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Le Comte de Monte-Cristo, Alexandre Dumas, Tome 2, 43. La maison d'Auteuil

43. La maison d'Auteuil

La maison d'Auteuil.

Monte-Cristo avait remarqué qu'en descendant le perron, Bertuccio s'était signé à la manière des Corses, c'est-à-dire en coupant l'air en croix avec le pouce, et qu'en prenant sa place dans la voiture il avait marmotté tout bas une courte prière. Tout autre qu'un homme curieux eût eu pitié de la singulière répugnance manifestée par le digne intendant pour la promenade méditée extra muros par le comte; mais, à ce qu'il paraît, celui-ci était trop curieux pour dispenser Bertuccio de ce petit voyage.

En vingt minutes on fut à Auteuil. L'émotion de l'intendant avait été toujours croissant. En entrant dans le village, Bertuccio, rencogné dans l'angle de la voiture, commença à examiner avec une émotion fiévreuse chacune des maisons devant lesquelles on passait.

«Vous ferez arrêter rue de la Fontaine, au n° 28», dit le comte en fixant impitoyablement son regard sur l'intendant, auquel il donnait cet ordre.

La sueur monta au visage de Bertuccio; cependant il obéit, et, se penchant en dehors de la voiture, il cria au cocher:

«Rue de la Fontaine, n° 28.»

Ce n° 28 était situé à l'extrémité du village. Pendant le voyage, la nuit était venue, ou plutôt un nuage noir tout chargé d'électricité donnait à ces ténèbres prématurées l'apparence et la solennité d'un épisode dramatique.

La voiture s'arrêta et le valet de pied se précipita à la portière, qu'il ouvrit.

«Eh bien, dit le comte, vous ne descendez pas, monsieur Bertuccio? vous restez donc dans la voiture alors? Mais à quoi diable songez-vous donc ce soir?»

Bertuccio se précipita par la portière et présenta son épaule au comte qui, cette fois, s'appuya dessus et descendit un à un les trois degrés du marchepied.

«Frappez, dit le comte, et annoncez-moi.»

Bertuccio frappa, la porte s'ouvrit et le concierge parut.

«Qu'est-ce que c'est? demanda-t-il.

—C'est votre nouveau maître, brave homme», dit le valet de pied.

Et il tendit au concierge le billet de reconnaissance donné par le notaire.

«La maison est donc vendue? demanda le concierge, et c'est monsieur qui vient l'habiter?

—Oui, mon ami, dit le comte, et je tâcherai que vous n'ayez pas à regretter votre ancien maître.

—Oh! monsieur, dit le concierge, je n'aurai pas à le regretter beaucoup, car nous le voyons bien rarement; il y a plus de cinq ans qu'il n'est venu, et il a, ma foi! bien fait de vendre une maison qui ne lui rapportait absolument rien.

—Et comment se nommait votre ancien maître? demanda Monte-Cristo.

—M. le marquis de Saint-Méran; ah! il n'a pas vendu la maison ce qu'elle lui a coûté, j'en suis sûr.

—Le marquis de Saint-Méran! reprit Monte-Cristo; mais il me semble que ce nom ne m'est pas inconnu, dit le comte; le marquis de Saint-Méran....

Et il parut chercher.

«Un vieux gentilhomme continua le concierge, un fidèle serviteur des Bourbons, il avait une fille unique qu'il avait mariée à M. de Villefort, qui a été procureur du roi à Nîmes et ensuite à Versailles.»

Monte-Cristo jeta un regard qui rencontra Bertuccio plus livide que le mur contre lequel il s'appuyait pour ne pas tomber.

«Et cette fille n'est-elle pas morte? demanda Monte-Cristo; il me semble que j'ai entendu dire cela.

—Oui, monsieur, il y a vingt et un ans, et depuis ce temps-là nous n'avons pas revu trois fois le pauvre cher marquis.

—Merci, merci, dit Monte-Cristo, jugeant à la prostration de l'intendant qu'il ne pouvait tendre davantage cette corde sans risquer de la briser; merci! Donnez-moi de la lumière, brave homme.

—Accompagnerai-je monsieur?

—Non, c'est inutile, Bertuccio m'éclairera.

Et Monte-Cristo accompagna ces paroles du don de deux pièces d'or qui soulevèrent une explosion de bénédictions et de soupirs.

«Ah! monsieur! dit le concierge après avoir cherché inutilement sur le rebord de la cheminée et sur les planches y attenantes, c'est que je n'ai pas de bougies ici.

—Prenez une des lanternes de la voiture, Bertuccio, et montrez-moi les appartements», dit le comte.

L'intendant obéit sans observation, mais il était facile à voir, au tremblement de la main qui tenait la lanterne, ce qu'il lui en coûtait pour obéir.

On parcourut un rez-de-chaussée assez vaste; un premier étage composé d'un salon, d'une salle de bain et de deux chambres à coucher. Par une de ces chambres à coucher, on arrivait à un escalier tournant dont l'extrémité aboutissait au jardin.

«Tiens, voilà un escalier de dégagement, dit le comte, c'est assez commode. Éclairez-moi, monsieur Bertuccio; passez devant, et allons où cet escalier nous conduira.

—Monsieur, dit Bertuccio, il va au jardin.

—Et comment savez-vous cela, je vous prie?

—C'est-à-dire qu'il doit y aller.

—Eh bien, assurons-nous-en.»

Bertuccio poussa un soupir et marcha devant. L'escalier aboutissait effectivement au jardin.

À la porte extérieure l'intendant s'arrêta.

«Allons donc, monsieur Bertuccio!» dit le comte.

Mais celui auquel il s'adressait était abasourdi, stupide, anéanti. Ses yeux égarés cherchaient tout autour de lui comme les traces d'un passé terrible, et de ses mains crispées il semblait essayer de repousser des souvenirs affreux.

«Eh bien? insista le comte.

—Non! non! s'écria Bertuccio en posant la main à l'angle du mur intérieur; non, monsieur, je n'irai pas plus loin, c'est impossible!

