Quand la France découvre la Chine au 17 ème siècle ! (1)
Mes Chers Camarades, Bien le bonjour !
Quand on évoque Louis XIV, on pense à plein de trucs comme Versailles, la royauté,
les belles perruques...bon ok c'est réducteur vu le bonhomme mais en tout cas on pense pas
spontanément à la Chine. Qu'elle rapport vous me direz ? Et bah à cette époque déjà les liens entre
la Chine et la France se tissent petit à petit ! Je vous propose donc un saut dans le temps,
entre la fin du 17 et le 18ème siècle, afin d'explorer les fondements des premières
relations diplomatiques officielles tissées entre la Chine et la France. Allez c'est parti !
On pourrait remonter jusqu'à l'antiquité pour trouver l'ancienneté des échanges
entre les deux cultures. Mais bon, il ne faut pas confondre rapports
directs et indirects. La soie, comme bien d'autres victuailles,
parvenait depuis la lointaine Asie jusqu'au cœur des Gaules, mais par tant d'intermédiaires qu'il
n'était finalement pas clair du tout de déterminer sa provenance d'origine.
Au début du Haut Moyen-âge, la situation commence à changer car c'est, il faut le rappeler encore
une fois, une période qui est loin d'être immobile et fermée. Avec la détérioration
de l'Empire Romain d'Occident (au Vème siècle de notre ère) et l'Empire des Han Orientaux (en
200 de notre ère) vont s'ouvrir un ensemble de nouveaux réseaux de communications et de
sociétés urbaines riches en mixités ethniques favorisant les échanges longues distances.
On va pas faire des caricatures non plus, les Mérovingiens, les Carolingiens et les
Capétiens ne rencontrent pas plus physiquement les dynasties chinoises des Wei du Nord, Sui,
Tang ou encore Song, que durant l'antiquité. Et pour cause, il y a des milliers de kilomètres
qui les séparent, et rares sont les commerçants ou diplomates qui font de trajets directs d'un
côté ou l'autre de la terre. La chine reste une terre de légendes, et mythes lointains !
C'est justement ce qui va changer avec la formation de la fameuse horde d'or Mongol.
Pour la première fois, l'Asie (avec un grand A s'il vous plait), de la Chine à l'Europe centrale,
en passant par l'Asie centrale, et tout le Moyen-Orient, sera soumis à la puissance
Mongole de Gengis Khan et de ces premiers successeurs avec son expansion maximale en 1240 !
Cette fulgurante expansion sera vue pour les puissances chrétiennes d'Occident,
comme une opportunité de créer des liens avec les Mongols et ainsi d'éliminer la menace Islamique,
les aidant à reprendre Jérusalem. Quand le Pape Innocent IV appel à une nouvelle
croisade à laquelle participera notre bon roi Saint Louis entre 1248 et 1254,
il commence par la même occasion à envoyer des moines chrétiens jusqu'au cœur de l'Empire Mongol.
Le franciscain originaire de Pérouse (Italie) Jean de Plan Carpin en 1245,
alors âgé de 63 ans est le premier d'entre eux. Par la suite, de nombreux suivent le mouvement
comme Guillaume de Rubrouck, originaire de la Flandre Française. En Chine aussi,
il y a des intrépides qui décident de nouer des liens. Depuis Pékin,
le nestorien Rabban Sauma, parfois appelé le « Marco Polo à l'envers » engage un voyage
officiel partant d'Est vers l'Ouest pour faire un pèlerinage à Jérusalem vers 1278.
Il arrivera quand même jusqu'à la cour de Philippe IV le Bel, il a réussi son pari !
Nous sommes au temps du grand périple de Marco Polo, et donc dans une période où de
tels voyageurs peuvent traverser cet immense territoire et faire des rapports directs. Le
grand parchemin appelé l'« Atlas catalan » est le témoin du changement des mentalités
de l'époque. On quitte le schéma d'un monde parfait du divin (théocentrique) pour une
science cartographique scientifique, précise et réelle. Dans cet atlas entré dans les
collections du roi Charles V le Sage au Louvre en 1375, on y trouve la fin du monde en Chine,
tout à l'Est avec des indications précises de villes comme Canton ou Khanbalik (Pékin).
