Final Fantasy VII : le Star Wars du jeu vidéo - l'analyse de M. Bobine (3)
Par exemple je ne sais pas vous, mais cet écran
me fait furieusement penser à ce plan de Star Wars,
ou à celui-ci de 2001.
Quant au passage où le personnage de Tifa
se retrouve acculée au bout d'un gigantesque canon sur fond de nuages au soleil couchant,
il m'évoque pas mal le passage de l'Empire Contre-attaque
ou Luke se retrouve suspendu sous la cité de Bespin.
D'ailleurs, les deux personnages sont sauvés
à peu près de la même manière par leurs coéquipiers.
Quoique dans Final Fantasy VII, on peut également rapprocher ce sauvetage
d'une scène de Retour vers le Futur 2
A l'occasion de la sortie du récent remake de Final Fantasy VII sur PlayStation 4,
Yoshinori Kitase est revenu sur une inspiration assez surprenante
pour le personnage de Sephiroth :
Notre façon de gérer Sephiroth dans le Final Fantasy VII original était de le cacher
de le maintenir à l'écart.
Vous ne savez peut-être pas ça,
mais j'ai été (à l'époque) inspiré par le film Les Dents de la Mer
qui avait une approche similaire en ce qui concerne le teasing de cette présence puissante.
Le requin ne vous était totalement montré que plus tard dans l'histoire.
Nous souhaitions le monter en épingle,
en faire un personnage vraiment grand et puissant dans l'esprit des gens.
En ne le mentionnant qu'indirectement,
cela créait un sentiment de peur et d'oppression.
Ainsi, lorsqu'il faisait sa première apparition,
c'était vraiment quelque chose d'important.
ans cette même interview, Kitase cite une nouvelle référence,
mais pour Final Fantasy VIII cette fois,
expliquant s'être inspiré du film Titanic de James Cameron pour cette séquence.
Quant à la scène post-générique du jeu,
elle a des petits airs de la scène finale du Roi Lion sorti chez Disney en 1994,
que ce soit visuellement, ou thématiquement.
En effet, les auteurs de Final Fantasy VII ont déclaré
que l'un des thèmes qui charpente le jeu est la vie et son cycle,
que ce soit à l'échelle des personnages, ou à l'échelle de la planète.
Hors, cette scène marque elle aussi le début d'un nouveau cycle
puisqu'elle se déroule 500 ans après les évènements du jeu,
les protagonistes sont morts depuis belle-lurette à l'exception d'un seul
dont la longévité dépasse celle des humains,
et qui est désormais le dernier témoin de l'aventure de Cloud et de ses amis.
Cette volonté d'inclure d'autres formes de narrations
dans le cadre d'un Final Fantasy n'est pas nouvelle
puisque l'une des séquences les plus célèbre du sixième opus de la saga,
également réalisé par Yoshinori Kitase, était un opéra
dans lequel le compositeur Nobuo Uematsu souhaitait déjà intégrer des passages chantés,
malgré les limites techniques de la Super Nintendo…
Néanmoins, jamais aucun épisode de la franchise n'a poussé à ce point
a fusion entre le jeu vidéo et d'autres arts comme le cinéma que ce septième volet,
tant dans la forme que dans le fond.
Du coup ça veut dire quoi toutes ces références ?
Que Sakaguchi et Kitase sont des réalisateurs de cinéma frustrés
qui se sont rabattu sur le jeu vidéo par dépit ?
La réponse se trouve peut-être dans ce spot publicitaire de 1997.
Et oui, malgré sa production digne d'un blockbuster Hollywoodien,
Final Fantasy VII est avant tout un jeu vidéo et si Sakaguchi, Kitase et leur équipe
s'inspirent d'autres arts visuels comme le cinéma,
c'est pour mieux trouver de nouvelles façon de véhiculer de l'émotion
a travers l'interaction spécifique aux jeux vidéo.
J'ai tendance à penser que si Final Fantasy VII est devenu un carton international
au point de populariser un genre typiquement japonais dans le monde entier,
c'est pour les même raisons que Star Wars en son temps.
Comme nous l'avons vu plus tôt, la spécificité de ces deux oeuvres
ce n'est pas d'avoir inventé une nouvelle façon de raconter des histoires,
mais plutôt d'avoir su mêler des formes de récits modernes, anciennes,
classiques ou populaires en parfaite harmonie.
