprentices, travelers immobilized by the snow. Ils restaient au cours deux jours, un mois, rarement plus... Objets de curiosité durant la première heure, ils étaient aussitôt négligés et disparaissaient bien vite dans la foule des élèves ordinaires. They stayed for two days, a month, rarely more ... Objects of curiosity during the first hour, they were immediately neglected and disappeared quickly into the crowd of ordinary students. Mais celui-ci ne devait pas se faire aussitôt oublier. ||||should||||| But it should not be forgotten immediately. Je me rappelle encore cet être singulier et tous les trésors étranges apportés dans ce cartable qu'il s'accrochait au dos. |||||||||||||||Schulranzen|||| ||||||||||treasures|||||backpack||was clinging|| I still remember that singular being and all the strange treasures brought in that binder that he clung to his back. Ce furent d'abord les porte-plume "à vue" qu'il tira pour écrire sa dictée. It was first the pen-holders "at sight" he drew to write his dictation. Dans un oeillet du manche, en fermant un oeil, on voyait apparaître, trouble et grossie, la basilique de Lourdes ou quelque monument inconnu. ||Ölchen|||||ein|||||||vergrößert|||||||| ||eyelet||shaft||||||||blur||enlarged|||||||| In an eyelet of the handle, by closing an eye, one could see the basilica of Lourdes, or some unknown monument, appearing, clouded and enlarged. Il en choisit un et les autres aussitôt passèrent de main en main. He chose one and the others immediately passed from hand to hand. Puis ce fut un plumier chinois rempli de compas et d'instruments amusants qui s'en allèrent par le banc de gauche, glissant silencieusement, sournoisement, de main en main, sous les cahiers, pour que M. Seurel ne pût rien voir. ||||||||||||||||||||||heimlich||||||||||||||| ||||pencil case||||compasses||||||||||||||sneakily|||||||notebooks|||||||| Then it was a Chinese pencil-case filled with compasses and amusing instruments, which went off by the left bench, slipping silently, cunningly, from hand to hand, under the notebooks, so that M. Seurel could see nothing. Passèrent aussi des livres tout neufs, dont j'avais, avec convoitise, lu les titres derrière la couverture des rares bouquins de notre bibliothèque: La Teppe aux Merles, La Roche aux Mouettes, Mon ami Benoist... Les uns feuilletaient d'une main sur leurs genoux ces volumes, venus on ne savait d'où, volés peut-être, et écrivaient la dictée de l'autre main. |||||||||covet|||||||||books|||||Teppe||Blackbirds||Rock||Seagulls|||Benoist||||||||||||||||stolen||||||||| There were also brand new books, which I had covetously read the titles behind the cover of the few books in our library: La Teppe aux Merles, La Roche aux Mouettes, My friend Benoist ... Some were looking hand on their knees these volumes, come from somewhere where, stolen perhaps, and wrote the dictation with the other hand. D'autres faisaient tourner le compas au fond de leurs casiers. |||||||||lockers Others were turning the compass at the bottom of their lockers. D'autres brusquement, tandis que M. Seurel tournant le dos continuait la dictée en marchant du bureau à la fenêtre, fermaient un oeil et se collaient sur l'autre la vue glauque et trouée de Notre-Dame de Paris. |suddenly||||||||||||||||||||||||||||||pierced||||| Others abruptly, while Mr. Seurel turned his back, continued the dictation as he walked from the study to the window, closed one eye, and clung to the other the gloomy and pierced view of Notre-Dame de Paris. Et l'élève étranger, la plume à la main, son fin profil contre le poteau gris, clignait des yeux, content de tout ce jeu furtif qui s'organisait autour de lui. |||||||||||||||||||||||heimlich||||| |||||||||||||pole||blinked||||||||furtive||was organizing||| And the foreign student, pen in hand, his slim profile against the gray post, blinked, pleased with all the furtive game that was organized around him. Peu à peu cependant toute la classe s'inquiéta: les objets, qu'on "faisait passer" à mesure, arrivaient l'un