L'Histoire du Mali : le royaume le plus riche du Moyen Age ?
J'ai joué un peu là et je me demandais...à ton avis c'est quoi la clé de la victoire
dans Rise of Kingdoms ?Pardon monsieur...Pour moi la clé de la victoire, au delà de la
stratégie, c'est aussi des bonnes alliances. Ensemble on est plus fort, l'union fait la
force quoi ! Oh attends ! Regarde c'est Baybars ! Je l'ai vu au nord de la carte grâce au
zoom infini, on pourrait lui demander. Y'a même Léonidas ! Ah ouais ! Alors par contre,
tu devrais former une alliance avec Baybars et Léonidas pour vaincre Ragnar...Parfait
! Mes alliés arrivent ! Il fait quoi Léonidas là ! Il attaque mes troupes ! Il s'est allié
aux vikings ! Et ouais...je sais !
Mes chers camarades bien le bonjour ! Quand on parle Moyen ge, on pense tout de suite
aux châteaux, aux armures, aux paysans occidentaux, à l'église chrétienne, aux croisades,
etc...mais en Afrique, qu'est-ce qu'il se passait pendant ce temps là ? Je vous
propose d'en apprendre un peu plus sur l'Afrique du Moyen ge et de découvrir plus particulièrement
le flamboyant royaume du Mali ! On ne va pas se le cacher, le Mali ancien,
n'est pas très connu dans nos sociétés occidentales. Au mieux, on imagine des mosquées
en banco, ce mélange de terre et de matières végétales dont on fait des briques séchées.
Celles de Tombouctou et de Djenné sont par exemple inscrites au patrimoine de l'UNESCO.
Au-delà de ces rares vestiges, ce royaume ne fait pas partie de notre horizon historique,
tout comme l'histoire africaine en général que l'on résume encore trop à la colonisation
et à l'esclavage. Des sources existent pourtant et il ne faut pas se contenter de
reléguer l'Afrique dans une vision figée sous prétexte que ses sociétés ont produit
moins de textes qu'en Europe ! Le Mali est le royaume médiéval africain
qui a eu la plus grande renommée en dehors d'Afrique. Et pour une très bonne raison
: l'or ! Le Mali est en effet LE fournisseur d'or du monde méditerranéen du XIIIe au
XVe siècle par l'intermédiaire des pouvoirs musulmans installés en Afrique du Nord. Il
est pour cette raison mentionné dans de nombreuses sources littéraires arabes du Moyen ge, mais
ces informations ont plus rarement filtré vers le continent européen. Pourtant jusqu'au
XIVe siècle, les puissances arabes d'Afrique du Nord connaissent mal elles aussi ce qui
se trame sur l'autre rive du désert, au Sud du Sahara.
Et pour cause, le royaume du Mali est apparu un peu subitement dans le monde médiéval
musulman ! En 1324, en Egypte, alors contrôlée par
le sultanat Mamelouk, arrive une étrange caravane. Le roi Mûsâ (Moussa) du Mali,
accompagné de plus d'un millier de ses compatriotes, fait escale sur la route du
pèlerinage de La Mecque. Après avoir traversé plusieurs milliers de kilomètres de désert
à dos de dromadaire, il parvient donc au Caire, capitale culturelle de l'Islam et
plus grande ville du monde en dehors de la Chine à cette époque.
Le roi Mûsâ fait alors forte impression à la cour du sultan. Tous ceux qui l'approchent
vantent sa générosité et sa noblesse ainsi que le strict respect qu'il fait des piliers
de l'Islam. La quantité d'or distribué par le roi Mûsâ à cette occasion leur fait
aussi tourner la tête. Venu avec des chameaux chargés d'or à l'aller, il n'en a
plus lors de son retour de La Mecque. Le roi, doit en emprunter aux marchands égyptiens
avant de repartir au Mali et il leur rembourse plus tard à un taux très supérieur à ceux
du marché. Quand on dit qu'il transportait beaucoup
d'or, ce n'est pas vraiment un euphémisme. On dit que le passage du roi malien par le
Caire aurait provoqué une baisse durable de la valeur de l'or par rapport à l'argent
dans toute l'Egypte tant il en avait apporté. Petite pensée émue pour les chameaux qui
se sont pétés le dos... Cette visite reste pour les Egyptiens du XIVe
siècle un évènement très mémorable, et est à l'origine d'une véritable curiosité
pour l'Afrique subsaharienne. On comprend alors que les plus grands savants musulmans
se soient penchés sur ce fabuleux royaume dans les décennies qui suivent.
