BLANCHIMENT 2010-07-16
L'affaire Bettencourt est bien loin d'être refermée, au contraire. Avec les gardes à vue en rafale qui viennent de relancer le feuilleton, on pressent qu'un nouveau chapitre est en train de s'ouvrir. Et le soupçon qui pèse sur ceux qui sont retenus est celui de blanchiment de fraude fiscale. Alors que peut-on blanchir ? De l'argent en général, mais on voit que le terme s'emploie aussi bien pour dire qu'on blanchit une fraude. Comme si on l'effaçait ; comme si on la transformait en opération tout à fait présentable. Le sens du mot est tout à fait clair, ce qui est la moindre des choses lorsqu'on parle de blanchir : on blanchit de l'argent quand on invente une origine légale à cet argent qu'on possède. Il s'agit donc d'abord de fonds qui ont été acquis illégalement ; ou bien il s'agit de profits non déclarés, réalisés légalement, mais non déclarés au fisc, donc on évite donc de payer des impôts dessus. Mais on ne peut s'en servir que clandestinement, pour réaliser des opérations officieuses, puisque cet argent n'a pas d'existence officielle. Si on veut le faire apparaître au grand jour, il faut donc lui inventer une histoire légale, exposer la façon dont on l'a acquis. C'est ça qu'on appelle le blanchir. Deux détails significatifs viennent à l'appui de ce sens figuré. D'abord ce qui est blanc donne toujours l'impression d'être plus visible, plus évident, que ce qui est foncé. L'obscur et le noir semblent se fondre dans la masse, se camoufler. Dans le noir on n'y voit rien, donc le noir et associé à ca qu'on ne voit pas. Blanchir de l'argent, c'est donc lui permettre d'être vu. D'autre part, dans la culture française tout au moins, le blanc est souvent considéré comme la couleur de la pureté, de l'innocence : le blanc n'est pas coupable. Ce qui d'ailleurs appartient à la préhistoire de la langue : on a un peu la même chose avec l'adjectif candidus en latin, qui signifie à la fois blanc et innocent. Ce mot de blanchiment on l'emploie également très souvent lorsqu'il s'agit de l'argent de la drogue : c'est presque le mot obligé pour désigner les processus de recyclage plus ou moins acrobatiques grâce auxquels on redonne un air de virginité à tout cet argent dont on ne peut avouer la provenance. Drôle de substantif, qui vient d'un verbe dit « du deuxième groupe », et qu'on reconnait au fait qu'il se déploie sur la syllabe iss- : je blanchissais, en blanchissant etc. On aurait donc pu s'attendre à ce que cette syllabe soit présente dans la dérivation. C'est la cas d'ailleurs pour un autre mot : à partir de blanchir, on construit blanchissage. Le mot date du XVIe siècle, et ne s'utilise que dans un sens purement concret : le blanchissage c'est le travail de la blanchisseuse, qui nettoie, lave, blanchit le linge. Coproduction du Centre national de Documentation Pédagogique. http://www.cndp.fr/ Venez découvrir le livre Les Mots de l'Actualité d'Yvan Amar.