×

Ми використовуємо файли cookie, щоб зробити LingQ кращим. Відвідавши сайт, Ви погоджуєтесь з нашими правилами обробки файлів «cookie».


image

Enlevé Kidnapped, Chapitre 9

Chapitre 9

IX. L'homme à la ceinture pleine d'or

Le mauvais sort qui avait jusque-là poursuivi le Covenant ne fit que s'accentuer durant la semaine suivante. Un jour, il tenait sa route passablement ; le lendemain, il reperdait tout le chemin gagné. Finalement, nous fûmes drossés si loin dans le sud que l'on mit en panne et que l'on roula sur place toute la durée du neuvième jour, en vue du cap Wrath et de l'abrupte côte rocheuse qui le prolonge de part et d'autre. Les officiers tinrent conseil, et prirent une décision que je ne saisis pas bien, mais dont je vis le résultat : savoir que nous mîmes à profit ce vent contraire en nous dirigeant vers le sud.

L'après-midi du dixième jour, la houle tomba, et il survint un brouillard blanc, humide et opaque. On n'y voyait pas d'une extrémité du brick à l'autre. Chaque fois que je traversais le pont, cet après-midi-là, je voyais les hommes et les officiers accoudés au bastingage, guettant l'approche « des brisants », me dit-on ; et sans bien comprendre le mot, je flairais le danger, et j'étais ému.

Vers dix heures du soir, comme je servais le souper à M. Riach et au capitaine, le navire heurta contre quelque chose avec fracas, et des cris de détresse retentirent. Mes deux maîtres se levèrent d'un bond.

– Nous avons touché ! dit M. Riach.

– Non, monsieur, dit le capitaine. Nous venons simplement de couler un bateau.

Et ils s'élancèrent au-dehors.

Le capitaine avait dit vrai. Nous avions abordé dans le brouillard une barque, qui s'était ouverte en deux et avait sombré avec tout son monde, à l'exception d'un homme. Celui-ci (nous l'apprîmes par la suite) était à l'arrière comme passager, et les autres sur les bancs, à ramer. Lors de l'abordage, la poupe avait été lancée en l'air, et l'homme (il avait les mains libres, mais était empêtré d'un surtout de frise qui lui venait à mi-jambe) avait réussi s'agripper au beaupré du brick. Il fallait de la chance et beaucoup d'agilité pour se tirer d'un aussi mauvais pas. Et cependant, lorsque le capitaine l'introduisit dans la dunette, que je le vis pour la première fois, il semblait aussi frais et dispos que moi.

Il était de petite taille, mais bien bâti et vif comme une chèvre ; son visage exprimait la franchise, mais il était tout brûlé du soleil, et profondément grêlé de petite vérole ; ses yeux étaient singulièrement clairs et pleins d'une sorte de folie vacillante qui inspirait la sympathie et la crainte ; dès qu'il eut retiré son surtout, il déposa sur la table une paire de beaux pistolets à crosse d'argent, et je vis qu'il portait une longue épée au côté. Ses manières étaient d'ailleurs élégantes, et il complimenta fort joliment le capitaine. Bref, je pensai de cet homme, à première vue, que j'aimerais mieux l'avoir pour ami que pour ennemi. Le capitaine, de son côté, faisait ses remarques, mais il s'occupait davantage des habits que de la personne. Et en vérité, sous le surtout, il apparut d'une élégance bien raffinée pour la dunette d'un brick de commerce : chapeau à plume, gilet rouge, culotte de velours noir, habit bleu à boutons d'argent et fines dentelles d'argent ; tous vêtements de prix, quoiqu'un peu gâtés par le brouillard, et par le fait de coucher tout habillé.

– Je suis désolé, monsieur, pour votre barque, dit le capitaine.

– Il y a quelques braves gens partis au fond de l'eau, dit l'étranger, que j'aimerais mieux voir sur la terre ferme plutôt qu'une demi-douzaine de barques.

– De vos amis ? dit Hoseason.

– Des amis comme il n'y en a pas chez vous. Ils seraient morts pour moi comme des chiens.

– Tant pis, monsieur, dit le capitaine, toujours le regardant – il y a plus d'hommes sur la terre que de bateaux pour les y mettre.

– C'est ma foi vrai, s'écria l'autre, et vous me semblez un gentleman de profonde pénétration.

– J'ai été en France, dit le capitaine d'une telle façon qu'il voulait dire évidemment plus que sa phrase n'en avait l'air.

– Ma foi, monsieur, dit l'autre, il y a maints jolis garçons logés à la même enseigne.

– Sans doute, monsieur, dit le capitaine, et de jolis habits aussi.

– Oh ! dit l'étranger, est-ce par là que vient le vent ? Et il porta vivement la main à ses pistolets.

– Ne soyez pas si pressé, dit le capitaine. Ne faites pas un malheur avant d'en savoir la nécessité. Vous avez sur le dos un habit de soldat français et dans la bouche une langue écossaise, c'est certain ; mais il en va de même aujourd'hui pour quantité d'honnêtes gens, et qui n'en valent pas moins.

– Ouais ? dit le gentilhomme au bel habit. Seriez-vous du parti honnête ?

Il voulait dire : Êtes-vous jacobite, car de chaque côté, dans ce genre de dissensions civiles, on revendique pour soi le privilège de l'honnêteté.

– Ma foi, monsieur, répondit le capitaine, je suis un protestant bon teint, et j'en remercie Dieu. (C'était le premier mot quelconque de religion que je lui entendais prononcer, mais je sus plus tard qu'il était fort assidu à l'église, une fois à terre.) – Malgré cela, continua-t-il, je regrette de voir un de mes semblables mis le dos au mur.

– En vérité, demanda le jacobite. Eh bien, monsieur, pour être franc avec vous, je suis l'un de ces gentlemen qui eurent des ennuis vers l'an 45-46 ; et (toujours pour être franc avec vous) si je tombais entre les mains de ces messieurs de l'habit rouge, il est probable que cela irait mal pour moi. Maintenant, monsieur, j'allais en France ; il y avait un vaisseau français en train de croiser par ici afin de m'emmener ; mais nous l'avons perdu dans le brouillard… comme je souhaiterais de tout cœur que vous eussiez fait vous-même ! Et voici tout ce que je puis dire : Si vous voulez me mettre à terre là où je me rendais, j'ai sur moi le nécessaire pour vous récompenser largement de votre peine.

– En France ? dit le capitaine.

Non, monsieur, cela je ne le puis. Mais là d'où vous venez… nous pourrions en causer.

