LAMBINER
Le mot de l'actualité avec la délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.
On sait que les dix mots qui représentent cette année la langue française ont ce point commun d'avoir une relation au temps, au temps qui passe, et qui passe plus ou moins vite. Ainsi, lambiner, qui fait partie de cette liste, qui est un mot légèrement familier. Oh, pas trop. Ce n'est pas de l'argot, ce n'est pas grossier. C'est quand même un terme qui critique et qu'on va trouver dans des phrases de reproches, même si parfois ce peut être des reproches qu'on s'adresse à soi-même. Alors on lambine quand on va moins vite, qu'on devrait, moins vite qu'on pourrait. Et on a souvent l'idée d'une certaine mollesse, qu'on retrouve d'ailleurs si on s'intéresse à l'étymologie à l'origine du mot. Parce que ce verbe lambiner, il dérive du mot lambeau. Un lambeau, c'est un bout d'étoffe souvent déchiré, un chiffon quoi. Un chiffon, une chiffe, une chiffe molle. Alors on se souvient que, dans une langue un peu ancienne, chiffe molle est une vieille insulte, une chiffe molle, quelqu'un qui manque de caractère ou de courage ou d'énergie. Eh bien, lambiner porte une critique moins sévère, disons moins moralisatrice. Elle a quelque chose quand même de plus indulgent que si on vous traite de chiffe molle.
Mais enfin quand on lambine, on est ni très actif ni très déterminé. Et parfois, le mot ne pointe qu'une lenteur excessive. On lambine en chemin, c'est-à-dire qu'on ne va pas assez vite. Ou bien peut-être que simplement on s'arrête pour regarder le paysage, qu'on a bu une limonade à l'auberge, qu'on a cueilli des mûres. On perd un peu son temps. En tout cas, c'est ce qui est sous-entendu quand on emploie ce verbe lambiner.
On traîne, quoi... ! Encore que le verbe traîner, même s'il ressemble à lambiner, soit plus vague parce qu'on lambine toujours par rapport à une activité précise ou par rapport à un programme. On lambine pour faire un travail, un trajet, on se met en retard. Alors qu'on peut traîner parce qu'on ne s'attelle à aucune tâche particulière. Et on peut très bien dire je suis resté chez moi ce matin, j'ai traîné toute la matinée, j'ai traîné. C'est-à-dire simplement que je n'ai rien fait de spécial, de précis. Le temps a passé sans que je m'en rende compte. Et si ça devient une habitude, je pourrais dire que je suis un affreux traînard. Plus péjoratif que d'être simplement un lambin. Et d'ailleurs, la sonorité de ce mot « traîner » se prête à sa signification. On traiiiine et parfois même on traîne sa flemme. Le reproche est plus accusateur, là, et le dérivé familier. Traînasser, montre bien l'écho méprisant qui entoure ces termes. Et on peut imaginer que ce comportement dérive d'une paresse profonde ou parfois d'une certaine mauvaise volonté. Parce que si on arrive quelque part en traînant les pieds, on dit aussi en traînant des pieds, c'est qu'on n'a pas une folle envie de s'y mettre.