après l'autre dans les mains du grand Meaulnes qui, négligemment, sans les regarder, les posait auprès de lui. ||||||||||||||measures||||||||||||||||||beside|| Little by little, however, the whole class was worried: the objects, which were being passed on, came one after the other into the hands of the great Meaulnes, who, carelessly, without looking at them, put them to him. Il y en eut bientôt un tas, mathématique et diversement coloré, comme aux pieds de la femme qui représente la Science, dans les compositions allégoriques. |||||||||verschiedenartig|||||||||||||den|| ||||||heap||||||||||||||||||allegorical Soon there was a pile, mathematical and variously colored, like at the feet of the woman who represents Science, in the allegorical compositions. Fatalement M. Seurel allait découvrir ce déballage insolite et s'apercevoir du manège. ||||||Auspacken||||| Inevitably|||||||||||carousel Inevitably, Mr. Seurel was going to discover this unusual display and realize what was going on. Il devait songer, d'ailleurs, à faire une enquête sur les événements de la nuit. Moreover, he had to think about conducting an investigation into the events of the night. La présence du bohémien allait faciliter sa besogne... Bientôt, en effet, il s'arrêtait, surpris, devant le grand Meaulnes. |||||||task|||||||||| The presence of the gypsy would facilitate his work. Soon, indeed, he stopped, surprised, in front of the great Meaulnes. "A qui appartient tout cela? "Who owns all this? demanda-t-il en désignant "tout cela" du dos de son livre refermé sur son index. ||||||||||||closed||| he asked, pointing to "all this" from the back of his book closed on his index finger. --Je n'en sais rien", répondit Meaulnes d'un ton bourru, sans lever la tête. ||||||||gruff|||| "I do not know," replied Meaulnes gruffly, without raising her head. Mais l'écolier inconnu intervint: "C'est à moi", dit-il. But the unknown schoolboy intervened: "It's mine," he said. Et il ajouta aussitôt, avec un geste large et élégant de jeune seigneur auquel le vieil instituteur ne sut pas résister: "Mais je les mets à votre disposition, monsieur, si vous voulez regarder". ||||||||||||||||instructor|||||||||||||||| And he added at once, with a broad and elegant gesture of a young nobleman to whom the old teacher could not resist: "But I put them at your disposal, sir, if you want to look." Alors, en quelques secondes, sans bruit, comme pour ne pas troubler le nouvel état de choses qui venait de se créer, toute la classe se glissa curieusement autour du maître qui penchait sur ce trésor sa tête demi-chauve, demi-frisée, et du jeune personnage blême qui donnait avec un air de triomphe tranquille les explications nécessaires. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||blême||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||bald||curly|||||pale||||||||||| So, in a few seconds, silently, as if not to disturb the new state of affairs which had just been created, the whole class curiously slipped around the master who was bending his half-bald, half-curly head over this treasure, and of the pale young personage who gave the necessary explanations with an air of calm triumph. Cependant, silencieux à son banc, complètement délaissé, le grand Meaulnes avait ouvert son cahier de brouillons et, fronçant le sourcil, s'absorbait dans un problème difficile. ||||||neglected|||||||notebook||drafts|||||was absorbed|in||| However, silent at his bench, completely abandoned, the great Meaulnes had opened his sketchbook and, frowning, was absorbed in a difficult problem. Le "quart d'heure" nous surprit dans ces occupations. The "quarter of an hour" surprised us in these occupations. La dictée n'était pas finie et le désordre régnait dans la classe. The dictation was not over and disorder reigned in the classroom. A vrai dire, depuis le matin la récréation durait. To tell the truth, recess had lasted since morning. A dix heures et demie, donc, lorsque la cour sombre et boueuse fut envahie par les élèves, on s'aperçut