Final Fantasy VII : le Star Wars du jeu vidéo - l'analyse de M. Bobine (4)
On retrouve également des correspondances visuelles entre les deux oeuvres
comme cette séquence de bagarre à moto sur une autoroute,
ce plan du bad guy dans des flammes,
des cobayes qui portent un numéro
ou encore le parallèle entre Sephiroth et Tetsuo
qui veulent s'emparer de la source de leur pouvoir enfermé dans un laboratoire secret :
Akira et Jenova.
Mais ce qui m'intéresse dans les résonances entre ces scènes clefs de Star Wars et de FFVII,
c'est qu'elles ont peu ou prou le même impact sur les deux oeuvres,
il s'agit dans les deux cas du point névralgique du récit,
des scènes charnières qui représentent tant l'aboutissement logique du cheminement du héros
qu'une rupture violente qui remet en cause tout ce que l'on pensait savoir sur les deux sagas.
Et comme le twist de L'Empire Contre-Attaque,
la mort d'Aeris a profondément marqué les joueurs
au point d'avoir été commentée et décortiquée un nombre incalculable de fois,
y compris par les auteurs du jeu.
Voici ce que Tetsuya Nomura, scénariste et créateur des personnage disait de cette scène :
Quand un personnage meurt dans un jeux vidéo, personne ne trouve ça triste.
Ce ne sont que des personnages dans un jeu après tout,
il vous suffit de redémarrer une partie et de réessayer,
ou de le ressusciter en quelque sorte.
J'avais l'impression que leurs vie n'avait pas tellement de poids.
Mais comme la vie était au coeur des thèmes de Final Fantasy VII,
j'ai pensé que nous devions essayer de montrer un personnage qui meurt vraiment pour de bon,
qu'on ne peut pas faire revenir.
Pour que cette mort ait plus de retentissement, elle devait frapper un personnage important.
Nous avons alors pensé que tuer notre héroïne permettrait aux joueurs
de s'immerger plus en profondeur dans ce thème.
Bon alors c'est vrai quand Mario meurt,
on verse plus souvent des larmes de rage et de frustration que de tristesse,
mais je trouve que Nomura est un peu injuste,
Final Fantasy VII n'est pas le premier jeu vidéo qui montre la mort émouvante d'un personnage.
En ce qui me concerne, je me souviens d'avoir lâché une petite larmichette
en jouant à mon tout premier RPG en 1991
sur l'écran riquiqui de ma Game Boy avec Mystic Quest.
Tiens et comme par hasard, il s'agit du premier volet de la saga Seiken Densetsu
qui n'est rien de moins qu'un spin off de la série Final Fantasy.
Et tant qu'on y est, le scénario est signé Yoshinori Kitase
dont c'était le tout premier boulot chez Squaresoft !
Et das Mystic Quest, question mort émouvante, on est servi
parce que quasiment tous les personnages qui accompagnent notre héros dans sa quête
finissent par se se faire zigouiller ou par se sacrifier…
La grande différence, c'est qu'aucun de ces personnage n'étaient jouable.
En effet, ce qui est particulièrement audacieux, voire casse-gueule, dans Final Fantasy VII,
c'est qu'Aeris est un personnage jouable.
Comme nous l'avons vu,
le fait de pouvoir faire évoluer les personnages est l'un des principes fondateur du RPG.
Ainsi, chaque combat remporté est récompensé par des points d'expériences
qui permettent à nos héros d'augmenter leurs statistiques et leurs capacités au fil du jeu.
Dans Final Fantasy VII, la résistance, la force, la rapidité
ou la puissance magique varient d'un personnage à l'autre,
et ils possèdent chacun des capacités uniques,
ils ne sont donc pas interchangeables.
Ainsi, quand Aeris se fait tuer par Sephiroth,
c'est un personnage irremplaçable qui disparaît, un personnage avec lequel nous avons combattu,
que nous avons fait évoluer et dont l'histoire s'arrête brutalement.
D'ailleurs, cette brutalité était également une volonté des développeurs
qui souhaitaient éviter les clichés.
Dans le monde réel, les choses ne se passent pas comme ça.
Il suffit de regarder autour de vous. Personne ne meurt de cette manière.
Les gens meurent de maladie ou d'accidents.
La mort frappe sans prévenir et il n'y a pas de notion de bien ou de mal.
