La Commune de Paris - 1871 (2)
le Cri du peuple de Jules Vallès et c'est là que Thiers, le chef du gouvernement,
sentant que les parisiens commencent à être un peu à cran, ordonne qu'on récupère les 300
à 400 canons en possession de la garde nationale… pas le meilleur des mouves !
Ces canons, qui ont été payés en partie par les Parisiens eux-mêmes pour protéger la ville
durant le siège, ont été regroupés en divers endroits de la capitale, surtout à Montmartre,
pour éviter que les Allemands ne les récupèrent quand ils sont entrés dans Paris pour leur
défilé. Ces canons, pour les gardes nationaux et pour les Parisiens en général, ce sont les
leurs. Ils les ont payés en partie, ils sont le symbole de leur résistance face à l'ennemi !
En gros : pas touche ! L'armée tente de les récupérer discrètement dans la nuit du 17 au
18 mars 1871. Mais faire descendre une centaine de canons de Montmartre, quand en plus on a pas
assez de chevaux, et qu'il ne faut pas faire trop de bruit, c'est galère. Résultat au petit matin,
l'opération n'est pas du tout terminée. Et quand les Parisiens s'aperçoivent du coup fourré qu'on
a essayé de leur faire, laissez moi vous dire qu'ils ne sont pas contents DU TOUT. Je veux
dire encore moins contents qu'avant quoi alors qu'ils n'étaient déjà pas contents du tout…
Une foule immense s'amasse autour des soldats, les femmes se mettent en première ligne pour dissuader
les soldats de tirer. Le général Lecomte, en charge de l'opération, ordonne à ses hommes de
faire feu, mais ils refusent. La foule, déchaînée et furieuse après avoir vu cet homme tenter de
leur tirer dessus, le met immédiatement à mort. Thiers qui est alors à Paris,
panique, il fuit à Versailles accompagné de l'administration et des troupes qui restent.
La garde nationale se retrouve alors au contrôle de Paris, sans l'avoir vraiment prévu.
La situation est d'autant plus particulière que la grande majorité des gardes nationaux
conservateurs a quitté la capitale, et que début mars les délégués des bataillons restants se sont
accordés sur la création d'une fédération républicaine de la garde nationale, avec
à sa tête un comité central. Dès lors les garde nationaux vont souvent se donner le nom de fédéré
qui fait à la fois référence à cette organisation mais aussi aux soldats révolutionnaires de 1792.
C'est donc ce comité de la garde nationale qui
s'installe à l'hôtel de ville et prend de facto le pouvoir à Paris.
Pendant un temps la situation est confuse, certains comme Clémenceau qui est alors maire de
Montmartre, tentent de trouver un compromis entre Versailles et le comité. Mais ces négociations
n'aboutissent pas. Le 22 mars, un millier de manifestants royalistes et bonapartistes
arrivent devant l'hôtel de ville dont ils veulent faire sortir le comité central. La garde nationale
accourt et une fusillade éclate qui fait 12 morts. Le comité de la garde nationale prend plusieurs
mesures: il reporte de nouveau les dettes de commerce, rétablit la solde de la garde nationale,
interdit aux propriétaires d'expulser leurs locataires, et surtout il convoque des élections
pour le 26 mars. Ces élections sont particulières puisque les élus le sont sous un mandat impératif,
c'est-à-dire que s'ils ne font pas ce pour quoi ils ont été élus ils peuvent être révoqués.
Je dis ça comme ça, mais c'était pas si mal comme système non ?
229 000 électeurs sur les 482 000 inscrits participent,
ce qui représente une bonne partie des Parisiens présents car beaucoup
d'entre eux (notamment les plus aisés) ont quitté la ville avant et après le siège.
Les candidats révolutionnaires obtiennent une forte majorité,
sur 85 sièges seuls 19 vont aux républicains modérés qui voulaient se servir des élections
pour trouver un accord avec Versailles. Cette stratégie ayant échoué, ils démissionnent.