Et alors, par malheur, il m'aperçut dans mon coin, et m'envoya à la cambuse chercher le souper du gentilhomme. Je ne perdis pas de temps, je vous assure. Quand je fus de retour dans la dunette, le gentilhomme avait retiré d'autour de sa taille une ceinture pleine d'espèces, et versé quelques guinées sur la table. Le capitaine regardait tour à tour les guinées, la ceinture, et le visage du gentilhomme ; il me parut fort intéressé.

– Moitié de cela, s'écria-t-il, et je suis votre homme !

L'autre rafla les guinées dans la ceinture, qu'il rajusta sous son gilet.

– Je vous ai expliqué, monsieur, dit-il, que pas un liard de cet or ne m'appartient. Il appartient à mon chef – (il porta la main à son chapeau) – mais tandis que je serais seulement un fidèle messager, d'en sacrifier une partie afin de sauver le reste, j'agirais comme un misérable si je rachetais ma carcasse trop cher. Trente guinées sur la côte, ou soixante, si vous me déposez dans le loch Lynnhe. Voyez si cela vous va ; sinon, tant pis pour vous.

– Très bien, dit Hoseason. Et si je vous livre aux soldats ?

– Vous feriez un marché de dupe, dit l'autre. Mon chef, laissez-moi vous le dire, monsieur, est confisqué, comme tout honnête homme en Écosse. Ses biens sont entre les mains de celui qu'on appelle le roi George, dont les fonctionnaires recueillent le produit, ou du moins essaient. Mais pour l'honneur de l'Écosse, les pauvres tenanciers n'oublient pas leur chef exilé ; et cet argent qu'ils lui envoient fait partie de ces mêmes revenus que convoite le roi George. Or, monsieur, vous me semblez comprendre les choses : mettez cet argent à la portée du gouvernement, et qu'est-ce qui vous en reviendra ?

– Bien peu, à coup sûr, dit Hoseason ; puis : – S'il le savait, ajouta-t-il froidement. Mais je suppose, le cas échéant, que je saurais tenir ma langue.

– Oui, mais je vous garde un tour ! s'écria le gentilhomme. Trahissez-moi, et je vous rends la pareille. Que l'on mette la main sur moi, et je révèle la somme.

– Allons, dit le capitaine, il faut ce qu'il faut. Soixante guinées, et tope. Voilà ma main.

– Et voici la mienne, dit l'autre.

Et là-dessus, le capitaine sortit (un peu précipitamment, à mon avis) et me laissa seul dans la dunette avec l'étranger.

À cette époque (peu après 45) un grand nombre de gentilshommes exilés revenaient, au péril de leur vie, soit pour voir leurs amis, soit pour trouver de l'argent, et quant aux chefs highlanders dont les biens avaient été confisqués, il était de notoriété que leurs tenanciers se privaient afin de leur envoyer de l'argent, et les membres de leur clan affrontaient les soldats pour le recevoir, et forçaient le blocus de notre flotte de guerre pour le porter à l'étranger. Tout cela, bien entendu, je le savais ; mais j'avais là sous les yeux un homme dont la vie était compromise pour tous ces motifs et d'autres encore, car c'était non seulement un rebelle et un messager clandestin, mais il avait pris du service chez le roi Louis de France. Et comme si tout cela ne suffisait pas, il avait autour de la taille une ceinture pleine de guinées d'or. Quelles que fussent mes opinions, je ne pouvais regarder un tel homme sans un vif intérêt.

– Ainsi, vous êtes jacobite ? dis-je, en posant un plat devant lui.

– Oui, dit-il en se mettant à manger. Et vous, à voir votre longue figure, seriez plutôt un whig[14].

– Entre les deux, répondis-je, de crainte de le désobliger ; car j'étais en réalité aussi bon whig que M. Campbell avait pu me faire.

– Alors, vous n'êtes rien du tout, dit-il. Mais à mon avis, monsieur Entre-les-deux, cette bouteille-ci est vide, et ce serait dur d'aller payer soixante guinées pour qu'on vous chicane encore une goutte à boire.

– Je vais demander la clef, dis-je. Et je sortis sur le pont.

Le brouillard était toujours aussi dense, mais la houle presque entièrement tombée. On avait mis le brick en panne, car on ne savait plus au juste où l'on se trouvait, et le vent (ou le peu qui en restait) ne pouvait nous servir pour notre route. Quelques matelots guettaient encore les brisants ; mais le capitaine et les deux officiers étaient dans la coursive, leurs têtes rapprochées. Je sentis (je ne sais pourquoi) qu'ils méditaient un mauvais coup ; et le premier mot que j'entendis, en m'approchant d'eux tout doucement, fit plus que me confirmer dans cette opinion.

Ce fut M. Riach qui s'écria, soudain comme frappé d'une idée :

– Ne pouvons-nous l'attirer hors de la dunette ?

– Il est mieux là, répliqua Hoseason ; il n'a pas de place pour se servir de son épée.

– Oui, c'est vrai, dit Riach ; mais ce sera difficile d'en venir à bout.

– Bah ! dit Hoseason.

Il suffit de nous mettre un de chaque côté de lui, comme pour causer, et de lui immobiliser les bras ; ou, si vous le préférez, monsieur, nous pouvons nous élancer par les deux portes, et le terrasser avant qu'il ait le temps de dégainer.

À ces mots, je fus saisis à la fois de crainte et de fureur envers ces traîtres, avides et sanguinaires individus. Ma première idée fut de fuir ; ma seconde fut plus hardie.

– Capitaine, dis-je, le gentilhomme demande à boire, et sa bouteille est finie. Voulez-vous me donner la clef ?

Tous deux tressaillirent et se retournèrent.

– Ma foi, voici notre meilleure chance de mettre la main sur les armes à feu ! s'écria Riach. Puis, s'adressant à moi : – Écoutez bien, David, savez-vous où sont les pistolets ?

– Oui, oui, dit Hoseason ; David le sait ; David est un brave garçon. Voyez-vous, David mon ami, ce Highlander là-bas est un danger pour le brick outre qu'il est ennemi juré du roi George, que Dieu bénisse !

Je n'avais pas encore reçu autant de David depuis mon arrivée à bord ; mais je répondis : Oui, comme si ce qu'on me disait était tout naturel.

– L'ennui, reprit le capitaine, c'est que toutes nos armes à feu, grandes ou petites, se trouvent sous le nez de cet homme, dans la dunette ; la poudre également. Or, si moi, ou l'un des officiers, s'en allait pour les chercher, cela lui donnerait l'éveil. Tandis qu'un garçon comme vous, David, peut facilement escamoter une poire à poudre et un pistolet ou deux. Et si vous vous en tirez comme il faut, je ne l'oublierai pas, au moment où il sera bon pour vous d'avoir des amis, c'est-à-dire quand nous arriverons à la Caroline.

