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Cinq semaines en ballon de Jules Verne, CHAPITRE XXXII

CHAPITRE XXXII

La capitale du Bornou.—Les îles des Biddiomahs.—Les gypaètes.—Les inquiétudes du docteur.— Ses précautions.—Une attaque au milieu des airs.—L'enveloppe déchirée.—La chute.—Dévouement sublime.—La côte septentrionale du lac. Depuis son arrivée au lac Tchad, le Victoria avait rencontré un courant qui s'inclinait plus à l'ouest ; quelques nuages tempéraient alors la chaleur du jour ; on sentait d'ailleurs un peu d'air sur cette vaste étendue d'eau ; mais, vers une heure, le ballon, ayant coupé de biais cette partie du 1ac, s'avança de nouveau dans les terres pendant l'espace de sept ou huit milles. Le docteur, un peu fâché d'abord de cette direction, ne pensa plus à s'en plaindre quand il aperçut la ville de Kouka, la célèbre capitale du Bornou ; il put l'entrevoir un instant, ceinte de ses murailles d'argile blanche ; quelques mosquées assez grossières s'élevaient lourdement au-dessus de cette multitude de dés à jouer qui forment les maisons arabes. Dans les cours des maisons et sur les places publiques poussaient des palmiers et des arbres à caoutchouc, couronnés par un dôme de feuillage large de plus de cent pieds. Joe fit observer que ces immenses parasols étaient en rapport avec l'ardeur des rayons solaires, et il en tira des conclusions fort aimables pour la Providence. Kouka se compose réellement de deux villes distinctes, séparées par le « dendal, » large boulevard de trois cents toises, alors encombré de piétons et de cavaliers. D'un côté se carre la ville riche avec ses cases hautes et aérées ; de l'autre se presse la ville pauvre, triste assemblage de huttes basses et coniques, où végète une indigente population, car Kouka n'est ni commerçante ni industrielle. Kennedy lui trouva quelque ressemblance avec un Édimbourg qui s'étalerait dans une plaine, avec ses deux villes parfaitement déterminées. Mais à peine les voyageurs purent-ils saisir ce coup d' il, car, avec la mobilité qui caractérise les courants de cette contrée, un vent contraire les saisit brusquement et les ramena pendant une quarantaine de milles sur le Tchad. Ce fut alors un nouveau spectacle ; ils pouvaient compter les îles nombreuses du lac, habitées par les Biddiomahs, pirates sanguinaires très redoutés, et dont le voisinage est aussi craint que celui des Touareg du Sahara. Ces sauvages se préparaient à recevoir courageusement le Victoria à coups de flèches et de pierres, mais celui-ci eut bientôt fait de dépasser ces îles, sur lesquelles il semblait papillonner comme un scarabée gigantesque.

En ce moment, Joe regardait l'horizon, et, s'adressant à Kennedy, il lui dit : « A la foi, Monsieur Dick, vous qui êtes toujours à rêver chasse, voilà justement votre affaire.

—Qu'est-ce donc, Joe ? —Et, cette fois, mon maître ne s'opposera pas à vos coups de fusil. —Mais qu'y a-t-il ? —Voyez-vous là-bas cette troupe de gros oiseaux qui se dirigent sur nous ?

—Des oiseaux ! fit le docteur en saisissant sa lunette.

—Je les vois, répliqua Kennedy ; ils sont au moins une douzaine

—Quatorze, si vous voulez bien, répondit Joe.

—Fasse le ciel qu'ils soient d'une espèce assez malfaisante pour que le tendre Samuel n'ait rien à m'objecter ! —Je n'aurai rien à dire, répondit Fergusson, mais j'aimerais mieux voir ces oiseaux-là loin de nous ! Vous avez peur de ces volatiles ! fit Joe.

—Ce sont des gypaètes, Joe, et de la plus grande taille ; et s'ils nous attaquent... —Eh bien ! nous nous défendrons, Samuel ! Nous avons un arsenal pour les recevoir ! je ne pense pas que ces animaux-là soient bien redoutables !

—Qui sait ? » répondit le docteur.

