La saga Mission Impossible : l'analyse de M. Bobine (1)
Adeptes de la grande toile bonjour.
Aujourd'hui nous allons revenir sur une franchise ayant plus de 23 ans d'existence.
Une série de films qui auront permis à son interprète, également producteur,
d'asseoir sa réputation de star internationale :
la franchise Mission: Impossible.
Avec ses six films réalisés par cinq cinéastes,
et un Tom Cruise pour tenir le haut de l'affiche
on s'était dit qu'il était temps de revenir sur ces longs métrages
dont le succès ne s'est quasiment jamais démenti au fil des ans,
à une contre performance près.
À travers l'histoire de cette franchise,
la mission que nous avons acceptée est d'essayer de comprendre
ce qui en fait sa popularité
mais aussi l'anomalie qu'elle a fini par devenir au sein du système Hollywoodien
et plus largement dans le cinéma populaire contemporain.
Notre aventure commence au début des années 90.
Tom Cruise enchaîne les succès et sa popularité monte en flèche.
Il s'associe avec son ancien agent Paula Wagner
pour fonder la désormais célèbre Cruise/Wagner Productions.
Le but est de développer d'ambitieux projets
sur lesquels notre Maverick souhaite davantage s'impliquer
en ayant un vrai contrôle créatif pouvant accroître son indépendance à Hollywood.
Le 1er projet développé par la boite vous vous en doutez…
C'est l'adaptation sur grand écran d'une série d'espionnage populaire des sixties :
Mission: Impossible.
Dans un premier temps c'est Gloria Katz et Willard Huyck
le couple derrière American Graffiti et Howard the Duck qui se charge du script,
tandis que notre star verrait bien Sydney Pollack
qui l'avait déjà dirigé dans La Firme, s'occuper de la réalisation.
Mais ce dernier va quitter le navire et va être remplacé par Brian De Palma
dont la carrière n'est pas au beau fixe après une série de flops publics
Ce dernier à l'avantage d'avoir déjà adapté une série télé sur grand écran
avec Les incorruptibles.
Mais loin de céder à la facilité d'un succès quasi garanti,
le cinéaste va en profiter pour faire une oeuvre qui ne ressemble qu'à lui.
Dans un premier temps,
il confie la rédaction d'une nouvelle histoire à Steven Zaillan et David Koepp,
avant que Robert Towne ne peaufine l'ensemble sur demande du comédien,
qui finira par donner raison au cinéaste.
Comme ont peut le deviner
c'est bien l'addition de talents qui auront permis de faire passer des partis-pris radicaux.
En effet,
à l'origine le film était pensé comme une vraie suite dez la série.
Peter Graves devait reprendre son rôle de Jim Phelps
mais ayant lu que son personnage devenait le Bad Guy,
il renonça à participer au projet.
Cette situation tua automatiquement l'idée d'un twist reposant
sur la connivence que pouvait avoir le spectateur avec ce dernier.
À ce titre le 1er volet de Mission: Impossible repose sur une structure narrative
qui déjoue en permanence les attentes du spectateur.
Dans un premier temps
le film va reproduire un schéma typique de la série.
L'annonce de la mission via un objet insolite,
puis l'élaboration du plan avec l'équipe,
et enfin le déroulé des opérations où le spectateur attend fébrilement de savoir
si nos protagonistes vont réussir leur coup.
Si Jim Phelps est le seul personnage issu du show
à intervenir dans le long métrage,
les autres protagonistes inventés pour l'occasion répondent
à des fonctions assez proches de leurs homologues télévisuels.
C'est le cas de Ethan Hunt
un spécialiste du déguisement qui renvoie au personnage de Rollin Hand
autrefois interprété par Martin Landau.
Si l'introduction à l'ambassade américaine de Prague laisse croire
que nous assistons à une simple reconstitution d'un épisode,
un élément perturbateur va très rapidement faire dérailler la machine.
C'est à ce moment précis que le film délaisse la simple recréation d'un souvenir télévisuel
pour trouver sa propre voie.
En effet
l'assassinat des différents membres de l'équipe a autant pour but de conclure le 1er acte
que de littéralement tuer la série.
Si cette démarche peut être vue comme ouvertement provocatrice
à l'égard du public,
elle n'a pas pour but de lui adresser un doigt d'honneur, bien au contraire.
