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Un Fou

Un Fou

Il était mort chef d'un haut tribunal, magistrat intègre dont la vie irréprochable était citée dans toutes les cours de France. Les avocats, les jeunes conseillers, les juges saluaient en s'inclinant très bas, par marque d'un profond respect, sa grande figure blanche et maigre qu'éclairaient deux yeux brillants et profonds. Il avait passé sa vie à poursuivre le crime et à protéger les faibles. Les escrocs et les meurtriers n'avaient point eu d'ennemi plus redoutable, car il semblait lire, au fond de leurs âmes, leurs pensées secrètes, et démêler, d'un coup d'oeil, tous les mystères de leurs intentions. Il était donc mort, à l'âge de quatre−vingt−deux ans, entouré d'hommages et poursuivi par les regrets de tout un peuple. Des soldats en culotte rouge l'avaient escorté jusqu'à sa tombe, et des hommes en cravate blanche avaient répandu sur son cercueil des paroles désolées et des larmes qui semblaient vraies. Or, voici l'étrange papier que le notaire, éperdu, découvrit dans le secrétaire où il avait coutume de serrer les dossiers des grands criminels. Cela portait pour titre : POURQUOI ?

20 juin 1851. — Je sors de la séance. J'ai fait condamner Blondel à mort ! Pourquoi donc cet homme avait-il tué ses cinq enfants ? Pourquoi ? Souvent, on rencontre de ces gens chez qui détruire la vie est une volupté. Oui, oui, ce doit être une volupté, la plus grande de toutes peut-être ; car tuer n'est-il pas ce qui ressemble le plus à créer ? Faire et détruire ! Ces deux mots enferment l'histoire des univers, toute l'histoire des mondes, tout ce qui est, tout ! Pourquoi est-ce enivrant de tuer ?

25 Juin. — Songer qu'un être est là qui vit, qui marche, qui court... Un être ? Qu'est-ce qu'un être ? Cette chose animée, qui porte en elle le principe du mouvement et une volonté réglant ce mouvement ! Elle ne tient à rien, cette chose. Ses pieds ne communiquent pas au sol. C'est un grain de vie qui remue sur la terre ; et ce grain de vie, venu je ne sais d'où, on peut le détruire comme on veut. Alors rien, plus rien. Ça pourrit, c'est fini. 26 juin .— Pourquoi donc est-ce un crime de tuer ? oui, pourquoi ? C'est, au contraire, la loi de la nature. Tout être a pour mission de tuer : il tue pour vivre et il tue pour tuer. — Tuer est dans notre tempérament ; il faut tuer ! La bête tue sans cesse , tout le jour , à tout instant de son existence. — L'homme tue sans cesse pour se nourrir, mais comme il a besoin de tuer aussi, par volupté, il a inventé la chasse ! L'enfant tue les insectes qu'il trouve, les petits oiseaux, tous les petits animaux qui lui tombent sous la main. Mais cela ne suffisait pas à l'irrésistible besoin de massacre qui est en nous. Ce n'est point assez de tuer la bête ; nous avons besoin aussi de tuer l'homme. Autrefois, on satisfaisait ce besoin par des sacrifices humains. Aujourd'hui, la nécessité de vivre en société a fait du meurtre un crime. On condamne et on punit l'assassin ! Mais comme nous ne pouvons vivre sans nous livrer à cet instinct naturel et impérieux de mort, nous nous soulageons, de temps en temps, par des guerres où un peuple entier égorge un autre peuple. C'est alors une débauche de sang, une débauche où s'affolent les armées et dont se grisent encore les bourgeois, les femmes et les enfants qui lisent, le soir, sous la lampe, le récit exalté des massacres. Et on pourrait croire qu'on méprise ceux destinés à accomplir ces boucheries d'hommes ! Non. On les accable d'honneurs ! On les habille avec de l'or et des draps éclatants ; ils portent des plumes sur la tête, des ornements sur la poitrine ; et on leur donne des croix, des récompenses, des titres de toute nature. Ils sont fiers, respectés, aimés des femmes, acclamés par la foule, uniquement parce qu'ils ont pour mission de répandre le sang humain ! Ils traînent par les rues leurs instruments de mort que le passant vêtu de noir regarde avec envie. Car tuer est la grande loi jetée par la nature au coeur de l'être ! Il n'est rien de plus beau et de plus honorable que de tuer ! 30 juin. — Tuer est la loi ; parce que la nature aime l'éternelle jeunesse. Elle semble crier par tous ses actes inconscients : «Vite ! vite ! vite !» Plus elle détruit, plus elle se renouvelle.

2 juillet .— L'être — qu'est-ce que l'être ? Tout et rien. Par la pensée, il est le reflet de tout. Par la mémoire et la science, il est un abrégé du monde, dont il porte l'histoire en lui. Miroir des choses et miroir des faits, chaque être humain devient un petit univers dans l'univers ! Mais voyagez ; regardez grouiller les races, et l'homme n'est plus rien ! plus rien, rien ! Montez en barque, éloignez-vous du rivage couvert de foule, et vous n'apercevez bientôt plus rien que la côte. L'être imperceptible disparaît, tant il est petit, insignifiant. Traversez l'Europe dans un train rapide, et regardez par la portière. Des hommes, des hommes, toujours des hommes, innombrables, inconnus, qui grouillent dans les champs, qui grouillent dans les rues ; des paysans stupides sachant tout juste retourner la terre ; des femmes hideuses sachant tout juste faire la soupe du mâle et enfanter. Allez aux Indes, allez en Chine, et vous verrez encore s'agiter des milliards d'êtres qui naissent, vivent et meurent sans laisser plus de trace que la fourmi écrasée sur les routes. Allez aux pays des noirs, gîtés en des cases de boue ; aux pays des Arabes blancs, abrités sous une toile brune qui flotte au vent, et vous comprendrez que l'être isolé, déterminé, n'est rien, rien. La race est tout ? Qu'est−ce que l'être, l'être quelconque d'une tribu errante du désert ? Et ces gens, qui sont des sages, ne s'inquiètent pas de la mort. L'homme ne compte point chez eux. On tue son ennemi : c'est la guerre. Cela se faisait ainsi jadis, de manoir à manoir, de province à province. Oui, traversez le monde et regardez grouiller les humains innombrables et inconnus. Inconnus ? Ah ! voilà le mot du problème ! Tuer est un crime parce que nous avons numéroté les êtres ! Quand ils naissent, on les inscrit, on les nomme, on les baptise. La loi les prend ! Voilà ! L'être qui n'est point enregistré ne compte pas : tuez−le dans la lande ou dans le désert, tuez−le dans la montagne ou dans la plaine, qu'importe ! La nature aime la mort ; elle ne punit pas, elle ! Ce qui est sacré, par exemple, c'est l'état civil. Voilà ! C'est lui qui défend l'homme. L'être est sacré parce qu'il est inscrit à l'état civil ! Respect à l'état civil, le Dieu légal. A genoux ! L'État peut tuer, lui, parce qu'il a le droit de modifier l'état civil. Quand il a fait égorger deux cent mille hommes dans une guerre, il les raye sur son état civil, il les supprime par la main de ses greffiers. C'est fini. Mais nous, qui ne pouvons point changer les écritures des mairies, nous devons respecter la vie. État civil, glorieuse Divinité qui règnes dans les temples des municipalités, je te salue. Tu es plus fort que la Nature. Ah ! ah !