bien vite qu'un nouveau maître régnait sur les jeux. |||||||||||schlammig|||||||||||||||| |||||||||||muddy|||||||||||||||| At half past ten, therefore, when the dark and muddy courtyard was invaded by the pupils, it was quickly realized that a new master was reigning over the games. De tous les plaisirs nouveaux que le bohémien, dès ce matin-là, introduisit chez nous, je ne me rappelle que le plus sanglant: c'était une espèce de tournoi où les chevaux étaient les grands élèves chargés des plus jeunes grimpés sur leurs épaules. |||||||||||||||||||||||||||Turnier||||||||||||||| ||||||||||||introduced||||||||||bloody|||||||||||||||||climbed||| Of all the new pleasures that the gypsy introduced to us that morning, I only remember the bloodiest: it was a kind of tournament where the horses were the big pupils loaded with the youngest ones climbed on their shoulders. . Partagés en deux groupes qui partaient des deux bouts de la cour, ils fondaient les uns sur les autres, cherchant à terrasser l'adversaire par la violence du choc, et les cavaliers, usant de cache-nez comme de lassos, ou de leurs bras tendus comme de lances, s'efforçaient de désarçonner leurs rivaux. ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||désarçonner|| |||||||||||||founded||||||||topple|||||||||cavalry|||||||lassos||of|||||||were striving||unseat|| Divided into two groups which started from both ends of the court, they swooped down on each other, seeking to defeat the adversary by the violence of the shock, and the horsemen, using mufflers as well as lassos, or their arms stretched out like spears, strove to unseat their rivals. Il y en eut dont on esquivait le choc et qui, perdant l'équilibre, allaient s'étaler dans la boue, le cavalier roulant sous sa monture. |||||||||||||||||||||||Montur ||||||was avoiding||||||||spread out|||mud|||rolling||| There were some that one avoided the shock and who, losing their balance, would end up sprawled in the mud, the rider rolling under his mount. Il y eut des écoliers à moitié désarçonnés que le cheval rattrapait par les jambes et qui, de nouveau acharnés à la lutte, regrimpaient sur ses épaules. |||||||abgeworfen||||||||||||||||||| |||||||unseated||||caught||||||||relentless||||reclimbed||| There were schoolboys half unseated whom the horse caught by the legs and who, once again determined to fight, scrambled back onto its shoulders. Monté sur le grand Delage qui avait des membres démesurés, le poil roux et les oreilles décollées, le mince cavalier à la tête bandée excitait les deux troupes rivales et dirigeait malignement sa monture en riant aux éclats. |||||||||überdimensioniert||Haar|||||abstehenden||||||||||||||||||||| ||||Delage|||||excessive||fur|||||sticking out|||||||bandaged||||||||maliciously|||||| Mounted on the large Delage which had disproportionate limbs, the reddish-haired horse with protruding ears, the thin rider with a bandaged head excited the two rival troops and maliciously directed his mount while laughing heartily. Augustin, debout sur le seuil de la classe, regardait d'abord avec mauvaise humeur s'organiser ces jeux. ||||threshold||||||||||| Augustin, standing on the threshold of the classroom, looked at first in a bad mood at the organization of these games. Et j'étais auprès de lui, indécis. ||beside||| And I was with him, undecided. "C'est un malin, dit-il entre ses dents, les mains dans les poches. ||clever|||||||||| "He's smart," he said through his teeth, his hands in his pockets. Venir ici, dès ce matin, c'était le seul moyen de n'être pas soupçonné. Coming here this morning was the only way not to be suspected. Et M. Seurel s'y est laissé prendre! " |||get||| And Mr. Seurel let himself be taken! " Il resta là un long moment, sa tête rase au vent, à maugréer contre ce comédien qui allait faire assommer tous ces gars dont il avait été peu de temps auparavant le capitaine. ||||||||||||murren|||||||||||||||||||| ||||||||shaved||wind||mutter|||||||knock out|||guys|||||||||| He stayed there a long time, his