Lorsque la dynastie des Ming renverse en 1368 celle Mongol des Yuan, l'Empereur Yong Le,
fondateur de la Cité Interdite, entend étendre les limites de ses rapports avec le monde connu. Il
fait de Zheng He l'amiral de la flotte impériale qui effectue sept voyages entre 1405 et 1433,
atteignant à bien des reprises la Péninsule Arabique et les côtes d'Afrique de l'Est.
On a carrément fait un épisode sur cet amiral de légende donc n'hésitez pas à aller le voir !
Vasco de Gama, en 1498, parvient lui à passer le Cap de Bon Espérance, et ainsi à atteindre
d'une traite l'Asie (ou plutôt l'Inde), ce qui va résolument tout changer dans la structure
des rapports avec l'Occident. Les premiers à bénéficier commercialement et diplomatiquement
de ces couvertures maritimes sont les Portugais et les Espagnols,
suivi rapidement des Hollandais et ensuite des Anglais. Chacun établira une compagnie
des indes avec l'envoi de très nombreux navires par an pour faire du commerce.
Et c'est par ce nouveau biais que la Chine fait son chemin jusqu'en France !
En 1588 est traduit en français la première description de la Chine
(depuis celle de Marco Polo), rédigée par le Portugais Juan Gonzalez de Mendoza dont
Montaigne s'inspirera dans ses Essais :
Mais la Chine ne rentre toujours pas en contact direct avec la France. Il faut dire que les
guerres de religions ont considérablement affaibli le pouvoir de la royauté française. Les temps ne
sont pas vraiment à l'organisation d'expéditions commerciales complexes à destination de l'Asie et
de toute façon ils ne disposent pas des mêmes moyens que les Hollandais ou les Anglais. Sauf
que les français, ça vaut encore aujourd'hui, n'aiment pas vraiment être mis sur la touche.
Le bon roi Louis XIV commence à être agacé de cette incapacité à faire du commerce direct
avec l'Asie, et bien sûr avec la Chine. Il crée ainsi, sous la direction de Colbert,
Secrétaire d'Etat de la Marine et Intendant des Finances, la Compagnie Française des
Indes Orientales, installée à Port Louis, au Sud de la Bretagne. Celle-ci a pour but,
je cite :
Ouais, parce qu'ils ont assez profitassé comme ça, on va pas se laisser faire !
La déclaration royale du 27 août 1664 énonce les privilèges de la Compagnie
Française des Indes Orientales. Elle aura :
C'est un premier pas rapidement suivi par une autre plus officielle !
On ne le dira jamais assez. Le christianisme a été inévitablement le principal lien entre
l'Occident et l'Asie à ces époques. En tentant de convertir des Indiens,
Chinois, Vietnamiens, Coréens ou Japonais, les missionnaires
jésuites Occidentaux envoyés par l'Eglise sont devenus les premiers ethnologues,
capables de transmettre des informations de première main sur ce que sont ces peuples.
En Chine, cela commence avec le père Italien Matteo Ricci (1552-1610). Il
est le premier jésuite à être arrivé jusqu'à Pékin,
en 1601, sous le règne de l'Empereur Wanli. Il traduit en chinois des livres de philosophie,
de mathématiques et d'astronomie. Il parvient aussi à convertir de nombreux
chinois élaborant même une méthode destinée aux autres jésuites voulant prêcher en chine.
Bref, c'est un modèle qui servira la France !
Alexandre de Rhodes, jésuite d'Extrême-Orient, convainc le pape Alexandre VII d'envoyer trois
évêques français volontaires, avec le rang de vicaire apostolique,
en Asie. L'objectif est de s'adapter aux mœurs et coutumes du pays, sans ingérence dans les
affaires politiques. François Pallu, avec Pierre Lambert de la Motte sont nommés par
le Pape et créent ainsi en 1658 les Missions Etrangères, situés sur Paris, et toujours en
fonctionnement de nos jours ! Les vicaires sont envoyés au Siam, puis en chine à partir de 1684.
Et 1684, c'est une date importante ! C'est l'année où le jésuite Flamand Philippe Couplet,
qui avait passé de nombreuses années en Chine souhaitait renforcer la
présence française sur place, sans forcément passer par le Vatican.
Il est reçu par Louis XIV accompagné de Shen Fuzong,
jeune lettré converti au christianisme, et premier chinois à fouler officiellement
la terre des Francs ! Couplet parvint à convaincre le roi de l'intérêt politique,
religieux et commercial de mener cette mission coûteuse que le roi financera de sa propre caisse.
