Comment étaient équipés les guerriers Gaulois ? (1)
Mes chers camarades, bien le bonjour et bienvenue ici dans le village gaulois de Coriobona.
Coriobona, c'est un village reconstitué par l'association « Les Gaulois d'Esse », en
Charente. Et si nous sommes ici aujourd'hui, ça n'est pas pour manger du sanglier, mais
pour défoncer quelques clichés en vous présentant l'équipement des combattants gaulois. Cette vidéo,
elle s'inscrit dans une petite série de vidéos sur l'archéologie et les Gaulois
que je réalise en compagnie de Guillaume Reich, docteur en archéologie protohistorique, dont la
spécialité est justement les Celtes du Second âge du Fer, leur armement et les techniques martiales
gauloises. Le Second âge du Fer, c'est la période qui s'étend de 475 avant notre ère à 25 avant
notre ère pour toute l'Europe tempérée. On appelle aussi cette période « La Tène », tout simplement
parce que La Tène, c'est un site archéologique de très grande importance qui se trouve en Suisse
et qui a livré beaucoup de matériel qui nous a permis de nous renseigner sur ce Second âge du
Fer. Alors, autant le préciser tout de suite, les Celtes ça englobe pas mal de trucs, du coup dans
cette vidéo on va utiliser sans distinction les termes « celte », « gaulois », « laténien ». Pour
ceux qui ne suivent pas, « laténien » comme La Tène, la période qu'on vient de décrire. Dans
notre imaginaire, les Gaulois sont victimes d'un certains nombre d'images d'Épinal, c'est-à-dire
des clichés qui leur collent à la peau. On a longtemps imaginé les Celtes comme des « barbares
», c'est-à-dire, comme des sauvages, sans culture et sans raffinement, heureusement civilisés par
Rome. Alors que la civilisation celtique, figure parmi les plus brillantes de l'Antiquité. Nous
continuons toujours aujourd'hui d'utiliser des acquis ou des inventions de la période celtique,
qui ont durablement influencé les cultures antiques, et c'est valable dans de très nombreux
domaines, comme la philosophie, l'agriculture, l'artisanat ou encore, l'art de la guerre. Ce que
je vous propose aujourd'hui, c'est de développer quelques-uns des aspects concernant la guerre,
justement, qui semble revêtir une importance capitale dans les sociétés gauloises.
Nous avons affaire ici à deux guerriers gaulois en tenue de combat, et si l'on peut déjà voir
des similitudes entre leurs panoplies, ils ne correspondent pas à la même époque, puisque près
de 200 ans les séparent. Le premier, présenté par Patrick, représente un combattant léger,
fantassin ou cavalier, de la seconde moitié du IIIème siècle avant notre ère, tandis que le
second, incarné par Jean-Paul, exhibe une panoplie d'un combattant lourd, pouvant combattre à cheval
ou à pied, caractéristique de la moitié du Ier siècle avant notre ère, à une période que l'on
nomme par convention « époque de la guerre des Gaules ». Il y a donc un décalage d'environ deux
siècles dans les équipements présentés ici, et ce saut dans le temps, rendu possible par
la reconstitution protohistorique, nous permet d'apprécier l'évolution de l'armement celtique
au cours des trois derniers siècles avant notre ère. Cette évolution est liée aux changements
dans la manière de se battre, c'est-à-dire des améliorations consécutives aux expériences
heureuses comme désastreuses sur les champs de bataille antiques, mais aussi, aux innovations
technologiques et aux métamorphoses plus générales au sein des sociétés celtiques. Il y a donc bien
des différences entre les équipements, qui correspondent à une réalité archéologique.
