EXPECTATIVE 2010-05-14
Depuis la formation du nouveau gouvernement britannique, pouvoir bicéphale, à deux têtes, qui met en avant David Cameron et Nick Clegg, c'est la perplexité qui domine dans les réactions politiques. « Les milieux européens dans l'expectative » titre le site de RFI, ce qui signifie bien qu'ils ne savent pas exactement quoi penser, et qu'ils ne sont pas sûrs des directions que prendra ce tandem nouvellement aux affaires. Ils sont dans l'expectative. Ce mot ne s'emploie pratiquement que dans cette formule, qui renvoie à une double idée : on ne sait pas ce qui va se passer, et on attend pour savoir. Mais en même temps, la formule implique une certaine immobilité : on ne fait rien, on ne déclare rien, on n'agit pas, car on ne sait pas exactement à quoi s'en tenir. Cette attitude correspond un peu à la formule anglaise wait and see , que je cite car elle est assez fréquemment utilisée en français. Non pas comme un anglicisme, mais comme un proverbe qu'on a plaisir à citer dans sa langue d'origine. Comme on dirait Carpe diem en latin, dans des circonstances presque opposées.
On a d'autres expressions qui tournent autour de cette même idée, même si elles sont légèrement différentes : on est l'arme au pied par exemple. C'est-à-dire qu'on ne bouge pas, mais qu'on est prêt à bouger, et même qu'on se tient immobile en attendant un signal pour agir. L'origine de l'image est évidente : il s'agit d'un soldat, équipé de pied en cap, qui attend l'ordre ! Revenons donc à notre expectative . L'origine du mot est latine, mais les autres mots de la même famille se sont peu à peu perdus en français : on ne parle plus guère d'expectation . Ce qui est peut-être dommage, car on n'a plus de mot spécifique pour exprimer une attente positive, une attente qui espère. Il est vrai que ce mot d'attente , et surtout le verbe pronominal s'attendre a un sens particulier. On s'attend à quelque chose quand on l'anticipe, quand on pense que cela va arriver. Sans d'ailleurs que le mot ait un écho spécialement positif ou négatif : on peut s'attendre au pire comme au meilleur ! Mais cette charmante ambiguïté de sens qui balance entre ce qu'on attend et ce qu'on souhaite, on la trouve encore dans le verbe espérer . Oh pas toujours ! C'est même pratiquement une spécialité méridionale : « on t'a espéré toute la soirée ! ». C'est-à-dire, on t'a attendu, en souhaitant ta venue, on t'a attendu, tout tendus vers ta venue possible. Mais on sait bien que l'expression est plaisante et familière ; on n'est pas dans un français standard, mais dans une langue qui dit bien son origine et son domaine d'utilisation : c'est de ces phrases qui ne s'entendent pratiquement qu'avec l'accent ! Coproduction du Centre national de Documentation Pédagogique. http://www.cndp.fr/