Au XIVe siècle les écrits qui évoquent le Mali se multiplient au bord de la Méditerranée.
Les informations concernant ce royaume proviennent essentiellement des marchands sahéliens qui
se rendent sur la côte méditerranéenne et racontent à ceux qui le souhaitent ce
qu'ils ont vu de l'autre côté de la mer de sable. Le mot Sahel qu'on a gardé
pour parler de la région en question, désigne d'ailleurs en arabe « le rivage », l'autre
bord de l'immense mer inhospitalière qu'est le Sahara.
Ces récits de marchands caravaniers sont collectés par des géographes qui tentent,
un peu à la manière des Grecs de l'Antiquité, de décrire le monde jusqu'aux limites du
monde islamique. Parmi eux, trois auteurs du XIVe siècle ont livré des témoignages
importants. Ce sont, par ordre chronologique, Al-Umari, Ibn Battuta et Ibn Khaldun. Sur
ces trois auteurs, seul Ibn Battuta se serait rendu en personne dans le royaume du Mali,
les deux autres se contentant de questionner des personnes originaires de ces régions
ou qui y sont allées. Mais ! Mais ! Ils font au moins l'effort,
rarissime à l'époque, de citer leurs sources. Aujourd'hui y'a des gens qui ne le font
toujours pas, alors respect ! Petite digression, la source européenne la
plus connue concernant le Mali reste l'Atlas catalan, conservé à la Bibliothèque Nationale
de France et qui figure le roi Mûsâ, mort en 1337. Mûsâ y est représenté assis sur
un trône et portant des habits d'or. Le dessinateur lui a également donné tous les
attributs de la royauté européenne : couronne, sceptre à fleur de lys et globe, qui ne sont
bien sûr pas d'usage au Mali. Les informations semblent provenir de la communauté juive
de Majorque où l'atlas a été produit. En effet, une partie des juifs de la ville
de Sijilmâsa au sud du Maroc, qui était en lien direct avec le Mali, ont émigré
à Majorque au XIIIe siècle sur l'invitation du roi Jacques Ier d'Aragon, et avaient
dû conserver des contacts commerciaux avec le Sahara.
Bref, revenons à Ibn Battuta qui passe, d'après ce qu'il dit, huit mois dans la capitale
malienne entre 1352 et 1353. Ce Marocain est l'un des plus grands voyageurs
médiévaux, il a parcouru l'Afrique, la péninsule arabique, l'Asie centrale, l'Inde,
l'Indonésie et la Chine, même si les historiens doutent aujourd'hui de la réalité de tous
ses voyages. Il aurait peut-être emprunté ses descriptions à des marchands, comme les
autres géographes, pour la Chine et le Mali en particulier. Quoi qu'il en soit, il reste
notre source la plus précise pour le Mali du XIVe siècle.
Durant son voyage, il s'est plus attaché à décrire les élites du pays que le mode
de vie de la population, qu'il juge en majorité assez misérable. Il explique que le royaume
dispose de gouverneurs dans les provinces ainsi que de fonctionnaires chargés de percevoir
l'impôt, ce qui correspond à ce qu'il connaît chez lui au Maroc. Ibn Battuta visite
la capitale du royaume et s'établit dans le « quartier des Blancs », soit celui des
marchands méditerranéens installés dans le pays. Après quelques mois, il descend
le fleuve Niger, cœur du royaume, en passant par Tombouctou et Gao, puis retraverse le
désert vers le Nord. Quand on regarde ces écrits, c'est un peu
le touriste avant l'heure. Il parle beaucoup de ce qu'il mange et des petits désagréments
qu'il rencontre, mais il décrit aussi un royaume du Mali dans lequel les voyageurs
peuvent se déplacer en toute sécurité, où règnent l'ordre et la justice.
Il dépeint également quelques aspects de la société malienne notamment lorsqu'il
désapprouve un certain nombre d'us et coutumes, en particulier la nudité partielle des femmes
et les rapports entre personnes non mariées, qui ne correspondent pas aux habitudes arabes.
Aujourd'hui la connaissance du royaume du Mali médiéval, elle s'enrichit de fouilles
archéologiques et du croisement de toutes les sources disponibles. Alors après ce rapide
état des lieux des auteurs du Moyen-âge, on va voir ce qu'on peut y ajouter !
Tout d'abord, il faut bien avouer que le royaume du Mali nous échappe encore en grande
partie. Les lacunes dans nos connaissances ne permettent pas d'en faire un tableau
aussi complet que les pouvoirs européens ou moyen-orientaux de la même période.