M. Riach lui glissa quelques mots à l'oreille.

– Très bien, monsieur, dit le capitaine ; puis à moi : – Et songez, David, que cet homme a une ceinture pleine d'or, et vous y mettrez les doigts, je vous en donne ma parole.

Je lui répondis que je ferais comme il le désirait, bien que j'eusse à peine la force de parler ; et alors il me donna la clef de l'armoire aux liqueurs, et je m'en retournai lentement vers la dunette. Qu'allais-je faire ? Ces gens étaient des misérables et des voleurs : ils m'avaient ravi à mon pays ; ils avaient tué le pauvre Ransome ; devais-je encore leur tenir la chandelle pour un autre assassinat ? Mais, d'autre part, j'avais devant les yeux la crainte de la mort ; car que pouvaient un enfant et un seul homme, fussent-ils braves comme des lions, contre tout l'équipage d'un navire ?

J'étais encore à retourner la chose dans mon esprit, sans me fixer à rien, lorsque j'entrai dans la dunette, et vis le jacobite qui mangeait sous la lampe. À cette vue, ma résolution fut aussitôt prise. Je n'en tire nul orgueil, car ce ne fut point de mon propre mouvement, mais par une sorte d'impulsion, que je marchai droit à la table, et posai la main sur l'épaule de l'homme.

– Tenez-vous à être tué ? lui demandai-je.

Il se leva d'un bond, et ses yeux me questionnèrent mieux que s'il avait parlé.

– Oh ! m'écriai-je, ce sont tous assassins ici ; le navire en est plein ! Ils ont déjà tué un mousse. C'est votre tour, à présent.

– Ouais, dit-il ; mais ils ne m'ont pas encore ; Puis, me regardant avec curiosité : – Vous me seconderiez ?

– C'est bien mon intention. Je ne suis pas un voleur, encore moins un assassin. Je vous seconderai.

– Très bien donc ; quel est votre nom ?

– David Balfour ; et puis, songeant qu'un homme aussi bien vêtu devait aimer les gens distingués, j'ajoutai pour la première fois : – de Shaws.

L'idée ne lui vint pas de mettre en doute ma parole, car un Highlander a l'habitude de voir des gens de la plus haute noblesse dans la plus grande pauvreté ; mais comme lui-même n'avait pas de particule, la puérile vanité qu'il portait en lui se révolta.

– Mon nom est Stewart, dit-il, en se redressant. C'est Alan Breck qu'on m'appelle. Un nom de roi me paraît bon assez, quoique je le porte tout simple, sans aucun nom de ferme à ajouter au bout.

Et, après m'avoir administré cette rebuffade, comme s'il s'agissait d'un sujet de la plus haute importance, il s'occupa d'inventorier nos moyens de défense.

La dunette était bâtie très solidement, pour résister aux coups de mer. De ses cinq ouvertures, le vasistas et les deux portes étaient assez larges pour laisser passer un homme. Les portes, d'ailleurs, pouvaient se clore hermétiquement ; elles étaient en cœur de chêne, à coulisses, et munies de crochets pour les tenir fermées ou bien ouvertes, selon le besoin. Celle qui était déjà fermée, je l'assujettis de cette manière, et j'allais faire glisser l'autre à sa place, lorsque Alan m'arrêta.

– David, dit-il – car je ne puis me rappeler le nom de votre terre, et je me permettrai donc de vous appeler David tout court – cette porte ouverte est la meilleure de nos défenses.

– Il vaudrait mieux la fermer, dis-je.

– Non pas, David, dit-il. Voyez-vous, je n'ai que deux yeux ; mais aussi longtemps que cette porte sera ouverte et que j'y aurai les yeux, la plupart de mes ennemis seront en face de moi, là même où je souhaite les trouver.

Puis il me donna un coutelas tiré du râtelier (où il y en avait quelques-uns, outre les armes à feu), le choisissant avec grand soin, tout en hochant la tête et disant qu'il n'avait jamais vu d'aussi pitoyables armes ; et ensuite il m'attabla devant une poire à poudre, un sachet de balles et tous les pistolets, qu'il me donna ordre de charger.

– Et ce sera là une meilleure besogne, permettez-moi de vous le dire, pour un gentilhomme de bonne naissance, que de frotter des assiettes et verser à boire à de vils goudronnés de marins.

Là-dessus, il se campa au milieu de la pièce, faisant face à la porte, et, tirant sa longue rapière, fit l'épreuve du champ disponible.

– Il faut que je m'en tienne aux coups de pointe, dit-il, en hochant la tête, et c'est très regrettable. Cela ne convient pas à mon genre, qui est surtout la garde haute. Et maintenant, chargez-nous ces pistolets, et faites attention à ce que je vais vous dire.

Je lui promis de ne pas perdre un mot. J'avais la gorge serrée, la bouche sèche, les yeux troubles ; la pensée de tous ces individus qui allaient bientôt fondre sur nous me faisait battre le cœur ; et la mer, que j'entendais clapoter alentour du brick, et où je songeais que mon cadavre serait jeté avant le matin, la mer m'obsédait étrangement.

– Tout d'abord, combien sont-ils contre nous ? demanda-t-il.

Je les comptai ; et j'étais si bouleversé que je dus recommencer deux fois.

– Quinze, dis-je.

Alan siffla.

– Tant pis, dit-il, nous n'y pouvons rien. Et maintenant, suivez-moi bien. C'est mon rôle dans la bataille. Vous n'avez rien à y voir. Et surtout rappelez-vous de ne pas tirer de ce côté à moins qu'ils ne m'aient renversé ; car j'aime mieux dix ennemis en face de moi qu'un ami comme vous tirant des coups de pistolet dans mon dos.

Je lui avouai qu'en effet je n'étais pas un fameux tireur.

– Et voilà une brave parole ! s'écria-t-il, admirant beaucoup mon ingénuité. Maints fiers gentilshommes n'oseraient en dire autant.

– Mais, monsieur, dis-je, il y a cette autre porte, derrière vous, qu'ils pourraient bien enfoncer.

– Oui, dit-il, et c'est là une part de votre besogne. Sitôt les pistolets chargés, vous allez monter sur ce lit contre la fenêtre ; et, s'ils s'attaquent à la porte, vous tirez dessus. Mais ce n'est pas tout. Faisons de vous un soldat, David. Qu'avez-vous encore à garder ?

– Le vasistas, dis-je. Mais en vérité, monsieur Stewart, il me faudrait avoir des yeux de tous les côtés pour surveiller porte et vasistas ; quand j'aurai le nez à l'une, je tournerai le dos à l'autre.

– Très juste, dit Alan. Mais n'avez-vous pas aussi des oreilles ?

– À coup sûr ! m'écriai-je. J'entendrai casser le carreau.