3 juillet. — Ce doit être un étrange et savoureux plaisir que de tuer, d'avoir là, devant soi, l'être vivant, pensant ; de faire dedans un petit trou, rien qu'un petit trou, de voir couler cette chose rouge qui est le sang, qui fait la vie, et de n'avoir plus, devant soi, qu'un tas de chair molle, froide, inerte, vide de pensée ! 5 août .— Moi qui ai passé mon existence à juger, à condamner, à tuer par des paroles prononcées, à tuer par la guillotine ceux qui avaient tué par le couteau, moi ! moi ! si je faisais comme tous les assassins que j'ai frappés, moi ! moi ! qui le saurait ?

10 août .— Qui le saurait jamais ? Me soupçonnerait−on, moi, moi, surtout si je choisis un être que je n'ai aucun intérêt à supprimer ? 15 août .— La tentation ! La tentation, elle est entrée en moi comme un ver qui rampe. Elle rampe, elle va ; elle se promène dans mon corps entier, dans mon esprit, qui ne pense plus qu'à ceci : tuer ; dans mes yeux, qui ont besoin de regarder du sang, de voir mourir ; dans mes oreilles, où passe sans cesse quelque chose d'inconnu, d'horrible, de déchirant et d'affolant, comme le dernier cri d'un être ; dans mes jambes, où frissonne le désir d'aller, d'aller à l'endroit où la chose aura lieu ; dans mes mains, qui frémissent du besoin de tuer. Comme cela doit être bon, rare, digne d'un homme libre, au−dessus des autres, maître de son coeur et qui cherche des sensations raffinées ! 22 août. — Je ne pouvais plus résister. J'ai tué une petite bête pour essayer, pour commencer. Jean, mon domestique, avait un chardonneret dans une cage suspendue à la fenêtre de l'office. Je l'ai envoyé faire une course, et j'ai pris le petit oiseau dans ma main, dans ma main où je sentais battre son coeur. Il avait chaud. Je suis monté dans ma chambre. De temps en temps, je le serrais plus fort ; son coeur battait plus vite ; c'était atroce et délicieux. J'ai failli l'étouffer. Mais je n'aurais pas vu le sang. Alors j'ai pris des ciseaux, de courts ciseaux à ongles, et je lui ai coupé la gorge en trois coups, tout doucement. Il ouvrait le bec, il s'efforçait de m'échapper, mais je le tenais, oh ! je le tenais ; j'aurais tenu un dogue enragé et j'ai vu le sang couler. Comme c'est beau, rouge, luisant, clair, du sang ! J'avais envie de le boire. J'y ai trempé le bout de ma langue ! C'est bon. Mais il en avait si peu, ce pauvre petit oiseau ! Je n'ai pas eu le temps de jouir de cette vue comme j'aurais voulu. Ce doit être superbe de voir saigner un taureau. Et puis j'ai fait comme les assassins, comme les vrais. J'ai lavé les ciseaux, je me suis lavé les mains, j'ai jeté l'eau et j'ai porté le corps, le cadavre, dans le jardin pour l'enterrer. Je l'ai enfoui sous un fraisier. On ne le trouvera jamais. Je mangerai tous les jours une fraise à cette plante. Vraiment, comme on peut jouir de la vie, quand on sait ! Mon domestique a pleuré ; il croit son oiseau parti. Comment me soupçonnerait−il ! Ah ! ah !

25 août .— Il faut que je tue un homme ! Il le faut.

30 août. — C'est fait. Comme c'est peu de chose ! J'étais allé me promener dans le bois de Vernes. Je ne pensais à rien, non, à rien. Voilà un enfant dans le chemin, un petit garçon qui mangeait une tartine de beurre. Il s'arrête pour me voir passer et dit : «Bonjour, m'sieu le président.» Et la pensée m'entre dans la tête : «Si je le tuais ?» Je réponds :— Tu es tout seul, mon garçon ? — Oui, M'sieu. — Tout seul dans le bois ? — Oui, M'sieu. L'envie de le tuer me grisait comme de l'alcool. Je m'approchai tout doucement, persuadé qu'il allait s'enfuir. Et voilà que je le saisis à la gorge... Je le serre, je le serre de toute ma force ! Il m'a regardé avec des yeux effrayants ! Quels yeux ! Tout ronds, profonds, limpides, terribles ! Je n'ai jamais éprouvé une émotion si brutale... mais si courte ! Il tenait mes poignets dans ses petites mains, et son corps se tordait ainsi qu'une plume sur le feu. Puis il n'a plus remué. Mon coeur battait, ah ! le coeur de l'oiseau ! J'ai jeté le corps dans le fossé, puis de l'herbe par−dessus. Je suis rentré, j'ai bien dîné. Comme c'est peu de chose ! Le soir, j'étais très gai, léger, rajeuni, j'ai passé la soirée chez le préfet. On m'a trouvé spirituel. Mais je n'ai pas vu le sang ! Je suis tranquille.

30 août. — On a découvert le cadavre. On cherche l'assassin. Ah ! ah !

1er septembre.— On a arrêté deux rôdeurs. Les preuves manquent.

2 septembre. — Les parents sont venus me voir. Ils ont pleuré ! Ah ! ah !

6 octobre. — On n'a rien découvert. Quelque vagabond errant aura fait le coup. Ah ! ah !

Si j'avais vu le sang couler, il me semble que je serais tranquille à présent ! 10 octobre. — L'envie de tuer me court dans les moelles. Cela est comparable aux rages d'amour qui vous torturent à vingt ans. 20 octobre .— Encore un. J'allais le long du fleuve, après déjeuner. Et j'aperçus, sous un saule, un pêcheur endormi. Il était midi. Une bêche semblait, tout exprès, plantée dans un champ de pommes de terre voisin. Je la pris, je revins ; je la levai comme une massue et, d'un seul coup, par le tranchant, je fendis la tête du pêcheur. Oh ! il a saigné, celui−là ! Du sang rose, plein de cervelle ! Cela coulait dans l'eau, tout doucement. Et je suis parti d'un pas grave. Si on m'avait vu ! Ah ! ah !

j'aurais fait un excellent assassin. 25 octobre. — L'affaire du pêcheur soulève un grand bruit. On accuse du meurtre son neveu, qui pêchait avec lui.

26 octobre. — Le juge d'instruction affirme que le neveu est coupable. Tout le monde le croit par la ville. Ah ! ah !

27 octobre. — Le neveu se défend bien mal. Il était parti au village acheter du pain et du fromage, affirme−t−il. Il jure qu'on a tué son oncle pendant son absence ! Qui le croirait ?

