Aliens de James Cameron, l'analyse de M. Bobine (1)
Adeptes de la grande toile bonjour.
Aujourd'hui, le Ciné-club de M. Bobine fait sa rentrée !
Alors oui, on est en octobre, c'est vrai qu'il était temps qu'on se bouge un peu.
Pour se remettre tranquilou en jambe, on ne va pas faire dans l'originalité
puisque nous allons nous intéresser à une franchise ultra populaire et archi commentée :
la saga Alien
et plus particulièrement le second volet signé James Cameron sorti en 1986
Aliens.
S'il semblerait que tout ait été déjà dit ou écrit sur cette franchise,
nous souhaitions tout de même ajouter notre modeste contribution
à un vieux débat qui agite encore aujourd'hui la critique comme les fans de science-fiction :
Aliens de James Cameron est-il une bonne suite au chef d'oeuvre de Ridley Scott ?
Tout commence en 1983.
James Cameron est en pleine préproduction de Terminator,
mais la vedette du film, Arnold Schwarzenegger,
doit d'abord honorer son contrat avec le producteur Dino de Laurentiis
en allant tourner Conan le destructeur,
suite très différente du Conan de John Milius
auquel nous avions d'ailleurs consacré un épisode.
Le tournage de Terminator est donc reporté
mais le script de Cameron a attiré l'oeil des producteurs Walter Hill et David Giler.
En attendant que Schwarzenegger ait fini de faire le mariole pour De Laurentiis,
ils proposent à Cameron d'écrire une suite à l'un de leurs précédents succès :
Alien le 8ème passager.
À partir du postulat des producteurs
qui imaginent un croisement entre Sans retour et Les sept mercenaires,
Cameron s'inspire d'un de ses anciens scripts, Mother,
qui contenait déjà une grande partie de la structure du film
que nous connaissons aujourd'hui.
Walter Hill et David Giler sont tellement impressionnés par le travail de Cameron
qu'ils lui proposent de réaliser cette suite,
à condition que Terminator soit une réussite au box-office.
C'est évidemment le cas et à l'automne 1984,
Cameron se voit confier les rênes du projet,
en compagnie de sa femme et productrice Gale Anne Hurd
pour un budget de 18 500 000 dollars,
alors que la Fox jugeait le script filmable pour un montant de 35 millions.
Le moins que l'on puisse dire,
c'est que le tournage aux studios Pinewood de Londres en septembre 1985
va se révéler particulièrement difficile.
Les tensions entre l'équipe anglaise et James Cameron préfigurent pas mal
la réception de ce second volet de la saga Alien.
En effet,
les techniciens britanniques digèrent mal qu'on leur colle dans les pattes un réalisateur canadien
pour tourner la suite d'un classique réalisé par un de leur compatriote.
Ainsi, l'équipe refuse d'obéir à Gale Anne Hurd,
estimant qu'elle n'est que la femme du cinéaste.
Du côté de Cameron les choses ne sont guère mieux.
En plus de ses nombreuses altercations
avec une équipe dont il ne supporte pas le peu d'investissement,
il renvoie le chef opérateur de Sorcerer, Dick Bush,
qui refuse d'éclairer les scènes comme il l'entends,
obligeant Cameron à s'occuper lui-même de la lumière
avant qu'Adrian Biddle ne vienne à la rescousse.
Mais le pire reste à venir.
Sur les conseils de Walter Hill,
le réalisateur a engagé l'un de ses comédiens récurrents, James Remar,
pour endosser le rôle du caporal Dwayne Hicks.
Hors à cette époque, l'acteur est un toxicomane défoncé du matin au soir,
et fini même par être arrêté par la police,
entraînant automatiquement son remplacement par Michael Biehn
que Cameron avait déjà dirigé dans Terminator.
À ces problèmes viendront s'ajouter une post production tout aussi bordélique
qui oblige le réalisateur à refaire lui-même certains effets spéciaux et le sound design,
tandis que le compositeur James Horner est forcé d'écrire dans l'urgence la bande originale,
ce qui aboutit à un clash entre le compositeur et le réalisateur.
Résultat le film n'est pas encore prêt pour son avant-première prévue le 14 juillet 1986.
La Fox ne croit tellement pas au succès de cette suite
qu'elle préfère miser toute sa promotion sur sa production familiale Cap sur les étoiles.
