#112 - Le lycée français 2.0 (3)
Ingrid: [00:26:51] Et donc maintenant, je pense que je peux… Tout ce qu'a dit Hugo, ça m'a rappelé, j'ai noté toutes les critiques qui sont faites envers cette réforme ! Alors assez rapidement, mais il y en a beaucoup. Déjà la première, je pense que peut-être, vous l'avez compris en écoutant l'explication d'Hugo, c'est qu'on demande aux élèves de s'orienter de façon très précoce. À partir de seize ans, on leur demande d'avoir une vision assez claire de ce qu'ils veulent et donc de choisir des matières qui vont, après, déterminer leur futur. Et on sait qu'à cet âge-là, on ne fait pas forcément des choix qui sont guidés par… enfin, de toute façon on ne sait pas. Donc on peut avoir des problèmes ensuite, au moment de vouloir étudier, de se dire : « ah mince, j'ai pas fait de maths pendant deux ans et maintenant je veux faire une… un métier dans lequel il faut absolument avoir fait des maths.» En plus, il y avait pas… il n'y a pas de communication ou il n'y a pas de lien direct entre les études supérieures et les lycées. Donc, même quelqu'un qui sait déjà ce qu'il veut faire, il ne sait pas forcément exactement quel est le meilleur menu à choisir pour après avoir des bonnes capacités et être accepté même dans les études supérieures qu'il veut faire. Une autre critique qui est faite et qui est en train d'être corrigée, c'est qu'il n'y avait plus de maths. Il n'y avait pas de mathématiques dans le tronc commun. Donc pour pouvoir faire des maths, il fallait choisir ça en spécialité. Il me semble que moins de la moitié… les maths étaient une des spécialités les plus demandées, mais même avec ça, il y a quand même plus de la moitié des lycéens qui ne faisaient plus de maths au lycée. Et donc, quand même, les maths, c'est assez important pour les études, pour beaucoup de domaines, en tout cas, d'études supérieures. Et ça a été très critiqué. Et d'ailleurs, ça, c'est quelque chose qui a été changé cette année ou qui va passer. C'est trop tard pour cette année mais à la rentrée de septembre ouais.
Hugo: [00:29:01] Il me semble que c'est pour l'année prochaine. J'ai lu que cette année 63 % des lycéens n'ont pas choisi les maths comme spécialité. Donc voilà, plus des deux tiers des lycéens n'ont pas fait de maths au lycée. Et alors que pendant très longtemps, c'était aussi considéré comme une matière essentielle. Donc voilà, il y a beaucoup de parents d'élèves et de profs qui se sont alarmés de cette situation.
Ingrid: [00:29:24] Et alors, les profs… Moi, j'ai beaucoup d'amis profs. Ils détestent Jean-Michel Blanquer. Les profs disent que, en fait… c'est à peu près logique, la réforme, le fait de pas mettre les maths dans le tronc commun, ça répondait aussi au fait qu'il n'y a pas assez de professeurs de mathématiques en France donc ça permettait un peu de cacher le problème en faisant en sorte qu'il n'y ait plus besoin de autant de professeurs. Et de manière générale, il y a beaucoup de critiques comme ça qui viennent des profs qui se rendent compte en fait de soucis d'organisation, qui ne sont pas forcément évidents quand on en parle comme ça. Mais voilà des profs qui manquent sur certaines matières, d'autres profs qui ont tout d'un coup un travail qui est complètement modifié. Et puis aussi et surtout, je pense que c'est une des choses les plus importantes, c'est qu'il y a une grosse différence suivant là d'où on vient, là où on vit et qu'il y a certains lycées qui proposent des super spécialités, mais il y en a d'autres, normalement, ils sont censés en proposer douze, mais ils ont du mal à en proposer plus de six voilà, parce qu'ils n'ont pas les moyens, ils n'ont pas les professeurs disponibles. Et donc forcément, il y a des élèves qui vont avoir un meilleur lycée, un meilleur baccalauréat que d'autres. C'est en train de créer des inégalités et c'est pour ça que c'est critiqué.
Hugo: [00:30:52] Exactement. Donc en fonction de la ville dans laquelle on habite ou du lycée qui est le plus proche de chez nous, on ne va pas pouvoir choisir forcément les mêmes spécialités. Donc, autrement dit, on n'offre pas les mêmes possibilités à tous les lycéens. Et ça, c'est une source d'inégalité assez flagrante qui est très critiquée.
