ECUREUIL 2009-02-26
La fusion de la Caisse d'épargne avec la Banque populaire suscite une vive polémique en France. Non pas tant à cause de ce rapprochement bancaire, mais plutôt à cause de la nomination par le chef de l'État du nouveau patron de cette nouvelle maison bancaire. En tout cas, une chose est sûre, l'écureuil se transforme ! Peut-on dire qu'il disparaît ? C'est ce qui arrivera probablement, à moins que cette nouvelle banque ne reprenne à son compte ce qui fut pendant une soixantaine d'années l'image et l'animal fétiche de la Caisse d'épargne. Et cet emblème avait eu tant de succès que le nom même de l'écureuil était bien souvent substitué à celui de la Caisse d'épargne. On parlait communément de placer son argent chez l'Écureuil ou d'avoir un compte à l'Écureuil. Alors, qui doit le plus à l'autre ? Il est certain que la réputation du petit animal avait beaucoup fait pour rendre sympathique la banque qui l'avait adopté. Mais le succès de cet image, inversement, avait beaucoup fait pour populariser le mythe de l'écureuil épargnant et prévoyant – des qualités qu'on lui attribuerait beaucoup moins spontanément si la banque ne les avaient pas rendues si connues. D'où vient tout cela ? Ça démarre pendant la guerre. En 1942, en pleine occupation, René Laurent, fait prisonnier en Allemagne puis libéré, est directeur adjoint des Caisses d'épargne. Il lance un concours de nouvelles, qui est ouvert à tous les prisonniers de guerre français encore détenus en Allemagne. Mais les nouvelles doivent porter un message moral et économique, et encourager le sens de l'épargne. Les textes doivent avoir une moralité, un peu comme les fables.
Et le gagnant, William Bate, imagine une histoire qui se passe précisément dans son camp de prisonniers, et qui met en scène ses camarades. Ils ont si faim qu'ils décident de manger l'écureuil que l'un d'eux a recueilli. Ils vont le chercher sur une branche du chêne qui lui sert d'abri. Et là, ils découvrent tout son trésor de guerre : noisettes, amandes, biscuits… tout ce que la petite bête avait mis de côté chaque fois qu'on lui donnait quelque chose. La découverte, évidemment, sauve la vie de l'écureuil. Tout finit bien, et cette morale bien pensante est aussitôt adoptée, ainsi que l'animal qui l'incarne. L'écureuil de la Caisse d'épargne est né. Et on se souviendra que, souvent, on ne parlait pas seulement de Caisse d'épargne, mais aussi de prévoyance. Ce sont ces qualités de prudence et d'anticipation qui sont à l'honneur. L'image a pris, à tel point qu'on peut parfois dire de quelqu'un « c'est un écureuil » pour parler de sa prudence et de son souci de l'avenir. C'est en fait l'opposé de la cigale, insecte mis à l'honneur par La Fontaine, qui au contraire ne pense pas à demain et dilapide tout son bien sur l'instant, sans penser qu'elle pourrait se trouver fort dépourvue, une fois la bise venue. Là aussi, l'image est si répandue que l'animal a acquis cette qualité proverbiale d'insouciance et d'inconséquence. Et la cigale a son négatif, la fourmi. Alors, pourquoi ne l'avoir pas choisie comme emblème de la Caisse d'épargne ? D'abord, cet insecte l'a été. Fourmi, abeille puis ruche ont précédé l'écureuil. Mais il était sage d'en changer : la fourmi n'a pas bonne réputation. Prévoyante peut-être, mais pas prêteuse, « c'est là son moindre défaut ». Et une banque est prêteuse, par définition. Alors évidemment, y mettre la fourmi, ça faisait mauvais effet.
Coproduction du Centre national de Documentation Pédagogique. http://www.cndp.fr/