Dix minutes après, la troupe s'était approchée à portée de fusil ; ces quatorze oiseaux faisaient retentir l'air de leurs cris rauques ; ils s'avançaient vers le Victoria , plus irrités qu'effrayés de sa présence. « Comme ils crient ! fit Joe ; quel tapage ! Cela ne leur convient probablement pas qu'on empiète sur leurs domaines, et `que l'on se permette de voler comme eux ? —A la vérité, dit le chasseur, ils ont un air assez terrible, et je les croirais assez redoutables s'ils étaient armés d'une carabine de Purdey Moore ! —Ils n'en ont pas besoin, » répondit Fergusson qui devenait très sérieux. Les gypaètes volaient en traçant d'immenses cercles, et leurs orbes se rétrécissaient peu à peu autour du Victoria ; ils rayaient le ciel dans une fantastique rapidité, se précipitant parfois avec la vitesse d'un boulet, et brisant leur ligne de projection par un angle brusque et hardi. Le docteur, inquiet, résolut de s'élever dans l'atmosphère pour échapper à ce dangereux voisinage ; il dilata l'hydrogène du ballon, qui ne tarda pas à monter. Mais les gypaètes montèrent avec lui, peu disposés à l'abandonner. « Ils ont l'air de nous en vouloir, » dit le chasseur en armant sa carabine. En effet, ces oiseaux s'approchaient, et plus d'un, arrivant à cinquante pieds à peine, semblait braver les armes de Kennedy. « J'ai une furieuse envie de tirer dessus, dit celui-ci. —Non, Dick, non pas ! Ne les rendons point furieux sans raison ! Ce serait les exciter à nous attaquer.

—Mais j'en viendrai facilement à bout. —Tu te trompes, Dick.

—Nous avons une balle pour chacun d'eux. —Et s'ils s'élancent vers la partie supérieure du ballon, comment les atteindras-tu ? Figure-toi donc que tu te trouves en présence d'une troupe de lions sur terre, ou de requins en plein Océan ! Pour des aéronautes, la situation est aussi dangereuse.

—Parles-tu sérieusement, Samuel ?

—Très sérieusement, Dick.

—Attendons alors.

—Attends. Tiens-toi prêt en cas d'attaque, mais ne fais pas feu sans mon ordre. Les oiseaux se massaient alors à une faible distance ; on distinguait parfaitement leur gorge pelée tendue sous l'effort de leurs cris, leur crête cartilagineuse, garnie de papilles violettes, qui se dressait avec fureur. Ils étaient de la plus forte taille ; leur corps dépassait trois pieds en longueur, et le dessous de leurs ailes blanches resplendissait au soleil ; on eut dit des requins ailés, avec lesquels ils avaient une formidable ressemblance.

« Ils nous suivent, dit le docteur en les voyant s'élever avec lui, et nous aurions beau monter, leur vol les porterait plus haut que nous encore ! —Eh bien, que faire ? » demanda Kennedy.

Le docteur ne répondit pas.

« Écoute, Samuel, reprit le chasseur : ces oiseaux sont quatorze ; nous avons dix-sept coups à notre disposition, en faisant feu de toutes nos armes. N'y a-t-il pas moyen de les détruire ou de les disperser ? Je me charge d'un certain nombre d'entre eux. —Je ne doute pas de ton adresse, Dick ; je regarde volontiers comme morts ceux qui passeront devant ta carabine ; mais, je te le répète, pour peu qu'ils s'attaquent à l'hémisphère supérieur du ballon, tu ne pourras plus les voir ; ils crèveront cette enveloppe qui nous soutient, et nous sommes à trois mille pieds de hauteur ! En cet instant, l'un des plus farouches oiseaux piqua droit sur le Victoria , le bec et les serres ouvertes, prêt à mordre, prêt à déchirer. « Feu ! feu ! » s'écria le docteur. Il avait à peine achevé, que l'oiseau, frappé à mort, tombait en tournoyant dans l'espace. Kennedy avait saisi l'un des fusils à deux coups. Joe épaulait l'autre. Effrayés de la détonation, les gypaètes s'écartèrent un instant ; mais ils revinrent presque aussitôt à la charge avec une rage extrême. Kennedy d'une première balle coupa net le cou du plus rapproché. Joe fracassa l'aile de l'autre. « Plus que onze, » dit-il.