Mais on y voit aussi quelques ressemblances. Il existe effectivement une panoplie standardisée
que l'on retrouve tout au long du Second âge du Fer. Cette panoplie, en fait,
on la connaît surtout par ce qu'on appelle les « ensembles clos ». C'est le cas par
exemple de la plupart des sépultures. Cette composition très fréquente, effectivement,
c'est ce que nous on appelle en archéologie la panoplie ternaire. Elle est composée de deux
armes offensives et d'une arme à fonction mixte, mi-défensive, mi-offensive. La première, c'est
l'arme offensive par excellence des guerriers de l'Antiquité. Une arme d'hast, c'est-à-dire un fer
fiché sur une hampe en bois qui va composer une pique ou une lance, et la seconde arme offensive
particulièrement emblématique, si ce n'est mythique, du combattant celte, c'est l'épée
en fer, qui se loge dans un fourreau métallique sur le côté droit du combattant. Et puis l'arme à
fonction mixte, c'est naturellement le bouclier. Ces trois éléments – arme d'hast, arme de poing
et bouclier – forment ce qu'on appelle la « panoplie ternaire », qu'on va retrouver
finalement sur les représentations des guerriers des deux périodes qui vont être proposées là.
Penchons-nous un peu plus sur ces armes pour y voir plus clair, notamment sur leurs évolutions,
à commencer par celle des armes d'hast. Ces armes font l'objet de variations morphologiques
conséquentes, à tel point qu'il est difficile d'établir des classifications réellement
pertinentes basées sur des critères évidents. Il y a bien sûr des grandes familles qui se dessinent,
mais elles connaissent une répartition inégale dans le temps et sont souvent en
usage sur de longues périodes, parfois plusieurs siècles. En revanche, des différences de formes,
de dimensions, renvoient manifestement à des usages variés, à des spécialités martiales,
à des spécialisations techniques. Et pour être plus clair on va vous montrer que certains points
reviennent constamment sur les armes, peu importe la période. Par exemple, les pointes sont toujours
en alliage ferreux, elles sont systématiquement composées d'un empennage partagé autour d'une
nervure médiane, même si c'est la flamme de cet empennage qui subit les plus importantes
variations. Cette hampe en bois est, au fond, l'essentiel de l'arme d'hast. Elles sont
pourtant mal connues car elles sont très rarement conservées. Bah oui, le bois, ça pourrit, et ça se
conserve assez mal et ça, c'est un vrai problème, puisque c'est la morphologie et les dimensions de
la hampe qui vont conditionner les usages martiaux qu'on va pouvoir faire de cette arme d'hast.
On ne se bat pas avec une lance de la même manière qu'avec une pique. On n'emploie pas
une perche de 3 mètres de la même façon qu'un bâton de 1 mètre. Seuls quelques rares contextes,
notamment l'ensevelissement et la privation d'oxygène, autorisent la conservation de ces
hampes de bois, permettant d'estimer la matière et les dimensions exactes de quelques exemplaires.
Bien sûr il y a des moyens indirects de se procurer ces informations. Par exemple,
on peut mesurer l'intérieur des douilles. On va pouvoir également analyser les restes en bois
qui vont se loger à l'intérieur de ces fers de lances et qui sont parfois conservés par
la corrosion. On va pouvoir estimer également leur dimensions par la longueur des fosses dans
lesquelles est parfois enterré l'armement. Et puis ça peut être aussi estimé grâce à
l'apport de l'iconographie ancienne et tout ça nous permet de restituer grosso modo une
arme d'hast qui fait entre 2 mètres et 2 mètres 50 de longueur à peu près. La
hampe est généralement taillée dans du frêne, qui est le bois le plus adapté, à la fois en terme de
résistance mécanique aux chocs qu'en terme de souplesse. C'est d'ailleurs pour ça, en fait,
que cette essence est régulièrement employée pour la confection des manches d'outils. Parfois,
l'extrémité proximale, c'est-à-dire la zone théoriquement la plus proche du corps,
par opposition à l'extrémité distale tournée vers l'adversaire, est dotée d'un renfort métallique
que l'on nomme un « talon ». Ce talon peut être à soie ou à douille, et est un accessoire
extrêmement intéressant pour le combat... Mais ça, on le verra dans un prochaine épisode,
si vous voyez ce que je veux dire... Ces armes d'hast sont très répandues à l'époque,
c'est même l'arme par excellence du guerrier celte ; celle qui caractérise le fantassin, mais
peut aussi être utilisée à cheval. On dit parfois que les Celtes sont les inventeurs de ce que l'on
conceptualise en tant qu'Occidentaux sous le terme de « lance ». Beaucoup d'armes d'hast historiques
découlent de la « langkias » des Gaulois. D'où l'importance d'insister sur la lance. Ça rime !
