Ce village décroche le jackpot ! - Saint-Dyé-sur-Loire
Mes chers camarades bien le bonjour !
Je vous propose aujourd'hui de visiter un petit village du Loir-et-Cher, Saint-Dyé,
qui a eu un destin assez incroyable tout au long du XVIe siècle !
Dites vous bien qu'ici, le photographe Henri Cartier Bresson, la famille Picasso ou encore
le peintre Leonor Fini ont acheté une maison, et c'est pas pour rien ! Même si je doute
un peu qu'ils aient anticipé une vidéo dans laquelle j'allais pouvoir vous parler
à la fois de dragons, de Dartagnan et de la construction d'un des plus grands châteaux de France !
Si on fait un peu d'étymologie, l'origine
du nom Saint Dyé vient de saint “Déodat”. Déodat était un religieux du VIe qui aurait
atterri dans le coin sur les indications d'un prêtre lui ayant fait part d'un dragon
qui logeait par ici. Déodat serait ainsi venu, aurait démonté le dragon et Clovis
en personne, alors qu'il partait en guerre contre les wisigoths, aurait salué le camarade,
lui permettant au passage d'établir un ermitage et de rassembler une petite communauté
de fidèles, environ 40 personnes.
A la mort de Déodat, sa tombe devient un lieu de pèlerinage
et il faut attendre bien plus tard pour qu'une église ou une basilique, on ne sait pas très
bien, soit construite à l'endroit même où reposait le corps du saint.
D'ailleurs, on peut encore voir sa tombe aujourd'hui au sein même de l'église
Et quand je vous dis que l'on ne sait pas très bien de quand ça date, c'est pas
un euphémisme ! Cette histoire relève en partie de la légende et la biographie
de Saint-Dyé aurait pu être écrite vers la fin du XIe siècle, soit 500 ans après
les faits. Quand au dragon, on l'a déjà vu dans l'épisode dédié à ces vilaines
bêtes, c'est surtout une métaphore indiquant qu'il y avait des païens qu'il fallait
christianiser !
Bref, le plus important est là, on a un lieu de culte, une petite communauté et une figure
charismatique, Déodat : c'est le début d'une grande histoire, celle du village
de déodat qui par évolution phonétique deviendra le village de Saint Dyé !
Au départ, comme toute ville médiévale, la population de Saint Dyé est relativement
confidentielle. Des petites maisons en bois, qui progressivement, au cours du XII et XIIIe
siècle, deviennent des habitations en pierre. Ce qui marque profondément l'évolution
architecturale du village, c'est le XIVe est le début de la guerre de Cent ans. Lassé
par les attaques récurrentes et l'impossibilité de se défendre, une muraille en pierre longue
de 1500m et garnie de 12 tours vient encercler le bourg. C'est près de 20 000 mètres
cube de pierres qui ont dû être extrait des environs pour construire l'édifice.
Un chantier impressionnant certes mais qui n'effraie pas les locaux, habitués à utiliser
la pierre du coin pour construire leurs habitations.
C'est d'ailleurs assez amusant de voir que les habitants, dans les siècles qui suivront,
s'approprient cette muraille pour parfois en faire une partie de leurs habitations ! Certaines
maisons viennent donc se poser sur cette dernière, tandis que d'autres se payent carrément
le luxe de profiter de la muraille comme...façade de leur maison !
Mais ce qui marque vraiment l'Histoire de Saint-Dyé, ça n'est pas sa muraille. La
ville bénéficie d'une économie florissante, dûe notamment à l'afflux de pèlerins
et sa situation est déjà plutôt confortable car il se trouve sur la route de l'Espagne.
Une douzaine d'auberges en ville permettent ainsi aux voyageurs de faire une étape. De
quoi remplir les bourses des habitants et de la ville !
Ce qui boulverse le destin de Saint-Dyé au XVIe siècle c'est la construction du château
de Chambord !