Ingrid: [00:31:25] Alors maintenant, venons-en au vif du sujet. Qu'est-ce que le baccalauréat exactement ? Alors, pour faire simple, c'est donc le diplôme qui permet de terminer le lycée et d'entrer en études supérieures. Pour le collège, on a un autre diplôme qui s'appelle le brevet. Il me semble que le brevet c'est pas obligatoire pour passer au lycée. Par contre, le baccalauréat, c'est obligatoire pour faire des études supérieures. Le bac, c'est un diplôme qui existe depuis très longtemps, depuis Napoléon début 1800. Donc vous vous imaginez bien que ça a beaucoup changé depuis. Mais c'était déjà cette idée, à l'époque, d'avoir un examen national sur les matières les plus importantes (scientifiques, histoire-géo, etc.) pour qu'il y ait une espèce de diplôme qui permette de mettre tout le monde un peu sur un pied d'égalité et de valider qu'on a tous les mêmes connaissances.
Hugo: [00:32:25] Ouais. Et le bac, on peut dire qu'il occupe une place assez importante dans la culture française, dans l'imaginaire collectif. C'est vraiment ce qu'on appelle « un rite de passage », une épreuve par laquelle il faut passer pour pouvoir devenir adulte. Donc, chaque année, quand il y a le bac, on en parle beaucoup aux informations. On parle notamment des sujets de philosophie qui ont été proposés et c'est une source de stress assez conséquente pour les lycéens. Parce que voilà, on a tendance à en faire une montagne. Donc ça, c'est une bonne expression. « Faire une montagne de quelque chose », ça veut dire « avoir tendance à exagérer l'importance de quelque chose.» Donc, le bac, on en fait une montagne dès la première année de lycée, on en parle aux lycéens. Les profs leur disent : « Attention, c'est très important. Vous vous préparez pour le bac. C'est peut-être l'examen le plus important de votre vie.» Donc il y a beaucoup d'appréhension, beaucoup de peur autour de cet examen. C'est vraiment quelque chose qui est très important dans la culture française.
Ingrid: [00:33:36] Je dirais même qu'on en parle depuis la primaire, quoi, qu'on se dit quand on est petit : « oh là là, un jour, je vais passer le bac, ça va être super difficile !» On s'imagine que c'est un truc, un truc assez horrible. Alors que bon, finalement, pas tant que ça.
Hugo: [00:33:51] Non, ça va.
Ingrid: [00:33:52] Quels sont les critères pour avoir son bac ? C'est assez facile à avoir.
Hugo: [00:33:55] C'est assez facile. Donc il faut avoir une moyenne générale d'au moins 10 sur 20. Et vous savez peut-être que, en France, les examens sont notés sur 20, de 0 à 20. Donc pour passer, il faut avoir la moyenne. Il faut avoir 10. Et la moyenne se calcule en prenant le résultat aux différentes épreuves et en les divisant en fonction des coefficients. Il faut avoir une moyenne de 10 sur 20. Et si on a une note inférieure, donc 8 ou 9, on a la possibilité de passer des rattrapages. Autrement dit, on nous donne une deuxième chance et en général, ça se passe à l'oral. Donc si on a raté la philosophie, on peut passer un rattrapage de philosophie avec un prof pour essayer d'obtenir une meilleure note. Donc on a beaucoup de chances qui sont de notre côté pour pour réussir le bac.
[00:34:44] Et ensuite, en fonction de notre note, on peut obtenir une mention. Il y a différentes mentions. Si vous avez 12 sur 20, c'est la mention assez bien. 14 sur 20, c'est la mention bien. 16 sur 20, la mention très bien. Et à partir de 18 sur 20, vous avez ce qu'on appelle « les félicitations du jury », donc ça, c'est la meilleure mention. Donc voilà, en général, on se souvient des notes qu'on a eues au bac, de notre mention et ça aussi, ça fait partie de l'imaginaire collectif parce que les parents disent à leurs enfants : « Moi, tu sais, le bac, c'était comme ça. J'ai eu telle note en histoire. J'ai complètement raté l'épreuve de philo, etc.» Donc voilà, c'est vraiment un sujet de discussion important en France.
Ingrid: [00:35:32] Et du coup, toi, t'étais stressé avant les épreuves ? C'était quelque chose que tu voyais comme super difficile et tout ?