Mais alors les oiseaux changèrent de tactique, et d'un commun accord ils s'élevèrent au-dessus du Victoria , Kennedy regarda Fergusson. Malgré son énergie et son impassibilité, celui-ci devint pale. Il y eut un moment de silence effrayant. Puis un déchirement strident se fit entendre comme celui de la soie qu'on arrache, et la nacelle manqua sous les pieds des trois voyageurs. « Nous sommes perdus, s'écria Fergusson en portant les yeux sur le baromètre qui montait avec rapidité. Puis il ajouta : « Dehors le lest, dehors ! En quelques secondes tous les fragments de quartz avaient disparu.

« Nous tombons toujours !.. Videz les caisses à eau !.. Joe entends-tu ?.. Nous sommes précipités dans le lac ! Joe obéit. Le docteur se pencha. Le lac semblait venir à lui comme une marée montante ; les objets grossissaient à vue d' il ; la nacelle n'était pas à deux cents pieds de la surface du Tchad. « Les provisions ! les provisions! » s'écria le docteur. Et la caisse qui les renfermait fut jetée dans l'espace. La chute devint moins rapide, mais les malheureux tombaient toujours !

« Jetez ! jetez encore ! s'écria une dernière fois le docteur. —Il n'y a plus rien, dit Kennedy. —Si ! » répondit laconiquement Joe en se signant d'une main rapide. Et il disparut par-dessus le bord de la nacelle

« Joe ! Joe ! » fit le docteur terrifié.

Mais Joe ne pouvait plus l'entendre. Le Victoria délesté reprenait sa marche ascensionnelle, remontait à mille pieds dans les airs, et le vent s'engouffrant dans l'enveloppe dégonflée l'entraînait vers les côtes septentrionales du lac. « Perdu ! dit le chasseur avec un geste de désespoir.

—Perdu pour nous sauver ! » répondit Fergusson.

Et ces hommes si intrépides sentirent deux grosses larmes couler de leurs yeux. Ils se penchèrent, en cherchant à distinguer quelque trace du malheureux Joe, mais ils étaient déjà loin.

« Quel parti prendre ! demanda Kennedy.

—Descendre à terre, dès que cela sera possible, Dick, et puis attendre. Après une marche de soixante milles, le Victoria s'abattit sur une côte déserte, au nord du lac. Les ancres s'accrochèrent dans un arbre peu élevé, et le chasseur les assujettit fortement. La nuit vint, mais ni Fergusson ni Kennedy ne purent trouver un instant de sommeil.