head shaved in the wind, grumbling against this actor who was going to knock out all these guys he had been captain a short time before. Et, enfant paisible que j'étais, je ne manquais pas de l'approuver. ||||||||||es zu genehmigen |||||||didn't|||approve it And, peaceful child that I was, I did not fail to approve it. Partout, dans tous les coins, en l'absence du maître, se poursuivait la lutte: les plus petits avaient fini par grimper les uns sur les autres; ils couraient et culbutaient avant même d'avoir reçu le choc de l'adversaire... Bientôt il ne resta plus debout, au milieu de la cour, qu'un groupe acharné et tourbillonnant d'où surgissait par moments le bandeau blanc du nouveau chef. ||||||||||||||||||||||||||||stürzten|||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||climb|||||||||tumbled||||||||||||||||||||||fierce||whirling||emerged|||||||| Everywhere, in every corner, in the absence of the master, the struggle continued: the little ones had ended up climbing one on top of the other; they ran and tumbled before they had even received the shock of the adversary ... Soon there was nothing left standing, in the middle of the court, but a fierce and whirling group from which at times emerged the new white band. chief. Alors le grand Meaulnes ne sut plus résister. Then the great Meaulnes could no longer resist. Il baissa la tête, mit ses mains sur ces cuisses et me cria: "Allons-y, François! " |||||||||thighs|||||| He lowered his head, put his hands on those thighs and shouted to me: "Let's go, Francois!" Surpris par cette décision soudaine, je sautai pourtant sans hésiter sur ses épaules et en une seconde nous étions au fort de la mêlée, tandis que la plupart des combattants, éperdus, fuyaient en criant: "Voilà Meaulnes! ||||||||||||||||||||||||||||||verwirrt||||| |||||||yet|||||||||||||||||||||||dazed||||| Surprised by this sudden decision, I nevertheless jumped without hesitation on his shoulders and in a second we were at the height of the melee, while most of the combatants, distraught, fled, shouting: "Here is Meaulnes! Voilà le grand Meaulnes! " Here is the great Meaulnes! " Au milieu de ceux qui restaient il se mit à tourner sur lui-même en me disant: "Etends les bras: empoigne-les comme j'ai fait cette nuit". |||||||||||||||||Extend|||grasp|||||| In the middle of those who remained he began to turn on himself, saying to me: "Extend your arms: grab them as I did last night". Et moi, grisé par la bataille, certain du triomphe, j'agrippais au passage les gamins qui se débattaient, oscillaient un instant sur les épaules des grands et tombaient dans la boue. ||betrunken|||||||griffte|||||||||||||||||||| ||dizzy|||||||I grabbed||||kids|||were struggling|oscillated||||||||||||mud And I, exhilarated by the battle, certain of triumph, would grab the struggling kids as they passed, wobble for a moment on the shoulders of the grown-ups and fall into the mud. En moins de rien il ne resta debout que le nouveau venu monté sur Delage; mais celui-ci, peu désireux d'engager la lutte avec Augustin, d'un violent coup de reins en arrière se redressa et fit descendre le cavalier blanc. |||||||||||||||||||||||||||||loins||||reared|||||| In no time, all that remained standing was the newcomer mounted on Delage; but the latter, unwilling to engage in a fight with Augustine, with a violent thrust back, straightened up and made the white rider descend. La main à l'épaule de sa monture, comme un capitaine tient le mors de son cheval, le jeune garçon debout par terre regarda le grand Meaulnes avec un peu de saisissement et une immense admiration: "A la bonne heure!" ||||||||||||Zügel||||||||||||||||||Erstaunen|||||||| ||||||||||holds||||||||||||||||||||seizure|||||||| With his hand on the shoulder of his mount, like a captain holding the bit of his horse, the young boy standing on the ground looked at the great Meaulnes with a little shock and immense admiration: "Good time!" dit-il. he says. Mais aussitôt la cloche sonna, dispersant les élèves qui s'étaient