28 octobre. — Le neveu a failli avouer, tant on lui fait perdre la tête ! Ah ! ah !

La justice !

15 novembre. — On a des preuves accablantes contre le neveu, qui devait hériter de son oncle. Je présiderai les assises.

15 janvier .— À mort ! à mort ! à mort ! Je l'ai fait condamner à mort ! Ah ! ah !

L'avocat général a parlé comme un ange ! Ah ! ah !

Encore un. J'irai le voir exécuter ! 10 mars. — C'est fini. On l'a guillotiné ce matin. Il est très bien mort ! très bien ! Cela m'a fait plaisir ! Comme c'est beau de voir trancher la tête d'un homme ! Le sang a jailli comme un flot, comme un flot ! Oh ! si j'avais pu, j'aurais voulu me baigner dedans. Quelle ivresse de me coucher là−dessous, de recevoir cela dans mes cheveux et sur mon visage, et de me relever tout rouge, tout rouge ! Ah ! si on savait ! Maintenant j'attendrai, je puis attendre. Il faudrait si peu de chose pour me laisser surprendre.

Le manuscrit contenait encore beaucoup de pages, mais sans relater aucun crime nouveau. Les médecins aliénistes à qui on l'a confié, affirment qu'il existe dans le monde beaucoup de fous ignorés, aussi adroits et aussi redoutables que ce monstrueux dément.

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Un Fou |A Madman Ein Narr A Fool Un tonto Een dwaas Um tolo Дурак 一个疯狂的人

Il était mort chef d'un haut tribunal, magistrat intègre dont la vie irréprochable était citée dans toutes les cours de France. ||مات||||محكمة|قاضي|نزيه|الذي|||لا تشوبها ش||مذكورة||||المحاكم|| |||chief||high||magistrate|integral||||irreproachable||cited|||||| He had died the head of a high court, a magistrate of integrity whose irreproachable life was cited in all the courts of France. Había muerto el jefe de un alto tribunal, un magistrado íntegro cuya vida irreprochable era citada en todos los tribunales de Francia. Он умер главой высшего суда, неподкупным судьей, чья безупречная жизнь была отмечена во всех судах Франции. Les avocats, les jeunes conseillers, les juges saluaient en s'inclinant très bas, par marque d'un profond respect, sa grande figure blanche et maigre qu'éclairaient deux yeux brillants et profonds. |||||de||||zich buigend||||||||||||||||||| |lawyers|||counselors||judges|||||||||||||||||that illuminated||||| ||||المستشارين|||يحيّون||ينحني||||علامة||عميق||||||||||||| Lawyers, young councillors and judges bowed low in deep respect to his tall, lean, white face, lit by two deep, brilliant eyes. De advocaten, de jonge raadslieden, de rechters begroetten door zich diep te buigen, als blijk van diep respect, zijn grote, witte en magere figuur die werd verlicht door twee heldere en diepe ogen. Адвокаты, молодые советники и судьи низко кланялись в знак глубокого уважения его высокому, худому, белому лицу, освещенному двумя блестящими, глубоко посаженными глазами. Il avait passé sa vie à poursuivre le crime et à protéger les faibles. |||||||||||||zwakken Hij had zijn leven doorgebracht met het vervolgen van misdaad en het beschermen van de zwakken. Он всю жизнь преследовал преступников и защищал слабых. Les escrocs et les meurtriers n'avaient point eu d'ennemi plus redoutable, car il semblait lire, au fond de leurs âmes, leurs pensées secrètes, et démêler, d'un coup d'oeil, tous les mystères de leurs intentions. |мошенники|||||||врага||||||||||||||||разобрать||||||||| |crooks|||murderers||||||||||||||||||||||||||||| De|de oplichters|||||||||vreesaanjagend|||het leek|||||||||||ontdekken||||||||| De oplichters en de moordenaars hadden geen gevaarlijker vijand, want het leek alsof hij in de diepte van hun zielen hun geheime gedachten kon lezen en, met één blik, alle mysteriën van hun bedoelingen kon ontrafelen. У мошенников и убийц никогда не было более грозного врага, ведь он, казалось, читал их тайные мысли в глубине души и с первого взгляда разгадывал все тайны их замыслов. Il était donc mort, à l'âge de quatre−vingt−deux ans, entouré d'hommages et poursuivi par les regrets de tout un peuple. ||||||||||||of tributes||||||||| Des soldats en culotte rouge l'avaient escorté jusqu'à sa tombe, et des hommes en cravate blanche avaient répandu sur son cercueil des paroles désolées et des larmes qui semblaient vraies. |||breeches|red||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||verstrooid|||kist||||||||leken| Soldados con calzones rojos le habían escoltado hasta su tumba, y hombres con corbata blanca habían rociado su ataúd con palabras desoladas y lágrimas que parecían reales. Or, voici l'étrange papier que le notaire, éperdu, découvrit dans le secrétaire où il avait coutume de serrer les dossiers des grands criminels. |||||||встревоженный||||||||||||||| |||paper|that|||||||||||||||||| |hier||||||||||||||gebruikelijk||||||| Now, here's the strange paper that the distraught notary discovered in the secretary where he usually kept the files of major criminals. Of, hier is het vreemde papier dat de notaris, ontredderd, ontdekte in het bureau waar hij gewend was de dossiers van de grote criminelen op te bergen. Именно эту странную бумагу смятенный нотариус обнаружил в секретере, где обычно хранил досье на крупных преступников. Cela portait pour titre : POURQUOI ? |bore||| Het droeg de titel: WAAROM?

20 juin 1851. 20 juni 1851. — Je sors de la séance. J'ai fait condamner Blondel à mort ! |||Blondel|| ¡Hice que condenaran a muerte a Blondel! Я приговорил Блонделя к смерти! Pourquoi donc cet homme avait-il tué ses cinq enfants ? Почему этот человек убил своих пятерых детей? Pourquoi ? Souvent, on rencontre de ces gens chez qui détruire la vie est une volupté. |||||||||||||удовольствие |||||||||||||volupt Vaak||||||||het leven vernietigen|||||genot We often meet people for whom destroying life is a pleasure. A menudo te encuentras con personas para las que destruir la vida es un placer. Vaak komen we mensen tegen voor wie het vernietigen van het leven een genot is. Вы часто встречаете людей, для которых разрушение жизни - это удовольствие. Oui, oui, ce doit être une volupté, la plus grande de toutes peut-être ; car tuer n'est-il pas ce qui ressemble le plus à créer ? ||||||восторг||||||||||||||||||| ||||||||||||||want||||||||||| Sí, sí, debe ser un placer, el mayor de todos quizás; porque, ¿no es matar lo más parecido a crear? Ja, ja, het moet wel een genot zijn, misschien wel het grootste van allemaal; want is doden niet het meest gelijkend op creëren? Да, да, это должно быть удовольствие, возможно, величайшее из всех; ведь разве убийство - не самое близкое к творчеству занятие? Faire et détruire ! ¡Hacer y destruir! Scheppen en vernietigen! Ces deux mots enferment l'histoire des univers, toute l'histoire des mondes, tout ce qui est, tout ! |||enclose|||||||||||| В этих двух словах заключена история вселенных, вся история миров, все, что есть, все! Pourquoi est-ce enivrant de tuer ? |||опьяняющее|| |||intoxicating|to|kill Waarom|||verleidelijk|| ¿Por qué matar es embriagador? Waarom is het bedwelmend om te doden? Почему убийство опьяняет?