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CHAPITRE XXXII CHAPTER XXXII ROZDZIAŁ XXXII CAPÍTULO XXXII

La capitale du Bornou.—Les îles des Biddiomahs.—Les gypaètes.—Les inquiétudes du docteur.— Ses précautions.—Une attaque au milieu des airs.—L'enveloppe déchirée.—La chute.—Dévouement sublime.—La côte septentrionale du lac. |||||||||vultures|||||||||||||||||Sublime devotion|sublime||||| Depuis son arrivée au lac Tchad, le  Victoria avait rencontré un courant qui s'inclinait plus à l'ouest ; quelques nuages tempéraient alors la chaleur du jour ; on sentait d'ailleurs un peu d'air sur cette vaste étendue d'eau ; mais, vers une heure, le ballon, ayant coupé de biais cette partie du 1ac, s'avança de nouveau dans les terres pendant l'espace de sept ou huit milles. |||||||||||current||||||||||||||||||||||||||||||||||bias||||||||||||||||| Since arriving at Lake Chad, the Victoria had encountered a current which inclined further west; some clouds then tempered the heat of the day; you could feel a little air on this vast expanse of water; but, about one o'clock, the balloon, having cut this part of the course at an angle, advanced again inland for the space of seven or eight miles. Le docteur, un peu fâché d'abord de cette direction, ne pensa plus à s'en plaindre quand il aperçut la ville de Kouka, la célèbre capitale du Bornou ; il put l'entrevoir un instant, ceinte de ses murailles d'argile blanche ; quelques mosquées assez grossières s'élevaient lourdement au-dessus de cette multitude de dés à jouer qui forment les maisons arabes. |||||||||||||||||||||||||||||glimpse|||enclosed||||||||||||||||||||||||| The doctor, a little angry at first at this direction, no longer thought of complaining when he saw the city of Kouka, the famous capital of Bornou; he could catch a glimpse of it for a moment, surrounded by its walls of white clay; some fairly coarse mosques rose heavily above the multitude of dice which form Arab houses. Dans les cours des maisons et sur les places publiques poussaient des palmiers et des arbres à caoutchouc, couronnés par un dôme de feuillage large de plus de cent pieds. |||||||||||||||||rubber||||||foliage|||||| In the courtyards of houses and in public squares grew palm trees and rubber trees, crowned by a dome of leaves over a hundred feet wide. Joe fit observer que ces immenses parasols étaient en rapport avec l'ardeur des rayons solaires, et il en tira des conclusions fort aimables pour la Providence. Joe pointed out that these huge parasols were related to the heat of the sun's rays, and he drew very agreeable conclusions for Providence. Kouka se compose réellement de deux villes distinctes, séparées par le « dendal, » large boulevard de trois cents toises, alors encombré de piétons et de cavaliers. |||||||||||dendal||||||fathoms||||pedestrians||| Kouka actually consists of two distinct cities, separated by the "dendal," a broad boulevard of three hundred toises, then crowded with pedestrians and riders. D'un côté se carre la ville riche avec ses cases hautes et aérées ; de l'autre se presse la ville pauvre, triste assemblage de huttes basses et coniques, où végète une indigente population, car Kouka n'est ni commerçante ni industrielle. |||squares|||||||||aerated|||||||||||||||||||||||||| On one side the rich city square with its high and airy huts; on the other, the poor town is crowded, a sad assembly of low, conical huts, where a destitute population is vegetating, because Kouka is neither a trader nor an industrialist. Kennedy lui trouva quelque ressemblance avec un Édimbourg qui s'étalerait dans une plaine, avec ses deux villes parfaitement déterminées. |||||||||would spread||||||||| Kennedy found in him some resemblance to an Edinburgh which would be spread out over a plain, with its two perfectly determined cities. Mais à peine les voyageurs purent-ils saisir ce coup d' il, car, avec la mobilité qui caractérise les courants de cette contrée, un vent contraire les saisit brusquement et les ramena pendant une quarantaine de milles sur le Tchad. But hardly the travelers could catch this glance of it, because, with the mobility which characterizes the currents of this country, a contrary wind seizes them abruptly and brought them back during forty miles on Chad. Ce fut alors un nouveau spectacle ; ils pouvaient compter les îles nombreuses du lac, habitées par les Biddiomahs, pirates sanguinaires très redoutés, et dont le voisinage est aussi craint que celui des Touareg du Sahara. |||||||||||||||||||||feared||||||||||||| It was then a new spectacle; they could count the numerous islands of the lake, inhabited by the Biddiomahs, very feared bloodthirsty pirates, and whose neighborhood is as feared as that of the Tuareg of the Sahara. Ces sauvages se préparaient à recevoir courageusement le  Victoria à coups de flèches et de pierres, mais celui-ci eut bientôt fait de dépasser ces îles, sur lesquelles il semblait papillonner comme un scarabée gigantesque. ||||||||||||||||||||||||||||||flutter|||beetle| These savages were preparing to courageously receive the Victoria with arrows and stones, but the latter soon made it past these islands, on which it seemed to flutter like a gigantic scarab.

En ce moment, Joe regardait l'horizon, et, s'adressant à Kennedy, il lui dit : At this moment Joe was looking at the horizon, and, addressing Kennedy, he said to him: « A la foi, Monsieur Dick, vous qui êtes toujours à rêver chasse, voilà justement votre affaire. "By the way, Mr. Dick, you who are still dreaming of hunting, that is precisely your business.

—Qu'est-ce donc, Joe ? "What is it, Joe?" —Et, cette fois, mon maître ne s'opposera pas à vos coups de fusil. "And this time, my master will not oppose your shots. —Mais qu'y a-t-il ? “But what is it? —Voyez-vous là-bas cette troupe de gros oiseaux qui se dirigent sur nous ? "Do you see that troop of big birds going over there over there?"

—Des oiseaux ! fit le docteur en saisissant sa lunette.

