L'INCROYABLE HISTOIRE DE NOËL 1914 DANS LES TRANCHÉES
Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce nouvel épisode des histoires de guerre.
aujourd'hui je vous propose de retourner plus d'un siècle en arrière
quelques mois après le début de la première guerre mondiale.
En décembre
1914
poussés par le désespoir de leurs causes et l'esprit de noël, soldats Français, Anglais et Allemands se sont mis à chanter
à jouer et à dialoguer ensemble.
Découvrons ensemble le récit, de l'incroyable trêve de noël.
24 décembre 1914
l'Europe est à feu et à sang depuis plusieurs mois ,
l'assassinât de l'archiduc austro-hongrois François-Ferdinand,
l'engrenage des alliances et les tensions politiques exacerbées ont plongé le monde dans son premier conflit global, l'un des pires de son histoire.
Après un début de guerre éclair le front s'immobilise de part et d'autre et les soldats s'enterrent dans des tranchées.
La guerre de mouvement fait place à une guerre statique. Au quotidien
l'artillerie fait pleuvoir des tonnes d'obus sur les soldats, pour les millions d'appelés la vie dans les tranchées s'apparente à un enfer sur terre.
En quelques mois la première guerre mondiale a déjà fait plus de 300.000 morts,
des deux côtés les hommes sont épuisés et choqués par la violence et l'absurdité du conflit
déjà le 14 octobre 1914 le soldat allemand Franz Blumenfeld écrit à sa femme.
"J'ai peur de perdre ma foi dans l'humanité en moi même ou bien qui existe dans le monde
c'est affreux, beaucoup plus dur que d'être exposé à toutes les intempéries
d'avoir à s'occuper soi même de sa nourriture de coucher dans une grange tout cela est peu de choses.
Il m'est beaucoup plus dur de supporter la brutalité des gens entre eux.
Que me sert d'être épargné par les balles et les obus
si je perds mon âme ?"
La veille de noël sur le front occidental les combats font toujours rage.
Autour de la ville belge d'Ypres, les retranchements britanniques et allemands ne sont par endroits espacés que de quelques dizaines de mètres.
De chaque côté les tranchées sont rudimentaires,
les intempéries des derniers jours ont inondé les boyaux, les rendant boueux et insalubres.
Les rats y sont légion, tout comme les puces, les poux et les vers
Dans le froid mordant les hommes épuisés et traumatisés par les horreurs qui se déchaînent devant eux
attendent fébrilement le coup de sifflet qui les enverra à la mort.
Entre les deux tranchées, les champs des Flandres sont défigurés, méconnaissables.
Labourés par des pluies d'obus incessantes, ils laissent place à un no man's land criblé de cratères et de charniers humains.
Au petit matin du 25 décembre 1914
le vent glacial de l'hiver balaie les tranchées. Le son infernal des canons s'est tu.
les soldats britanniques scrutent l'horizon à l'affût du moindre signe de l'ennemi.
A leur grande surprise, des sapins de noël et des bougies ont été installés sur le haut des tranchées allemandes.
Soudain une voix brise le silence en provenance des positions ennemies
"Stille Nacht, heilige Nacht"
Elle est bientôt rejointe en choeur par d'autres allemands qui entonnent "Stille Nacht".
Alors les britanniques répondent, entonnant à leur tour un chant de noël
les soldats ont troqué les armes pour les chants et célèbrent noël à l'unisson
Ram Williams, de la London Reifle Brigade écrit : les allemands chantait une de leurs chansons
nous une des nôtres jusqu'à ce que nous entamions "o come all ye faithful"
et que les allemands reprennent avec nous l'hymne en latin "Adeste Fideles" et alors je me suis dit
et bien
c'est vraiment une chose extraordinaire
deux nations
chantant le même chant de noël en pleine guerre
à la stupéfaction générale un soldat allemand sort de sa tranchée et s'avance dans le no man's land
les bras levés il marche vers les positions britanniques
un tommy quitte alors son poste rejoint l'ennemi et le salue. Cette scène surréaliste
incite des centaines de soldats à se rejoindre
certains brandissent des sapins de noël et crient "joyeux noël !" dans plusieurs langues
on se regarde les yeux dans les yeux avec le même mélange de peur et d'incrédulité
Est-ce cela la magie de noël ?
Sur plusieurs points du front les soldats font un temps la paix ils demandent aux adversaires s'ils peuvent prendre le temps d'enterrer leurs morts
dans une étrange ambiance
certains fraternisent s'échangent des cigarettes de l'alcool ou de petits cadeaux
pendant plusieurs heures on immortalise ce moment avec les quelques appareils photos disponibles à l'époque
les allemands curieux de voir ce que donnent les photos proposent alors une nouvelle trêve pour nouvel an.