25 Juin. 25 juni. — Songer qu'un être est là qui vit, qui marche, qui court... Un être ? Ponder|||||||||||| wezens|||||||||||| - Pensar que un ser está ahí, viviendo, caminando, corriendo... ¿Un ser? — Denken dat er een wezen is dat leeft, dat loopt, dat rent... Een wezen? - Думать, что существует существо, живущее, ходящее, бегающее... Существо? Qu'est-ce qu'un être ? ¿Qué es un ser? Wat is een wezen? Что такое существо? Cette chose animée, qui porte en elle le principe du mouvement et une volonté réglant ce mouvement ! Deze|dingen|levend|||||||||||wil||| ¡Esta cosa animada, que lleva en sí el principio del movimiento y una voluntad de regular ese movimiento! Dit levende ding, dat in zich het principe van beweging en een wil die deze beweging regelt, draagt! Эта одушевленная вещь, которая несет в себе принцип движения и волю к регулированию этого движения! Elle ne tient à rien, cette chose. zij|||||| Esta cosa no se sostiene por sí misma. Ze hecht aan niets, dit ding. Эта штука не стоит на ногах. Ses pieds ne communiquent pas au sol. Sus pies no se comunican con el suelo. Haar voeten communiceren niet met de grond. Его ноги не сообщаются с землей. C'est un grain de vie qui remue sur la terre ; et ce grain de vie, venu je ne sais d'où, on peut le détruire comme on veut. ||||||bouge|||||||||||||||||||| Het is||||||beweegt|||||||||||||||||||| Es un grano de vida que se agita en la tierra; y este grano de vida, procedente de quién sabe dónde, puede ser destruido a su antojo. Het is een korrel leven die op de aarde beweegt; en deze korrel leven, die ik niet weet waar vandaan komt, kan je vernietigen zoals je wilt. Это зерно жизни, которое будоражит землю; и это зерно жизни, пришедшее неизвестно откуда, может быть уничтожено по вашему желанию. Alors rien, plus rien. Entonces nada, nada más. Ça pourrit, c'est fini. |se dégrade|| |vergaat|| Все прогнило, все кончено. 26 juin .— Pourquoi donc est-ce un crime de tuer ? 26 de junio - ¿Por qué es delito matar? 26 июня - Почему убивать - это преступление? oui, pourquoi ? C'est, au contraire, la loi de la nature. Tout être a pour mission de tuer : il tue pour vivre et il tue pour tuer. — Tuer est dans notre tempérament ; il faut tuer ! ||||temper||| La bête tue sans cesse , tout le jour , à tout instant de son existence. |beest|||zonder ophouden||||||||| La bestia mata sin cesar, todo el día, cada momento de su existencia. Зверь убивает непрерывно, весь день, каждый миг своего существования. — L'homme tue sans cesse pour se nourrir, mais comme il a besoin de tuer aussi, par volupté, il a inventé la chasse ! ||||||||||||||||восторг||||| ||||||||||||||||plaisir intense||||| - Человек постоянно убивает, чтобы прокормить себя, но поскольку ему нужно убивать и для удовольствия, он изобрел охоту! L'enfant tue les insectes qu'il trouve, les petits oiseaux, tous les petits animaux qui lui tombent sous la main. Ребенок убивает насекомых, которых находит, птичек, всех зверушек, которые попадаются ему под руку. Mais cela ne suffisait pas à l'irrésistible besoin de massacre qui est en nous. Maar||||||onweerstaanbare||||||| Maar dat was niet genoeg voor de onweerstaanbare behoefte aan slachting die in ons zit. Ce n'est point assez de tuer la bête ; nous avons besoin aussi de tuer l'homme. No basta con matar a la bestia; también hay que matar al hombre. Het is niet genoeg om het beest te doden; we moeten ook de mens doden. Недостаточно убить зверя, нужно убить человека. Autrefois, on satisfaisait ce besoin par des sacrifices humains. En el pasado, esta necesidad se satisfacía con sacrificios humanos. Vroeger bevredigde men deze behoefte met mensenoffers. Aujourd'hui, la nécessité de vivre en société a fait du meurtre un crime. Hoy en día, la necesidad de vivir en sociedad ha convertido el asesinato en un delito. Сегодня необходимость жить в обществе превратила убийство в преступление. On condamne et on punit l'assassin ! ¡El asesino es condenado y castigado! Mais comme nous ne pouvons vivre sans nous livrer à cet instinct naturel et impérieux de mort, nous nous soulageons, de temps en temps, par des guerres où un peuple entier égorge un autre peuple. Maar|||||||||||||||||||verlichten ons||||||||||||||| Pero como no podemos vivir sin satisfacer este instinto natural e imperioso de morir, nos aliviamos de vez en cuando librando guerras en las que todo un pueblo degüella a otro pueblo. Maar aangezien we niet kunnen leven zonder ons over te geven aan deze natuurlijke en dwingende doodsdrang, verlichten we ons, af en toe, door oorlogen waarin een hele bevolking een andere bevolking afslacht. Но поскольку мы не можем жить, не потакая этому естественному и непреодолимому инстинкту смерти, мы время от времени облегчаем себе жизнь, развязывая войны, в которых целый народ перерезает глотки другому народу. C'est alors une débauche de sang, une débauche où s'affolent les armées et dont se grisent encore les bourgeois, les femmes et les enfants qui lisent, le soir, sous la lampe, le récit exalté des massacres. |||debauch||||||go wild||||||||||||||||||||||||exalted|| |||verspilling|||||||||||||||||||||||||||||||| Es un libertinaje de sangre, un libertinaje en el que los ejércitos entran en pánico y la burguesía, las mujeres y los niños que leen los relatos exaltados de las masacres bajo la lámpara de la noche, aún se deleitan en él. Het is dan een uitspatting van bloed, een uitspatting waarin de legers zich laten gaan en waarvan de bourgeois, de vrouwen en de kinderen die 's avonds onder de lamp het verheven verslag van de slachtingen lezen, nog steeds in de ban zijn. Это разврат крови, разврат, в котором паникуют армии, а буржуазия, женщины и дети, читающие вечером под лампой возвышенные отчеты о резне, все еще упиваются этим. Et on pourrait croire qu'on méprise ceux destinés à accomplir ces boucheries d'hommes ! ¡Y uno pensaría que despreciamos a los destinados a llevar a cabo esta carnicería de hombres! En men zou kunnen denken dat we degenen verachten die bestemd zijn om deze slachtingen van mensen uit te voeren! И можно подумать, что мы смотрим свысока на тех, кому суждено вершить эту кровавую расправу над людьми! Non. On les accable d'honneurs ! ¡Les colmamos de honores! On les habille avec de l'or et des draps éclatants ; ils portent des plumes sur la tête, des ornements sur la poitrine ; et on leur donne des croix, des récompenses, des titres de toute nature. Их одевают в золото и яркие простыни, они носят перья на голове и украшения на груди, им вручают кресты, награды и всевозможные титулы. Ils sont fiers, respectés, aimés des femmes, acclamés par la foule, uniquement parce qu'ils ont pour mission de répandre le sang humain ! ||||||||||||||||||spread||| Son orgullosos, respetados, amados por las mujeres y vitoreados por las multitudes, ¡simplemente porque su misión es derramar sangre humana! Ими гордятся, их уважают, их любят женщины, за них болеют толпы, просто потому что их миссия - проливать человеческую кровь! Ils traînent par les rues leurs instruments de mort que le passant vêtu de noir regarde avec envie. Они тащат свои орудия смерти по улицам, за которыми с завистью наблюдают одетые в черное прохожие. Car tuer est la grande loi jetée par la nature au coeur de l'être ! ¡Porque matar es la gran ley que la naturaleza establece en el corazón mismo del ser! Потому что убивать - это великий закон, заложенный природой в самое сердце бытия! Il n'est rien de plus beau et de plus honorable que de tuer ! Нет ничего прекраснее и благороднее убийства! 30 juin. — Tuer est la loi ; parce que la nature aime l'éternelle jeunesse. - Убийство - закон, потому что природа любит вечную молодость. Elle semble crier par tous ses actes inconscients : «Vite ! Parece gritar a través de todas sus acciones inconscientes: "¡Rápido! Кажется, что она кричит сквозь все свои бессознательные действия: "Быстрее! vite ! vite !» Plus elle détruit, plus elle se renouvelle. rápidamente". Cuanto más destruye, más renueva. Чем больше он разрушает, тем больше обновляет.