—Qu'est-ce à dire? articula la voix irrésistible de Monte-Cristo.

—Mais vous voyez bien, monsieur, s'écria l'intendant, que cela n'est point naturel; qu'ayant une maison à acheter à Paris, vous l'achetiez justement à Auteuil, et que l'achetant à Auteuil, cette maison soit le n° 28 de la rue de la Fontaine! Ah! pourquoi ne vous ai-je pas tout dit là-bas, monseigneur. Vous n'auriez certes pas exigé que je vinsse. J'espérais que la maison de monsieur le comte serait une autre maison que celle-ci. Comme s'il n'y avait d'autre maison à Auteuil que celle de l'assassinat!

—Oh! oh! fit Monte-Cristo s'arrêtant tout à coup, quel vilain mot venez-vous de prononcer là! Diable d'homme! Corse enraciné! toujours des mystères ou des superstitions! Voyons, prenez cette lanterne et visitons le jardin; avec moi vous n'aurez pas peur, j'espère!»

Bertuccio ramassa la lanterne et obéit.

La porte en s'ouvrant, découvrit un ciel blafard dans lequel la lune s'efforçait vainement de lutter contre une mer de nuages qui la couvraient de leurs flots sombres qu'elle illuminait un instant, et qui allaient ensuite se perdre, plus sombres encore, dans les profondeurs de l'infini.

L'intendant voulut appuyer sur la gauche.

«Non pas, monsieur, dit Monte-Cristo, à quoi bon suivre les allées? voici une belle pelouse, allons devant nous.»

Bertuccio essuya la sueur qui coulait de son front, mais obéit; cependant, il continuait de prendre à gauche. Monte-Cristo, au contraire, appuyait à droite. Arrivé près d'un massif d'arbres, il s'arrêta.

L'intendant n'y put tenir.

«Éloignez-vous, monsieur! s'écria-t-il, éloignez-vous, je vous en supplie, vous êtes justement à la place!

—À quelle place?

—À la place même où il est tombé.

—Mon cher monsieur Bertuccio, dit Monte-Cristo en riant, revenez à vous, je vous y engage; nous ne sommes pas ici à Sartène ou à Corte. Ceci n'est point un maquis, mais un jardin anglais, mal entretenu, j'en conviens, mais qu'il ne faut pas calomnier pour cela.

—Monsieur, ne restez pas là! ne restez pas là! je vous en supplie.

—Je crois que vous devenez fou, maître Bertuccio, dit froidement le comte; si cela est, prévenez-moi car je vous ferai enfermer dans quelque maison de santé avant qu'il arrive un malheur.

—Hélas! Excellence, dit Bertuccio en secouant la tête et en joignant les mains avec une attitude qui eût fait rire le comte, si des pensées d'un intérêt supérieur ne l'eussent captivé en ce moment et rendu fort attentif aux moindres expansions de cette conscience timorée. Hélas! Excellence, le malheur est arrivé.

—Monsieur Bertuccio, dit le comte, je suis fort aise de vous dire que, tout en gesticulant, vous vous tordez les bras, et que vous roulez des yeux comme un possédé du corps duquel le diable ne veut pas sortir; or, j'ai presque toujours remarqué que le diable le plus entêté à rester à son poste, c'est un secret. Je vous savais Corse, je vous savais sombre et ruminant toujours quelque vieille histoire de vendetta, et je vous passais cela en Italie, parce qu'en Italie ces sortes de choses sont de mise, mais en France on trouve généralement l'assassinat de fort mauvais goût: il y a des gendarmes qui s'en occupent, des juges qui le condamnent et des échafauds qui le vengent.»

Bertuccio joignit les mains et, comme en exécutant ces différentes évolutions il ne quittait point sa lanterne, la lumière éclaira son visage bouleversé.

Monte-Cristo l'examina du même œil qu'à Rome il avait examiné le supplice d'Andrea; puis, d'un ton de voix qui fit courir un nouveau frisson par le corps du pauvre intendant:

«L'abbé Busoni m'avait donc menti, dit-il, lorsque après son voyage en France, en 1829, il vous envoya vers moi, muni d'une lettre de recommandation dans laquelle il me recommandait vos précieuses qualités. Eh bien, je vais écrire à l'abbé; je le rendrai responsable de son protégé, et je saurai sans doute ce que c'est que toute cette affaire d'assassinat. Seulement, je vous préviens, monsieur Bertuccio, que lorsque je vis dans un pays, j'ai l'habitude de me conformer à ses lois, et que je n'ai pas envie de me brouiller pour vous avec la justice de France.

—Oh! ne faites pas cela, Excellence, je vous ai servi fidèlement, n'est-ce pas? s'écria Bertuccio au désespoir, j'ai toujours été honnête homme, et j'ai même, le plus que j'ai pu, fait de bonnes actions.

—Je ne dis pas non, reprit le comte, mais pourquoi diable êtes-vous agité de la sorte? C'est mauvais signe: une conscience pure n'amène pas tant de pâleur sur les joues, tant de fièvre dans les mains d'un homme....

—Mais, monsieur le comte, reprit en hésitant Bertuccio ne m'avez-vous pas dit vous-même que M. l'abbé Busoni, qui a entendu ma confession dans les prisons de Nîmes, vous avait prévenu, en m'envoyant chez vous, que j'avais un lourd reproche à me faire?

—Oui, mais comme il vous adressait à moi en me disant que vous feriez un excellent intendant, j'ai cru que vous aviez volé, voilà tout!

—Oh! monsieur le comte! fit Bertuccio avec mépris.

—Ou que, comme vous étiez Corse, vous n'aviez pu résister au désir de faire une peau, comme on dit dans le pays par antiphrase, quand au contraire on en défait une.

—Eh bien, oui, monseigneur, oui, mon bon seigneur, c'est cela! s'écria Bertuccio en se jetant aux genoux du comte; oui, c'est une vengeance, je le jure, une simple vengeance.

—Je comprends, mais ce que je ne comprends pas, c'est que ce soit cette maison justement qui vous galvanise à ce point.