—Je les vois, répliqua Kennedy ; ils sont au moins une douzaine

—Quatorze, si vous voulez bien, répondit Joe.

—Fasse le ciel qu'ils soient d'une espèce assez malfaisante pour que le tendre Samuel n'ait rien à m'objecter ! "Heaven let them be of a kind evil enough so that the tender Samuel has nothing to object to!" —Je n'aurai rien à dire, répondit Fergusson, mais j'aimerais mieux voir ces oiseaux-là loin de nous ! "I will have nothing to say," replied Fergusson, "but I would rather see these birds far from us!" Vous avez peur de ces volatiles ! You are afraid of these birds! fit Joe.

—Ce sont des gypaètes, Joe, et de la plus grande taille ; et s'ils nous attaquent... |||vultures||||||||||| “They are vultures, Joe, and the tallest; and if they attack us ... —Eh bien ! nous nous défendrons, Samuel ! Nous avons un arsenal pour les recevoir ! je ne pense pas que ces animaux-là soient bien redoutables ! I do not think that these animals are very formidable!

—Qui sait ? » répondit le docteur.

Dix minutes après, la troupe s'était approchée à portée de fusil ; ces quatorze oiseaux faisaient retentir l'air de leurs cris rauques ; ils s'avançaient vers le  Victoria , plus irrités qu'effrayés de sa présence. Ten minutes later, the troop approached at gunpoint; these fourteen birds made the air ring out with their hoarse cries; they advanced towards the Victoria, more irritated than frightened by its presence. « Comme ils crient ! fit Joe ; quel tapage ! |||racket said Joe; what a fuss! Cela ne leur convient probablement pas qu'on empiète sur leurs domaines, et `que l'on se permette de voler comme eux ? It probably does not suit them that we encroach on their domains, and that we allow ourselves to fly like them? —A la vérité, dit le chasseur, ils ont un air assez terrible, et je les croirais assez redoutables s'ils étaient armés d'une carabine de Purdey Moore ! "In truth," said the hunter, "they look pretty terrible, and I would think they were pretty formidable if they were armed with a Purdey Moore rifle!" —Ils n'en ont pas besoin, » répondit Fergusson qui devenait très sérieux. "They don't need it," replied Fergusson, who was getting very serious. Les gypaètes volaient en traçant d'immenses cercles, et leurs orbes se rétrécissaient peu à peu autour du  Victoria ; ils rayaient le ciel dans une fantastique rapidité, se précipitant parfois avec la vitesse d'un boulet, et brisant leur ligne de projection par un angle brusque et hardi. |||||||||||were shrinking||||||||scratched||||||||||||||||||||||||||bold The bearded vultures flew by drawing huge circles, and their orbs gradually narrowed around the Victoria; they streaked the sky in a fantastic rapidity, sometimes rushing with the speed of a ball, and breaking their line of projection by a sudden and bold angle. Le docteur, inquiet, résolut de s'élever dans l'atmosphère pour échapper à ce dangereux voisinage ; il dilata l'hydrogène du ballon, qui ne tarda pas à monter. Mais les gypaètes montèrent avec lui, peu disposés à l'abandonner. « Ils ont l'air de nous en vouloir, » dit le chasseur en armant sa carabine. "They seem to be mad at us," said the hunter, cocking his rifle. En effet, ces oiseaux s'approchaient, et plus d'un, arrivant à cinquante pieds à peine, semblait braver les armes de Kennedy. Indeed, these birds were approaching, and more than one, arriving at barely fifty feet, seemed to be defying Kennedy's arms. « J'ai une furieuse envie de tirer dessus, dit celui-ci. "I have a furious desire to shoot it," said the latter. —Non, Dick, non pas ! Ne les rendons point furieux sans raison ! Let us not make them mad for no reason! Ce serait les exciter à nous attaquer. It would excite them to attack us.

—Mais j'en viendrai facilement à bout. “But I will easily get over it. —Tu te trompes, Dick. ||are mistaken| “You're wrong, Dick.

—Nous avons une balle pour chacun d'eux. “We have a ball for each of them. —Et s'ils s'élancent vers la partie supérieure du ballon, comment les atteindras-tu ? “And if they rush towards the top of the ball, how will you reach them? Figure-toi donc que tu te trouves en présence d'une troupe de lions sur terre, ou de requins en plein Océan ! Imagine that you are in the presence of a troop of lions on earth, or sharks in the ocean! Pour des aéronautes, la situation est aussi dangereuse. For aeronauts, the situation is also dangerous.