2 juillet .— L'être — qu'est-ce que l'être ? 2 de julio - Ser: ¿qué es ser? 2 июля - Бытие - что такое бытие? Tout et rien. Par la pensée, il est le reflet de tout. Par la mémoire et la science, il est un abrégé du monde, dont il porte l'histoire en lui. |||||||||samenvatting|||||||| A través de la memoria y la ciencia, es un compendio del mundo, cuya historia lleva dentro. Через память и науку он сокращает мир, чью историю он несет в себе. Miroir des choses et miroir des faits, chaque être humain devient un petit univers dans l'univers ! Espejo de las cosas y espejo de los hechos, ¡cada ser humano se convierte en un pequeño universo dentro del universo! Зеркало вещей и зеркало фактов, каждый человек становится маленькой вселенной внутри вселенной! Mais voyagez ; regardez grouiller les races, et l'homme n'est plus rien ! |||кишить||расы||||| Pero viaja; mira cómo pululan las carreras, ¡y el hombre no es nada! Но путешествуйте; смотрите, как кишат гонки, а человек - ничто! plus rien, rien ! ¡Nada, nada! Montez en barque, éloignez-vous du rivage couvert de foule, et vous n'apercevez bientôt plus rien que la côte. ||||||берег|||||||||||| Súbase a una barca, aléjese de la abarrotada orilla y pronto no verá más que la costa. Сядьте в лодку, отойдите от людного берега, и вскоре вы не увидите ничего, кроме побережья. L'être imperceptible disparaît, tant il est petit, insignifiant. |||||||незначительный Неприметное существо исчезает, настолько оно мало и незначительно. Traversez l'Europe dans un train rapide, et regardez par la portière. Пересекайте|||||||||| Прокатитесь на скоростном поезде по Европе и выгляните из дверей. Des hommes, des hommes, toujours des hommes, innombrables, inconnus, qui grouillent dans les champs, qui grouillent dans les rues ; des paysans stupides sachant tout juste retourner la terre ; des femmes hideuses sachant tout juste faire la soupe du mâle et enfanter. ||||||||||кишит|||||||||||||||||||||||||||||| Hombres, hombres, siempre hombres, incontables, desconocidos, pululando por los campos, pululando por las calles; estúpidos campesinos sólo capaces de remover la tierra; horribles mujeres sólo capaces de hacer la sopa del macho y dar a luz. Мужчины, мужчины, всегда мужчины, бесчисленные, неизвестные, кишащие на полях, кишащие на улицах; глупые крестьяне, способные лишь ворочать землю; отвратительные женщины, способные лишь варить суп для мужчин и рожать детей. Allez aux Indes, allez en Chine, et vous verrez encore s'agiter des milliards d'êtres qui naissent, vivent et meurent sans laisser plus de trace que la fourmi écrasée sur les routes. Vaya a la India, vaya a China, y seguirá viendo miles de millones de personas que nacen, viven y mueren sin dejar más rastro que la hormiga aplastada en la carretera. Поезжайте в Индию, поезжайте в Китай, и вы все равно увидите миллиарды людей, которые рождаются, живут и умирают, не оставляя после себя никаких следов, кроме раздавленного на дороге муравья. Allez aux pays des noirs, gîtés en des cases de boue ; aux pays des Arabes blancs, abrités sous une toile brune qui flotte au vent, et vous comprendrez que l'être isolé, déterminé, n'est rien, rien. Ve a los países de los negros, acurrucados en chozas de barro; a los países de los árabes blancos, cobijados bajo una tela marrón que flota al viento, y comprenderás que el ser aislado y decidido no es nada, nada. Поезжайте в страны негров, ютящихся в глинобитных хижинах, в страны белых арабов, укрывшихся под коричневой тканью, развевающейся на ветру, и вы поймете, что изолированное, решительное существо - это ничто, пустое место. La race est tout ? ¿La raza lo es todo? Раса - это все? Qu'est−ce que l'être, l'être quelconque d'une tribu errante du désert ? ||||||||блуждающей|| ¿Qué es el ser, el ser ordinario de una tribu errante del desierto? Что такое бытие, обычное бытие бродячего пустынного племени? Et ces gens, qui sont des sages, ne s'inquiètent pas de la mort. И эти люди, которые мудры, не беспокоятся о смерти. L'homme ne compte point chez eux. Para ellos, el hombre no cuenta nada. On tue son ennemi : c'est la guerre. Matas a tu enemigo: eso es la guerra. Cela se faisait ainsi jadis, de manoir à manoir, de province à province. Así era antes, de casa solariega en casa solariega, de provincia en provincia. Так было раньше: от поместья к поместью, от провинции к провинции. Oui, traversez le monde et regardez grouiller les humains innombrables et inconnus. Sí, cruza el mundo y observa a los innumerables seres humanos desconocidos que pululan a tu alrededor. Да, пересеките весь мир и посмотрите, как вокруг вас копошатся бесчисленные неизвестные человеческие существа. Inconnus ? Ah ! voilà le mot du problème ! ¡de eso se trata! Tuer est un crime parce que nous avons numéroté les êtres ! Убийство - это преступление, потому что мы пронумеровали людей! Quand ils naissent, on les inscrit, on les nomme, on les baptise. Когда они рождаются, их регистрируют, называют и крестят. La loi les prend ! ¡La ley se los lleva! Voilà ! L'être qui n'est point enregistré ne compte pas : tuez−le dans la lande ou dans le désert, tuez−le dans la montagne ou dans la plaine, qu'importe ! ||||||||||||пустошь|||||||||||||| El ser que no está registrado no cuenta: mátalo en el páramo o en el desierto, mátalo en la montaña o en la llanura, ¡qué más da! Существо, которое не зарегистрировано, не считается: убейте его на болоте или в пустыне, убейте его в горах или на равнине, какая разница! La nature aime la mort ; elle ne punit pas, elle ! La naturaleza ama la muerte; ¡no castiga! Природа любит смерть, она не наказывает! Ce qui est sacré, par exemple, c'est l'état civil. Lo sagrado, por ejemplo, es el estado civil. Например, священным является гражданское состояние. Voilà ! ¡Eso es! C'est lui qui défend l'homme. Es él quien defiende al hombre. L'être est sacré parce qu'il est inscrit à l'état civil ! Существо священно, потому что оно зарегистрировано в книге актов гражданского состояния! Respect à l'état civil, le Dieu légal. Respeto del estado civil, el Dios legal. A genoux ! ¡De rodillas! L'État peut tuer, lui, parce qu'il a le droit de modifier l'état civil. El Estado puede matar, porque tiene derecho a cambiar el estado civil. Государство может убивать, потому что у него есть право изменять гражданский статус. Quand il a fait égorger deux cent mille hommes dans une guerre, il les raye sur son état civil, il les supprime par la main de ses greffiers. Когда на войне погибает двести тысяч человек, он вычеркивает их из своего гражданского реестра, вычеркивает руками своих клерков. C'est fini. Mais nous, qui ne pouvons point changer les écritures des mairies, nous devons respecter la vie. Но мы, которые не можем изменить сценарий ратуши, должны уважать жизнь. État civil, glorieuse Divinité qui règnes dans les temples des municipalités, je te salue. Estado Civil, gloriosa Divinidad que reinas en los templos de los municipios, te saludo. Гражданское государство, славное Божество, царящее в храмах муниципалитетов, я приветствую тебя. Tu es plus fort que la Nature. Ah ! ah !