—Mais, monseigneur, n'est-ce pas bien naturel, reprit Bertuccio, puisque c'est dans cette maison que la vengeance s'est accomplie?

—Quoi! ma maison!

—Oh! monseigneur, elle n'était pas encore à vous, répondit naïvement Bertuccio.

—Mais à qui donc était-elle? à M. le marquis de Saint-Méran, nous a dit, je crois, le concierge. Que diable aviez-vous donc à vous venger du marquis de Saint-Méran?

—Oh! ce n'était pas de lui, monseigneur, c'était d'un autre.

—Voilà une étrange rencontre, dit Monte-Cristo paraissant céder à ses réflexions, que vous vous trouviez comme cela par hasard, sans préparation aucune, dans une maison où s'est passée une scène qui vous donne de si affreux remords.

—Monseigneur, dit l'intendant, c'est la fatalité qui amène tout cela, j'en suis bien sûr: d'abord, vous achetez une maison juste à Auteuil, cette maison est celle où j'ai commis un assassinat; vous descendez au jardin juste par l'escalier où il est descendu; vous vous arrêtez juste à l'endroit où il reçut le coup; à deux pas, sous ce platane, était la fosse où il venait d'enterrer l'enfant: tout cela n'est pas du hasard, non, car en ce cas le hasard ressemblerait trop à la Providence.

—Eh bien, voyons, monsieur le Corse, supposons que ce soit la Providence; je suppose toujours tout ce qu'on veut, moi; d'ailleurs aux esprits malades il faut faire des concessions. Voyons, rappelez vos esprits et racontez-moi cela.

—Je ne l'ai jamais raconté qu'une fois, et c'était à l'abbé Busoni. De pareilles choses, ajouta Bertuccio en secouant la tête, ne se disent que sous le sceau de la confession.

—Alors, mon cher Bertuccio, dit le comte, vous trouverez bon que je vous renvoie à votre confesseur; vous vous ferez avec lui chartreux ou bernardin, et vous causerez de vos secrets. Mais, moi, j'ai peur d'un hôte effrayé par de pareils fantômes; je n'aime point que mes gens n'osent point se promener le soir dans mon jardin. Puis, je l'avoue, je serais peu curieux de quelque visite de commissaire de police; car, apprenez ceci, maître Bertuccio: en Italie, on ne paie la justice que si elle se tait, mais en France on ne la paie au contraire que quand elle parle. Peste! je vous croyais bien un peu Corse, beaucoup contrebandier, fort habile intendant, mais je vois que vous avez encore d'autres cordes à votre arc. Vous n'êtes plus à moi, monsieur Bertuccio.

—Oh! monseigneur! monseigneur! s'écria l'intendant frappé de terreur à cette menace; oh! s'il ne tient qu'à cela que je demeure à votre service, je parlerai, je dirai tout; et si je vous quitte, eh bien, alors ce sera pour marcher à l'échafaud.

—C'est différent alors, dit Monte-Cristo; mais si vous voulez mentir, réfléchissez-y: mieux vaut que vous ne parliez pas du tout.

—Non, monsieur, je vous le jure sur le salut de mon âme, je vous dirai tout! car l'abbé Busoni lui-même n'a su qu'une partie de mon secret. Mais d'abord, je vous en supplie, éloignez-vous de ce platane; tenez, la lune va blanchir ce nuage, et là, placé comme vous l'êtes, enveloppé de ce manteau qui me cache votre taille et qui ressemble à celui de M. de Villefort!...

—Comment! s'écria Monte-Cristo, c'est M. de Villefort....

—Votre excellence le connaît?

—L'ancien procureur du roi de Nîmes?

—Oui.

—Qui avait épousé la fille du marquis de Saint-Méran?

—Oui.

—Et qui avait dans le barreau la réputation du plus honnête, du plus sévère, du plus rigide magistrat.

—Eh bien, monsieur, s'écria Bertuccio, cet homme à la réputation irréprochable....

—Oui.

—C'était un infâme.

—Bah! dit Monte-Cristo, impossible.

—Cela est pourtant comme je vous le dis.

—Ah! vraiment! dit Monte-Cristo, et vous en avez la preuve?

—Je l'avais du moins.

—Et vous l'avez perdue, maladroit?

—Oui; mais en cherchant bien on peut la retrouver.

—En vérité! dit le comte, contez-moi cela, monsieur Bertuccio, car cela commence véritablement à m'intéresser.»

Et le comte, en chantonnant un petit air de la Lucia , alla s'asseoir sur un banc, tandis que Bertuccio le suivait en rappelant ses souvenirs.

Bertuccio resta debout devant lui.

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43. La maison d'Auteuil ||of Auteuil 43. das Haus in Auteuil 43. The Auteuil house 43. la casa de Auteuil 43. A casa de Auteuil

La maison d’Auteuil.

Monte-Cristo avait remarqué qu’en descendant le perron, Bertuccio s’était signé à la manière des Corses, c’est-à-dire en coupant l’air en croix avec le pouce, et qu’en prenant sa place dans la voiture il avait marmotté tout bas une courte prière. |||noticed||||||||||||||||in|cutting||||||thumb|||||||||||muttered|||||prayer Monte-Cristo had noticed that by going down the steps, Bertuccio had signed himself in the manner of the Corsicans, that is to say by cutting the air in a cross with the thumb, and by taking his place in the in the car he had muttered a short prayer in a low voice. Tout autre qu’un homme curieux eût eu pitié de la singulière répugnance manifestée par le digne intendant pour la promenade méditée  extra muros  par le comte; mais, à ce qu’il paraît, celui-ci était trop curieux pour dispenser Bertuccio de ce petit voyage. ||||||||||||||||intendant|||walk|meditated|outside|walls|||||||||||||||||||| Any other than a curious man would have had pity on the singular repugnance manifested by the worthy intendant for the Count's extravagant walk. but, it seems, he was too curious to dispense Bertuccio with this little trip.