– Vous avez quelques rudiments de bon sens, dit Alan, avec un sourire amer.

Chapitre 9 Chapter 9 Capítulo 9

IX. IX. L’homme à la ceinture pleine d’or The man with the gold belt

Le mauvais sort qui avait jusque-là poursuivi le Covenant ne fit que s’accentuer durant la semaine suivante. The curse that had hitherto pursued the Covenant only intensified over the following week. Un jour, il tenait sa route passablement ; le lendemain, il reperdait tout le chemin gagné. One day, he was making good headway; the next, he was losing all the ground he'd gained. Finalement, nous fûmes drossés si loin dans le sud que l’on mit en panne et que l’on roula sur place toute la durée du neuvième jour, en vue du cap Wrath et de l’abrupte côte rocheuse qui le prolonge de part et d’autre. Finally, we were driven so far south that we broke down and rode on the spot for the whole of the ninth day, in sight of Cape Wrath and the steep rocky coastline that extends it on either side. Les officiers tinrent conseil, et prirent une décision que je ne saisis pas bien, mais dont je vis le résultat : savoir que nous mîmes à profit ce vent contraire en nous dirigeant vers le sud. The officers held a council meeting, and took a decision which I didn't quite grasp, but the result of which I saw: namely, that we should take advantage of this headwind by heading south.

L’après-midi du dixième jour, la houle tomba, et il survint un brouillard blanc, humide et opaque. On the afternoon of the tenth day, the swell fell, and a white, damp, opaque fog rolled in. On n’y voyait pas d’une extrémité du brick à l’autre. You couldn't see from one end of the brig to the other. Chaque fois que je traversais le pont, cet après-midi-là, je voyais les hommes et les officiers accoudés au bastingage, guettant l’approche « des brisants », me dit-on ; et sans bien comprendre le mot, je flairais le danger, et j’étais ému. Every time I crossed the bridge that afternoon, I saw the men and officers leaning against the rail, watching out for the approaching "breakers", I was told; and without quite understanding the word, I sensed the danger, and was moved.

Vers dix heures du soir, comme je servais le souper à M. Riach et au capitaine, le navire heurta contre quelque chose avec fracas, et des cris de détresse retentirent. Around ten o'clock in the evening, as I was serving supper to Mr. Riach and the captain, the ship hit something with a crash, and cries of distress rang out. Mes deux maîtres se levèrent d’un bond. My two masters leapt to their feet.

– Nous avons touché ! - We touched it! dit M. Riach. says Mr. Riach.

– Non, monsieur, dit le capitaine. - No, sir," says the captain. Nous venons simplement de couler un bateau. We've just sunk a boat.

Et ils s’élancèrent au-dehors. And off they dashed.

Le capitaine avait dit vrai. The captain was right. Nous avions abordé dans le brouillard une barque, qui s’était ouverte en deux et avait sombré avec tout son monde, à l’exception d’un homme. In the fog, we boarded a boat that split in two and sank with everyone except one man. Celui-ci (nous l’apprîmes par la suite) était à l’arrière comme passager, et les autres sur les bancs, à ramer. This one (as we later learned) was in the back as a passenger, and the others on the benches, rowing. Lors de l’abordage, la poupe avait été lancée en l’air, et l’homme (il avait les mains libres, mais était empêtré d’un surtout de frise qui lui venait à mi-jambe) avait réussi s’agripper au beaupré du brick. During the collision, the stern had been thrown in the air, and the man (his hands were free, but he was entangled in a frieze that came halfway up his leg) had managed to hold on to the brig's bowsprit. Il fallait de la chance et beaucoup d’agilité pour se tirer d’un aussi mauvais pas. It took luck and agility to get out of such a tight spot. Et cependant, lorsque le capitaine l’introduisit dans la dunette, que je le vis pour la première fois, il semblait aussi frais et dispos que moi. And yet, when the captain introduced him to the dock and I saw him for the first time, he seemed as fresh and ready as I was.

Il était de petite taille, mais bien bâti et vif comme une chèvre ; son visage exprimait la franchise, mais il était tout brûlé du soleil, et profondément grêlé de petite vérole ; ses yeux étaient singulièrement clairs et pleins d’une sorte de folie vacillante qui inspirait la sympathie et la crainte ; dès qu’il eut retiré son surtout, il déposa sur la table une paire de beaux pistolets à crosse d’argent, et je vis qu’il portait une longue épée au côté. He was small in stature, but well-built and quick as a goat; his face expressed frankness, but it was all sunburnt, and deeply pockmarked with smallpox; his eyes were singularly clear and full of a kind of flickering madness that inspired sympathy and awe; as soon as he had removed his surtout, he laid on the table a pair of fine silver-stocked pistols, and I saw that he carried a long sword at his side. Ses manières étaient d’ailleurs élégantes, et il complimenta fort joliment le capitaine. His manners were elegant, and he complimented the captain very nicely. Bref, je pensai de cet homme, à première vue, que j’aimerais mieux l’avoir pour ami que pour ennemi. In short, I thought of this man, at first glance, that I'd rather have him for a friend than an enemy. Le capitaine, de son côté, faisait ses remarques, mais il s’occupait davantage des habits que de la personne. The captain, for his part, made his remarks, but he was more concerned with the clothes than the person. Et en vérité, sous le surtout, il apparut d’une élégance bien raffinée pour la dunette d’un brick de commerce : chapeau à plume, gilet rouge, culotte de velours noir, habit bleu à boutons d’argent et fines dentelles d’argent ; tous vêtements de prix, quoiqu’un peu gâtés par le brouillard, et par le fait de coucher tout habillé. And in truth, underneath it all, he appeared quite elegant for the dunette of a merchant brig: feathered hat, red vest, black velvet breeches, blue suit with silver buttons and fine silver lace; all expensive clothes, if a little spoiled by the fog, and by sleeping fully dressed.

– Je suis désolé, monsieur, pour votre barque, dit le capitaine. - I'm sorry, sir, about your boat," says the captain.

– Il y a quelques braves gens partis au fond de l’eau, dit l’étranger, que j’aimerais mieux voir sur la terre ferme plutôt qu’une demi-douzaine de barques. - There are a few good people down there," says the stranger, "who I'd rather see on dry land than half a dozen boats.

– De vos amis ? - Your friends? dit Hoseason. says Hoseason.

– Des amis comme il n’y en a pas chez vous. - Friends like you don't have back home. Ils seraient morts pour moi comme des chiens. They would have died for me like dogs.

– Tant pis, monsieur, dit le capitaine, toujours le regardant – il y a plus d’hommes sur la terre que de bateaux pour les y mettre. - Too bad, sir," said the captain, still looking at him - "there are more men on land than boats to put them in.