Il existe malheureusement très peu de sources écrites par les Maliens eux-mêmes. On conserve
bien des chroniques écrites en arabe par les lettrés maliens au XVIIe siècle, mais
les informations qu'ils mentionnent pour la période qui nous intéresse relèvent
plus de la légende que de l'Histoire. Les chroniques décrivent en particulier l'épopée
de Soundjata, le récit mythique de la fondation du royaume et de son fondateur.
Plus qu'un récit véridique, l'épopée de Soundjata Keita, est un récit généalogique
qui devait servir au clan Keita à affirmer sa primauté sur les autres et renforcer sa
légitimité sur le trône du Mali. Mais si ce récit est légendaire, il livre
tout de même quelques d'informations auxquelles on peut prêter un fond historique.
L'épopée décrit par exemple un espace morcelé politiquement et en proie aux raids
de ses voisins du Nord qui se fournissaient en esclaves dans la population locale des
malinké. L'unification du royaume du Mali par Soundjata aurait ainsi permis de mettre
fin à cette traite esclavagiste et enfin de faire respecter l'ordre.
Le Mali n'est pas le premier État centralisé d'Afrique de l'Ouest, avant lui, on trouve
le royaume du Ghana, qui a unifié de la même manière un territoire de palmeraies aux alentours
de l'an mil dans le bassin du fleuve Sénégal. Le Ghana est intégré au royaume du Mali
vers 1240. Plus à l'Est, le royaume de Gao, situé dans la boucle du fleuve Niger,
contrôlait lui aussi un débouché d'une route commerciale transsaharienne. Appartenant
à l'aire culturelle des Songhay, il est absorbé également par le Mali. Le Mali est
donc une sorte d'entité qui se superpose à d'autres royaumes existants.
On pense aujourd'hui que le pouvoir royal est en fait venu s'ajouter aux chefferies
tribales qui existaient déjà. Le roi aurait pu leur garantir la sécurité en échange
d'un titre prestigieux et du prélèvement de richesses dans leur territoire.
L'organisation politique du royaume semble donc reposer sur un système de vassalité
puisque les sources arabes mentionnent d'autres rois, qui auraient prêté allégeance au
grand roi du Mali. Du coup, ça explique un truc assez simple
: que l'on ne sache toujours pas déterminer précisément l'emplacement de la capitale
centrale du royaume. Bah oui, chaque chefferie avait sa propre capitale, pas évident pour
les chercheurs ! La localisation et même le nom de la capitale
du royaume restent aujourd'hui énigmatiques. La capitale centrale est connue sous le nom
de Biti, Bini, Bani ou encore de nombreuses variantes et elle était sans doute située
sur la rive gauche du fleuve Niger, de manière à mieux contrôler le commerce caravanier,
mais son emplacement précis doit toujours être découvert.
Au moins six propositions différentes ont été faites par des chercheurs africanistes,
en se basant sur la direction et le nombre de journées de voyage indiquées par les
récits de marchands. Malheureusement l'insécurité qui règne aujourd'hui dans la région interdit
tout programme archéologique d'envergure pour partir à sa recherche. Les constructions
en terre crue de la capitale, connues par les descriptions écrites, ont mal résisté
au passage du temps, mais le climat aride laisse tout de même l'espoir d'en retrouver
une partie. Il faut ajouter à ça que l'état de l'archéologie
de la région n'est pas très brillant. La période coloniale a vu très peu d'études
sur le passé de l'Afrique de l'Ouest, imaginant ces sociétés comme figées dans
l'Histoire, comme si elles n'avaient jamais évoluées. Elle s'intéressait bien plus
aux peuples qui conservaient au XXe siècle de forts particularismes culturels, comme
les Dogon. En plus de ça, le marché de l'art africain,
qui existe depuis longtemps, encourage le pillage des sites, ce qui empêche la collecte
d'informations. Dans les rares régions où des recherches
précises ont pu être entreprises, comme dans les alentours de Djenné, de nombreuses
buttes, vestiges d'habitat en terre ont pu être repérées, ainsi que de nombreux
tumulus qui sont les sépultures des élites locales.Le territoire contrôlé par le royaume
du Mali s'étend à son apogée, au XIVe siècle, sur une grande partie de l'Afrique
de l'Ouest, du rivage du Sénégal jusqu'à la boucle du Niger. Le royaume est peuplé
de populations très différentes, parmi lesquelles des malinké, bambara, wolof, peul, berbères,
songhay, dogon et bien d'autres… La langue arabe constitue alors l'équivalent du latin
en Europe, elle sert de langue commune, utilisée en particulier pour l'administration.
