CHARTER 2009-10-23
Retour forcé vers leur pays d'origine de trois Afghans qui était en situation irrégulière en France; l'affaire fait grand bruit et cette annonce a occasionné de nombreuses réactions. On parle même du charter de la honte. L'expression est forte ; c'est une formule polémique, bien plus forte que si on parlait simplement de charter honteux, ou de pratique honteuse. C'est très imprécis, ça ressemble plus à un titre qu'à autre chose. C'est exclamatif, mais ça marque ! Au-delà de cette expression, on peut se demander ce que c'est qu'un charter. Dans l'affaire qu'on a citée, il s'agit d'après le discours officiel d'un avion « spécialement affrété ». Et on est bien sur la piste de ce mot charter.
Le mot est anglais et on l'a toujours prononcé plus ou moins à l'anglaise, en faisant sonner la consonne finale.
Il devient fréquent en français à la fin des années 60. À l'époque, le transport aérien est beaucoup moins développé qu'aujourd'hui, et surtout il est beaucoup plus cher. Et puis certaines petites compagnies vont se créer pour essayer de rendre plus accessibles les voyages par avion. Comment ? En ne prévoyant pas de vols réguliers, qui partent à telle heure, tel jour, pour telle destination. Mais, on organise les vols plus ou moins à la demande ! On organise un vol et on attend les réservations en pensant qu'il y en aura suffisamment pour remplir l'avion. Donc il part plein, ce qui permet de réduire le prix qu'on fait payer à chacun. D'autre part ces premiers vols charters on souvent été organisés sans le confort que prévoyait les compagnies officielles. On vous donne le transport et c'est tout !
Alors que souvent, les compagnies aériennes nourrissaient leur image en faisant valoir le traitement de luxe qui était réservé à chacun ? Et puis un autre détail est important, la compagne de charters n'achète pas les appareils. Elle loue les avions, avec les services qui les accompagnent, c'est-à-dire l'équipage qui permet de le faire voler. Mais la mise de fond est bien moins importante. C'est donc là qu'on retrouve l'expression d'un appareil « spécialement affrété ». Alors le problème se pose, si on possède ce mot français qui traduit l'anglais, pourquoi ne pas l'avoir utilisé ?
Affréter est un verbe qui se prête mal à ce qu'on en fasse dériver un nom : on ne dit pas un « affret », pour parler d'un appareil affrété. On a également le verbe « noliser » qui a exactement le même sens que charter. Mais il est resté très technique, et plus employé dans la marine que dans l'aviation. Et le mot charter, qu'on connaissait mal au début, a pu s'utiliser comme un nom aussi bien que comme un adjectif : un charter, un vol charter, un billet charter etc. Les premières expériences de ce genre avaient été faites par des anglo-saxons et les Français ont suivi leurs pas.
Mais ce mot de charter a eu un autre destin. Lorsque les gouvernements décident d'expulser des étrangers, bien souvent, ils ne les placent pas sur des vols réguliers, mais louent un vol pour l'occasion, un charter !
Coproduction du Centre national de Documentation Pédagogique. http://www.cndp.fr/