Mais contre toutes attentes, c'est James Cameron qui remporte la mise.
À l'arrivée Aliens est nommé 7 fois aux Oscars,
dont celui de la meilleure actrice pour Sigourney Weaver
et remporte ceux du meilleur montage son et des meilleurs effets visuels.
Quant à Cameron, il est élu meilleur réalisateur de l'année
par la National Association of Theatre Owners.
De son côté la Fox valide l'idée d'un troisième volet
qui va mettre six ans pour arriver sur les écrans.
À priori, tout roule pour James Cameron
qui est parvenu à déjouer tous les obstacles qui se dressaient contre lui.
Mais les choses ne sont pas si simple
et la sortie de Aliens va être le début d'un véritable schisme
chez les fans de science-fiction.
Si dans l'ensemble l'accueil réservé au film fut plutôt positif,
de nombreuses voix s'élevèrent à mesure que grandissait le succès d'Aliens.
L'influent duo critique du Chicago Tribune, Roger Ebert et Gene Siskel,
n'était absolument pas d'accord sur le film de Cameron.
Ebert considérait le film comme une réussite du fait de son intensité qui ne faiblissait jamais
tandis que Siskel se montrait beaucoup plus dur que son collègue.
C'est une attaque extrêmement violente et interminable des sens.
Vers la fin, le film en vient à mettre une petite fille en danger
dans une tentative pathétique de satisfaire dieu sait quel public.
Certaines personnes ont loué les qualités techniques d'Aliens.
Et bien la Tour Eiffel est techniquement impressionnante,
mais je n'aimerai pas pour autant la voir tomber sur des gens pendant deux heures.
Ce retour de bâton, on le retrouve également du côté des fans de science fiction.
L'une des revues phares de l'époque, Starlog, reçoit ainsi plusieurs lettres à propos du film,
qui sont publiées dans le numéro 116 de Mars 1987,
et James Cameron se fendra même d'un droit de réponse quelques numéros plus tard.
La France n'est également pas en reste.
Voyez donc ce que Frédéric Mitterrand disait d'Aliens dans son émission Étoiles et Toiles.
Le remplacement du film de guerre par le flipper,
où des Rambos unisexes exterminent des Noirs, des Jaunes, des intellectuels,
des pauvres et des extraterrestres.
Bref, des mollusques intra-humains et certainement communistes,
directement dans la rétine et le tympan du spectateur,
affirme une syntaxe : le plan de deux secondes,
et un objectif : envoyer également ad patres toute distance,
toute réflexion et toute réalité psychologique !
Là où les anciens films de guerre exaltaient des valeurs humaines peut-être simplistes,
mais en tout cas bien réelles,
la Stallonorama préconise finalement le meurtre pur et simple,
à travers le massacre de l'idée de cinéma !
Le pire, c'est que c'est toujours amusant et excitant de voir détruire ce qu'on aime.
Comme Terminator qui termine tout.
L'important c'est qu'il y ait le plus de morts.
Même son de cloche dans ce reportage de l'émission Temps X
où le cinéaste tente en vain de défendre sa vision.
Alors, Aliens, Rambo, même combat ?
La question reste ouverte.
On peut simplement se demander ce qu'est devenue la vision de Ridley Scott
dans un film décidemment très influencé par une tendance actuelle,
celle du cinéma musclé et destructeur.
Le principal reproche fait à James Cameron,
c'est d'avoir délaissé l'ambiance horrifique du film de Ridley Scott
pour lorgner du côté du film de guerre revanchard alors très en vogue
alors très en vogue dans l'Amérique ultra libérale de Ronald Reagan.
Un reproche d'autant plus violent que Cameron est également le scénariste
à l'origine du long métrage ayant défini tout le cinéma d'action reaganien de l'époque.
Bien que mis en chantier suite au carton mondial de Star Wars,
et bien que Ridley Scott y fasse plusieurs fois référence dans son film,
Alien, 1er du nom, se distinguait du space opéra trépidant de George Lucas
par son atmosphère lente et oppressante
et surtout par son univers ténébreux fourmillant de détails
témoignant d'une vision plus adulte de la science-fiction.
Le film de Ridley Scott était avant tout l'oeuvre d'un esthète
avec tout ce que terme implique d'art au sens noble du terme.