Un soldat anglais écrit à un ami :
La nuit dernière,
les allemands ont illuminé leur tranchée et chanté "joyeux noël". On a répondu avec le même chant
puis nous avons chanté des chansons et des cantiques
ensuite nous avons chanté l'hymne autrichien et ils ont répondu avec "god save the king" que nous avons beaucoup applaudi.
A ce moment-là, tous les tirs avaient cessé
nous avons marché le long des parapets des tranchées et nous nous sommes appelé
puis quelques gars ont marché jusqu'au milieu du champ de bataille
pour rencontrer les allemands et ils se sont souhaité "joyeux noël", se sont serré la main
et se sont dit qu'il ne se battraient pas aujourd'hui
nous avons fêté la communion dans une vieille ferme et en rentrant nous avons décidé de marcher à la vue des ennemis.
Nous sommes rentrés en sécurité et certains de nos gars ont commencé à jouer au foot entre les tranchées
alors les allemands se sont montrés
et
nous nous sommes rencontrés.
On a échangé des souvenirs
avant de se séparer comme de bons amis
un d'entre eux m'a donné son adresse pour que je lui écrive après la guerre
Il y avait un tas de gens bien parmi eux, et je suis sûr que si cela ne dépendait que des hommes
il n'y aurait jamais eu de guerre
Dans la région d'Ypres, britanniques et allemands profitent de la trêve pour engager un match de foot
dans son rapport un lieutenant allemand détaille :
nous avons marqué les buts avec nos képis
les équipes ont été rapidement formées pour un match sur la boue gelée et les Frites ont battu les Tommies, 3 à 2
sur certains points du front on profite de ce cessez le feu temporaire pour
récupérer les dépouilles des morts et les enterrer tous ensemble en leur offrant une sépulture décente
à côté du champ de bataille un coiffeur anglais offre une coupe de cheveux à un allemand qui semble en avoir bien besoin
d'un autre côté un officier dévoile les emplacements des prochains assauts pour que tout le monde puisse se mettre à l'abri.
Ces scènes surréalistes offrent une autre vision de la guerre
celle de milliers d'hommes envoyés combattre des gens qu'ils ne haïssent pas et qui finalement ne sont pas si différents d'eux.
Cette trêve de noël et ces fraternisations seront passées sous silence par la presse allemande et française.
Les anglais, eux, feront les gros titres avec ces photos de fraternité entre soldats
même si les trêves les plus connues concerne les britanniques et les allemands
les français y ont également pris part comme en témoigne le journal des marches et opérations du
99ème régiment d'infanterie française. Un soldat qui note :
25 décembre.
Les tirailleries on céssé brusquement chez les allemands dès le point du jour
un grand nombre de bavarois sont sortis de leur tranchée en faisant signe de ne point tirer sur eux
puis ils se sont avancés à mi-distance de nos tranchées et ont engagé la conversation avec nos hommes devant le secteur du bois commun.
Trêve complète. Pertes : un tué, deux blessés devant le bois touffu.
28 décembre. Au bois touffu nous avons pu enterrer huit soldats français remontant au 29 novembre qu'on est allés chercher tout près des tranchées allemandes.
12 heures : les bavarois nous préviennent que le génie prussien va lancer des bombes sur nos tranchées.
12h10 : vingt bombes sont lancées, sans effet.
30 décembre. Un sous-officier et un soldat prussien porteur d'un fanion blanc sortent de leur tranchée et se dirigent vers la nôtre.
Un officier accompagné d'un homme parlant allemand se porte au-devant du parlementaire
Aussitôt, 300 soldats prussiens environ sortent sans armes de leur tranchée
après une conversation qui a porté sur l'état moral des troupes allemandes qui semble très abattu le parlementaire a rejoint sa tranchée
échange de journaux dans le cadre du nouvel an
la fraternisation de noël 1914 a concerné près de cent mille soldats
sur certains points du front on ne se battra plus avant nouvel an mais une fois cette date dépassée des millions d'hommes
recommenceront à s'entretuer pendant encore près de quatre ans comme si rien ne s'était passé
au final la première guerre mondiale coûtera la vie à plus de 18 millions de soldats.
En apprenant l'existence de ces trêves, les états majors des armées étaient furieux.
Afin de dissuader les soldats de recommencer les années suivantes ils organisèrent des bombardements et des assauts
à l'approche des fêtes.
Cependant cela n'empêcha pas les hommes de faire la paix en certains points du front créant ainsi des trêves locales, à l'est comme à l'ouest
Sachez également que même si ces événements ont été très longtemps méconnus, ils sont aujourd'hui en pleine lumière et plusieurs stèles
commémorent des points de trêve. Une étincelle d'humanité dans l'un des pires conflits de notre histoire