—Parles-tu sérieusement, Samuel ? "Do you speak seriously, Samuel?"

—Très sérieusement, Dick.

—Attendons alors. -Let's wait then.

—Attends. Tiens-toi prêt en cas d'attaque, mais ne fais pas feu sans mon ordre. Get ready for an attack, but don't fire without my order. Les oiseaux se massaient alors à une faible distance ; on distinguait parfaitement leur gorge pelée tendue sous l'effort de leurs cris, leur crête cartilagineuse, garnie de papilles violettes, qui se dressait avec fureur. ||||||||||||||peeled||||||||crest|cartilaginous|||papillae|||||| The birds then massed at a short distance; we could perfectly distinguish their peeled throat stretched by the effort of their cries, their cartilaginous crest, garnished with purple papillae, which rose with fury. Ils étaient de la plus forte taille ; leur corps dépassait trois pieds en longueur, et le dessous de leurs ailes blanches resplendissait au soleil ; on eut dit des requins ailés, avec lesquels ils avaient une formidable ressemblance. |||||||||||||||||||wings||||||||||winged||||||| They were the tallest; their bodies exceeded three feet in length, and the undersides of their white wings shone in the sun; they looked like winged sharks, with which they had a tremendous resemblance.

« Ils nous suivent, dit le docteur en les voyant s'élever avec lui, et nous aurions beau monter, leur vol les porterait plus haut que nous encore ! "They are following us," said the doctor, seeing them rise with him, "and however much we may climb, their flight would carry them higher than us yet!" —Eh bien, que faire ? » demanda Kennedy.

Le docteur ne répondit pas.

« Écoute, Samuel, reprit le chasseur : ces oiseaux sont quatorze ; nous avons dix-sept coups à notre disposition, en faisant feu de toutes nos armes. "Listen, Samuel," replied the hunter: "these birds are fourteen; we have seventeen shots at our disposal, firing with all our weapons. N'y a-t-il pas moyen de les détruire ou de les disperser ? Is there not a way to destroy or disperse them? Je me charge d'un certain nombre d'entre eux. I take care of a number of them. —Je ne doute pas de ton adresse, Dick ; je regarde volontiers comme morts ceux qui passeront devant ta carabine ; mais, je te le répète, pour peu qu'ils s'attaquent à l'hémisphère supérieur du ballon, tu ne pourras plus les voir ; ils crèveront cette enveloppe qui nous soutient, et nous sommes à trois mille pieds de hauteur ! ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||will burst|||||||||||||| “I don't doubt your address, Dick; I gladly regard as dead those who pass by your rifle; but, I repeat, as long as they attack the upper hemisphere of the ball, you will no longer be able to see them; they will burst this envelope which supports us, and we are three thousand feet high! En cet instant, l'un des plus farouches oiseaux piqua droit sur le  Victoria , le bec et les serres ouvertes, prêt à mordre, prêt à déchirer. ||||||fierce||dove|||||||||claws|||||||tear At that moment, one of the fiercest birds darted straight on the Victoria, beak and talons open, ready to bite, ready to tear. « Feu ! feu ! » s'écria le docteur. Il avait à peine achevé, que l'oiseau, frappé à mort, tombait en tournoyant dans l'espace. He had barely finished when the bird, struck to death, fell spinning in space. Kennedy avait saisi l'un des fusils à deux coups. Kennedy had grabbed one of the rifles twice. Joe épaulait l'autre. |was supporting| Joe was supporting the other. Effrayés de la détonation, les gypaètes s'écartèrent un instant ; mais ils revinrent presque aussitôt à la charge avec une rage extrême. ||||||diverged|||||||||||||| Frightened by the detonation, the vulture moved away for a moment; but they returned almost immediately to the charge with extreme rage. Kennedy d'une première balle coupa net le cou du plus rapproché. Kennedy's first bullet cut the neck of the closest one. Joe fracassa l'aile de l'autre. Joe smashed the other's wing. « Plus que onze, » dit-il. "More than eleven," he said.