Et bien que le film eu droit également à de nombreuses critiques négatives,
elles n'impliquaient pas les mêmes considérations que l'oeuvre de George Lucas.
Ce dernier ayant eu le malheur d'être considéré comme le fossoyeur du Nouvel Hollywood,
et on lui reprochait d'avoir fait régresser la science fiction à un stade infantile
dépourvu des grandes questions philosophiques, intellectuelles et pessimistes
à la mode dans le genre durant les 70s
et dont il fut perçu auparavant comme l'un des plus illustres représentants avec THX 1138.
Donc forcément, les marines de James Cameron qui défouraillent de l'alien par dizaines
ont été vus comme une régression de la saga Alien
vers une simple franchise d'action destinée à truster le haut du box-office.
C'est d'ailleurs depuis le carton d'Aliens
que James Cameron se coltine cette image d'entertainer bourrin
au contraire de Ridley Scott qui lui est depuis perçu comme un artiste visionnaire.
La réalité est évidemment beaucoup plus complexe,
tant les deux hommes, malgré une certaine amitié qui perdure aujourd'hui
sont assez éloignés artistiquement et socialement parlant.
Ridley Scott est le fils d'un officier de l'armée royale,
tandis que Cameron est celui d'un ingénieur.
Scott est un passionné de beaux arts
qui a fait ses étude à la prestigieuse université Royal College of Art de Londres
avant de fonder avec son frère Tony, Alan Parker et Hugh Hudson
la Ridley Scott Associates en 1968.
Ils vont ensuite se faire un nom dans la publicité
puis vont tenter de redonner ses lettres de noblesses au cinéma britannique
encore hanté par le mépris qu'il a subit quelques années plus tôt
lorsque François Truffaut déclarait ce cinéma inexistant.
Le parcours de Cameron est aux antipodes du prestige de Ridley Scott,
comme le rappelle David Fakrikian auteur d'un ouvrage de référence sur le cinéaste.
Je voulais faire une école de cinéma, mais je n'avais pas les moyens de me la payer
et ma famille non plus.
J'ai compris que le cinéma était réservé à une élite, une caste,
et qu'un jeune venu d'une ville perdue au Canada comme moi n'en ferais jamais partie.
Pendant un temps Cameron suit sans succès des études de physique
et multiplie les petits boulots comme chauffeur de bus.
Son désir de cinéma étant plus fort que tout,
il se rend régulièrement à la bibliothèque de l'U.S.C. pour lire des ouvrages
sur la technique cinématographique.
Après s'être mangé Star Wars en pleine poire,
il décide lui aussi de sauter le pas et réalise un premier court-métrage : Xenogenesis,
qui lui permet de trouver du travail chez le pape de la série B Roger Corman,
où il officie sur diverses productions en tant que décorateur
où responsable des effets spéciaux.
Ce grand écart Van Dammesque entre James Cameron et Ridley Scott
se retrouve également dans leurs tout premier film.
Les duellistes est une adaptation d'une nouvelle de Joseph Conrad,
très influencé par le Barry Lyndon de Stanley Kubrick,
tandis que Piranha 2 : les tueurs volants est une grosse série Z.
Néanmoins, aussi différent soient-ils,
ces deux films partagent un point commun.
En s'attelant à la réalisation des Duellistes et de Pirahna 2,
James Cameron et à Ridley Scott avaient un besoin quasi maladif de faire leurs preuves.
En effet, si James Cameron s'est retrouvé aux commandes de Piranha 2,
c'est à cause d'un deal entre le producteur Ovidio G. Assonitis et la Warner Bros
qui acceptait de financer le film à hauteur de 500 000 dollars
à condition qu'un réalisateur américain soit attaché au projet.
Si Cameron s'était déjà fait remarquer avec ses effets spéciaux
pour le film La galaxie de la terreur,
Assonitis cherchait surtout un technicien docile à ses ordres.
Manque de pot, ben c'est James Cameron…
Il s'implique alors sur tous les aspects du projets
que ce soit le story board, les effets spéciaux, la préproduction
et réécrit même le scénario sous un pseudonyme,
mais après 5 jours de tournages ou 3 semaines selon les témoignages,
et plusieurs altercations avec Ovidio Assonitis,
Cameron est débarqué du tournage.
Il profitera néanmoins du fait que les producteurs soient absents
pour s'introduire par effraction dans la salle de montage afin de remonter le film.