Elle ne laisse pas des sentiments dramatiques, mais plutôt un grand vide.
Lorsque vous perdez quelqu'un que vous aimez,
ous ressentez intensément cette absence, et vous vous dites :
“si j'avais su ce qui allait se produire, j'aurai agit différemment”.
Ce sont les sentiments que je voulais éveiller chez les joueurs
en faisant intervenir la mort d'Aeris si tôt dans le jeu.
Un sentiment de réalité, pas Hollywood.
Pour beaucoup, cette scène mythique est la principale raison du succès de FFVII
et force est de constater que l'impact de la mort d'Aeris sur les joueurs a été énorme.
Certains d'entre eux ont inondé les forums et les chats de l'époque
d'innombrables théories visant à prouver que l'héroïne est toujours en vie,
d'autres ont envoyé des pétitions à Squaresoft pour réclamer la résurrection d'Aeris.
On a d'ailleurs retrouvé un peu le même déni à la sortie de l'Empire Contre-attaque,
notamment dans le courrier des lecteurs du magasine Starlog.
Personnellement, je ne suis pas d'accord avec cette idée
que la mort d'Aeris est la raison du carton de Final Fantasy VII.
Déjà parce que comme Star Wars, le succès a été immédiat,
Final Fantasy VII est même entré dans le guinness des records en 1999
comme le jeu qui s'est vendu le plus rapidement.
Et le destin funeste d'Aeris n'était pas particulièrement mis en avant
dans la campagne promotionnelle du jeu.
En revanche, si ces deux séquences mythiques ne sont pas les principales responsables
des cartons sans précédents de la trilogie Star Wars et de Final Fantasy VII
j'ai tendance à penser qu'elles ont un tel impact auprès des joueurs et des spectateurs
qu'elles ont eu un rôle de premier ordre dans l'extension des franchises respectives
de Star Wars et de Final Fantasy VII.
Dans Star Wars, les histoires de familles des Skywalker ont rapidement phagocyté
l'univers pourtant immense imaginé par George Lucas,
d'abord dans la prélogie ou Lucas nous raconte
l'enfance puis la déchéance d'Anakin Skywalker,
puis dans la postlogie ou les personnages principaux ne se définissent quasiment
que par le fait d'être un fils ou une fille de, et ce jusqu'à l'absurde…
Du côté de Final Fantasy VII,
il s'est à mon sens produit un peu la même chose avec la mort brutale d'Aeris.
Alors que chaque nouveau Final Fantasy se déroule dans un univers différent de ses prédécesseurs,
on a rapidement vu apparaître une franchise dans la franchise
autour de l'univers de FFVII,
d'abord sur téléphone portable, puis au cinéma, en anime,
en roman et en jeux plus conséquents sur les dernières consoles Sony.
Et ce qu'on remarque c'est qu'Aeris est très souvent présente dans ces oeuvres.
Alors dans le cas de certaines, c'est plutôt logique
puisqu'il s'agit de préquelles, comme le jeu Crisis Core sur PSP
qui revient sur des évènements évoqués dans Final Fantasy VII.
Mais en 2005, Aeris fait plusieurs apparitions
dans le long-métrage d'animation Final Fantasy VII : Advent Children
qui fait directement suite aux évènements du jeu.
Bon, il s'agit plus d'un gros bonbons rempli à ras bord de fan service
que de la continuité de l'histoire du jeu,
et Aeris n'est pas le seul personnage supposément mort à faire un petit coucou dans le film
néanmoins, les auteurs d'Advent Children ont trouvé
un moyen un peu détourné de la ressusciter
en faisant de l'héroïne la nouvelle conscience au coeur de la planète.
Depuis quelques années, Square Enix planche sur un projet complètement fou,
un remake intégral de ce septième volet de la saga.
Il y avait des rumeurs entourant ce projet depuis au moins 15 ans,
notamment avec le film Advent Children qui présentait une version plus réaliste
de l'univers de Final Fantasy VII,
mais aussi avec cette démo technique pour la PS3 présentée en 2005 au salon de l'E3
qui reprend la cinématique d'ouverture du jeu.
Les équipes de Square Enix ont eu beau démentir la mise en chantier d'un remake,
on sent que ça les titillait quand même pas mal.