En vingt minutes on fut à Auteuil. ||||||Auteuil In twenty minutes we were at Auteuil. L’émotion de l’intendant avait été toujours croissant. The intendant's emotion had been ever increasing. En entrant dans le village, Bertuccio, rencogné dans l’angle de la voiture, commença à examiner avec une émotion fiévreuse chacune des maisons devant lesquelles on passait. ||||||recoiled||||||||||||||||||| On entering the village, Bertuccio, who was in the corner of the carriage, began to examine with feverish emotion each of the houses in front of which we passed.

«Vous ferez arrêter rue de la Fontaine, au n° 28», dit le comte en fixant impitoyablement son regard sur l’intendant, auquel il donnait cet ordre. |will have||||||||||||fixing|unflinchingly||||the steward||||| "You will stop Rue de la Fontaine at No. 28," said the count, staring mercilessly at the steward, to whom he was giving this order.

La sueur monta au visage de Bertuccio; cependant il obéit, et, se penchant en dehors de la voiture, il cria au cocher: ||||||||||||lean||||||||| Sweat rose to Bertuccio's face; however he obeyed, and, leaning out of the carriage, he cried to the driver:

«Rue de la Fontaine, n° 28.»

Ce n° 28 était situé à l’extrémité du village. This n ° 28 was located at the end of the village. Pendant le voyage, la nuit était venue, ou plutôt un nuage noir tout chargé d’électricité donnait à ces ténèbres prématurées l’apparence et la solennité d’un épisode dramatique. ||||||venue||||cloud|||||||||premature|the appearance|||||| During the journey, night had come, or rather a black cloud full of electricity, gave to this premature darkness the appearance and solemnity of a dramatic episode.

La voiture s’arrêta et le valet de pied se précipita à la portière, qu’il ouvrit. The car stopped and the footman hurried to the door, which he opened.

«Eh bien, dit le comte, vous ne descendez pas, monsieur Bertuccio? vous restez donc dans la voiture alors? Mais à quoi diable songez-vous donc ce soir?» ||||are you thinking|||| But what the hell are you thinking about tonight? "

Bertuccio se précipita par la portière et présenta son épaule au comte qui, cette fois, s’appuya dessus et descendit un à un les trois degrés du marchepied. |||||||||shoulder||||||leaned||||||||three|||footstep Bertuccio rushed through the door and presented his shoulder to the count, who, this time, leaned on it and descended one by one the three steps of the step.

«Frappez, dit le comte, et annoncez-moi.» "Knock," said the count, "and tell me."

Bertuccio frappa, la porte s’ouvrit et le concierge parut. |||||||concierge| Bertuccio knocked, the door opened and the concierge appeared.

«Qu’est-ce que c’est? "What is it? demanda-t-il.

—C’est votre nouveau maître, brave homme», dit le valet de pied. "He's your new master, good man," said the footman.

Et il tendit au concierge le billet de reconnaissance donné par le notaire. ||||concierge|||||||| And he handed the concierge the note of recognition given by the notary.

«La maison est donc vendue? ||||sold "So the house is sold?" demanda le concierge, et c’est monsieur qui vient l’habiter? ||concierge||||||live asked the concierge, and it's the gentleman who comes to live there?

—Oui, mon ami, dit le comte, et je tâcherai que vous n’ayez pas à regretter votre ancien maître. ||||||and|I|will try||||||regret||| "Yes, my friend," said the count, "and I will try to make you regret your old master.

—Oh! monsieur, dit le concierge, je n’aurai pas à le regretter beaucoup, car nous le voyons bien rarement; il y a plus de cinq ans qu’il n’est venu, et il a, ma foi! |||||||||||||||||||||||||||||||faith sir, "said the concierge," I shall not regret it very much, for we rarely see it; it has been more than five years since he came, and he has, my faith! bien fait de vendre une maison qui ne lui rapportait absolument rien. well done to sell a house that brought him absolutely nothing.

—Et comment se nommait votre ancien maître? |||was named||| demanda Monte-Cristo.

—M. le marquis de Saint-Méran; ah! |marquis|||| the Marquis de Saint-Méran; ah! il n’a pas vendu la maison ce qu’elle lui a coûté, j’en suis sûr. |||sold|||||||||| he did not sell the house what it cost him, I'm sure.

—Le marquis de Saint-Méran! reprit Monte-Cristo; mais il me semble que ce nom ne m’est pas inconnu, dit le comte; le marquis de Saint-Méran....

Et il parut chercher. And he appeared to seek.

«Un vieux gentilhomme continua le concierge, un fidèle serviteur des Bourbons, il avait une fille unique qu’il avait mariée à M. de Villefort, qui a été procureur du roi à Nîmes et ensuite à Versailles.» |old|gentleman||||||||||||||||married||||||||||||||||Versailles "An old gentleman continued the concierge, a faithful servant of the Bourbons, he had an only daughter whom he had married to M. de Villefort, who was the king's attorney at Nîmes and then at Versailles."

Monte-Cristo jeta un regard qui rencontra Bertuccio plus livide que le mur contre lequel il s’appuyait pour ne pas tomber. |||||||||livid|||||||was leaning|to||| Monte-Cristo cast a glance that met Bertuccio more livid than the wall he was leaning against so as not to fall.

«Et cette fille n’est-elle pas morte? "And isn't that girl dead?" demanda Monte-Cristo; il me semble que j’ai entendu dire cela. ||||||||heard|| asked Monte-Cristo; I think I heard that.

—Oui, monsieur, il y a vingt et un ans, et depuis ce temps-là nous n’avons pas revu trois fois le pauvre cher marquis. |||||||||||||||||reseen||||poor|| "Yes, sir, twenty-one years ago, and since that time we have not seen the poor marquis three times.

—Merci, merci, dit Monte-Cristo, jugeant à la prostration de l’intendant qu’il ne pouvait tendre davantage cette corde sans risquer de la briser; merci! |||||judging|||prostration||the steward||||tend||||||||| "Thank you, thank you," said Monte Cristo, judging by the intendant's prostration that he could no longer stretch the rope without risking breaking it; thank you! Donnez-moi de la lumière, brave homme.

