Final Fantasy VII : le Star Wars du jeu vidéo - l'analyse de M. Bobine (2)
en avançant le fait que si Final Fantasy VII était sorti sur ce support
il coûterait 1 200 dollars...
Ouais, la guerre des consoles à l'époque, c'était autre chose.
Et le moins que l'on puisse dire, c'est que Squaresoft va tirer parti
de cet espace de stockage gigantesque pour l'époque
puisque le jeu Final Fantasy VII tient sur pas moins de trois CD.
La production de ce septième Final Fantasy est donc lancée sous la houlette de Yoshinori Kitase
qui était déjà réalisateur sur Final Fantasy VI.
Il co-écrit le scénario avec Kazushige Nojima,
Hironobu Sakaguchi, le papa de la série également producteur du jeu,
et Tetsuya Nomura qui s'occupe également du design des personnages,
remplaçant l'artiste Yoshitaka Amano qui oeuvrait traditionnellement sur la série
et dont nous avions déjà parlé dans notre épisode consacré à Vampire Hunter D. Bloodlust
Enfin, le score est signé par Nobuo Uematsu
qui est présent depuis le tout début de la franchise.
Ce n'est pas moins d'une centaine de personnes qui vont travailler sur ce jeu titanesque,
une équipe dans laquelle on trouve d'un coté des vétérans de Squaresoft et de Final Fantasy,
qui se portent garants de l'héritage de la saga
de l'autre, une palanquée de nouveaux venus qui vont contribuer
à remettre la franchise au goût du jour techniquement et artistiquement.
Avant d'entrer dans le coeur du sujet,
il est temps de s'intéresser un moment à ce que raconte ce fameux Final Fantasy VII.
Rassurez-vous, je ne vais pas vous résumer l'intégralité de l'histoire
qui se déploie sur au minimum 25 heure de jeu.
Je vais me contenter de vous présenter l'univers dans les grandes lignes
et même là, vous allez voir que ce n'est pas évident à synthétiser...
L'histoire se déroule sur une planète quasi similaire à notre bonne vieille Terre,
à ceci près qu'il s'agit d'une sorte de gigantesque organisme vivant
régi par une énergie spirituelle appelée la Rivière de la Vie.
C'est de cette énergie que sont issues toutes les formes de vies présentent sur ce monde,
et c'est à la Rivière de la vie que retournent chacun de ces organismes
après avoir accompli leur cycle de vie.
Des milliers d'années avant l'action du jeu, un peuple nomade, les Cetras
également appelés les Anciens, vivaient en harmonie avec cette planète
et étaient même capable de canaliser et d'utiliser cette énergie spirituelle,
jusqu'au jour ou le pôle nord de la planète fut frappé par un météore
qui forma un gigantesque cratère.
Des Anciens ayant entendu le cri de la planète se dirigèrent alors vers le cratère
pour tenter de refermer cette plaie béante à l'aide de la Rivière de la Vie.
Mais ils découvrirent bien vite que le météore abritait
une forme de vie intelligente et malveillante : Jenova.
Il s'agit d'une créature venue du fin-fond du cosmos
qui absorbe l'énergie vitale d'une planète,
puis s'en sert comme d'un vaisseau pour explorer l'univers
à la recherche d'un nouveau monde à dévorer
Par bien des aspects, Jenova rappelle la créature de The Thing de Carpenter,
puisqu'elle est capable d'assimiler la forme et les souvenirs de ses proies.
C'est de cette manière qu'elle s'est infiltrée dans le camps des Cetras
pour tenter de les détruire de l'intérieur.
Au prix de lourdes pertes, les Cetras parvinrent à stopper Jenova
et à la sceller dans une strate géologique.
2000 ans plus tard, le corps de Jenova, apparemment inerte, est exhumé
par une équipe de scientifiques à la solde d'une compagnie appelée la ShinRa.
En étudiant les cellules de Jenova, ces scientifiques découvrent comment extraire
une énergie en apparence inépuisable du coeur de la planète : l'énergie Mako.
La ShinRa fonde alors la tentaculaire ville de Midgar,
à peine inspirée du Los Angeles de Blade Runner.
Cette ville futuriste est divisée en huit secteurs et en deux niveaux.
La classe dirigeante siège dans l'immense tour au centre de la ville,
tandis que les classes moyennes vivent sur les plaques qui constituent
le niveau supérieur de Midgar.