– C’est ma foi vrai, s’écria l’autre, et vous me semblez un gentleman de profonde pénétration. - It's true," exclaimed the other, "and you seem to me a gentleman of deep penetration.

– J’ai été en France, dit le capitaine d’une telle façon qu’il voulait dire évidemment plus que sa phrase n’en avait l’air. - I've been to France," said the captain in such a way that he obviously meant more than he sounded.

– Ma foi, monsieur, dit l’autre, il y a maints jolis garçons logés à la même enseigne. - Well, sir," said the other, "there are many pretty boys in the same situation.

– Sans doute, monsieur, dit le capitaine, et de jolis habits aussi. - No doubt, sir," said the captain, "and nice clothes too.

– Oh ! - Oh! dit l’étranger, est-ce par là que vient le vent ? said the stranger, is this where the wind comes from? Et il porta vivement la main à ses pistolets. And he quickly reached for his pistols.

– Ne soyez pas si pressé, dit le capitaine. - Don't be in such a hurry," says the captain. Ne faites pas un malheur avant d’en savoir la nécessité. Don't make a mess before you know it's necessary. Vous avez sur le dos un habit de soldat français et dans la bouche une langue écossaise, c’est certain ; mais il en va de même aujourd’hui pour quantité d’honnêtes gens, et qui n’en valent pas moins. You've got a French soldier's uniform on your back and a Scottish tongue in your mouth, that's for sure; but the same is true today of many honest people, and no less so.

– Ouais ? - Yeah? dit le gentilhomme au bel habit. said the gentleman in the handsome suit. Seriez-vous du parti honnête ? Are you from the honest party?

Il voulait dire : Êtes-vous jacobite, car de chaque côté, dans ce genre de dissensions civiles, on revendique pour soi le privilège de l’honnêteté. He meant to say: Are you a Jacobite, because on both sides, in this kind of civil strife, people claim for themselves the privilege of honesty.

– Ma foi, monsieur, répondit le capitaine, je suis un protestant bon teint, et j’en remercie Dieu. - Well, sir," replied the captain, "I'm a staunch Protestant, and I thank God for it. (C’était le premier mot quelconque de religion que je lui entendais prononcer, mais je sus plus tard qu’il était fort assidu à l’église, une fois à terre.) (It was the first word of any religion I'd heard him utter, but I knew later that he was a regular churchgoer, once ashore). – Malgré cela, continua-t-il, je regrette de voir un de mes semblables mis le dos au mur. - Even so," he continued, "I'm sorry to see one of my fellow human beings put up against the wall.

– En vérité, demanda le jacobite. - In truth," asked the Jacobite. Eh bien, monsieur, pour être franc avec vous, je suis l’un de ces gentlemen qui eurent des ennuis vers l’an 45-46 ; et (toujours pour être franc avec vous) si je tombais entre les mains de ces messieurs de l’habit rouge, il est probable que cela irait mal pour moi. Well, sir, to be frank with you, I'm one of those gentlemen who got into trouble around the year 45-46; and (again to be frank with you) if I fell into the hands of those gentlemen in the red suit, it would probably go badly for me. Maintenant, monsieur, j’allais en France ; il y avait un vaisseau français en train de croiser par ici afin de m’emmener ; mais nous l’avons perdu dans le brouillard… comme je souhaiterais de tout cœur que vous eussiez fait vous-même ! Now, sir, I was on my way to France; there was a French ship cruising this way to take me away; but we lost it in the fog... how I wish with all my heart you had done it yourself! Et voici tout ce que je puis dire : Si vous voulez me mettre à terre là où je me rendais, j’ai sur moi le nécessaire pour vous récompenser largement de votre peine. And here's all I can say: if you want to put me down where I was going, I've got everything I need to reward you handsomely for your trouble.

– En France ? - In France? dit le capitaine. says the captain.

Non, monsieur, cela je ne le puis. No, sir, I can't do that. Mais là d’où vous venez… nous pourrions en causer. But where you come from... we could talk about it.

Et alors, par malheur, il m’aperçut dans mon coin, et m’envoya à la cambuse chercher le souper du gentilhomme. And then, by misfortune, he spotted me in my corner, and sent me to the lazarette to fetch the gentleman's supper. Je ne perdis pas de temps, je vous assure. I wasted no time, I assure you. Quand je fus de retour dans la dunette, le gentilhomme avait retiré d’autour de sa taille une ceinture pleine d’espèces, et versé quelques guinées sur la table. When I returned to the dunette, the gentleman had removed a belt full of cash from around his waist, and poured a few guineas on the table. Le capitaine regardait tour à tour les guinées, la ceinture, et le visage du gentilhomme ; il me parut fort intéressé. The captain looked alternately at the guineas, the belt and the gentleman's face; he seemed very interested.

– Moitié de cela, s’écria-t-il, et je suis votre homme ! - Half of that," he cried, "and I'm your man!

L’autre rafla les guinées dans la ceinture, qu’il rajusta sous son gilet. The other tucked the guineas into his belt, which he readjusted under his vest.

– Je vous ai expliqué, monsieur, dit-il, que pas un liard de cet or ne m’appartient. - I've explained to you, sir," he says, "that not a liard of that gold belongs to me. Il appartient à mon chef – (il porta la main à son chapeau) – mais tandis que je serais seulement un fidèle messager, d’en sacrifier une partie afin de sauver le reste, j’agirais comme un misérable si je rachetais ma carcasse trop cher. It's up to my boss - (he raised his hand to his hat) - but while I'd only be a faithful messenger, to sacrifice part of it in order to save the rest, I'd be acting like a wretch if I bought my carcass back at too high a price. Trente guinées sur la côte, ou soixante, si vous me déposez dans le loch Lynnhe. Thirty guineas on the coast, or sixty, if you drop me off at Lynnhe Loch. Voyez si cela vous va ; sinon, tant pis pour vous. See if it suits you; if not, too bad for you.

– Très bien, dit Hoseason. - Very good," says Hoseason. Et si je vous livre aux soldats ? What if I hand you over to the soldiers?

– Vous feriez un marché de dupe, dit l’autre. - You'd be making a fool's bargain," says the other. Mon chef, laissez-moi vous le dire, monsieur, est confisqué, comme tout honnête homme en Écosse. My boss, let me tell you, sir, is confiscated, as is every honest man in Scotland. Ses biens sont entre les mains de celui qu’on appelle le roi George, dont les fonctionnaires recueillent le produit, ou du moins essaient. His estate is in the hands of the man they call King George, whose officials collect the proceeds, or at least try to. Mais pour l’honneur de l’Écosse, les pauvres tenanciers n’oublient pas leur chef exilé ; et cet argent qu’ils lui envoient fait partie de ces mêmes revenus que convoite le roi George. But for the honor of Scotland, the poor tenants don't forget their exiled leader; and the money they send him is part of the same revenue King George covets. Or, monsieur, vous me semblez comprendre les choses : mettez cet argent à la portée du gouvernement, et qu’est-ce qui vous en reviendra ? Now, sir, you seem to understand things: put this money at the government's disposal, and what will you get back?