Le 28 mars la Commune est déclarée et une grande fête a lieu sur la place de grève devant l'hôtel
de ville. On tire du canon, on chante la marseillaise, on danse…. Dans son journal
Le Cri du peuple du 30 mars, Jules Vallès raconte: “La Commune est proclamée dans une
journée de fête révolutionnaire et patriotique, pacifique et joyeuse, d'ivresse et de solennité,
de grandeur et d'allégresse, digne de celles qui ont vu les hommes de 92,
et qui console de 20 ans d'empire, de 6 mois de défaites et de trahisons. Le peuple de Paris,
debout en armes, a acclamé cette Commune [...] qui la rendra libre comme elle l'eut rendu vainqueur.”
Mais du côté des journaux pro versaillais, le son de cloche est forcément un peu différent !
Le moniteur universel parle de la Commune comme “des élus de la minorité parisienne”
qui s'installent à l'Hôtel de ville “ces Tuileries de l'émeute” et qui viennent briser l'unité des
français “à force d'illégalité et de violences.” Si le Petit journal est plus mesuré et raconte
avec détail la célébration en précisant “qu'il n'y a pas eu le moindre désordre à signaler”,
le journal s'inquiète tout de même : “C'est que le mot de Commune nous rappelle les terribles
souvenirs de la Révolution et, tous les excès de la Terreur.” “Si la Commune [...] prend la
place et le rôle de l'Assemblée nationale, ce sera [...] l'oppression du pays par une ville.”
Outre les républicains modérés qui ont démissionné après avoir échoué
à emporter une majorité, la Commune est composée de membres de la gauche
révolutionnaire divisée en 3 camps : - Les plus nombreux sont les jacobins,
ils se placent dans la continuité de la Révolution française et se veulent
les héritiers de Robespierre. Leur modèle c'est la constitution ultra démocratique
de 1793 qui n'a jamais pu être appliquée. - Ensuite on a les proudhoniens, moins nombreux
ils se réclament du penseur Proudhon mort quelques années auparavant et sont un peu les ancêtres
des anarchistes. Ils veulent moins d'État, plus d'auto gestion et des mesures sociales.
- Enfin les moins nombreux sont les blanquistes, partisans du révolutionnaire Auguste Blanqui qui
a été arrêté la veille du déclenchement de l'insurrection de la Commune. Ils sont
partisans d'une dictature temporaire pour changer radicalement la société
avant de rendre le pouvoir au peuple. Ils sont très virulents contre l'Eglise.
Ils sont donc divisés mais cela ne les empêche
pas de prendre ensemble des décrets. Dès le 29 mars, cette Commune nouvellement élue commence
à prendre des décrets : La conscription est abolie mais tous les citoyens valides sont
obligés de rejoindre la garde nationale qui est la seule force armée autorisée dans la
capitale. Tous les arriérés de loyers accumulés depuis le début de la guerre sont annulés.
Dans la déclaration au peuple français le 19 avril 1871, les membres de la Commune parviennent à se
mettre d'accord sur une espèce de programme politique votée à l'unanimité moins une voix.
Dans cette dernière, la Commune commence par demander la reconnaissance de la
république comme la seule forme de gouvernement possible pour la France.
Elle réclame l'autonomie de la Commune en matière de sécurité, d'administration,
d'économie et d'éducation. Une autonomie qui doit être étendue à
toutes les localités de France qui seraient ensuite liées par une espèce de fédération.
Le document demande aussi la possibilité d'intervention constante des citoyens
dans les affaires communales par le vote, la proclamation de la liberté de conscience et la
suppression de la police et de l'armée, remplacés par la seule garde nationale.
Pour être clair cette déclaration, c'est surtout un outil de propagande
à destination du reste du pays. Le but pour la Commune est notamment de rassurer les gens,
notamment parce qu'on les a accusés de vouloir établir une dictature sur le reste de la France.
La Commune affirme donc qu'elle souhaite seulement défendre la République ainsi que les libertés
municipales. C'est pour ça qu'un des slogans régulièrement répété est “Paris ville libre”.
Cette volonté de défendre l'autonomie communale permet aussi de rejeter l'autorité de l'Assemblée
de Versailles élue essentiellement par la France paysanne, vue comme massivement illettrée et
manipulée par les prêtres et les nobles. On peut lire dans “Le Cri du peuple” du 24 mars
1871 : “Paris sera toujours fatalement écrasé par l'ignorance, la brutale puissance du nombre ! Les
coups d'Etats à coups de scrutin ! Depuis que Paris pense, Paris a toujours réprouvé,
combattu ses gouvernements. Paris les a 3 fois en cinquante ans, chassés de ses murs et trois
fois le suffrage des paysans les a, sous un autre manteau, ramenés dans la cité ennemie.”