Avec cette démarche de franc-tireur,
De Palma propose un dialogue avec l'imaginaire des sixties
dans lequelle baignait le show d'origine.
Une démarche qui consiste d'abord à détruire une oeuvre pour mieux la recréer
et lui donner beaucoup en retour.
La particularité de la série de Bruce Geller est qu'elle s'inscrit
au carrefour de deux genres alors très en vogue à l'époque.
D'un côté les séries d'espionnages
de l'autre les films de braquages
ou Caper Movie comme le disent nos amis anglo saxons.
Remplacez simplement les agents secrets de Mission:Impossible par des braqueurs
et vous comprendrez quels procédés narratifs charpente la série.
En tout cas, De Palma et ses scénaristes l'ont parfaitement compris
en faisant de Ethan Hunt un agent traqué par sa propre hiérarchie.
En effet celui-ci doit agir dans l'illégalité,
commettre un casse au siège de la CIA,
et recruter des agents désavoués experts dans leurs domaines.
Brian De Palma en profite pour payer son tribut au long métrage
qui du propre aveu de Bruce Geller avait façonné toute l'identité de sa série :
Topkapi de Jules Dassin.
La scène où Tom Cruise descend le long d'un filin dans une chambre forte
est un hommage au braquage du film de 1964,
et on peut dire que De Palma à bien retenu la leçon de son prédécesseur.
Ce dialogue avec le passé est également l'occasion pour le réalisateur
de revisiter une nouvelle fois son maître à penser :
Alfred Hitchcock.
De par sa structure narrative qui voit un innocent traqué
à la fois par les autorités et de mystérieux criminels,
avec une issue finale reposant sur l'identité d'un agent double,
Mission: Impossible est une relecture de La mort aux trousses.
Dans le climax,
le réalisateur s'amuse à créer un crescendo visuel et dramatique similaire
à celui auquel Cary Grant est confronté dans le film d'Hitchcock
mais avec un TGV à la place du mont Rushmore,
l'idée d'une chute mortelle n'étant plus verticale mais horizontale.
De Palma pousse d'ailleurs l'analogie avec Grant
en faisant porter à Tom Cruise la même tenue qu'à son homologue de 1959.
Cependant comme à son accoutumé
le réalisateur va plier intelligemment l'héritage Hitchcockien
à ses propres thématiques.
À contrario de Roger Thornhill
et divers personnages peuplant l'oeuvre du maître du suspense,
Ethan Hunt n'est pas placé sous le poids permanent de la fatalité
c'est même l'inverse.
Ce dernier va tout le long du récit apprendre à remettre en question sa vision des événements
afin de découvrir la vérité et reprendre progressivement le dessus.
Il ira jusqu'à utiliser les mêmes armes que ses ennemis pour pouvoir les piéger
comme pouvait le faire Keith Gordon où John Travolta dans Pulsions et Blow Out,
ce qui lui vaudra de tuer son père symbolique en la personne de Phelps.
Si l'on ajoute le soin apporté à l'ambiance paranoïaque
comme les plans débulés et l'omniprésence des écrans de surveillances,
difficile de ne pas voir en ce premier volet de Mission: Impossible
un grand spectacle en parfaite adéquation avec le style et les thématiques de son auteur.
L'idée simple mais très bien trouvée de terminer le récit sur une boucle
où Ethan Hunt prend la relève cinématographique du Jim Phelps télévisuel
finit d'introniser Tom Cruise en héros de sa propre franchise.
Cependant le refus de De Palma de rempiler pour une suite va obliger Mission: Impossible
à emprunter une voie similaire à celle de la saga Alien
où chaque cinéaste va tenter avec plus ou moins de succès
d'imposer son style à ces productions d'envergure,
ce qui va rendre chaque épisode unique.
Pour Mission: Impossible 2,
Si l'idée d'aller chercher John Woo pour prendre la relève de De Palma
est sur le papier plus que excitante,
la mégalomanie de Tom Cruise va avoir raison de ce dernier.
Réécritures, caprices de star et clash entre le réalisateur
et le chef opérateur Andrew Lesnie à un mois des prises de vues,
autant dire que la production fut pour le moins chaotique.