– Bien peu, à coup sûr, dit Hoseason ; puis : – S’il le savait, ajouta-t-il froidement. - If he knew," he added coldly. Mais je suppose, le cas échéant, que je saurais tenir ma langue. But I suppose I can hold my tongue if need be.

– Oui, mais je vous garde un tour ! - Yes, but I'll save you a trick! s’écria le gentilhomme. exclaimed the gentleman. Trahissez-moi, et je vous rends la pareille. Betray me, and I'll betray you back. Que l’on mette la main sur moi, et je révèle la somme. Lay a hand on me and I'll reveal the sum.

– Allons, dit le capitaine, il faut ce qu’il faut. - Come on," says the captain, "you've got to do what you've got to do. Soixante guinées, et tope. Sixty guineas, and tope. Voilà ma main. Here's my hand.

– Et voici la mienne, dit l’autre. - And here's mine," says the other.

Et là-dessus, le capitaine sortit (un peu précipitamment, à mon avis) et me laissa seul dans la dunette avec l’étranger. And with that, the captain stepped out (a little hastily, in my opinion) and left me alone in the cabin with the stranger.

À cette époque (peu après 45) un grand nombre de gentilshommes exilés revenaient, au péril de leur vie, soit pour voir leurs amis, soit pour trouver de l’argent, et quant aux chefs highlanders dont les biens avaient été confisqués, il était de notoriété que leurs tenanciers se privaient afin de leur envoyer de l’argent, et les membres de leur clan affrontaient les soldats pour le recevoir, et forçaient le blocus de notre flotte de guerre pour le porter à l’étranger. At this time (shortly after '45) a large number of exiled gentlemen returned, risking their lives, either to see their friends or to find money, and as for Highland chiefs whose property had been confiscated, it was common knowledge that their tenants went without in order to send them money, and members of their clan clashed with soldiers to receive it, and forced the blockade of our war fleet to carry it abroad. Tout cela, bien entendu, je le savais ; mais j’avais là sous les yeux un homme dont la vie était compromise pour tous ces motifs et d’autres encore, car c’était non seulement un rebelle et un messager clandestin, mais il avait pris du service chez le roi Louis de France. All this, of course, I knew; but here I had before me a man whose life was in jeopardy for all these reasons and more, for he was not only a rebel and a clandestine messenger, but had taken service with King Louis of France. Et comme si tout cela ne suffisait pas, il avait autour de la taille une ceinture pleine de guinées d’or. And if all that wasn't enough, he had a belt full of gold guineas around his waist. Quelles que fussent mes opinions, je ne pouvais regarder un tel homme sans un vif intérêt. Whatever my opinions, I couldn't look at such a man without a keen interest.

– Ainsi, vous êtes jacobite ? - So you're a Jacobite? dis-je, en posant un plat devant lui. I said, placing a dish in front of him.

– Oui, dit-il en se mettant à manger. - Yes," he says, starting to eat. Et vous, à voir votre longue figure, seriez plutôt un whig[14]. And you, by the look of your long face, would be a Whig[14].

– Entre les deux, répondis-je, de crainte de le désobliger ; car j’étais en réalité aussi bon whig que M. Campbell avait pu me faire. - Between the two," I replied, lest I should disoblige him; for I was in reality as good a Whig as Mr. Campbell could make me.

– Alors, vous n’êtes rien du tout, dit-il. - Then you're nothing," he says. Mais à mon avis, monsieur Entre-les-deux, cette bouteille-ci est vide, et ce serait dur d’aller payer soixante guinées pour qu’on vous chicane encore une goutte à boire. But in my opinion, Monsieur Entre-les-deux, this bottle is empty, and it would be hard to go and pay sixty guineas to be bribed for one more drop to drink.

– Je vais demander la clef, dis-je. - I'll ask for the key," I said. Et je sortis sur le pont. And I went out on deck.

Le brouillard était toujours aussi dense, mais la houle presque entièrement tombée. The fog was as dense as ever, but the swell had fallen almost entirely. On avait mis le brick en panne, car on ne savait plus au juste où l’on se trouvait, et le vent (ou le peu qui en restait) ne pouvait nous servir pour notre route. We had broken down the brig, as we no longer knew exactly where we were, and the wind (or the little that remained of it) was of no use to us for our route. Quelques matelots guettaient encore les brisants ; mais le capitaine et les deux officiers étaient dans la coursive, leurs têtes rapprochées. A few sailors were still watching the breakers, but the captain and the two officers were in the passageway, their heads close together. Je sentis (je ne sais pourquoi) qu’ils méditaient un mauvais coup ; et le premier mot que j’entendis, en m’approchant d’eux tout doucement, fit plus que me confirmer dans cette opinion. I sensed (I don't know why) that they were up to no good; and the first word I heard, as I approached them softly, more than confirmed me in this opinion.

Ce fut M. Riach qui s’écria, soudain comme frappé d’une idée : It was Mr. Riach who suddenly exclaimed, as if struck by an idea:

– Ne pouvons-nous l’attirer hors de la dunette ? - Can't we lure him off the dock?

– Il est mieux là, répliqua Hoseason ; il n’a pas de place pour se servir de son épée. - He's better off there," replied Hoseason, "he's got no room to use his sword.

– Oui, c’est vrai, dit Riach ; mais ce sera difficile d’en venir à bout. - Yes, that's true," says Riach, "but it's going to be difficult to get rid of them.

– Bah ! - Bah! dit Hoseason. says Hoseason.

Il suffit de nous mettre un de chaque côté de lui, comme pour causer, et de lui immobiliser les bras ; ou, si vous le préférez, monsieur, nous pouvons nous élancer par les deux portes, et le terrasser avant qu’il ait le temps de dégainer. All we have to do is stand on either side of him, as if chatting, and immobilize his arms; or, if you prefer, sir, we can dash through both doors, and strike him down before he has time to draw.

À ces mots, je fus saisis à la fois de crainte et de fureur envers ces traîtres, avides et sanguinaires individus. At these words, I was seized with both fear and fury towards these treacherous, greedy and bloodthirsty individuals. Ma première idée fut de fuir ; ma seconde fut plus hardie. My first thought was to flee; my second was bolder.