On envoye alors six missionnaires avec le titre de « mathématiciens du roi ». Ils quittent Brest
en 1685, et cinq d'entre eux - Fontaney, Bouvet, Gerbillon, Le Comte et de Visdelou- atteignent
trois années plus tard Pékin le 7 février 1688. Ils sont rapidement admis à la cour de l'Empereur
Kangxi, de la nouvelle dynastie Mandchoue des Qing, et grâce à leurs connaissances en
mathématiques, astronomies, médecines et cartographies, ils gagnent sa confiance.
Le Père Joachim Bouvet (1656-1730) est particulièrement important. Il
est chargé par Kangxi lui-même de rentrer en France, pour recruter
d'autres missionnaires et il transmet au roi de France une série d'ouvrages
chinois qu'il dit avoir été offerts des mains de l'Empereur chinois lui-même.
Imaginez un peu le plaisir de Louis XIV quand il consulte les ouvrages ! Heureusement pour Bouvet,
le roi ne se rend pas du tout compte que c'est du pipeau ! Et oui car ils ne proviennent pas des
ateliers impériaux, mais d'une imprimerie plus locale du Sud de la Chine. Bouvet a
simplement fait acheter local, puis a relier les livres aux couleurs impériales royales ! Et
vu que personne ne lit le chinois à la cour de Versailles, c'est passé comme une lettre
à la poste. S'il avait su cela, Louis XIV n'aurait sans doute pas offert en
retour un ouvrage d'estampes royales richement relié à l'empereur de Chine. Malin le Bouvet !
On doit aussi à Bouvet la première comparaison entre Louis XIV et Kangxi,
dans son célèbre Portrait historique de l'empereur de Chine imprimé en 1697 à Paris. Il y vente les
qualités de sa majesté :
Pour convaincre chaque souverain, français et chinois,
de leurs puissances, et à défaut de la photographie qui n'est pas encore inventée,
on présente des portraits équestres de Louis XIV à cheval, et des portraits de face de Kangxi.
Bouvet revient en chine avec l'Amphitrite,
le premier navire commerçant français autorisé à aborder la chine à Canton.
Entre 1688 et 1715 environ, la relation entre les deux souverainetés est à son sommet. En 1689,
le Père Gerbillon, excellent diplomate, joue un rôle important dans la fixation
des frontières avec la Russie de Pierre Le Grand. Le Père Fontaney
parvient à guérir Kangxi de la malaria en lui administrant de la quinquina.
Normal donc qu'en 1692, reconnaissant leurs éminentes qualités humaines et scientifiques,
Kangxi fait promulguer un édit de tolérance à l'égard du christianisme,
admis comme religion officielle en Chine, au même titre que le Bouddhisme :
Franchement la conversion de l'Empereur par les Jésuites Français semblait un rêve pas si fou
que ça. En 1700 la France crée une mission jésuite destinée à poursuivre cet échange
de savoir et amplifier les connaissances européennes sur la Chine et ça va être
le cas jusqu'en 1715. Mais petit problème, cette mission prend trop l'ascendant sur le
Saint-Siège à Rome devenu rapidement très, très, jaloux de l'influence de la France sur la Chine.
La question des rites chinois, à savoir est ce qu'on peut-on pratiquer le confucianisme
en étant converti au christianisme, est réouverte par le nouveau Pape Clément XI. Et ça devient LA
pomme de discorde. Le pape tranche en indiquant que ces pratiques devaient être interdites !
Bref, ils se tirent une balle dans le pied juste pour ne pas voir les Jésuites du roi
prendre trop d'autonomie face au Vatican. Quitte à perdre les chinois...souvent on
dit qu'il faut pas juger le passé. Mais clairement là, ils sont pas bien malin…
Naturellement, Kangxi y voit un affront, il durcit sa politique,
et son successeur Yongzheng interdit le christianisme sur ces terres en 1724,
en même temps que la confiance envers les missions françaises baisse à vue d'oeil. Des vagues de
persécutions marquent le long règne de l'Empereur Qianlong, même si les Français parviennent encore
à avoir grâce à la cour jusqu'en 1773, date de la suppression de la Compagnie de Jésus en Europe.
Le dernier jésuite Amiot meurt peu de temps après avoir appris la décapitation de Louis XVI!
En tout cas, ces relations entre les deux puissances vont forcément
induire des influences, notamment artistiques.
Les Empereurs chinois Kangxi, Yongzheng et Qianlong, dont les règnes vont de 1661 à 1796