3 juillet. — Ce doit être un étrange et savoureux plaisir que de tuer, d'avoir là, devant soi, l'être vivant, pensant ; de faire dedans un petit trou, rien qu'un petit trou, de voir couler cette chose rouge qui est le sang, qui fait la vie, et de n'avoir plus, devant soi, qu'un tas de chair molle, froide, inerte, vide de pensée ! - Debe de ser un placer extraño y delicioso matar, tener delante a un ser vivo, pensante; hacerle un agujerito, sólo un agujerito, ver salir esa cosa roja que es la sangre, que es la vida, ¡y no tener delante más que un montón de carne blanda, fría, inerte, vacía de pensamiento! - Должно быть, это странное и восхитительное удовольствие - убивать, когда перед тобой живое, мыслящее существо; проделать в нем маленькую дырочку, увидеть, как вытекает красное вещество - кровь, то есть жизнь, и чтобы перед тобой не осталось ничего, кроме груды мягкой, холодной, инертной плоти, лишенной мыслей! 5 août .— Moi qui ai passé mon existence à juger, à condamner, à tuer par des paroles prononcées, à tuer par la guillotine ceux qui avaient tué par le couteau, moi ! 5 de agosto - Yo, que me he pasado la vida juzgando, condenando, matando con palabras dichas, matando con la guillotina a los que habían matado con cuchillos, ¡yo! 5 августа - Я, который всю жизнь судил, осуждал, убивал сказанными словами, убивал гильотиной тех, кто убивал ножом, я! moi ! si je faisais comme tous les assassins que j'ai frappés, moi ! ¡si lo hiciera como todos los asesinos a los que he golpeado! если бы я поступил так же, как все убийцы, которых я победил! moi ! qui le saurait ? ¿quién lo sabría? кто бы мог знать?