La grande majorité du territoire est située dans la zone climatique sahélienne, c'est-à-dire
semi-désertique. Le paysage est celui d'une savane arborée où dominent l'acacia, le
baobab et le karité. Les activités d'élevage transhumant y dominent, mais les populations
vivent aussi de l'agriculture du mil, du sorgho, du riz et du fonio grâce aux fleuves
qui traversent la région et qui permettent de pratiquer l'irrigation. Les cultures
céréalières sont complétées avec des courges et des haricots. Il ne faut pas oublier
non plus la pêche sur le Niger, dans laquelle sont spécialisées plusieurs ethnies.
Il faut bien comprendre que toute agriculture reposant sur les eaux de pluie est impossible.
Mais le Sahel devait quand même présenter au XIVe siècle un visage un peu plus « vert
» qu'aujourd'hui. Les déboisements récents ont beaucoup contribué à son assèchement.
Nous le constatons, le royaume du Mali est loin d'être pauvre, mais sa richesse la
plus importante reste l'or. Il tient une grande place dans les échanges commerciaux
avec l'extérieur. Sa pureté était reconnue dans l'ensemble du monde méditerranéen
et l'or du Mali était pour cette raison très recherché pour frapper des monnaies.
Malgré l'attrait qu'il génère et l'intérêt qu'il suscite, l'or reste pourtant pratiquement
absent des récits des géographes arabes. En effet, ni les marchands qui servent d'informateurs
ni le voyageur Ibn Battuta n'ont pu approcher des gisements. Le royaume du Mali, qui fonde
sa puissance sur le métal précieux, garde jalousement le secret de son origine. On a
d'ailleurs toujours très peu d'informations à leur sujet, même si on peut supposer qu'une
partie des gisements actuellement exploités devaient l'être aussi au Moyen-âge.
Une chose est sûre, c'est que plusieurs régions pratiquaient l'exploitation aurifère,
du Sénégal à l'Ouest jusqu'à l'actuel Burkina Faso à l'Est. Cette exploitation
semble avoir été plutôt villageoise et familiale, soit dans les rivières pour récolter
des paillettes soit dans des puits creusés pour suivre des filons. Le rôle du royaume
du Mali est alors sans doute plus celui d'un courtier que d'un exploitant. Le pouvoir
en place n'organise pas la production mais se contente de percevoir une rente sur les
marchandises qui transitent par son territoire.
C'est moins chiant à mettre en place en même temps, j'aurai fait pareil...
Le Mali fournit donc le monde musulman en or mais aussi en esclaves capturés plus au
Sud. L'or, en transitant par l'Espagne, zone de contact entre la chrétienté et l'islam,
fournit aussi l'Europe occidentale. Ce rôle de fournisseur était assuré par le royaume
du Ghâna jusqu'à sa destruction en 1076 par les Berbères, et donc repris par le Mali
à partir du XIIIe siècle. En échange, parviennent de nombreux produits recherchés. Parmi eux,
le sel du Sahara provenant des salines de Teghaza (dans l'extrême-Nord du Mali actuel),
à mi-chemin entre le sultanat du Maroc et le royaume du Mali. Sont vendus également
des étoffes, du parfum, du cuivre, des perles de verre ou des coquillages. Ces derniers,
des cauris ramassés aux Maldives notamment, servent de monnaie.
Mais les traces de commerce entre le montage subsaharien et le monde méditerranéen remontent
au delà du Moyen ge. Même si on a pas beaucoup de matériel, on sait qu'ils commerçaient
déjà avec les romains de l'antiquité !
Quelques perles de verre typiques de l'artisanat romain ont en effet été retrouvées dans
des sépultures d'Afrique de l'Ouest. Les routes commerciales à travers le désert
ne suivent pas d'itinéraire marqué par des voies aménagées, mais elles relient
plutôt des points d'eau, plus ou moins bien entretenus. Elles ont ainsi très peu
changé à travers les âges, et les villes situées en bout de route ont conservé longtemps
leur position avantageuse. Deux mois de voyage harassant sont nécessaires
pour traverser le Sahara. Les chameaux sont engraissés des mois à l'avance pour supporter
la traversée. On boit de l'eau saumâtre dans les quelques puits qui jalonnent la route,
et tout écart peut vite être mortel. Arrivés à Oualata, première ville contrôlée par
le royaume, les marchands doivent encore marcher vingt-quatre jours s'ils veulent rejoindre
la capitale du Mali.