—Accompagnerai-je monsieur? -Will I accompany sir?

—Non, c’est inutile, Bertuccio m’éclairera. ||||will enlighten “No, it's useless, Bertuccio will enlighten me.

Et Monte-Cristo accompagna ces paroles du don de deux pièces d’or qui soulevèrent une explosion de bénédictions et de soupirs. |||accompanied||||||||||raised||||blessings|||sighs And Monte Cristo accompanied these words with the gift of two pieces of gold which raised an explosion of blessings and sighs.

«Ah! monsieur! dit le concierge après avoir cherché inutilement sur le rebord de la cheminée et sur les planches y attenantes, c’est que je n’ai pas de bougies ici. |||||||||ledge|||||||||attendant|||||||candles| said the concierge, after looking unnecessarily on the edge of the fireplace and on the adjoining planks, it is because I have no candles here.

—Prenez une des lanternes de la voiture, Bertuccio, et montrez-moi les appartements», dit le comte. "Take one of the lanterns of the carriage, Bertuccio, and show me the apartments," said the count.

L’intendant obéit sans observation, mais il était facile à voir, au tremblement de la main qui tenait la lanterne, ce qu’il lui en coûtait pour obéir. The steward obeyed without observation, but it was easy to see, by the trembling of the hand which held the lantern, what it cost him to obey.

On parcourut un rez-de-chaussée assez vaste; un premier étage composé d’un salon, d’une salle de bain et de deux chambres à coucher. |||||floor|||||||||||||||||| They walked through a fairly large ground floor; a first floor consisting of a living room, a bathroom and two bedrooms. Par une de ces chambres à coucher, on arrivait à un escalier tournant dont l’extrémité aboutissait au jardin. ||||||||||||||the end|reached|| One of these bedrooms led to a winding staircase, the end of which ended in the garden.

«Tiens, voilà un escalier de dégagement, dit le comte, c’est assez commode. |||||clear|||||quite|convenient "Here, here is a staircase," said the count, "it is quite convenient. Éclairez-moi, monsieur Bertuccio; passez devant, et allons où cet escalier nous conduira. ||||||||||||will lead Enlighten me, Monsieur Bertuccio; go past it, and let's go where this staircase will lead us.

—Monsieur, dit Bertuccio, il va au jardin. “Monsieur,” said Bertuccio, “he is going to the garden.

—Et comment savez-vous cela, je vous prie? “And how do you know that, please?

—C’est-à-dire qu’il doit y aller. -It is to say that he must go there.

—Eh bien, assurons-nous-en.» ||ensure|we| -Well, let's make sure. "

Bertuccio poussa un soupir et marcha devant. Bertuccio sighed and walked in front. L’escalier aboutissait effectivement au jardin. |led||| The staircase actually ended in the garden.

À la porte extérieure l’intendant s’arrêta. ||||the steward| At the outer door the steward stopped.

«Allons donc, monsieur Bertuccio!» dit le comte. "Come on, Monsieur Bertuccio!" said the count.

Mais celui auquel il s’adressait était abasourdi, stupide, anéanti. |the one|to which||was addressing||dazed|stupid|anointed But the one he was addressing was stunned, stupid, devastated. Ses yeux égarés cherchaient tout autour de lui comme les traces d’un passé terrible, et de ses mains crispées il semblait essayer de repousser des souvenirs affreux. ||lost||||||||||||||||crisped|||||push|||awful His wandering eyes searched all around him for traces of a terrible past, and with his clenched hands he seemed to be trying to push back terrible memories.

«Eh bien? "Well? insista le comte.

—Non! non! s’écria Bertuccio en posant la main à l’angle du mur intérieur; non, monsieur, je n’irai pas plus loin, c’est impossible! exclaimed Bertuccio, placing his hand at the angle of the inner wall; no, sir, I will not go further, it is impossible!

—Qu’est-ce à dire? -What does this mean? articula la voix irrésistible de Monte-Cristo. articulates|||irresistible||| articulated the irresistible voice of Monte Cristo.

—Mais vous voyez bien, monsieur, s’écria l’intendant, que cela n’est point naturel; qu’ayant une maison à acheter à Paris, vous l’achetiez justement à Auteuil, et que l’achetant à Auteuil, cette maison soit le n° 28 de la rue de la Fontaine! ||||||||||||||||||||would buy|||Auteuil|||buying||||||||||||| "But you see, monsieur," cried the intendant, "that this is not natural; that having a house to buy in Paris, you bought it at Auteuil, and that buying it at Auteuil, this house is No. 28 in the Rue de la Fontaine! Ah! pourquoi ne vous ai-je pas tout dit là-bas, monseigneur. why did not I tell you everything there, monseigneur? Vous n’auriez certes pas exigé que je vinsse. |||||||came You certainly would not have demanded that I come. J’espérais que la maison de monsieur le comte serait une autre maison que celle-ci. I was hoping that the house of Monsieur le Comte would be another house than this one. Comme s’il n’y avait d’autre maison à Auteuil que celle de l’assassinat! |||||||||||the assassination As if there was no other house in Auteuil than that of the assassination!

—Oh! oh! fit Monte-Cristo s’arrêtant tout à coup, quel vilain mot venez-vous de prononcer là! |||stopping|||||vile|||||| said Monte Cristo, suddenly stopping, "what a nasty word do you pronounce here! Diable d’homme! Corse enraciné! Corsica|rooted Corsican rooted! toujours des mystères ou des superstitions! |||||superstitions always mysteries or superstitions! Voyons, prenez cette lanterne et visitons le jardin; avec moi vous n’aurez pas peur, j’espère!» |||||visit|||||||not|| Let's see, take this lantern and visit the garden; with me you will not be afraid, I hope! ”

Bertuccio ramassa la lanterne et obéit. |picked||||

La porte en s’ouvrant, découvrit un ciel blafard dans lequel la lune s’efforçait vainement de lutter contre une mer de nuages qui la couvraient de leurs flots sombres qu’elle illuminait un instant, et qui allaient ensuite se perdre, plus sombres encore, dans les profondeurs de l’infini. ||||discovered|||pale|||||was|||||||||||covered|||waves|||||||||||||||||depths|| The door opening, discovered a pale sky in which the moon struggled vainly to fight against a sea of clouds that covered it with their dark waves that illuminated for a moment, and which would then be lost, even darker , in the depths of the infinite.