Mais alors les oiseaux changèrent de tactique, et d'un commun accord ils s'élevèrent au-dessus du  Victoria , Kennedy regarda Fergusson. But then the birds changed tactics, and by mutual agreement they rose above the Victoria, Kennedy looked at Fergusson. Malgré son énergie et son impassibilité, celui-ci devint pale. Despite his energy and his impassiveness, he became pale. Il y eut un moment de silence effrayant. There was a moment of frightening silence. Puis un déchirement strident se fit entendre comme celui de la soie qu'on arrache, et la nacelle manqua sous les pieds des trois voyageurs. |||strident||||||||silk||tears|||||||||| Then a strident tearing was heard like that of the silk being torn off, and the basket was missing under the feet of the three travelers. « Nous sommes perdus, s'écria Fergusson en portant les yeux sur le baromètre qui montait avec rapidité. Puis il ajouta : « Dehors le lest, dehors ! Then he added: "Outside the ballast, outside! En quelques secondes tous les fragments de quartz avaient disparu. In a few seconds all the quartz fragments were gone.

« Nous tombons toujours !.. "We always fall! .. Videz les caisses à eau !.. Empty the water boxes! .. Joe entends-tu ?.. Joe do you hear? .. Nous sommes précipités dans le lac ! We are rushed into the lake! Joe obéit. Le docteur se pencha. The doctor bent down. Le lac semblait venir à lui comme une marée montante ; les objets grossissaient à vue d' il ; la nacelle n'était pas à deux cents pieds de la surface du Tchad. ||||||||tide||||were growing||||||||||||||||| The lake seemed to come to him like a rising tide; objects magnified at sight of him; the basket was not two hundred feet from the surface of Chad. « Les provisions ! " Provisions ! les provisions! » s'écria le docteur. Et la caisse qui les renfermait fut jetée dans l'espace. And the box which contained them was thrown into space. La chute devint moins rapide, mais les malheureux tombaient toujours ! The fall became slower, but the unfortunates always fell!

« Jetez ! "Throw! jetez encore ! throw again! s'écria une dernière fois le docteur. cried the doctor one last time. —Il n'y a plus rien, dit Kennedy. "There's nothing left," said Kennedy. —Si ! » répondit laconiquement Joe en se signant d'une main rapide. Joe replied laconically, signing with a quick hand. Et il disparut par-dessus le bord de la nacelle And he disappeared over the edge of the basket

« Joe ! Joe ! » fit le docteur terrifié.

Mais Joe ne pouvait plus l'entendre. Le  Victoria délesté reprenait sa marche ascensionnelle, remontait à mille pieds dans les airs, et le vent s'engouffrant dans l'enveloppe dégonflée l'entraînait vers les côtes septentrionales du lac. ||unloaded|||||||||||||||rushing|||||||||| The relieved Victoria resumed its ascent, went up a thousand feet in the air, and the wind rushing into the deflated envelope led it towards the northern coasts of the lake. « Perdu ! " Lost ! dit le chasseur avec un geste de désespoir. said the hunter with a gesture of despair.

—Perdu pour nous sauver ! "Lost to save us!" » répondit Fergusson.

Et ces hommes si intrépides sentirent deux grosses larmes couler de leurs yeux. ||||intrepid|||||||| And these intrepid men felt two big tears fall from their eyes. Ils se penchèrent, en cherchant à distinguer quelque trace du malheureux Joe, mais ils étaient déjà loin. ||leaned|||||||||||||| They leaned forward, trying to make out some trace of poor Joe, but they were already far away.

« Quel parti prendre ! "What decision to take!" demanda Kennedy.

—Descendre à terre, dès que cela sera possible, Dick, et puis attendre. “Go down to the ground, as soon as possible, Dick, and then wait. Après une marche de soixante milles, le  Victoria s'abattit sur une côte déserte, au nord du lac. After a walk of sixty miles, the Victoria fell on a deserted coast, north of the lake. Les ancres s'accrochèrent dans un arbre peu élevé, et le chasseur les assujettit fortement. ||got caught||||||||||secured| The anchors hung on a low tree, and the hunter strongly secured them. La nuit vint, mais ni Fergusson ni Kennedy ne purent trouver un instant de sommeil.