10 août .— Qui le saurait jamais ? 10 августа - Кто бы мог подумать? Me soupçonnerait−on, moi, moi, surtout si je choisis un être que je n'ai aucun intérêt à supprimer ? ¿Sería yo mismo sospechoso, sobre todo si eligiera un ser que no tengo ningún interés en suprimir? Стал бы я сам себя подозревать, особенно если бы выбрал существо, которое не заинтересован подавлять? 15 août .— La tentation ! ||искушение La tentation, elle est entrée en moi comme un ver qui rampe. La tentación se me metió dentro como un gusano. Искушение вползло в меня, как червь. Elle rampe, elle va ; elle se promène dans mon corps entier, dans mon esprit, qui ne pense plus qu'à ceci : tuer ; dans mes yeux, qui ont besoin de regarder du sang, de voir mourir ; dans mes oreilles, où passe sans cesse quelque chose d'inconnu, d'horrible, de déchirant et d'affolant, comme le dernier cri d'un être ; dans mes jambes, où frissonne le désir d'aller, d'aller à l'endroit où la chose aura lieu ; dans mes mains, qui frémissent du besoin de tuer. |ползет|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Se arrastra, se va; se pasea por todo mi cuerpo, por mi mente, que no puede pensar en otra cosa que en matar; por mis ojos, que necesitan mirar la sangre, ver la muerte; por mis oídos, donde suena sin cesar algo desconocido, horrible, desgarrador y espantoso, como el último grito de un ser; por mis piernas, donde tiembla el deseo de ir, de ir al lugar donde tendrá lugar la cosa; por mis manos, que tiemblan por la necesidad de matar. Оно ползет, оно идет, оно бродит по всему моему телу, по моему разуму, который не может думать ни о чем, кроме убийства; по моим глазам, которым нужно смотреть на кровь, видеть смерть; по моим ушам, в которых постоянно звучит что-то неизвестное, ужасное, душераздирающее и пугающее, как последний крик существа; по моим ногам, в которых дрожит желание идти, идти туда, где это произойдет; по моим рукам, которые дрожат от необходимости убивать. Comme cela doit être bon, rare, digne d'un homme libre, au−dessus des autres, maître de son coeur et qui cherche des sensations raffinées ! ¡Qué bueno debe ser, qué raro, qué digno de un hombre libre, por encima de todos los demás, dueño de su corazón y buscador de sensaciones refinadas! Как хорошо это должно быть, как редко, как достойно свободного человека, превыше всех остальных, хозяина своего сердца и искателя изысканных ощущений! 22 août. — Je ne pouvais plus résister. - Я больше не мог сопротивляться. J'ai tué une petite bête pour essayer, pour commencer. Я убил маленького зверька, чтобы попытаться начать. Jean, mon domestique, avait un chardonneret dans une cage suspendue à la fenêtre de l'office. Jean, mi criada, tenía un jilguero en una jaula colgada de la ventana de la despensa. Жан, мой слуга, держал в клетке, висевшей на окне кладовки, золотого снегиря. Je l'ai envoyé faire une course, et j'ai pris le petit oiseau dans ma main, dans ma main où je sentais battre son coeur. Le envié a hacer un recado y cogí al pajarito en mi mano, en mi mano donde podía sentir latir su corazón. Я отправила его с поручением и взяла птичку в руку, в руку, где я чувствовала биение его сердца. Il avait chaud. Estaba caliente. Je suis monté dans ma chambre. Я поднялась в свою комнату. De temps en temps, je le serrais plus fort ; son coeur battait plus vite ; c'était atroce et délicieux. Время от времени я сжимала его сильнее, его сердце билось быстрее; это было мучительно и восхитительно. J'ai failli l'étouffer. Casi lo ahogo. Я чуть не задушил его. Mais je n'aurais pas vu le sang. Но я бы не увидел крови. Alors j'ai pris des ciseaux, de courts ciseaux à ongles, et je lui ai coupé la gorge en trois coups, tout doucement. Тогда я взял ножницы, короткие маникюрные ножницы, и тремя аккуратными движениями перерезал ему горло. Il ouvrait le bec, il s'efforçait de m'échapper, mais je le tenais, oh ! Abrió el pico e intentó escapar de mí, pero le sujeté, ¡oh! Он открыл клюв и попытался сбежать от меня, но я удержал его, о! je le tenais ; j'aurais tenu un dogue enragé et j'ai vu le sang couler. Lo sostuve; habría sostenido a un perro rabioso y vi correr la sangre. Я держал его, как держал бы бешеную собаку, и видел, как течет кровь. Comme c'est beau, rouge, luisant, clair, du sang ! Какой красивый, красный, блестящий, чистый, кровавый! J'avais envie de le boire. Quería bebérmelo. Я хотел выпить его. J'y ai trempé le bout de ma langue ! ¡Mojé la punta de mi lengua en él! Я обмакнул в него кончик языка! C'est bon. Mais il en avait si peu, ce pauvre petit oiseau ! ¡Pero el pobre pajarito tenía tan poco! Но у бедной птички было так мало! Je n'ai pas eu le temps de jouir de cette vue comme j'aurais voulu. No tuve tiempo de disfrutar de las vistas tanto como me hubiera gustado. У меня не было времени насладиться видом так, как хотелось бы. Ce doit être superbe de voir saigner un taureau. Должно быть, это великолепно - видеть, как бык истекает кровью. Et puis j'ai fait comme les assassins, comme les vrais. Y entonces hice lo que hacen los asesinos, como los de verdad. А потом я сделал то, что делают убийцы, как настоящие. J'ai lavé les ciseaux, je me suis lavé les mains, j'ai jeté l'eau et j'ai porté le corps, le cadavre, dans le jardin pour l'enterrer. Я вымыл ножницы, вымыл руки, вылил воду и отнес тело в сад, чтобы похоронить его. Je l'ai enfoui sous un fraisier. Lo enterré bajo una planta de fresas. Я закопал его под клубникой. On ne le trouvera jamais. Je mangerai tous les jours une fraise à cette plante. Я буду есть клубнику с этого растения каждый день. Vraiment, comme on peut jouir de la vie, quand on sait ! De verdad, ¡cómo podemos disfrutar de la vida cuando sabemos lo que hacemos! Действительно, как мы можем наслаждаться жизнью, когда знаем, что делаем! Mon domestique a pleuré ; il croit son oiseau parti. Мой слуга плачет; он думает, что его птица улетела. Comment me soupçonnerait−il ! ¡Cómo pudo sospechar de mí! Как он мог заподозрить меня! Ah ! ah !

25 août .— Il faut que je tue un homme ! 25 августа - Я должен убить человека! Il le faut. Tiene que serlo.

30 août. — C'est fait. - Ya lo hemos hecho. Comme c'est peu de chose ! ¡Qué poca cosa! Какая мелочь! J'étais allé me promener dans le bois de Vernes. Я отправился на прогулку в Вернский лес. Je ne pensais à rien, non, à rien. Я ни о чем не думал, нет, ни о чем. Voilà un enfant dans le chemin, un petit garçon qui mangeait une tartine de beurre. На дорожке стоял ребенок, маленький мальчик, который ел кусочек масла. Il s'arrête pour me voir passer et dit : «Bonjour, m'sieu le président.» Et la pensée m'entre dans la tête : «Si je le tuais ?» Je réponds :— Tu es tout seul, mon garçon ? Se detiene a verme pasar y me dice: "Buenos días, señor Presidente". Y el pensamiento entra en mi cabeza: "¿Y si le mato?". Le respondo: "¿Estás solo, muchacho? Он останавливается, чтобы посмотреть, как я прохожу, и говорит: "Здравствуйте, господин президент", и в моей голове возникает мысль: "А что, если я его убью?" Я отвечаю: "Ты сам по себе, мой мальчик? — Oui, M'sieu. — Tout seul dans le bois ? - Совсем один в лесу? — Oui, M'sieu. L'envie de le tuer me grisait comme de l'alcool. El deseo de matarlo me embriagaba como el alcohol. Желание убить его опьянило меня, как алкоголь. Je m'approchai tout doucement, persuadé qu'il allait s'enfuir. Me acerqué suavemente, convencido de que huiría. Я тихонько подошел, уверенный, что он убежит. Et voilà que je le saisis à la gorge... Je le serre, je le serre de toute ma force ! Y entonces lo agarro por el cuello... ¡Le aprieto, le aprieto con todas mis fuerzas! А потом я хватаю его за горло... Я сжимаю его, сжимаю со всей силой! Il m'a regardé avec des yeux effrayants ! Он смотрел на меня страшными глазами! Quels yeux ! Tout ronds, profonds, limpides, terribles ! Все кругом, глубоко, ясно, ужасно! Je n'ai jamais éprouvé une émotion si brutale... mais si courte ! Nunca había experimentado una emoción tan brutal... ¡pero duró tan poco! Я никогда не испытывала таких жестоких эмоций... но они были такими кратковременными! Il tenait mes poignets dans ses petites mains, et son corps se tordait ainsi qu'une plume sur le feu. Me sujetó las muñecas con sus pequeñas manos y su cuerpo se retorció como una pluma sobre el fuego. Он держал мои запястья в своих маленьких руках, а его тело извивалось, как перышко на огне. Puis il n'a plus remué. Entonces dejó de moverse. Затем он перестал двигаться. Mon coeur battait, ah ! le coeur de l'oiseau ! J'ai jeté le corps dans le fossé, puis de l'herbe par−dessus. Я бросил тело в канаву, а затем завалил его травой. Je suis rentré, j'ai bien dîné. Я вернулся домой и хорошо поужинал. Comme c'est peu de chose ! Какая мелочь! Le soir, j'étais très gai, léger, rajeuni, j'ai passé la soirée chez le préfet. Вечером, очень бодрая, легкая и помолодевшая, я провела вечер в доме префекта. On m'a trouvé spirituel. Mais je n'ai pas vu le sang ! Но я не видел крови! Je suis tranquille.