Fallait être motivé quand même... Ibn Battuta décrit dans son récit un système
de douane. Tous les marchands qui passent à Oualata, dans le sud de la Mauritanie actuelle,
doivent se présenter devant le farba, titre local pour désigner le gouverneur. L'homme
est assis à l'ombre entouré de gardes armés et les marchands viennent lui rendre
hommage dès leur arrivée. Les biens transportés sont mis sous la garde de soldats du Mali
et l'Etat en prélève une partie. La ville de Oualata, à l'extrémité de la route
du désert, constitue donc un véritable poste frontière du royaume du Mali.
L'économie du royaume est donc prospère mais totalement dépendante des débouchés
au Nord du Sahara. Et ça, c'est un réel danger pour eux ! Il n'y a jamais eu d'investissements
sérieux pour contrôler les routes du grand commerce extérieur. Elles restent fréquentées
par les marchands originaires de la Méditerranée mais pas par les Maliens. Le pouvoir ne prend
jamais la mesure du risque que ça lui fait courir : le fait que ce commerce vital pourrait,
un jour, être détourné par la concurrence. Une fois que les marchandises sont dans le
pays, elles transitent par un réseau interne au Mali qui sert à les redistribuer sur tout
le territoire. Le groupe des marchands locaux, en charge de ce commerce interne, se distingue
du reste de la société par l'adoption de la religion musulmane.
Et ça peut s'expliquer facilement puisque leurs contacts avec les marchands méditerranéens
ont sans doute favorisé leur conversion. Le résultat, c'est que les souverains du
Mali, pour contrôler ces transactions et profiter de cette rente, ont également dû
juger plus judicieux d'adopter cette religion étrangère. La lignée régnante au Mali
au XIVe siècle avait donc choisi l'Islam et bâti de grandes mosquées et institutions
religieuses, ce qui contribuait à son prestige de l'autre côté du Sahara.
Mais on comprend bien qu'il s'agit là d'un calcul politique et économique, il
est assez vraisemblable que la majorité de la population ait conservé des croyances
autochtones et les rituels officiels de la cour mélangeaient probablement les religions
musulmane et locale. Au XVe siècle, les sources arabes se taisent au sujet du Mali. Cela correspond
au déclin du royaume à cette époque. En effet, à la fin du XVe siècle la région
orientale du royaume, soit la région peuplée par les Songhay, s'émancipe. Le roi de
Gao qui règne déjà sur une grande partie de la vallée du bas Niger, affirme son indépendance
et conquiert une partie du territoire du Mali. Au XVIe siècle, le Songhay se substitue complètement
au pouvoir malien pour fédérer les peuples de la région et étend même sa domination
au-delà des anciennes frontières, dans toutes les directions.
Et ce déplacement du pouvoir vers l'Est, en pays Songhay, correspond à l'arrivée
des Portugais sur les côtes et donc à l'affaiblissement des routes transsahariennes de l'Ouest.
L'arrivée sur les côtes africaines des navires portugais détourne les routes commerciales,
et l'or est désormais convoyé vers la mer, plus vers le désert. C'est balot !
Les royaumes de la côte du Golfe de Guinée sont ainsi renforcés au détriment du royaume
du Mali et du Songhay qui déclinent rapidement au XVIe siècle.
Malgré sa rapide ascension, l'empire Songhay ne dure donc que très peu de temps. En plus
de ce court-circuitage économique, il est aussi victime d'une étonnante expédition
marocaine en 1590 qui traverse le Sahara et s'empare de Tombouctou et Gao, sur le fleuve
Niger. Une élite marocaine est maintenue sur place quelques temps, sans que l'on
puisse parler de colonisation durable. La grande époque d'un royaume puissant et
unifié en Afrique de l'Ouest est terminée, les chefferies locales redeviennent indépendantes
et notre connaissance se brouille pour plusieurs siècles.
Tout ce que l'on peut souhaiter aujourd'hui, c'est la fin de l'insécurité dans la
région du Sahel, et le retour de programmes archéologiques assez ambitieux pour compléter
ce que les textes historiques ne nous disent pas. Avec un peu de chance, on finira peut-être
enfin par mettre la main sur la capitale du plus prestigieux royaume d'Afrique ancienne.
Merci à tous d'avoir suivi cette émission, merci à Lucas Pacotte qui m'a aidé à
la préparer. Comme d'habitude, quelques conseils de lecture en description si vous
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