François 1er décide dès 1519 de construire un château hors-norme, symbole de la puissance
royale. Mais un château comme ça ne se construit pas du jour au lendemain ! Jean le Breton,
qui supervise les travaux, en sait quelque chose, lui qui logera non loin de là dans
un château qu'il construit spécialement pour l'occasion, le château de Villesavin.
D'ailleurs on a fait une vidéo dédié sur ce château de Villesavin, si ça vous
tente, je vous la mets en description !
Bref, pour construire un édifice aussi gigantesque, il faut des matériaux comme des pierres,
du plomb ou de l'ardoise. Et il faut pouvoir les acheminer jusqu'au chantier ! Comment
procéder alors ? Par la terre ? Bien trop compliqué sur de longues distances vu le
volume de charge à transporter ! Par la voie fluviale ? La Loire ne passe pas à Chambord
! Qu'à cela ne tienne, François 1er propose de détourner une partie de la Loire pour
la faire arriver devant Chambord. Oui, quand tu es roi tu peux proposer des
plans comme ça sans qu'on te regarde trop de travers...c'est un luxe !
Néanmoins le plan semble vite irréalisable et l'idée est abandonnée. Il faut donc
trouver le port le plus proche et organiser en conséquence les flux monumentaux de marchandises
qui viendront alimenter les artisans de tout bord qui travaillent à Chambord.
Et ça ne vous a pas échappé, Saint-Dyé est posé au bord de la Loire ! Son port,
déjà bien développé par le commerce du bois et du vin, se situe à seulement 4km
du futur chantier, une position géographique idéale qui va voir l'activité de Saint-Dyé
exploser.
La plupart des carrières qui produisent le tuffeau, pierre centrale de la construction
de Chambord, sont situées dans la vallée du Cher et sont équipés de ports. Le transport
s'organise donc et Saint-Dyé devient rapidement le point de convergence de toutes ces carrières.
Et il faut bien comprendre qu'à cette époque le transport sur l'eau n'est pas évident
du tout...c'est un véritable casse tête !
En effet toutes les pierres, pour gagner du temps sur le chantier, doivent être taillé
avant même leur transport, elles doivent ensuite être acheminée en temps et en heure
pour permettre aux ouvriers sur place de travailler. ça semble logique, pas de pierre, pas de
construction ! Seulement voilà, le réseau fluvial de l'époque n'est pas celui que
l'on connaît aujourd'hui, certaines carrières qui approvisionnent le chantier sont bien
loin de Chambord et les bateaux doivent emprunter des détours parfois conséquents pour faire
arriver la marchandise jusqu'à Saint-Dyé. Et ça, sans oublier les caprices de la météo
! En fonction du sens du vent, du sens dans lequel le bateau doit circuler, du niveau
d'eau aussi, la durée des voyages commerciaux est très variable. En cas de crue, ce qui
arrive quelques jours par an, impossible de naviguer, c'est bien trop dangereux ! Et
en cas de sécheresse là aussi il est compliqué de naviguer. Quand le niveau d'eau descend,
on tente de trouver quelques astuces, par exemple on fait partir plus de bateaux des
carrières mais on les charge moins, pour éviter qu'ils s'échouent sur le fond
de la Loire. Mais malheureusement ça n'est pas toujours possible et parfois les marchands
sont bloqués pendant des jours, voir des semaines ! Et ça, ça n'arrange pas du
tout la bonne tenue du chantier. On a par exemple un certain Gervais Pelocquin qui s'engage
à fournir 20 000 pierres de Bourré au chantier de Chambord sur une durée d'un an. Résultat
des courses, il n'en livre que la moitié à cause des aléas climatiques, des échouages,
des pertes en cours et autres...le pauvre finira devant la chambre des comptes de Paris !
En tout cas, toute cette activité va bien
bénéficier à Saint-Dyé. Au delà de l'argent apporté par le transit de marchandises sur
le port, qui est loin d'être anecdotique, la ville se développe pour accueillir tout
le monde qui va avec ! Des ouvriers, des maçons, des courtisans, des entrepreneurs, des dignitaires...autant
de personnes qu'il faut loger, nourrir, divertir...une vraie aubaine !