Hugo: [00:35:39] Ouais, ouais, j'étais assez stressé parce que… bon j'étais plutôt bon élève au lycée, je crois que je le dis à chaque épisode, je suis très fier de ça… Mais j'avais vraiment envie de réussir, d'avoir une excellente note. Je voulais absolument avoir une mention. Donc j'avais pas mal travaillé, j'avais beaucoup révisé. Et voilà, j'avais vraiment envie d'avoir la meilleure note possible. Donc ouais, j'étais un peu stressé, j'étais un peu stressé. Et toi ?
Ingrid: [00:36:06] Pas du tout ! J'ai pas révisé. Alors je me suis rendu compte, quand je suis rentrée en prépa, qu'il y avait quand même une grosse différence suivant les lycées, parce que, par exemple, j'ai des amis que j'ai rencontrés donc après, pendant les études supérieures, qui se rappelaient de comment le proviseur (donc le directeur du lycée) passait dans les classes pour leur dire « il y a un taux de tant, de félicitations, etc.» Et alors nous, mais… On ne nous a jamais parlé de la mention. Personne dans ma classe n'a eu les félicitations, absolument personne. Il me semble qu'il y a eu une mention bien. Et moi j'ai révisé… aller, deux semaines avant, mais en plus, comme je ne savais pas travailler parce que… (je vous ai raconté ça dans un autre épisode) mais j'avais absolument aucune méthode de travail et aucune capacité de concentration. Donc ça a été, voilà… J'y suis allée…. Ce qui est bien, c'est que je n'étais pas stressée. J'ai découvert le stress des examens beaucoup plus tard, quand j'étais à l'université et que j'ai commencé à me préoccuper un peu plus de mon avenir. Donc voilà.
Hugo: [00:37:14] Et du coup, tu te souviens des notes que tu as eues au bac ? Tu te souviens des épreuves que tu as réussies ou celles que tu as ratées ?
Ingrid: [00:37:23] Ah oui, plus ou moins. J'étais stressée au moment ou j'étais devant la feuille où je me disais : « Ouh là là…»
Hugo: [00:37:30] Au moment où c'était trop tard.
Ingrid: [00:37:31] Et j'avais des bonnes notes. Je pense que dans ma… au lycée, je pense que j'étais première ou deuxième de la classe, enfin des trucs… Voilà, j'étais… j'avais des facilités. Mais le jour du bac, pour plusieurs épreuves, j'ai fait, par exemple, j'ai choisi un sujet que je choisissais jamais d'habitude, alors que j'étais capable de faire l'autre. Enfin voilà, le format examen sur table, ça a pas du tout réussi. Et je partais tôt en plus, j'étais là : « oh c'est bon, j'ai fini. Allez, salut !» Alors qu'après, quand j'ai fait des études, je me suis forcée à rester longtemps, quitte à faire des pauses et à recommencer etc. Mais je n'étais pas du tout assez mature pour être au top de mes capacités. Toi, toi, au contraire, t'étais hyper organisé, t'as fait tes meilleurs résultats au bac, non ?
Hugo: [00:38:21] Ouais, il y a quelques épreuves, notamment le français. Je devrais pas m'en vanter, mais l'épreuve de français, j'avais… On avait différentes possibilités, donc on pouvait faire un commentaire de texte ou on pouvait faire… Je ne sais plus comment ça s'appelait, mais un écrit créatif ou quelque chose comme ça…
Ingrid: [00:38:41] Écriture d'invention.
[00:38:42] Écriture d'invention. Et j'avais écrit une histoire qui avait pas du tout plu, je pense au correcteur ou à la correctrice donc j'avais eu seulement 10 sur 20. C'était vraiment un gros échec. Mais ensuite, sinon, ouais, le bac en terminale, j'étais plutôt content de mes notes. Mais ce que tu racontes, ça montre que la préparation à l'examen est très différente d'un lycée à l'autre, en fonction du directeur, du proviseur, en fonction de l'équipe des profs etc. Il y a des lycées à Paris qui sont très bien préparés, qui font des bacs blancs. Donc un bac blanc, c'est un faux examen pour se mettre dans les conditions de l'épreuve et se préparer vraiment au bac. Et ça, c'est très inégalitaire d'un lycée à l'autre. Mais bon, je pense que c'est un peu la même chose dans beaucoup de pays, malheureusement.