Pokémon, intégrales et petits pois
Pour mon chat Albert, la statistique c'est avant tout une histoire de mathématiques.
Mais ce qu'Albert ne sait pas, c'est que la palette d'outils mathématiques
que le statisticien utilise au quotidien est en fait très limitée.
Dans cette palette, on retrouve principalement le calcul matriciel, l'intégration, et le calcul différentiel.
Aujourd'hui, c'est de ces deux derniers que je vais parler à mon chat.
Ne t'inquiète pas Albert, si la vidéo du jour va nécessiter ta pleine attention,
elle n'en demeure pas moins à la portée de tous les félins.
<3 Sous-titres réalisés avec amour par Robert Vanden Eynde et Mathéo, merci à eux <3
Les fonctions mathématiques, comme le carré de x ou le logarithme népérien de x,
sont un peu comme les Pokémon.
Il y en a beaucoup, certaines sont plus communes que d'autres, et on peut les faire évoluer.
Par exemple, l'évolution ou intégrale du carré de x est le cube de x divisé par 3 et on note les choses comme à l'écran.
Le cube de x divisé par 3 peut à son tour être intégré, le résultat est alors x exposant 4 divisé par 12,
une autre fonction que l'on peut encore intégrer si on le désire.
Tout comme le Pokémon Evoli, certaines fonctions ont le choix entre plusieurs évolutions.
Prenons ainsi la nouvelle fonction affichée à l'écran.
La particularité de cette fonction est qu'elle possède trois arguments : non seulement x, mais aussi y et z,
les lettres utilisées étant arbitraires, j'aurais très bien pu écrire la même fonction
avec comme arguments u, v et w à la place de x, y et z.
Ce qui est important de comprendre, c'est qu'on intègre toujours par rapport à un argument précis.
Notre nouvelle fonction en comportant trois, il y a trois évolutions possibles qui sont les suivantes.
De façon générale, Albert, si tu as besoin d'intégrer une fonction,
tu devras consulter des tables d'intégrales, présentes dans tout bon livre de maths.
Via ces tables, on peut ainsi apprendre que l'évolution ou intégrale de x exposant a donne toujours une fraction.
Le numérateur est x exposant a + 1 et le dénominateur est juste a + 1.
Ceci fonctionne avec n'importe quelle valeur de a, à l'exception de -1.
Dans ce cas de figure,
l'intégrale de x exposant a vaut le logarithme népérien de x, ce qui est noté log(x) par les statisticiens.
D'autres résultats classiques sont par exemple que l'intégrale du cosinus de x
vaut le sinus de x, ou que si la fonction f(x) est simplement une valeur b multipliant x,
l'intégrale de cette fonction est b fois l'intégrale de x, ce qui fait b fois la moitié du carré de x.
Consulter des tables d'intégrales est toutefois indigne d'un petit chat vivant au 21ème siècle.
Pour intégrer une fonction, le plus efficace aujourd'hui est de faire appel à des calculateurs en ligne.
Mon préféré, c'est SymPy Gamma ; mais il m'arrive aussi d'utiliser Wolfram Alpha.
Par exemple, pour faire évoluer x exposant 4 divisé par 12 dans Wolfram Alpha,
il faut y entrer le texte suivant ; l'accent circonflexe permettant de mettre le chiffre 4 en exposant de x.
Le résultat de cette intégrale est, selon Wolfram Alpha, x exposant 5 divisé par 60.
Dans SymPy Gamma, un projet open source, il faut noter les choses légèrement différemment, comme à l'écran.
Le résultat est toutefois bien sûr le même que dans Wolfram Alpha.
Intégrer des fonctions mathématiques, cela ne représente toutefois que la moitié de l'histoire.
Car s'il est possible de faire évoluer la plupart d'entre elles,
il est aussi possible d'aller dans le sens inverse et de faire régresser ces fonctions.
Cela s'appelle *le calcul différentiel*.
Si je désire faire régresser la fonction x exposant 5 divisé par 60
par rapport à x, je dois entrer dans SymPy Gamma le texte suivant.
On récupère alors bien la fonction originale, avant son évolution par rapport à x.
Et de la même manière que l'on peut faire évoluer certaines fonctions dans plusieurs directions,
on peut faire régresser ces dernières selon plusieurs directions aussi.
Voici les résultats pour notre fonction à trois arguments.
Remarque au passage Albert comment les choses sont notées, les symboles étranges à l'écran étant des d incurvés.
Il est également possible de dériver la fonction plusieurs fois d'affilée,
et pas forcément par rapport au même argument.
Ainsi, la dérivée par rapport à z et ensuite par rapport à x donne le résultat suivant.
De nombreuses fonctions ne peuvent toutefois pas régresser indéfiniment.
Si je parcours de haut en bas les arbres évolutifs des Pokémon Salamèche, Evoli et Bulbizarre,
on constate qu'il existe une racine commune, représentée par un oeuf,
en dessous de laquelle on ne peut pas descendre.
Le même phénomène existe pour de nombreuses fonctions mathématiques.
Si on les dérive suffisamment de fois, elles finissent par se réduire à la valeur 0.
Voici par exemple le résultat si on dérive trois fois d'affilée la fonction t exposant deux
par rapport à son argument t.