rassemblés autour de nous dans l'attente d'une scène curieuse. |||||dispersing||||||||||||| But immediately the bell rang, scattering the students who had gathered around us in anticipation of a curious scene. Et Meaulnes, dépité de n'avoir pu jeter à terre son ennemi, tourna le dos en disant, avec mauvaise humeur: "Ce sera pour une autre fois! " ||verärgert|||||||||||||||||||||| ||disheartened|||||||||||||||||||||| And Meaulnes, annoyed at not having been able to throw his enemy to the ground, turned his back, saying badly: "It will be for another time!" Jusqu'à midi la classe continua comme à l'approche des vacances, mêlée d'intermèdes amusants et de conversations dont l'écolier-comédien était le centre. |||||||||||von Intermezzi|||||||||| |||||||||||of interludes|||||||||| Until noon the class continued as on the approach of the holidays, mingled with amusing interludes and conversations of which the schoolboy-actor was the center. Il expliquait comment, immobilisés par le froid sur la place, ne songeant pas même à organiser des représentations nocturnes, où personne ne viendrait, ils avaient décidé que lui-même irait au cours pour se distraire pendant la journée, tandis que son compagnon soignerait les oiseaux des Iles et la chèvre savante. |||||||||||not even thinking|||||||||||||||||||||||||||||||would heal||birds||Islands||||learned He was explaining how, immobilized by the cold in the square, not even thinking of organizing nocturnal performances, where no one would come, they had decided that he himself would go to class to have fun during the day, while his companion would take care of them. island birds and the learned goat. Puis il racontait leurs voyages dans le pays environnant, alors que l'averse tombe sur le mauvais toit de zinc de la voiture et qu'il faut descendre aux côtes pour pousser à la roue. |||||||||||der Regen||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||zinc|||||||||||push|||wheel Then he recounted their travels in the surrounding country, when the downpour fell on the bad zinc roof of the car and you had to go down to the coast to push the wheel. Les élèves du fond quittaient leur table pour venir écouter de plus près. The back students left their tables to come and listen more closely. Les moins romanesques profitaient de cette occasion pour se chauffer autour du poêle. ||romantischen|||||||||| ||romantic|||||||heat|||stove The less romantic took advantage of this opportunity to warm themselves around the stove. Mais bientôt la curiosité les gagnait et ils se rapprochaient du groupe bavard en tendant l'oreille, laissant une main posée sur le couvercle du poêle pour y garder leur place. ||||||||||||||tending||||||||lid||||||| ||||||||||||||||||||||||estufa||||| But soon curiosity won over them and they approached the chattering group, straining their ears, leaving one hand on the lid of the stove to keep their place. "Et de quoi vivez-vous?" "And what do you live on?" demanda M. Seurel, qui suivait tout cela avec sa curiosité un peu puérile de maître d'école et qui posait une foule de questions. ||||||||||||kindisch|||||||||| asked M. Seurel, who followed all this with the somewhat childish curiosity of a schoolmaster and who asked a host of questions. Le garçon hésita un instant, comme si jamais il ne s'était inquiété de ce détail. The boy hesitated a moment, as if he had never cared about this detail. "Mais, répondit-il, de ce que nous avons gagné l'automne précédent, je pense. “But,” he replied, “from what we earned the previous fall, I think. C'est Ganache qui règle les comptes". |||||settles the accounts It is Ganache who settles the accounts ". Personne ne lui demanda qui était Ganache. No one asked him who Ganache was. Mais moi je pensai au grand diable qui, traîtreusement, la veille au soir, avait attaqué Meaulnes par derrière et l'avait renversé... ||||||||treacherously|||||||||||| But I thought of the big devil who, treacherously, the night before, had attacked Meaulnes from behind and knocked him down ...