30 août. — On a découvert le cadavre. - Тело было обнаружено. On cherche l'assassin. Ah ! ah !

1er septembre.— On a arrêté deux rôdeurs. 1 сентября - арестованы двое бродяг. Les preuves manquent.

2 septembre. — Les parents sont venus me voir. - Родители пришли навестить меня. Ils ont pleuré ! Ah ! ah !

6 octobre. — On n'a rien découvert. - No se descubrió nada. - Ничего не было обнаружено. Quelque vagabond errant aura fait le coup. Algún vagabundo errante lo habrá hecho. Это мог сделать какой-нибудь бродяга. Ah ! ah !

Si j'avais vu le sang couler, il me semble que je serais tranquille à présent ! ¡Si hubiera visto la sangre, creo que ahora estaría a salvo! Если бы я увидел кровь, думаю, сейчас я был бы в безопасности! 10 octobre. — L'envie de tuer me court dans les moelles. - El impulso de matar corre por mis venas. - Желание убивать течет по моим венам. Cela est comparable aux rages d'amour qui vous torturent à vingt ans. Es comparable a las rabietas de amor que te torturan cuando tienes veinte años. Это можно сравнить с буйством любви, которая мучает тебя в двадцать лет. 20 octobre .— Encore un. 20 de octubre - Otro más. J'allais le long du fleuve, après déjeuner. Solía pasear junto al río después de comer. После обеда я обычно гулял вдоль реки. Et j'aperçus, sous un saule, un pêcheur endormi. Y bajo un sauce vi a un pescador dormido. А под ивой я увидел спящего рыбака. Il était midi. Une bêche semblait, tout exprès, plantée dans un champ de pommes de terre voisin. Una pala parecía haber sido plantada deliberadamente en un campo de patatas cercano. Лопата, казалось, была специально посажена на соседнем картофельном поле. Je la pris, je revins ; je la levai comme une massue et, d'un seul coup, par le tranchant, je fendis la tête du pêcheur. La cogí y volví; la levanté como un garrote y, de un solo golpe, le abrí la cabeza al pescador. Я поднял его и вернулся; я поднял его как дубину и одним ударом раскроил рыбаку голову. Oh ! il a saigné, celui−là ! ¡Esa sangró! Он истекал кровью! Du sang rose, plein de cervelle ! Розовая кровь, полная мозгов! Cela coulait dans l'eau, tout doucement. Он очень мягко погрузился в воду. Et je suis parti d'un pas grave. Y me fui con paso serio. И я ушел с серьезным шагом. Si on m'avait vu ! ¡Si alguien me hubiera visto! Ah ! ah !

j'aurais fait un excellent assassin. Habría sido un excelente asesino. Из меня получился бы отличный убийца. 25 octobre. — L'affaire du pêcheur soulève un grand bruit. - El caso del pescador causó un gran revuelo. - Дело рыбака вызвало большой резонанс. On accuse du meurtre son neveu, qui pêchait avec lui. Su sobrino, que estaba pescando con él, fue acusado del asesinato. В убийстве обвинили его племянника, который был с ним на рыбалке.

26 octobre. — Le juge d'instruction affirme que le neveu est coupable. - Следственный судья утверждает, что племянник виновен. Tout le monde le croit par la ville. Все в городе так считают. Ah ! ah !

27 octobre. — Le neveu se défend bien mal. - El sobrino no se resiste mucho. - Племянник не сопротивляется. Il était parti au village acheter du pain et du fromage, affirme−t−il. Había ido al pueblo a comprar pan y queso", dice. Он пошел в деревню, чтобы купить хлеб и сыр, - говорит он. Il jure qu'on a tué son oncle pendant son absence ! Он клянется, что его дядю убили, пока его не было дома! Qui le croirait ?

28 octobre. — Le neveu a failli avouer, tant on lui fait perdre la tête ! - El sobrino estuvo a punto de confesar, ¡tanto que perdió la cabeza! - Племянник почти признался, да так, что потерял голову! Ah ! ah !

La justice !

15 novembre. — On a des preuves accablantes contre le neveu, qui devait hériter de son oncle. - Против племянника, который должен был унаследовать имущество своего дяди, собрано огромное количество улик. Je présiderai les assises. Yo presidiré la conferencia. Я буду председательствовать на конференции.

15 janvier .— À mort ! ¡15 de enero - À mort! à mort ! ¡à mort! à mort ! Je l'ai fait condamner à mort ! ¡Hice que lo condenaran a muerte! Я приговорил его к смерти! Ah ! ah !

L'avocat général a parlé comme un ange ! Генеральный адвокат говорил как ангел! Ah ! ah !

Encore un. J'irai le voir exécuter ! 10 mars. — C'est fini. On l'a guillotiné ce matin. Его гильотинировали сегодня утром. Il est très bien mort ! très bien ! Cela m'a fait plaisir ! Comme c'est beau de voir trancher la tête d'un homme ! Как прекрасно видеть отрубленную голову человека! Le sang a jailli comme un flot, comme un flot ! La sangre brotó como un torrente, ¡como un torrente! Кровь хлынула, как поток, как поток! Oh ! si j'avais pu, j'aurais voulu me baigner dedans. si hubiera podido, me habría gustado nadar en él. Если бы я мог, я бы с удовольствием искупался в нем. Quelle ivresse de me coucher là−dessous, de recevoir cela dans mes cheveux et sur mon visage, et de me relever tout rouge, tout rouge ! Qué embriaguez acostarme allí, recibirlo en el pelo y en la cara, y levantarme toda roja, ¡toda roja! Как упоительно лежать там, получать его в волосы и на лицо, а потом встать красной, красной! Ah ! si on savait ! ¡si lo supiéramos! Maintenant j'attendrai, je puis attendre. Ahora esperaré, puedo esperar. Теперь я буду ждать, я могу ждать. Il faudrait si peu de chose pour me laisser surprendre. Haría falta tan poco para sorprenderme. Чтобы удивить меня, нужно совсем немного.

Le manuscrit contenait encore beaucoup de pages, mais sans relater aucun crime nouveau. В рукописи по-прежнему было много страниц, но новых преступлений не было. Les médecins aliénistes à qui on l'a confié, affirment qu'il existe dans le monde beaucoup de fous ignorés, aussi adroits et aussi redoutables que ce monstrueux dément. Los médicos dementes a los que ha sido confiado afirman que hay muchos locos desconocidos en el mundo, tan listos y tan formidables como este monstruoso lunático. Врачи-неумехи, которым он был доверен, утверждают, что в мире существует множество неизвестных сумасшедших, таких же умных и грозных, как этот чудовищный лунатик.