Par exemple, George Lucas a su trouver un équilibre parfait
entre des références “nobles” diront nous, issues de la mythologie,
de l'anthropologie ou du cinéma
avec un récit populaire de sérial à la Buck Rogers ou à la Flash Gordon
tandis que dans Final Fantasy VII,
la narration cinématographique est parfaitement intégrée à l'expérience vidéoludique
et si le jeu marque une rupture avec les précédents opus,
il reste pourtant dans la continuité de la saga.
Ce syncrétisme se retrouve d'ailleurs au coeur même des univers des deux oeuvres,
notamment dans le mélange entre la fantasy et la science fiction.
Star Wars, Final Fantasy VII se déroulent tous deux dans un univers de science-fiction
avec en leur coeur, une force magique qui gouvernent l'ensemble du monde vivant :
la Force et la Rivière de la vie.
De la même manière, dans les deux oeuvres, on passe de l'intimité des personnages
jusqu'à une échelle macroscopique en toute fluidité.
Dans Star Wars, l'image qui me semble la plus parlante est ce plan de Luke
face aux deux soleils de Tatooine,
qui nous fait ressentir la frustration du jeune homme coincé dans la ferme de son oncle,
alors qu'un univers gigantesque n'attend que d'être exploré.
Dans Final Fantasy VII,
cette volonté de relier le microcosme et le macrocosme est présente
dès la cinématique d'ouverture du jeu
qui démarre (comme Star Wars) sur un plan d'étoile,
puis s'ouvre sur le visage d'une des héroïnes du jeu : Aeris.
De ce personnage, la caméra opère un long travelling arrière
jusqu'à montrer l'immense cité de Midgar,
avant de repartir vers un train dans lequel se trouve Cloud
et les membres du groupe d'éco-terroristes Avalanche,
pour enchaîner sans temps de chargement sur la première phase de jeu.
En deux petites minutes,
les auteurs de FFVII tissent un lien entre les deux personnages et la ville de Midgar.
Mais ce vertigineux travelling évoque également le plan du croiseur impérial
pourchassant la navette de Leia au début de Star Wars.
Dans les deux cas, ces séquences relevaient du jamais vu pour l'époque
dans les deux cas, ces ouvertures définissent l'échelle énorme des enjeux du récit,
que ce soit la puissance écrasante de l'Empire ou l'immensité de la cité de Midgar.
A mon sens, cette alchimie entre plusieurs éléments à priori hétéroclites
est parfaitement illustré par une séquence mythique de chacunes des deux oeuvres.
Pour Star Wars, il s'agit bien évidemment de la révélation
de la véritable relation qui unit Luke et Dark Vador.
Dans un récit moins rigoureux, ce twist tiendrait plus du soap opera que du space opera
on ne serait pas loin d'un “sautage de requin”, c'est à dire de ce moment fatidique
ou une fiction franchit un cap irrémédiable vers le n'importe quoi,
comme ce passage de Happy Days ou Fonzy saute…
bah par dessus un requin, justement...
Et pourtant, le twist de l'Empire Contre-Attaque est devenu l'un des plus célèbre
et l'un des plus marquant de l'histoire du cinéma,
aux côté de celui de Psycho, du Sixième Sens ou de Citizen Kane.
Bon, on pourrait faire un épisode entier
pour expliquer les raisons qui font que ce twist fonctionne parfaitement
en invoquant notamment le monomythe et Joseph Campbell,
mais depuis le temps, je pense que ce n'est plus vraiment utile,
d'autant plus que comme le film Crithulk,
je pense que si la saga Star Wars est à ce point populaire,
c'est avant tout parce qu'il s'agit d'un récit incroyablement fluide et bien raconté.
En effet, dans le premier volet, le père de Luke est évoqué à mi-mot
et à de rares occasion dans le film.
Et pourtant, c'est bien l'absence de ce père qui définit complètement le personnage Luke.
Anakin est l'incarnation des rêves du jeune homme
qui se sent prisonnier de la ferme de son oncle et de sa tante
sur une planète paumée dans le trou du cul de la galaxie.
Mais ce père idéalisé représente également la boussole morale de notre héros.
En effet, pour Luke, Anakin est un chevalier du bien
qui est mort en affrontant une incarnation du mal : Dark Vador.