L’intendant voulut appuyer sur la gauche. ||press||| The intendant wanted to press on the left.

«Non pas, monsieur, dit Monte-Cristo, à quoi bon suivre les allées? |||||||||||paths "No, sir," said Monte-Cristo, "what's the use of following the alleys?" voici une belle pelouse, allons devant nous.» here|||lawn||| here is a beautiful lawn, let's go before us. "

Bertuccio essuya la sueur qui coulait de son front, mais obéit; cependant, il continuait de prendre à gauche. |wiped||||was flowing|||||||||||| Bertuccio wiped the sweat from his forehead, but obeyed; however, he continued to take a left. Monte-Cristo, au contraire, appuyait à droite. Arrivé près d’un massif d’arbres, il s’arrêta. Arrived near a massive tree, he stopped.

L’intendant n’y put tenir. ||could|hold The steward could not hold it.

«Éloignez-vous, monsieur! Stay|| "Stay away, sir! s’écria-t-il, éloignez-vous, je vous en supplie, vous êtes justement à la place! |||get away||||||||||| he exclaimed, "go away, I beg you, you are just in the place!"

—À quelle place?

—À la place même où il est tombé. -In the very place where he fell.

—Mon cher monsieur Bertuccio, dit Monte-Cristo en riant, revenez à vous, je vous y engage; nous ne sommes pas ici à Sartène ou à Corte. |||||||||come||||||engage|||||||Sartène|||Corte “My dear Monsieur Bertuccio,” said Monte-Cristo, laughing, “come to your senses, I urge you to do so; we are not here in Sartène or Corte. Ceci n’est point un maquis, mais un jardin anglais, mal entretenu, j’en conviens, mais qu’il ne faut pas calomnier pour cela. ||||thicket||||||maintained||||||||slander|| This is not a maquis, but an English garden, poorly maintained, I agree, but do not slander for it.

—Monsieur, ne restez pas là! ne restez pas là! je vous en supplie.

—Je crois que vous devenez fou, maître Bertuccio, dit froidement le comte; si cela est, prévenez-moi car je vous ferai enfermer dans quelque maison de santé avant qu’il arrive un malheur. ||||become|mad||||coldly||||||prevent||||||lock|||||||||| "I think you are going mad, Master Bertuccio," said the count coldly; if that is so, tell me, because I will have you locked up in some house of health before a misfortune arrives.

—Hélas! Alas Excellence, dit Bertuccio en secouant la tête et en joignant les mains avec une attitude qui eût fait rire le comte, si des pensées d’un intérêt supérieur ne l’eussent captivé en ce moment et rendu fort attentif aux moindres expansions de cette conscience timorée. ||||shaking||||||||||||||||||||||||would|captivated|||||||attentive||least|expansions||||timid Excellency, "said Bertuccio, shaking his head and clasping his hands with an attitude which would have made the count laugh, if thoughts of a superior interest had not captivated him at this moment, and made him very attentive to the slightest expansions of this timorous conscience. . Hélas! Excellence, le malheur est arrivé. Excellency, misfortune has happened.

—Monsieur Bertuccio, dit le comte, je suis fort aise de vous dire que, tout en gesticulant, vous vous tordez les bras, et que vous roulez des yeux comme un possédé du corps duquel le diable ne veut pas sortir; or, j’ai presque toujours remarqué que le diable le plus entêté à rester à son poste, c’est un secret. ||||||||glad|||||||gesticulating|||twist||||||roll|||like||||||||||||||||||||||stubborn|||||||| "Monsieur Bertuccio," said the count, "I am very glad to tell you that, while gesturing, you are wringing your arms, and that you roll your eyes like a man whose body the devil does not want to come out of; Now, I have almost always noticed that the most stubborn devil to stay at his post is a secret. Je vous savais Corse, je vous savais sombre et ruminant toujours quelque vieille histoire de vendetta, et je vous passais cela en Italie, parce qu’en Italie ces sortes de choses sont de mise, mais en France on trouve généralement l’assassinat de fort mauvais goût: il y a des gendarmes qui s’en occupent, des juges qui le condamnent et des échafauds qui le vengent.» |||||||||ruminating||||||vendetta|||||||||||||||||in||in|||||||||||||||||occupy|||||condemn|||scaffolds|||avenge I knew you Corsica, I knew you dark and ruminant always some old history of vendetta, and I passed you that in Italy, because in Italy these sorts of things are in order, but in France one generally finds the assassination of strong bad taste: there are gendarmes who take care of it, judges who condemn it and scaffolds who avenge him. "

Bertuccio joignit les mains et, comme en exécutant ces différentes évolutions il ne quittait point sa lanterne, la lumière éclaira son visage bouleversé. |||||||executing|||||||||||||||overwhelmed Bertuccio clasped his hands, and as, in executing these different evolutions, he did not leave his lantern, the light lit up his upset face.