La construction de Chambord s'étalera sur des décennies, si bien que durant le règne
de Louis XIV, le château n'est toujours pas fini. Il y fera venir Molière pour y
jouer du théâtre et les comédiens de la troupe logeront bien évidemment à Saint-Dyé.
On aménagera également la ville, car les rues du Moyen ge sont bien trop étroites
pour la circulation des charrettes. On créera une allée spéciale longeant la muraille
de la ville pour leur permettre de passer, en pente douce, pour éviter que les bêtes
ne se blessent en tirant les lourds chargements.
Fun fact : Au XVe siècle au moment des travaux pour construire cette avenue, on découvre
un cimetière mérovingien qu'on avait totalement oublié jusque là. Comme quoi ça ne date
pas que de nos jours le déterrage de reliques !
Quand on imagine toute cette richesse générée par les travaux de Chambord, on peut être
surpris quand on arrive à Saint-Dyé de constater que l'église n'ai pas l'air complètement
terminée et c'est parce qu'en réalité, c'est bien le cas ! On suppose qu'elle
était encore en construction au début du chantier de Chambord et que le fait que tous
les artisans soit mobilisés à Chambord ai empêché l'église de profiter de la main
d'oeuvre locale. Probablement financée par les activités de péages fluviaux de
la ville de Saint-Dyé, l'église reste en tout cas magnifique et le contraste entre
le village actuel et l'édifice est assez saisissant ! Chose étonnante pour une église
d'ailleurs, on y trouve une curiosité républicaine, cachée à l'abri des regards… Pendant
la révolution, l'église est mis au service du conseil révolutionnaire. Un drapeau bleu/blanc/rouge
est accroché sur l'édifice et on trouve en son sein une énorme tablette avec la devise
de la république et un message révolutionnaire dessus. Pas banal !
Encore moins banal, l'église a servi de prison pour...Dartagnan ! Sisi !
Jusqu'au XVIIIe siècle, saint dyé et la 4eme ville la plus puissante de la région
pour ce qui est de la justice. Elle accueille donc une prison, ce qui n'est pas donné
à toutes les villes. Dartagnan, dans ces jeunes années, déclenche une bagarre à
l'entrée de Saint Dyé avec un notable qui se moquait de son vieux cheval. Il est
puni pour cela et Il est enfermé provisoirement dans une pièce de l'église avant d'être
transféré à la prison de Saint Dyé où il purgera une peine de deux mois.
Pour en revenir au port, celui que l'on voit aujourd'hui n'est pas le port qui
servait à l'époque de Chambord, il a fallu attendre le XVIIIe siècle pour que ce dernier
soit modernisé. Et si l'amélioration des conditions de navigation sur la Loire permettront
à la ville de continuer sa route de façon assez pérenne, le développement du chemin
de fer et du transport par route finiront par avoir la peau de ce commerce florissant.
D'ailleurs, le niveau de l'eau de la loire est plus bas qu'à l'époque, parce que
le sable du fond de la Loire a été dragué pour les aménagements de la ville après
la seconde guerre mondiale. Le paysage, tout comme la ville au cours des siècles, à donc
été profondément modifié.
Depuis 2019, Saint-Dyé a obtenu le label “petite cité de caractère” et si une
belle balade dans les rues de la ville peut déjà bien vous occuper, la maison de la
Loire vous permet d'en savoir un peu plus sur son HIstoire et le musée “d'Autrefois”,
qui regroupe des objets des habitants de la ville sur tout le XXe siècle, donne au passage
un beau panorama des métiers et des activités exercés dans le coin.
Merci à tous d'avoir suivi ce reportage en partenariat avec le département du Loir-et-Cher,
j'espère qu'il vous donne envie de parcourir la France à la découverte de notre patrimoine,
honnêtement à chaque fois que je réalise ce genre de film je suis moi même émerveillé
par tout ce qu'il y a découvrir ! Bref, n'hésitez pas à venir faire un tour dans
le coin et en attendant, on se retrouve très bientôt pour une nouvelle vidéo sur Nota
Bene ! Salut !