– Capitaine, dis-je, le gentilhomme demande à boire, et sa bouteille est finie. - Captain," I say, "the gentleman asks for a drink, and his bottle is finished. Voulez-vous me donner la clef ? Will you give me the key?

Tous deux tressaillirent et se retournèrent. Both shuddered and turned around.

– Ma foi, voici notre meilleure chance de mettre la main sur les armes à feu ! - My goodness, here's our best chance to get our hands on firearms! s’écria Riach. exclaimed Riach. Puis, s’adressant à moi : – Écoutez bien, David, savez-vous où sont les pistolets ? Then, turning to me: - Listen carefully, David, do you know where the pistols are?

– Oui, oui, dit Hoseason ; David le sait ; David est un brave garçon. - Yes, yes," says Hoseason, "David knows; David's a good boy. Voyez-vous, David mon ami, ce Highlander là-bas est un danger pour le brick outre qu’il est ennemi juré du roi George, que Dieu bénisse ! You see, David my friend, that Highlander over there is a danger to the brig besides being a sworn enemy of King George, God bless!

Je n’avais pas encore reçu autant de David depuis mon arrivée à bord ; mais je répondis : Oui, comme si ce qu’on me disait était tout naturel. I hadn't received so many David's since I came on board, but I replied: "Yes," as if what I was told was only natural.

– L’ennui, reprit le capitaine, c’est que toutes nos armes à feu, grandes ou petites, se trouvent sous le nez de cet homme, dans la dunette ; la poudre également. - The problem," said the captain, "is that all our firearms, large and small, are under that man's nose, in the cabin, and so is the gunpowder. Or, si moi, ou l’un des officiers, s’en allait pour les chercher, cela lui donnerait l’éveil. Now, if I, or one of the officers, went off to look for them, it would give him a wake-up call. Tandis qu’un garçon comme vous, David, peut facilement escamoter une poire à poudre et un pistolet ou deux. Whereas a boy like you, David, can easily sneak away a powder flask and a pistol or two. Et si vous vous en tirez comme il faut, je ne l’oublierai pas, au moment où il sera bon pour vous d’avoir des amis, c’est-à-dire quand nous arriverons à la Caroline. And if you do well, I won't forget it, when it's time for you to have friends, which is when we get to Carolina.

M. Riach lui glissa quelques mots à l’oreille. Mr. Riach whispered a few words in his ear.

– Très bien, monsieur, dit le capitaine ; puis à moi : – Et songez, David, que cet homme a une ceinture pleine d’or, et vous y mettrez les doigts, je vous en donne ma parole. - And consider, David, that this man has a belt full of gold, and you'll put your fingers in it, I give you my word.

Je lui répondis que je ferais comme il le désirait, bien que j’eusse à peine la force de parler ; et alors il me donna la clef de l’armoire aux liqueurs, et je m’en retournai lentement vers la dunette. I replied that I would do as he wished, though I could hardly speak; and then he gave me the key to the liquor cabinet, and I walked slowly back to the dunette. Qu’allais-je faire ? What was I going to do? Ces gens étaient des misérables et des voleurs : ils m’avaient ravi à mon pays ; ils avaient tué le pauvre Ransome ; devais-je encore leur tenir la chandelle pour un autre assassinat ? These people were wretches and thieves: they had robbed me of my country; they had killed poor Ransome; was I still to hold a candle to them for another murder? Mais, d’autre part, j’avais devant les yeux la crainte de la mort ; car que pouvaient un enfant et un seul homme, fussent-ils braves comme des lions, contre tout l’équipage d’un navire ? But, on the other hand, I had the fear of death before my eyes; for what could a child and a single man, brave as lions, do against the entire crew of a ship?

J’étais encore à retourner la chose dans mon esprit, sans me fixer à rien, lorsque j’entrai dans la dunette, et vis le jacobite qui mangeait sous la lampe. I was still turning the thing over in my mind, without fixing on anything, when I entered the dunette, and saw the Jacobite eating under the lamp. À cette vue, ma résolution fut aussitôt prise. At the sight of this, my mind was immediately made up. Je n’en tire nul orgueil, car ce ne fut point de mon propre mouvement, mais par une sorte d’impulsion, que je marchai droit à la table, et posai la main sur l’épaule de l’homme. I take no pride in this, for it was not of my own accord, but by a kind of impulse, that I walked straight to the table and laid my hand on the man's shoulder.

– Tenez-vous à être tué ? - Do you want to be killed? lui demandai-je. I asked.

Il se leva d’un bond, et ses yeux me questionnèrent mieux que s’il avait parlé. He jumped to his feet, and his eyes questioned me better than if he'd spoken.

– Oh ! - Oh! m’écriai-je, ce sont tous assassins ici ; le navire en est plein ! they're all murderers here; the ship is full of them! Ils ont déjà tué un mousse. They've already killed one mousse. C’est votre tour, à présent. Now it's your turn.

– Ouais, dit-il ; mais ils ne m’ont pas encore ; Puis, me regardant avec curiosité : – Vous me seconderiez ? - Then, looking at me curiously: - Would you help me?

– C’est bien mon intention. - That's my intention. Je ne suis pas un voleur, encore moins un assassin. I'm not a thief, let alone a murderer. Je vous seconderai. I'll be right behind you.

– Très bien donc ; quel est votre nom ?

– David Balfour ; et puis, songeant qu’un homme aussi bien vêtu devait aimer les gens distingués, j’ajoutai pour la première fois : – de Shaws. - David Balfour; and then, thinking that such a well-dressed man must like distinguished people, I added for the first time: - de Shaws.

L’idée ne lui vint pas de mettre en doute ma parole, car un Highlander a l’habitude de voir des gens de la plus haute noblesse dans la plus grande pauvreté ; mais comme lui-même n’avait pas de particule, la puérile vanité qu’il portait en lui se révolta. It didn't occur to him to question my word, for a Highlander is accustomed to seeing people of the highest nobility in the greatest poverty; but as he himself had no particle, the childish vanity he carried within him revolted.

– Mon nom est Stewart, dit-il, en se redressant. - My name is Stewart," he said, straightening up. C’est Alan Breck qu’on m’appelle. I'm Alan Breck. Un nom de roi me paraît bon assez, quoique je le porte tout simple, sans aucun nom de ferme à ajouter au bout. A king's name sounds good enough, though I wear it plain, with no farm name to add to the end.

Et, après m’avoir administré cette rebuffade, comme s’il s’agissait d’un sujet de la plus haute importance, il s’occupa d’inventorier nos moyens de défense. And, after administering this rebuff to me, as if it were a matter of the utmost importance, he set about inventorying our means of defense.