Monte-Cristo l’examina du même œil qu’à Rome il avait examiné le supplice d’Andrea; puis, d’un ton de voix qui fit courir un nouveau frisson par le corps du pauvre intendant: |||||eye|||||||punishment|||||||||||||||||| Monte Cristo examined him with the same eye that he had examined Andrea's execution in Rome; then, in a tone of voice which made another shudder run through the body of the poor intendant:

«L’abbé Busoni m’avait donc menti, dit-il, lorsque après son voyage en France, en 1829, il vous envoya vers moi, muni d’une lettre de recommandation dans laquelle il me recommandait vos précieuses qualités. |Busoni|||lied|||||||||||||||equipped|||||||||||| "Abbe Busoni had lied to me," said he, "when after his journey to France in 1829 he sent you to me with a letter of recommendation in which he recommended to me your precious qualities. Eh bien, je vais écrire à l’abbé; je le rendrai responsable de son protégé, et je saurai sans doute ce que c’est que toute cette affaire d’assassinat. |||||||||||||protected|||will know|||||||||| Well, I will write to the abbot; I will make him responsible for his protege, and I will no doubt know what all this assassination affair is. Seulement, je vous préviens, monsieur Bertuccio, que lorsque je vis dans un pays, j’ai l’habitude de me conformer à ses lois, et que je n’ai pas envie de me brouiller pour vous avec la justice de France. Only|||warn||||||saw||||||||conform||||||||||||cross||||||| But I warn you, Monsieur Bertuccio, that when I live in a country, I am accustomed to conform to its laws, and that I do not want to interfere with the justice of France for you.

—Oh! ne faites pas cela, Excellence, je vous ai servi fidèlement, n’est-ce pas? s’écria Bertuccio au désespoir, j’ai toujours été honnête homme, et j’ai même, le plus que j’ai pu, fait de bonnes actions. |||despair|||||||||||||||||

—Je ne dis pas non, reprit le comte, mais pourquoi diable êtes-vous agité de la sorte? "I do not say no," said the count, "but why on earth are you agitated in this way? C’est mauvais signe: une conscience pure n’amène pas tant de pâleur sur les joues, tant de fièvre dans les mains d’un homme.... ||||||doesn't bring|||||||cheeks|||||||| It's a bad sign: a pure conscience does not bring so much pallor to the cheeks, so much fever in the hands of a man ....

—Mais, monsieur le comte, reprit en hésitant Bertuccio ne m’avez-vous pas dit vous-même que M. l’abbé Busoni, qui a entendu ma confession dans les prisons de Nîmes, vous avait prévenu, en m’envoyant chez vous, que j’avais un lourd reproche à me faire? |||||||||||||||||||||||confession||||||||||sending|||||||reproach||| "But, monsieur le comte," hesitated Bertuccio, "did you not tell me yourself that Abbe Busoni, who heard my confession in the prisons of Nimes, had warned you by sending me to you, that I had a heavy reproach to make me?

—Oui, mais comme il vous adressait à moi en me disant que vous feriez un excellent intendant, j’ai cru que vous aviez volé, voilà tout! "Yes, but as he was addressing you to me, saying that you would be an excellent steward, I thought you had stolen, that's all!

—Oh! monsieur le comte! fit Bertuccio avec mépris. |||contempt said Bertuccio contemptuously.

—Ou que, comme vous étiez Corse, vous n’aviez pu résister au désir de faire une peau, comme on dit dans le pays par antiphrase, quand au contraire on en défait une. |||||||||||||||||||||||antiphrase||||||defeat| - Or that, as you were Corsican, you could not resist the desire to make a skin, as they say in the country by antiphrasis, when on the contrary one undoes one.

—Eh bien, oui, monseigneur, oui, mon bon seigneur, c’est cela! “Well, yes, my lord, yes, my good lord, that's it! s’écria Bertuccio en se jetant aux genoux du comte; oui, c’est une vengeance, je le jure, une simple vengeance. cried Bertuccio, throwing himself at the count's knees; yes, it's revenge, I swear, simple revenge.

—Je comprends, mais ce que je ne comprends pas, c’est que ce soit cette maison justement qui vous galvanise à ce point. ||||||||||||||||||galvanizes||| -I understand, but what I do not understand is that it is this house precisely that galvanizes you to this point.

—Mais, monseigneur, n’est-ce pas bien naturel, reprit Bertuccio, puisque c’est dans cette maison que la vengeance s’est accomplie? ||||||||||||||||||accomplished "But, monseigneur, is it not quite natural," replied Bertuccio, "since it is in this house that the vengeance was accomplished?"

—Quoi! -What! ma maison!

—Oh! monseigneur, elle n’était pas encore à vous, répondit naïvement Bertuccio. ||||||||naively| Monseigneur, she was not yet yours, "answered Bertuccio naively.

—Mais à qui donc était-elle? But who was she? à M. le marquis de Saint-Méran, nous a dit, je crois, le concierge. |||||||||||||concierge to the Marquis de Saint-Méran, I believe the concierge told us. Que diable aviez-vous donc à vous venger du marquis de Saint-Méran? What on earth did you have to revenge on the Marquis de Saint-Meran?

—Oh! ce n’était pas de lui, monseigneur, c’était d’un autre. it was not from him, monseigneur, it was from another.

—Voilà une étrange rencontre, dit Monte-Cristo paraissant céder à ses réflexions, que vous vous trouviez comme cela par hasard, sans préparation aucune, dans une maison où s’est passée une scène qui vous donne de si affreux remords. |||||||||||||||found||||||||||||||||||||||remorse "This is a strange encounter," said Monte Cristo, seeming to yield to his reflections, "that you happened to be there, by chance, without any preparation, in a house where a scene has occurred which gives you such frightful remorse.

—Monseigneur, dit l’intendant, c’est la fatalité qui amène tout cela, j’en suis bien sûr: d’abord, vous achetez une maison juste à Auteuil, cette maison est celle où j’ai commis un assassinat; vous descendez au jardin juste par l’escalier où il est descendu; vous vous arrêtez juste à l’endroit où il reçut le coup; à deux pas, sous ce platane, était la fosse où il venait d’enterrer l’enfant: tout cela n’est pas du hasard, non, car en ce cas le hasard ressemblerait trop à la Providence. ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||plane|||||||to bury|||||||||||||||would resemble|||| "Monseigneur," said the steward, "fatality brings all this, I am sure of it: first, you buy a house just at Auteuil, this house is the one where I committed an assassination; you go down to the garden just by the staircase where he descended; you stop just at the place where he received the blow; two steps away, under this plane tree, was the pit where he had just buried the child: all this is not chance, no, because in this case chance would be too much like Providence.