Enfin, sous ces plaques, les habitants les plus pauvres vivent dans des bidonvilles
au milieu des déchets et de la pollution des niveaux supérieurs de la cité.
On en arrive enfin à nos héros.
Cloud est un ancien membre de l'armée d'élite de la ShinRa : le SOLDAT
qui est devenu mercenaire.
Par le biais de Tifa, son amie d'enfance,
il est employé par le groupe d'éco terroriste Avalanche mené par l'imposant Barrett.
Le jeu commence lorsque Avalanche fait exploser
l'un des huits réacteurs de Midgar qui pompent l'énergie Mako.
Pourquoi s'en prendre à ces réacteurs ?
t bien parce que cette fameuse énergie Mako n'est autre que le fluide vital de la planète,
la Rivière de la Vie, qui est en train de se tarir à cause des activités de la ShinRa.
Au cours de leurs aventures,
Cloud et ses compagnons vont rencontrer une jeune marchande de fleurs
qui est recherchée par la ShinRa car elle est la dernière descendante des Cetras,
mais aussi Sephiroth, un SOLDAT légendaire que Cloud admirait,
mais qui a sombré dans la folie en découvrant qu'il a été fabriqué de toute pièce
à partir des cellules de Jenova.
Ressurgissant du passé trouble de Cloud,
Sephiroth veut utiliser l'une des magies les plus dangereuses des Cetras :
l'invocation d'un météore qui, en créant une nouvelle plaie dans la planète,
va libérer une quantité phénoménale d'énergie spirituelle
ue Sephiroth et Jenova veulent absorber afin se servir à nouveau de la planète
comme d'un vaisseau pour conquérir d'autres mondes.
Cloud va donc devoir affronter la ShinRa, Sephiroth,
mais également son passé qui cache un obscur secret.
Voilà, ça c'est juste le synopsis de Final Fantasy VII,
d'ailleurs cette histoire de peuplade qui communie avec une conscience planétaire,
de gigantesque compagnie privée qui exploite cette énergie
pour en tirer de substantiels profits,
d'un héros employé par cette compagnie qui va s'acoquiner
avec l'une des représentante de ce peuple…
ça me rappelle vaguement un film, mais lequel ?
Non je ne vois pas… Tant pis revenons à nos chocobos
On peut déjà faire un premier rapprochement entre la démarche des développeurs de Squaresoft
sur ce septième volet de la saga Final Fantasy
et celle de George Lucas sur Star Wars.
Lorsque Lucas s'est attelé à sa saga spatiale,
son coup de génie a été de s'inspirer de récits de chevaliers et de princesses
et de les retranscrire dans un cadre purement science-fictionnel.
C'est ainsi qu'il s'est inspiré de structures narratives de mythes et de récits anciens,
et les a habillé des technologies cinématographiques les plus avancées,
notamment la Dykstraflex inventée par John Dykstra spécialement pour Star Wars
qui permet de reproduire plusieurs fois le même mouvement de caméra
et qui a révolutionné les méthodes d'incrustations de maquettes au cinéma.
Final Fantasy VII était également à la pointe
d'à peu près toutes les avancées technologiques de l'époque.
On retrouve ainsi les personnages en 3D évoluant sur des décors pré-calculés
comme dans Alone in The Dark ou Resident Evil,
des environnement entièrement en 3D pendant les combats
et des séquences cinématiques bluffantes.
Final Fantasy VII est également un jeu qui propose un récit moderne
puisqu'il se démarque radicalement des univers d'heroic fantasy de la saga
pour s'aventurer vers la science-fiction et le cyberpunk,
un genre en vogue au Japon durant les années 80
puis dans le reste du monde durant les années 90.
Pourtant, l'ambition de Hironobu Sakaguchi, Yoshinori Kitase et leur équipe de scénaristes
n'est pas de faire table rase de l'héritage de la saga, bien au contraire.
Car au coeur de Final Fantasy VII, on retrouve comme chez George Lucas,
la volonté de faire cohabiter des archétypes de récits anciens
avec un univers moderne de science-fiction.
Par exemple, les mécaniques de jeu traditionnelles de la saga sont conservées,
que ce soit les combats au tour par tour,
le déplacement des personnages à la troisième personne
ou encore la carte du monde.
Et comme ses 6 prédécesseurs,
Final Fantasy VII puise dans de nombreuses cultures, religions ou mythologies
pour construire son univers,
comme la cité de Midgar qui renvoie à la cosmogonie nordique
ou le nom de Sephiroth inspiré de la kabbale.