La deuxième arme de nos combattants est l'épée, assez particulière,
très caractéristique. L'épée est une arme emblématique du guerrier celte. Elle est moins
répandue et pourrait être réservée aux strates sociales les plus hautes. On a tendance à dire,
qu'elle est l'arme de l'aristocratie. Et à vrai dire, c'est plutôt probable. En langue gauloise
on la nomme « cladio », ce qui a donné « gladius », soit le « glaive » des Romains.
Elle est très singulière, à la fois simple dans son apparence et d'une richesse d'élaboration
sidérante. Sa taille varie un peu suivant les périodes de quelques dizaines de centimètres,
passant d'une arme assez courte aux périodes plus anciennes à une arme assez longue, dépassant
parfois le mètre au cours du Ier siècle avant notre ère. Son poids varie grosso modo de 500-600
grammes à près d'un kilo, ce qui lui permet de rester particulièrement maniable. Sa pointe est
aussi l'une des données qui change souvent, même s'il y a quelques nuances à apporter. En effet,
pour les phases anciennes il y a souvent une extrémité distale pointue qui tend à être moins
acérée au cours de la guerre des Gaules. Mais c'est un schéma très théorique puisque l'on
rencontre beaucoup d'armes de poing dotées d'une pointe qui n'est pas très acérée mais qui autorise
tout de même l'emploi de l'estoc, c'est-à-dire un coup avec la pointe de l'arme. Et au contraire,
on trouve des épées pointues au Ier siècle avant notre ère. Du coup, il n'y a pas
vraiment de vérité absolue sur la pointe de l'épée gauloise. C'est relatif, on va dire.
Intéressons-nous maintenant à la façon dont ces épées sont créées. La lame est en alliage ferreux
plus ou moins carburé, généralement trempé. Elles conservent une certaine souplesse, ce qui,
nous y reviendrons dans un autre épisode, explique certains stéréotypes au sujet de la fabrication
des épées mais justifie aussi certains usages. La lame est forgée sans gouttière centrale,
mais parfois avec une nervure médiane. La section varie entre un profil lenticulaire,
rhomboïdale (c'est-à-dire en losange) ou nervuré. Ce qui est assez remarquable,
c'est que l'épée est à deux tranchants parallèles, ce qui veut dire que l'on
utilisait ces épées surtout pour la taille. La taille, dans le jargon, c'est un coup avec
le fil de la lame des côtés coupants. On va l'opposer à l'estoc qu'on a vu tout à l'heure,
où l'on frappe avec la pointe. La partie basse de l'épée est pourvue d'une poignée en matière
organique, qui peut être du bois, des matières dures animales, éventuellement des éléments
métalliques, à laquelle on ajoute une petite garde et un pommeau. La garde n'a ici pas réellement un
rôle de protection comme sur certaines armes du bas Moyen Âge, mais plus une fonction de blocage
de la main lors de la manipulation de l'arme. Le pommeau, lui n'a pas de rôle de contrepoids,
puisqu'il est trop léger. D'ailleurs, en parlant de la garde de l'épée, elle a une forme un peu
particulière, c'est-à-dire « curviligne », qui fait écho à l'entrée du fourreau dans lequel
elle vient se loger. Mais ça on y reviendra plus tard. Sur le flanc droit du combattant donc,
grâce à un système de suspension varié (selon les époques), composé soit de chaînes
semi-rigides et de courroies organiques, soit de courroies en cuir et d'anneaux métalliques,
est suspendu un fourreau entièrement métallique ne pesant que quelques centaines de grammes.
Le fourreau d'épée laténien, c'est vraiment là qu'on voit la grande
qualité du travail métallurgique chez les Celtes, en fait. Parce que, d'une part,
il est composé de tôles extrêmement fines qui font parfois juste un demi millimètre d'épaisseur. Et
ensuite au niveau de la facture du fourreau c'est un assemblage qui est réalisé avec une précision
qui est de l'ordre du demi-millimètre également, puisque tout est assujetti
par des éléments qui sont rentrés en force, en contrainte, et tout tient de cette façon-là.
Et puis, il y a la défense. On voit que le bouclier est un peu particulier. On reconnaît
sa forme ovale, plate. La poignée est au centre et c'est intéressant ; il n'y a pas de système de