Ce fut également le bordel jusqu'en post prod
où le 1er montage de 3 heures 30 classé R-17
ne convainquit ni le studio, ni Cruise
qui éjecta le cinéaste pour remonter le tout à une durée de 2 heures
et en faire un PG 13,
sans oublier au passage de confier la bande originale à Hans Zimmer
et divers groupes comme Limp Bizkit ou Metallica,
là où John Woo désirait poursuivre sa collaboration avec John Powell.
Même si le cinéaste Hongkongais a sa part de responsabilité,
le résultat final n'entretient que peu de rapport avec ce qu'il avait en tête,
à savoir une relecture des Enchainés d'Alfred Hitchcock.
Reste donc quelques morceaux de bravoures
disséminés ça et là au gré du métrage.
La gestation du troisième opus sera également source de nombreux conflits,
puisque ce sont pas moins de trois cinéastes qui travailleront sur le projet
David Fincher, Ang Lee et Joe Carnahan.
C'est d'ailleurs ce dernier qui avancera le plus loin dans la production
en imaginant une intrigue centrée autour de la privatisation de l'armée en Afrique
avec un bad Guy inspiré de Timothy McVeigh
le terroriste ayant commis l'attentat d'Oklahoma City en 1995.
Cependant, un détail totalement absurde
qui en dit long sur la dérive inflationniste qu'allait connaître Hollywood,
va provoquer le départ du réalisateur.
«[Carnahan] voulait faire un film dans la veine des drames paranoïaques des 70s
comme Marathon Man,
et disait que sa version du film aurait coûtée 50 millions de dollars
et non les 186 millions initialement budgétés…
Mais en 2003,
Hollywood était au lendemain d'énormes succès de blockbusters franchisés
comme Spider-Man, Harry Potter, et Le Seigneur des Anneaux,
et évidemment, Paramount voulait quelque chose de “gros” à vendre. »
C'est en dévorant la série Alias que Tom Cruise trouve son réalisateur providentiel
en la personne de J.J. Abrams,
qui n'a encore jamais tourné de long-métrage pour le cinéma.
'acteur lui fait même une faveur en allant tourner La guerre des mondes
pour lui permettre de peaufiner le scénario et la production.
Un luxe aujourd'hui inenvisageable.
Appliquant sur grand écran la recette ayant fait son succès sur le tube cathodique,
Abrams propose un 1er acte plutôt prometteur
en inscrivant son héros dans une dynamique d'équipe
absente des deux précédents opus.
Malheureusement les tics d'écritures et de mise en scène
dont le réalisateur va tenter tant bien que mal de se défaire dans ses travaux ultérieurs
vont avoir raison de son premier essai cinématographique.
Si la déconvenue au box office de ce troisième opus
n'empêchera pas Abrams de poursuivre sa carrière avec le succès qu'on connaît,
elle marque la fin du contrat qui liait Tom Cruise à la Paramount.
Mais cette rupture est aussi dûe au fait que Tom est de plus en plus ingérable.
Autant dire que lorsque le quatrième opus Protocole fantôme arrive sur les écrans en 2011
c'est un peu l'opération de la dernière chance pour Tom Cruise.
Le rachat qu'il a opéré sur la United Artists en 2006
s'est avéré être l'un des plus gros fiascos de sa carrière
répercuté par plusieurs bides au Box Office.
Conscient de ses erreurs
l'acteur va opérer une véritable reprise en main de sa carrière
que ce soit devant ou derrière l'écran.
Avec sa nouvelle compagnie portant son nom,
Cruise s'associe de nouveau à J.J. Abrams à la production.
Après avoir envisagé Ruben Fleischer et Edgar Wright,
c'est finalement Brad Bird qui décroche la réalisation.
Tandis que le script signé Josh Applebaum et André Nemec,
le duo derrière le reboot des Tortues Ninja
se voit réécrit par Christopher McQuarrie
que Tom Cruise avait rencontré sur le plateau de Walkyrie.
Cette nouvelle collaboration ressemble pas mal à celle qu'a pu entretenir l'acteur
avec le scénariste Robert Towne par le passé,
et McQuarrie va apporter une exigence dramaturgique aux projets de la star.
L'arrivée de Bird et McQuarrie va permettre à la franchise de repartir sur de bons rails,
à travers une véritable réorchestration de ses codes.
Que ce soit l'évasion d'une prison russe jusqu'au climax en Inde,
chaque évènement est propice à malmener Ethan Hunt
qui ne peut désormais plus se reposer sur lui-même