La dérivée de 0 étant encore 0, il n'est pas possible d'aller plus loin que 0.
Pour notre fonction aux trois arguments x y et z, la réduction à zéro est facile à obtenir en dérivant deux fois par rapport à son argument x.
Il existe toutefois beaucoup de fonctions qui ne peuvent être réduites à l'état d'oeuf.
Pour ne donner qu'un exemple, prenons la fonction sinus de x.
Si on dérive successivement cette fonction, un cycle sans fin se crée
et on constate qu'il n'est pas possible de régresser à l'état d'oeuf.
À ce stade, Albert, tu te demandes sans doute à quoi l'intégration et le calcul différentiel peuvent bien servir.
L'intégration, pour faire court, c'est le principal outil du statisticien pour calculer des probabilités.
Nous en reparlerons toutefois dans le futur, le sujet méritant sa propre vidéo.
De son côté, le calcul différentiel est l'un des outils mathématiques
les plus puissants que je connaisse,
capable de changer le monde.
Par jour, plus d'un demi milliard de canettes à base d'aluminium sont consommées,
ce qui signifie que des milliers de tonnes de ce métal sont quotidiennement nécessaires pour nous abreuver.
La forme en cylindre des canettes est une évidence ; l'objet est ainsi agréable à tenir en main
en plus de pouvoir être facilement posé sur une surface plane.
Mais les dimensions que le cylindre doit avoir afin de minimiser la quantité d'aluminium
nécessaire à sa fabrication sont beaucoup moins évidentes.
Voici, Albert, trois canettes ayant toutes un volume identique de 250 millilitres
et des hauteurs différentes.
Si le volume de ces canettes est le même, la surface d'aluminium nécessaire à leur fabrication n'est pas la même.
Facile à trouver sur Internet, la fonction permettant de calculer la surface d'un cylindre
selon sa hauteur et son volume est celle-ci.
Via cette fonction, on trouve les surfaces de métal suivantes
et on constate que la première canette, plus élancée, nécessite davantage de métal
pour sa fabrication que les deux autres.
Aucune de ces canettes n'est toutefois la canette de 250 millilitres idéale.
La canette idéale, c'est celle dont la hauteur h donne la surface de métal
la plus petite possible.
En langage de mathématicien, on dira qu'il faut minimiser la fonction
permettant de calculer la surface de métal selon son argument h.
Il existe de nombreuses façons de minimiser une fonction par rapport à un
ou plusieurs de ses arguments ; mais la plus commune est celle que je vais maintenant appliquer
et qui repose de façon critique sur le calcul différentiel.
Je dérive d'abord la fonction selon h avec l'aide de SymPy Gamma ;
et je cherche ensuite la valeur de h telle que la fonction dérivée devienne 0.
La réponse est la racine cubique suivante, obtenue en isolant h,
et pour un volume de 250 millilitres, on trouve une hauteur de 6,8 cm.
Avec cette hauteur, la surface de la canette sera de 220 centimètres carrés.
Le calcul différentiel nous garantit qu'il n'existe aucune autre canette
de 250 millilitres avec une surface plus petite encore.
Ceci dit, Albert, tu as sans doute remarqué que les canettes de 250 millilitres
que je ramène du supermarché sont presque deux fois plus hautes que cette hauteur idéale.
Ces canettes sont plus chères à fabriquer mais néanmoins produites à grande échelle
car le consommateur apprécie leur forme allongée et semble prêt
à payer le surcoût de fabrication.
Ce surcoût de fabrication, on peut d'ailleurs facilement le calculer.
Il suffit de comparer la surface de métal que le fabricant a utilisé
avec la surface minimale nécessaire.
Voici les résultats sur base de quelques produits que j'avais dans mon armoire
au moment de faire cette vidéo, depuis la canette de RedBull jusqu'à la crème de tomate de marque Knorr.
Je ne voudrais toutefois pas que ce tableau paraisse trop mystérieux à mon chat.
Nous allons donc vérifier ensemble la ligne correspondant à la crème de tomate.
Comme indiqué, la conserve fait 515 millilitres pour une hauteur de 13,2 cm.
La surface fabricant est calculée via la formule à l'écran ; ce qui fait bien 370 cm².
La hauteur idéale pour cette conserve est quant à elle calculée via la racine cubique suivante,
ce qui donne 8,7 centimètres.
La surface de métal liée est 356 cm².
Pour finir, la différence entre les deux surfaces est de 14 cm, soit un surcoût de 3,9%.
Vous avez probablement cher internaute quelques conserves dans vos armoires aussi.
Avez-vous payé un surcoût de fabrication ?
Calculez ce dernier, partagez vos résultats avec Albert dans la section commentaires de cette vidéo,
et n'oubliez pas que la racine cubique d'un nombre, c'est simplement ce nombre exposant 1/3.
Comme la plupart de nos vidéos, cette nouvelle vidéo a nécessité une quantité colossale de travail de la part de Laura, Gwenaël et moi-même.
Si vous aimez ce que nous faisons, et souhaitez nous encourager à poursuivre nos activités,
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Merci à tous pour votre attention, et à très bientôt pour de nouvelles aventures avec Albert.