Le 2 avril 1871, les combats commencent entre l'armée versaillaise et la garde
nationale communarde, à partir de là, la Commune est menacée et ses possibilités de
réforme et d'action seront limitées par la guerre qui se fait toujours plus menaçante.
Mais la Commune a pu mettre en place un certain nombre de mesures pendant le temps qu'elle a duré.
Par exemple, elle a voté la séparation de l'Eglise et de l'Etat, a rendu l'école obligatoire, laïque
et gratuite pour les filles et les garçons. La laïcisation des tribunaux, des écoles,
des hôpitaux, a parfois fait face à des résistances de la population dans certains
quartiers, alors que dans d'autres, des églises ont été transformées en clubs
politiques, et sont parfois même vandalisées. On met aussi en place un décret pour récupérer
les fabriques abandonnées par leur propriétaire pour les confier à des coopératives d'ouvriers.
La Commune récupère l'héritage des Révolutions précédentes. Elle arbore
le drapeau rouge et rejette le drapeau tricolore qui représente les républicains
modérés détestés du gouvernement de défense nationale qui a abandonné Paris à l'ennemi.
On adopte de nouveau le calendrier républicain de 1793 ce qui les place
en l'an 79 de la république et on remplace les monsieur/madame par citoyen/ citoyenne.
Les citoyennes justement, comment ça se passe du
côté des femmes sous la Commune ? Eh bien si au niveau du vote il
n'y a pas d'avancements ni de véritables revendications, les femmes n'en sont pas
moins politiquement très actives. Notamment dans les clubs mais aussi dans la presse.
André Léo par exemple, écrit pour les journaux La Sociale,
La Commune mais aussi le Cri du peuple. Elle participe activement à la Commune mais n'hésite
pas non plus à la critiquer comme quand elle fait progressivement interdire des journaux
pro versaillais, à mesure que la situation militaire se dégrade. On peut aussi citer
Louise Michel qui s'implique directement sur le front à la fois comme ambulancière,
mais qui ira aussi jusqu'à combattre elle-même les armées versaillaises sur les barricades.
Et je ne vais pas m'étendre sur Louise Michel parce que figurez-vous que je
vais y consacrer un épisode entier un de ces 4,
il est déjà écrit, faut juste que je trouve le temps de caler tout ça !
Créée à la suite d'un appel de citoyennes dans le journal de la Commune, l'union des femmes
est la principale organisation de femmes de la Commune dont elle bénéficie du soutien
officiel. Elle crée des comités dans tous les arrondissements et a pour principale activité
l'organisation du travail des femmes dans la capitale : recrutement d'enseignantes pour les
écoles de filles, recrutement de cantinières, organisation du soin aux blessés mais aussi
création de coopératives ouvrières féminines, notamment pour la confection d'uniformes.
Du côté des mesures concrètes pour les femmes, on note quand même que l'égalité des salaires
entre les enseignants et les enseignantes est décrétée. Bon oui ça ne concerne que cette
profession, mais c'est toujours ça de pris ! Et puis après le début des combats contre Versailles,
la Commune alloue une pension aux femmes et aux enfants des gardes nationaux morts au combat. Rien
d'exceptionnel me direz vous sauf que la mesure concerne aussi les femmes en union libre et les
enfants illégitimes. Dans une France encore très catholique, forcément ça fait jazzer !
Évidemment il y a aussi des femmes qui agissent en opposition à la Commune, comme les nonnes
qui résistent à la fouille de leurs couvent, des femmes qui positionnent ou manifestent
quand leur prêtre est emprisonné, d'autres qui participent à des clubs catholiques...
Côté culturel, il y a la création d'une fédération des artistes, espèce de gouvernement
des arts par les artistes, sous l'impulsion du peintre Gustave Courbet, également élu à
la Commune. Cette fédération prône la liberté totale des artistes vis-à-vis du pouvoir,
certains de ses membres iront jusqu'à proposer de supprimer les aides de l'État et les institutions