Quant aux personnages, ils ne sont pas si différents
des chevaliers et des magiciens des précédents opus.
On peut par exemple comparer les deux personnages principaux du jeu,
Aeris et Cloud,
à une princesse héritière d'un royaume disparu et son chevalier.
Les développeurs s'amusent même de ce rapprochement lors d'une séquence parodique
ou Cloud et Aeris se retrouvent malgré eux
à jouer les rôles de chevalier et de princesse dans une pièce de théâtre.
Final Fantasy VII est une oeuvre à l'intersection de plusieurs genres,
mais aussi de plusieurs formes de récits
puisque ce septième opus va pousser très loin l'analogie avec le cinéma.
Comme beaucoup de cinéastes le réalisateur de ce septième volet,
Yoshinori Kitase, a été profondément marqué dans sa jeunesse par Star Wars,
u point qu'il a décidé de suivre des études en scénario et en réalisation de film
avant de se diriger vers la post-production.
C'est en jouant au tout premier Final Fantasy
qu'il entrevoit le potentiel narratif des jeux vidéos.
Dès lors on imagine sans peine qu'avec l'arrivée de la nouvelle génération de consoles
ainsi que du support CD,
Kitase pouvait enfin satisfaire ses ambitions cinématographiques à travers le jeu vidéo.
Cette ambition apparaît d'ailleurs dans le jeu de manière concrète à un endroit bien singulier.
Traditionnellement dans les jeux vidéos,
quand vous perdez ou que vos personnages sont vaincus,
vous arrivez à un écran qui vous annonce plus ou moins sobrement
que le jeu est terminé.
Final Fantasy VII n'échappe évidemment pas à la règle,
mais l'écran de game over est un peu surprenant
puisqu'il assimile littéralement le jeu à une bobine de film.
Cette note d'intention se traduit de plusieurs manière dans la réalisation de Final Fantasy VII.
Comme nous l'avons vu plus tôt,
les séquences cinématiques n'étaient bien souvent que des vitrines des jeux,
mais dans Final Fantasy VII,
elles acquièrent une vraie dimension narrative
et participent pleinement à l'expérience vidéoludique.
En effet, les développeurs souhaitaient que les phases où l'on contrôle les personnages
s'enchaînent sans aucune transition avec les séquences animées en CGI
et à quelques occasions, nous avons même la possibilité
de contrôler nos personnages pendant ces séquences cinématiques.
Quant aux phases de combat, on retrouve également une volonté de s'inscrire
dans une représentation plus cinématographique de l'action.
Déjà, la 3D permet de s'émanciper de la vue latérale des précédents opus
et autorise désormais tous les angles de vues.
Mais ça ne s'arrête pas là.
Contrairement à d'autres jeux en 3D ou la caméra est orientée sur le personnage en plan séquence,
les développeurs de Square se permettent par moment de faire du montage
et de varier les valeurs de plans, comme des mini film d'action.
Traditionnellement, dans les Final Fantasy, on peut invoquer des créatures ou des divinités
qui vont asséner des attaques dévastatrices sur les ennemis.
Grâce à la 3D, ces invocations prennent une dimension particulièrement spectaculaire,
voir un peu trop puisque la plus puissante de ces invocation dure plus d'une minute,
ce qui a tendance à casser un peu le rythme d'un combat...
Du côté de la musique,
le compositeur Nobuo Uematsu, profite des capacités sonores de la Playstation
pour livrer une bande originale orchestrales riche
dont le thème le plus connu est certainement celui du combat final contre Sephiroth.
Ce thème se démarque du reste du jeu par l'ajout d'une partie chantée,
chose inédite sur console à l'époque.
Autant vous dire qu'en 1997, ça faisait son petit effet,
même sur un petit écran cathodique tout pourri.
Ce thème, intitulé One Winged Angel, est devenu l'un des plus célèbre du monde du jeu vidéo
et va être irrémédiablement associé au personnage de Sephiroth,
un peu de la même manière que la Marche Impériale avec Dark Vador.
D'ailleurs, vous ne devinerez jamais quel est l'un des surnoms que l'on donne à Nobuo Uematsu
le John Williams du jeu vidéo.
Consciemment ou non, les développeurs de ce septième opus
vont également s'inspirer du cinéma pour les décors et les placements de caméras.