La dunette était bâtie très solidement, pour résister aux coups de mer. The dunette was very solidly built, to withstand the pounding of the sea. De ses cinq ouvertures, le vasistas et les deux portes étaient assez larges pour laisser passer un homme. Of its five openings, the skylight and two doors were wide enough for a man to pass through. Les portes, d’ailleurs, pouvaient se clore hermétiquement ; elles étaient en cœur de chêne, à coulisses, et munies de crochets pour les tenir fermées ou bien ouvertes, selon le besoin. The doors, moreover, could be hermetically sealed; they were made of oak heartwood, with runners and hooks to hold them closed or open, as required. Celle qui était déjà fermée, je l’assujettis de cette manière, et j’allais faire glisser l’autre à sa place, lorsque Alan m’arrêta. I secured the one that was already closed, and was about to slide the other one into place, when Alan stopped me.

– David, dit-il – car je ne puis me rappeler le nom de votre terre, et je me permettrai donc de vous appeler David tout court – cette porte ouverte est la meilleure de nos défenses. - David," he says - for I can't remember the name of your land, so I'll just call you David - "this open door is our best defense.

– Il vaudrait mieux la fermer, dis-je. - Better shut up," I said.

– Non pas, David, dit-il. - No, David," he says. Voyez-vous, je n’ai que deux yeux ; mais aussi longtemps que cette porte sera ouverte et que j’y aurai les yeux, la plupart de mes ennemis seront en face de moi, là même où je souhaite les trouver. You see, I only have two eyes; but as long as this door is open and I have eyes in it, most of my enemies will be in front of me, right where I want to find them.

Puis il me donna un coutelas tiré du râtelier (où il y en avait quelques-uns, outre les armes à feu), le choisissant avec grand soin, tout en hochant la tête et disant qu’il n’avait jamais vu d’aussi pitoyables armes ; et ensuite il m’attabla devant une poire à poudre, un sachet de balles et tous les pistolets, qu’il me donna ordre de charger. Then he gave me a cutlass from the rack (where there were a few, in addition to the firearms), choosing it with great care, while shaking his head and saying he'd never seen such pitiful weapons; and then he set me down in front of a powder flask, a bag of bullets and all the pistols, which he ordered me to load.

– Et ce sera là une meilleure besogne, permettez-moi de vous le dire, pour un gentilhomme de bonne naissance, que de frotter des assiettes et verser à boire à de vils goudronnés de marins. - And it'll be a better job, let me tell you, for a gentleman of good birth, than scrubbing plates and pouring drinks for vile sailors.

Là-dessus, il se campa au milieu de la pièce, faisant face à la porte, et, tirant sa longue rapière, fit l’épreuve du champ disponible. With that, he camped himself in the middle of the room, facing the door, and, drawing his long rapier, tested the available field.

– Il faut que je m’en tienne aux coups de pointe, dit-il, en hochant la tête, et c’est très regrettable. - I'll have to stick to point-blank shots," he says, shaking his head, "and that's very unfortunate. Cela ne convient pas à mon genre, qui est surtout la garde haute. It doesn't suit my style, which is mostly high guard. Et maintenant, chargez-nous ces pistolets, et faites attention à ce que je vais vous dire. And now, load up those pistols, and pay attention to what I'm about to tell you.

Je lui promis de ne pas perdre un mot. I promised her I wouldn't waste a word. J’avais la gorge serrée, la bouche sèche, les yeux troubles ; la pensée de tous ces individus qui allaient bientôt fondre sur nous me faisait battre le cœur ; et la mer, que j’entendais clapoter alentour du brick, et où je songeais que mon cadavre serait jeté avant le matin, la mer m’obsédait étrangement. My throat was tight, my mouth dry, my eyes cloudy; the thought of all those people who would soon descend on us made my heart pound; and the sea, which I could hear lapping around the brig, and where I thought my corpse would be dumped before morning, the sea obsessed me strangely.

– Tout d’abord, combien sont-ils contre nous ? - First of all, how many of them are against us? demanda-t-il. he asked.

Je les comptai ; et j’étais si bouleversé que je dus recommencer deux fois. I counted them, and was so upset that I had to do it twice.

– Quinze, dis-je. - Fifteen, I said.

Alan siffla. Alan whistled.

– Tant pis, dit-il, nous n’y pouvons rien. - Too bad," he says, "there's nothing we can do about it. Et maintenant, suivez-moi bien. And now, follow me. C’est mon rôle dans la bataille. That's my role in the battle. Vous n’avez rien à y voir. You have nothing to do with it. Et surtout rappelez-vous de ne pas tirer de ce côté à moins qu’ils ne m’aient renversé ; car j’aime mieux dix ennemis en face de moi qu’un ami comme vous tirant des coups de pistolet dans mon dos. And above all, remember not to shoot from this side unless they've knocked me over; for I'd rather have ten enemies in front of me than a friend like you firing pistols at my back.

Je lui avouai qu’en effet je n’étais pas un fameux tireur. I told him I wasn't a very good shot.

– Et voilà une brave parole ! - Now that's a good word! s’écria-t-il, admirant beaucoup mon ingénuité. he exclaimed, admiring my ingenuity. Maints fiers gentilshommes n’oseraient en dire autant. Many a proud gentleman wouldn't dare say the same.

– Mais, monsieur, dis-je, il y a cette autre porte, derrière vous, qu’ils pourraient bien enfoncer. - But, sir," I said, "there's this other door behind you that they might just break down.

– Oui, dit-il, et c’est là une part de votre besogne. - Yes," he says, "and that's part of your job. Sitôt les pistolets chargés, vous allez monter sur ce lit contre la fenêtre ; et, s’ils s’attaquent à la porte, vous tirez dessus. As soon as the pistols are loaded, you climb onto this bed against the window; and, if they attack the door, you shoot them. Mais ce n’est pas tout. But that's not all. Faisons de vous un soldat, David. Let's make a soldier of you, David. Qu’avez-vous encore à garder ? What else do you have to keep?

– Le vasistas, dis-je. - The skylight," I said. Mais en vérité, monsieur Stewart, il me faudrait avoir des yeux de tous les côtés pour surveiller porte et vasistas ; quand j’aurai le nez à l’une, je tournerai le dos à l’autre. But the truth is, Mr. Stewart, I'd have to have eyes on all sides to keep an eye on the door and the skylight; when I get my nose to one, I'll turn my back on the other.

– Très juste, dit Alan. - Quite right," says Alan. Mais n’avez-vous pas aussi des oreilles ? But don't you also have ears?

– À coup sûr ! - For sure! m’écriai-je. I exclaimed. J’entendrai casser le carreau. I'll hear the tile break.

– Vous avez quelques rudiments de bon sens, dit Alan, avec un sourire amer. - You have a few rudiments of common sense," says Alan, with a bitter smile.