Il est le héros que le jeune homme aspire à devenir.
Lorsque Luke apprend que son père n'est pas le modèle du chevalier blanc
sur lequel il a fondé son identité,
qu'il s'est au contraire laissé séduire par le côté obscur,
l'identité que s'est forgée le jeune homme vole littéralement en éclats,
et par désespoir Luke se jette dans le vide plutôt que d'affronter la tragique réalité.
Maintenant penchons nous sur la relation qui unit
les deux personnages au centre de Final Fantasy VII :
le héros Cloud et son antagoniste, Sephiroth.
Alors non, Sephiroth n'est pas le père de Cloud,
mais il représentait lui aussi un idéal que notre héros souhaitait atteindre.
Comme Luke, Cloud était un jeune homme paumé dans sa campagne qui rêvait d'aventures.
Il décide de quitter son village pour partir dans la gigantesque citée de Midgar
pour devenir un soldat d'élite comme son modèle, Sephiroth.
Souvenez-vous, ce dernier est le plus puissant et le plus célèbre membre
de cette armée privée à la solde de la compagnie ShinRa.
Mais lorsque Sephiroth apprend que sa vie n'a été qu'un mensonge
et qu'il est le fruit des expériences d'un scientifique peu scrupuleux
à partir des cellules de Jenova,
il bascule lui aussi du Côté Obscur.
Alors, même si Yoshinori Kitase à tendance à citer Star Wars à longueur d'interviews,
rien ne me permets d'affirmer que ces rapprochements entre Cloud et Sephiroth
sont volontairement empruntés à Star Wars,
déjà parce que Kitase n'est pas le seul scénariste aux commandes de cet épisode,
ensuite parce que le parcours de Luke et de Cloud ne sont pas exactement parallèles.
Par exemple, suite à la déchéance et la disparition de Sephiroth,
Cloud a quitté le SOLDAT pour devenir un mercenaire désabusé
et son caractère se rapproche plus de l'égoïsme et du cynisme d'un Han Solo
que de la naïveté et de l'idéalisme de Luke Skywalker.
Il va néanmoins commencer à se rapprocher des autres,
et notamment d'aeris qui, comme nous l'avons vu, est une marchande de fleurs
qui est recherchée par la ShinRa car elle est la dernière descendante de la race des Cetras.
Mais cette relation naissante va connaître une fin brutale
vers la fin du premier tiers du jeu
dans l'un des twists les plus célèbres et choquants du monde vidéoludique,
au moins autant que la révélation de la filiation entre Luke et Dark Vador.
À ce moment du jeu, Aeris décide de quitter le groupe en cachette
et d'utiliser le savoir des Cetras pour arrêter Sephiroth.
Inquiet, Cloud et ses amis décident de partir à sa recherche
dans la citée perdu qui faisait office de capitale aux Anciens.
Au moment où ils retrouvent enfin Aeris, voici ce qu'il se passe :
Tout comme pour Luke, cet évènement va avoir des conséquences terribles pour notre héros
et il ne faudra pas attendre longtemps pour que le personnage de Cloud ne finisse lui aussi
par remettre son identité en question
(d'une manière un peu moins métaphorique que Luke),
puis d'avoir lui aussi sa scène de mort symbolique.
Bon comme je l'ai dis, l'histoire de FFVII s'étend sur au minimum 25h de jeu
vous vous doutez bien que j'ai laissé pas mal de détails de côté,
comme le fait que Cloud se retrouve à plusieurs reprises sous l'emprise de Sephiroth,
qui se sert notamment de lui pour tuer Aeris à sa place,
juste avant que Cloud ne reprenne ses esprits.
ou encore que notre héros n'est pas celui qu'il pense être,
et que Sephiroth est en fait Jenova qui a pris l'apparence de l'ancien héros du SOLDAT.
Mais ce qui m'intéresse ici, ce n'est pas de vous démontrer
que la structure de FFVII est similaire à celle de Star Wars,
d'autant plus qu'on pourrait parfaitement refaire le même comparatif entre ce jeu
et d'autres oeuvres, comme Akira par exemple.
Ben oui, les deux oeuvres se déroulent dans une cité Cyberpunk
dans laquelle des scientifiques à la solde du gouvernement
expérimentent sur une force qui les dépasse
et finissent par créer un monstre tragique bien décidé à régler ses comptes avec l'humanité.