—Eh bien, voyons, monsieur le Corse, supposons que ce soit la Providence; je suppose toujours tout ce qu’on veut, moi; d’ailleurs aux esprits malades il faut faire des concessions. ||||||suppose||||||||||||||||||||||concessions "Well, let us see, Monsieur le Corse, suppose that it is Providence; I always suppose everything you want, me; besides, to the sick minds it is necessary to make concessions. Voyons, rappelez vos esprits et racontez-moi cela. Let's see, remember your spirits and tell me that.

—Je ne l’ai jamais raconté qu’une fois, et c’était à l’abbé Busoni. -I have never told it once, and it was to Father Busoni. De pareilles choses, ajouta Bertuccio en secouant la tête, ne se disent que sous le sceau de la confession. ||||||shaking|||||||||||| Such things, Bertuccio added, shaking his head, say only under the seal of confession.

—Alors, mon cher Bertuccio, dit le comte, vous trouverez bon que je vous renvoie à votre confesseur; vous vous ferez avec lui chartreux ou bernardin, et vous causerez de vos secrets. |||||||||||||send|||||||||Carthusian||bernardine|||will cause||| "Then, my dear Bertuccio," said the count, "you will find it worth while to send you back to your confessor; you will do with him Carthusian or Bernardin, and you will speak of your secrets. Mais, moi, j’ai peur d’un hôte effrayé par de pareils fantômes; je n’aime point que mes gens n’osent point se promener le soir dans mon jardin. ||||||scared|||||||||||dare|||walk||||| But I am afraid of a host frightened by such ghosts; I do not like my people not daring to walk in the garden at night. Puis, je l’avoue, je serais peu curieux de quelque visite de commissaire de police; car, apprenez ceci, maître Bertuccio: en Italie, on ne paie la justice que si elle se tait, mais en France on ne la paie au contraire que quand elle parle. ||||||||||||||||||||||||||||||silences||||||||||||| Then, I confess, I would not be much interested in some police commissioner's visit; for, learn this, Master Bertuccio: in Italy, justice is paid only if it is silent, but in France it is paid on the contrary only when it speaks. Então, confesso que não teria muita curiosidade em receber a visita de um comissário de polícia; porque, fique a saber, Senhor Bertuccio: em Itália, a justiça só se paga quando se cala, mas em França só se paga quando se fala. Peste! Plague! je vous croyais bien un peu Corse, beaucoup contrebandier, fort habile intendant, mais je vois que vous avez encore d’autres cordes à votre arc. |||||||||||||||||||||||arc I thought you were a little Corsican, a great smuggler, a very skilful steward, but I see that you still have other strings to your bow. Vous n’êtes plus à moi, monsieur Bertuccio. You are no longer mine, Mr. Bertuccio.

—Oh! monseigneur! monseigneur! s’écria l’intendant frappé de terreur à cette menace; oh! cried the intendant, struck with terror at this threat; Oh! s’il ne tient qu’à cela que je demeure à votre service, je parlerai, je dirai tout; et si je vous quitte, eh bien, alors ce sera pour marcher à l’échafaud. |||||||||||||||||||||||||||||the scaffold if it be only for me that I remain at your service, I will speak, I will say everything; and if I leave you, well, then it will be to walk to the scaffold.

—C’est différent alors, dit Monte-Cristo; mais si vous voulez mentir, réfléchissez-y: mieux vaut que vous ne parliez pas du tout. "It's different then," said Monte Cristo; but if you want to lie, think about it: it is better that you do not speak at all.

—Non, monsieur, je vous le jure sur le salut de mon âme, je vous dirai tout! "No, sir, I swear it to you on the salvation of my soul, I will tell you everything!" car l’abbé Busoni lui-même n’a su qu’une partie de mon secret. for Father Busoni himself knew only part of my secret. Mais d’abord, je vous en supplie, éloignez-vous de ce platane; tenez, la lune va blanchir ce nuage, et là, placé comme vous l’êtes, enveloppé de ce manteau qui me cache votre taille et qui ressemble à celui de M. de Villefort!... ||||||||||plane||||||||||||||||||||||||||||||| But first, I beg you, stay away from this plane tree; hold, the moon will whiten that cloud, and there, placed as you are, wrapped in that cloak which hides your size and which resembles that of M. de Villefort!

—Comment! s’écria Monte-Cristo, c’est M. de Villefort....

—Votre excellence le connaît?

—L’ancien procureur du roi de Nîmes?

—Oui.

—Qui avait épousé la fille du marquis de Saint-Méran? -Who had married the daughter of the Marquis de Saint-Meran?

—Oui.

—Et qui avait dans le barreau la réputation du plus honnête, du plus sévère, du plus rigide magistrat. |||||bar|||||||||||| And who had in the bar the reputation of the most honest, the most severe, the most rigid magistrate.

—Eh bien, monsieur, s’écria Bertuccio, cet homme à la réputation irréprochable.... “Well, sir,” cried Bertuccio, “that man with an irreproachable reputation ....

—Oui.

—C’était un infâme. “He was an infamous one.

—Bah! dit Monte-Cristo, impossible.

—Cela est pourtant comme je vous le dis. -This is as I tell you.

—Ah! vraiment! dit Monte-Cristo, et vous en avez la preuve?

—Je l’avais du moins. |had|| -I had it at least.

—Et vous l’avez perdue, maladroit? |||lost| -And you lost it, clumsy?

—Oui; mais en cherchant bien on peut la retrouver. -Yes; but by looking well we can find it.

—En vérité! dit le comte, contez-moi cela, monsieur Bertuccio, car cela commence véritablement à m’intéresser.» |||tell||||||||||interest said the Count, "tell me that, Monsieur Bertuccio, for it really begins to interest me."

Et le comte, en chantonnant un petit air de la  Lucia , alla s’asseoir sur un banc, tandis que Bertuccio le suivait en rappelant ses souvenirs. ||||humming|||||||went|sit||||while||||||recalling||memories And the count, humming a little air of Lucia, went to sit on a bench, while Bertuccio followed him, recalling his memories.

Bertuccio resta debout devant lui. Bertuccio remained standing before him.