Et finalement en 2015, ce remake tant attendu par les fans est enfin annoncé,
même s'il ne sortira que 5 ans plus tard en ce début d'année 2020.
Comme pour Lucas et sa prélogie,
on imagine sans peine que si cette nouvelle version de FFVII sort 23 ans après l'original,
c'est en parti parce que la technologie est suffisamment avancée
pour répondre aux ambitions narratives des développeurs.
Car non seulement ce remake est une remise à jour de l'univers visuel du jeu,
mais c'est également une refonte complète de l'histoire qui est beaucoup plus dense,
au point que cette nouvelle version ne couvre que la toute première partie du jeu
qui se déroule dans la cité de Midgar,
c'est à dire bien avant qu'Aeris ne se fasse tuer par Sephiroth.
Et pourtant, alors que nous ne savons quasiment rien sur les suites de ce remake,
il y a un point de l'histoire qui diverge radicalement du jeu original
(et que je ne vais évidemment pas vous révéler)
qui a provoqué d'innombrables spéculations et théories sur l'éventualité de la survie d'Aeris.
Quelque soit la réponse qu'apportera Square Enix,
force est de constater que le choc provoqué par la disparition de l'héroïne de FFVII
a impacté l'imaginaire collectif des joueurs
au point d'avoir franchi la barrière des générations,
tout comme la filiation entre Vador et Luke Skywalker
au point que cet héritage semble empêcher les deux sagas de se renouveler.
A propos de renouvellement, qu'en est-il des suites de la saga Final Fantasy ?
Et bien là encore, on peut s'amuser à faire un parallèle
entre la trilogie originale Star Wars
et les épisodes 7, 8 et 9 de la célèbre franchise de RPG.
Si ces trois volets ne sont pas des suites à proprement parler
puisqu'ils se déroulent dans des univers distincts,
ce sont les seuls à avoir été conçu sur la première PlayStation de Sony
en prolongeant et en perfectionnant les techniques de mise en scène
et de gameplay à l'oeuvre dans Final Fantasy VII.
Pour L'Empire Contre-attaque comme pour Final Fantasy VIII,
on remarque déjà que les maîtres d'oeuvre des deux sagas décident de prendre un peu de recul.
Epuisé par le tournage de Star Wars,
George Lucas décide de confier la réalisation de l'Empire Contre-Attaque à Irvin Keshner
et se concentre sur la supervision du scénario et de la production.
Du côté de Final Fantasy, Hironobu Sakaguchi, le papa de la série confie à nouveau
les rênes de l'épisode VIII à Yoshinori Kitase et à son équipe,
mais alors qu'il avait un rôle important dans l'écriture du septième volet,
il décide de s'en tenir strictement à un rôle de producteur.
En effet, ce dernier se rend à Hawaii
dans les studios flambants neufs de Square Picture
pour réaliser le film Final Fantasy Les créatures de l'esprit,
dans lequel il recyclé quelques unes de ses idées de Final Fantasy VII.
Ces deux suites se caractérisent d'emblée par un ton plus introspectif et plus sombre
et prennent en quelque sorte le contre-pied de leur prédécesseur.
Star Wars nous montrait un jeune fermier devenir un héros de la résistance,
et le film se terminait sur une note solaire après la victoire des héros de l'histoire.
L'Empire Contre-attaque nous montre au contraire le personnage principal échouer
jusqu'à subir une terrible défaite.
Le ton de Final Fantasy VIII est également très différent de son prédécesseur
puisque même si l'on retrouve un récit de fin du monde dans un univers futuriste,
l'accent est mis sur l'histoire d'amour entre les deux protagonistes du jeu : Squall et Linoa.
D'ailleurs c'est marrant, c'est aussi le cas dans L'Empire Contre-attaque.
Du coup, si l'histoire naissante entre Cloud et Aeris était un moyen
d'ouvrir le jeu vers un récit plus universel,
Final Fantasy VIII part au contraire d'un récit de guerre entre plusieurs nations
et se recentre au fur et à mesure vers la relation entre les deux héros.
Du côté du gameplay,
le système de combat a été entièrement repensé
et beaucoup de joueurs qui avaient étés séduits par les matérias du septième volet
ont été désarçonnés par le système très complet
mais aussi plus abstrait d'associations de magies.
Comme pour L'Empire Contre-Attaque, malgré quelques voix discordantes,